Source : www.reporterre.net
A la menace, les écologistes répondent par la démocratie
Barnabé Binctin et Lorène Lavocat (Reporterre)
vendredi 9 janvier 2015
Après l’abasourdissement, des questions émergent de nos larmes : que répondre à l’horreur ? Que dire, que faire face à la barbarie et l’obscurantisme ? Comment résister aux sirènes trompeuses de la peur et de la haine ? Avancer avec prudence, ne pas se tromper de combat... et proposer un autre modèle de société, répondent les mouvements de gauche-écologiste.
Appels au rétablissement de la peine de mort, attaques contre les mosquées, etc. Au lendemain de l’attaque contre Charlie Hebdo, un risque se fait jour ; celui d’une descente vers les pans glissants de la violence et de la xénophobie. « Oui, la France pourrait être submergée par un flot tumultueux de passions et de haine », prévient Jean-Luc Mélenchon, membre du Parti de gauche. Le risque, pour Barbara Romagnan, députée PS frondeuse, serait ainsi de tomber dans le piège qui se tend : « Il ne faut pas entrer dans la logique de ceux qu’on dénonce. Non, la France n’est pas en guerre ».
Pourtant, les dizaines de milliers de personnes réunies spontanément partout en France crient le contraire : « Vive la France unie ! ». Pierre Larrouturou, co-fondateur de Nouvelle Donne, garde confiance : « Notre pays est solide, la République aussi ». Présent aux manifestations du mercredi puis du jeudi soir, Christophe Najdovski, conseiller municipal écologiste à la Ville de Paris, voit dans ces hommages collectifs une « saine réaction » : « Alors que le peuple dit de gauche sombrait dans l’atonie, ces rassemblements montrent qu’il reste une vraie capacité de mobilisation ».
Afin d’éviter tout dérapage, un maître mot : la prudence. « Il nous faut aussi respecter un temps pour le deuil et l’humilité », rappelle Julien Bayou, porte-parole d’Europe-Ecologie-les-Verts. « Attention aux mots, attention aux discours, pour ne pas enclencher une logique de guerre civile », insiste Jean-Luc Mélenchon. « La première vertu, c’est le discernement, car on est sur une ligne de crête ».
"Les vrais combats sont sociaux et écologiques"
A l’heure où certaines peurs pourraient être savamment instrumentalisées, les responsables politiques veulent désamorcer les amalgames. « Il ne faut pas se tromper de combat. Une guerre contre le terrorisme, oui, peut-être, mais les vrais combats sont sociaux et écologiques, ce sont d’abord le chômage et le changement climatique » nous assure Pierre Larrouturou. De son côté, Jean-Luc Mélenchon réfute le terme-même de terrorisme : « C’est un assassinat politique. Il ne s’agit pas d’un choc de civilisation, mais bien d’obscurantisme ».
Toutefois, l’urgence de la situation impose une certaine fermeté face aux actes commis. Pas question de faire preuve de laxisme, pour Christophe Najdovski, mais bien plutôt d’ « esprit de responsabilité, en pareilles circonstances exceptionnelles ». Exemple ? Le plan Vigipirate. « Il est absolument nécessaire, estime Julien Bayou. Il faut pouvoir faire face, en arrêtant d’abord les terroristes puis en les menant en justice ».
Beaucoup redoutent cependant une recrudescence de lois liberticides en effet-rebond : « J’ai une crainte : que cette tragédie serve de prétexte à des lois liberticides. Nous n’avons pas besoin d’une énième loi anti-terroriste », s’alarme Barbara Romagnan. « Il faut se concentrer sur la défense des libertés publiques. Le délire sécuritaire n’est pas la réponse ». D’autant que leur efficacité est sérieusement remise en cause : « Les mesures ultra-sécuritaires se sont accumulées ces dernières années sans que rien ne change » rappelle Julien Bayou.
On insiste au contraire sur l’amélioration du travail de prévention. Dans les rangs d’EELV, on veut répondre par le modèle norvégien, en paraphrasant pour l’occasion Fabian Stang, maire d’Oslo à l’époque des attentats d’Anders Breivik : « La punition sera plus de générosité, plus de tolérance, plus de démocratie ».
Concrètement ? Une mesure comme le vote des étrangers devrait être exhumée du carton des promesses présidentielles, à l’heure où une partie de la population peut se sentir « déconsidérée » poursuit Julien Bayou. « Ce n’est pas une réponse unique, mais une partie du désarroi actuel vient clairement de ce sentiment de ’citoyens de seconde zone’ ». Même son de cloche du côté de Pierre Larrouturou : « Ce n’est pas en ostracisant une partie des Français qu’on réglera le problème ».
Place de la République, Marie Toussaint, militante de la nouvelle génération d’écologistes, place la cohésion sociale comme la première des priorités : « L’intégration de tous est un principe fondamentalement écologiste. Quand on se bat pour que tout le monde puisse vivre sur la planète, on se bat certes pour la préservation des ressources, mais aussi pour le vivre-ensemble », prônant l’empathie comme valeur cardinale.
La racine : une société qui fabrique des malades
« En novembre prochain, ce sera les dix ans de la dite ’crise des banlieues’ de 2005 », se rappelle-t-elle. Un signal que le vivre-ensemble était en danger. Malgré tout, « on a continué d’y répondre par un discours sécuritaire, alors que le problème est ailleurs : ce sont les inégalités ».
« Notre société fabrique des malades », s’exaspère Barbara Romagnan. Un avis partagé par Pierre Larrouturou : « Ce qu’exprime aussi cette attaque, c’est la souffrance, profonde, anthropologique qu’il y a dans notre société. Et c’est en grande partie notre système capitaliste qui la crée ». Lui pointe aussi la responsabilité de ceux qui nous gouvernent. « Les dirigeants actuels, incapables d’agir, font preuve de médiocrité, de mensonges ».
La réponse à la barbarie passe donc aussi par un changement de modèle...
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