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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 19:00

 

Source: http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Dépression 11/07/2015 à 18h33
« Des milliers de Grecs se sont suicidés plutôt que de subir la crise »
Ismaël Mereghetti | Journaliste
Daphnée Breytenbach | Journaliste

 

 

(D’Athènes) La Grèce est en crise psychologique, un mal moins quantifiable que l’austérité mais qui mine et bouleverse profondément le quotidien de la population. Rencontre avec Katerina Valavanidi, 36 ans, psychologue-psychothérapeute à Athènes.

 

Katerina Valavanidi, 36 ans, psychologue-psychotérapeute à Athènes (DR)

 

Rue 89 : Les difficultés économiques de la Grèce depuis 6 ans ont-elles provoqué une hausse des maladies mentales ?

Katerina Valavanidi : La crise a eu un double effet : d’une part à cause du stress qu’elle provoque, elle a aggravé le cas des personnes déjà fragilisées psychologiquement, les bipolaires ou les schizophrènes par exemple, mais elle a aussi fait naître des pathologies chez les autres. Le nombre de patients a augmenté de manière considérable, alors que paradoxalement beaucoup de départements destinés à soigner les maladies mentales ont fermé dans les hôpitaux publics, faute de moyens. Et comme les consultations privées coûtent bien souvent trop cher, certains patients ne trouvent malheureusement secours que dans le suicide. La Grèce avait l’un des taux de suicide les plus bas d’Europe avant 2009, il a grimpé en flèche depuis, des milliers de Grecs ont préféré se donner la mort plutôt que de subir cette crise.

Quelles situations rencontrez-vous au quotidien ?

La crise a complètement destructuré la famille grecque. Beaucoup de gens viennent me voir pour des problèmes de couple. L’homme a perdu son travail, se sent inutile et a l’impression de ne plus assumer son rôle de chef qui subvient aux besoins des siens. Dans une société méditerranéenne comme la nôtre, teintée d’un certain « machisme », cette impuissance est vécue comme une castration. Les divorces et les séparations se multiplient.

On retrouve ce phénomène chez les jeunes générations également, encore plus touchées par le chômage. Bon nombre de couples de gens de 25 ou 30 ans voient leurs relations s’arrêter à cause de la crise : sans emploi, ils ne peuvent emménager ensemble, et doivent retourner vivre chez leurs parents. Un retour perçu comme une régression humiliante, très difficile à gérer à la fois pour eux mais aussi pour leurs parents.

Car en Grèce plus qu’ailleurs, il existe une véritable symbiose filiale. La mère grecque est un cliché vivant, elle est prête à tout donner pour son enfant. Le problème c’est que les caisses sont vides et il n’est pas rare de voir une famille entière vivre grâce à un seul salaire. Là encore, l’incapacité pour la mère ou le père de jouer son rôle de parent ultra protecteur « à la grecque » entraîne de profonds malaises et brise un schéma culturel ancestral.

Dans quel état mental se trouve la société grecque dans son ensemble ?

Pour parler de la crise, les économistes emploient régulièrement le terme de « dépression ». C’est une notion que l’on peut reprendre au niveau psychologique : les Grecs sont profondément déprimés. Et cet état s’explique par l’histoire récente de la Grèce. Il n’y a pas si longtemps, le pays était pauvre et son développement était encore très parcellaire. L’euro est arrivé en 2001 et a marqué le début d’une période glorieuse. L’argent des banques coulait à flot, tout le monde empruntait facilement pour acheter des maisons, des voitures. Si le peuple grec avait été un enfant, on pourrait parler « d’enfant-roi », à qui on ne fixe aucune limite, qui obtient tout ce qu’il veut. Il a un sentiment de toute-puissance, malsain pour l’équilibre mental.

Mais le pire c’est que ce sentiment a été brutalement détruit par l’apparition de la crise. On a fixé du jour au lendemain des règles extrêmement strictes à « l’enfant-roi », qui est passé du statut d’être choyé à celui d’être abandonné. Sa mère ne le couve plus, ce qui suscite colère et angoisse. Il se sent démuni et culpabilise, puis tombe dans la dépression. C’est ce qui est arrivé au peuple grec avec sa « mère », l’Etat.

Au moment de l’élection d’Alexis Tsipras en janvier dernier, on a beaucoup entendu parler d’un profond espoir de changement et de la « dignité retrouvée des Grecs ». Cette élection a-t-elle permis de lutter contre cette dépression collective ?

Pour poursuivre la comparaison, Alexis Tsipras a pu représenter l’image du père, du héros. Pour tous les enfants, le papa est un sauveur, il incarne l’autorité certes, mais également la justice. Le souci, c’est que ce papa a ouvertement montré son impuissance à son fils. Ces cinq derniers mois de négociations stériles, qui ont retardé le changement tant attendu, ont mis à terre l’image du sauveur et ont aggravé l’état de dépression diffus dans la conscience collective. Face à l’incapacité de faire changer les choses, le sentiment de vulnérabilité s’est accru. Les Grecs n’ont plus ni mère ni père, ils sont orphelins. « Deuil et mélancolie » comme dirait Freud, cela résume bien la situation mentale de la population.

Pourtant, à en juger par l’attitude passionnée des Grecs pendant la campagne du référendum, il semble rester de l’énergie dans le pays ?

Les Grecs gardent des séquelles de la guerre civile. Ce qui implique à la fois une forte polarisation droite-gauche, et surtout cette capacité à monter au front très rapidement et énergiquement pour défendre son camp. On a retrouvé ce tempérament au moment du référendum, il est dans l’ADN de la société hellène.

Mais la volte-face opérée à la suite du vote a anéanti la dynamique. En pleine reconstruction mentale, une telle déception s’apparente à de la torture psychologique. Encore une fois, cela va créer un sentiment d’inadéquation au monde environnant, les Grecs vont se dire : « on veut changer changer les choses, on essaye de le faire, et ça ne fonctionne pas ».

Pour tout être normal et équilibré, il y a fort à parier que ces désillusions ne peuvent que mener à la dépression. Et cette dépression se double de pathologies comme la paranoïa par exemple. Des gens se mettent à croire à des théories conspirationnistes, pensent que les autorités aspergent les villes de sédatifs pour endormir le peuple... Une déraison que les clichés véhiculés à l’international sur les Grecs viennent exacerber : certains patients se sentent littéralement pris au piège d’étiquettes fausses -« paresseux », « voleurs » - qui les marginalisent, leur font perdre une grande part de confiance en eux et nourrissent des discours complotistes.

Comment soigner la société grecque ?

La crise est loin d’être terminée malheureusement, et les Grecs ne retrouveront pas de sitôt l’hédonisme qui les caractérisait, cette faculté à se réjouir des petits bonheurs du quotidien, un bon verre de vin ou un bon plat... Malgré tout, ils tentent de se soigner par eux-mêmes, en étant solidaires et en s’entraidant. C’est le meilleur anti-dépresseur et le seul qu’il reste vraiment : en aidant les plus démunis, on retrouve le contrôle de soi-même, une utilité, et on redonne du sens à son existence. La société finit toujours par s’adapter aux pires difficultés et développer une créativité salvatrice. Même avec des larmes dans les yeux, les Grecs gardent une chanson au fond de leur cœur. L’espoir ne disparaît jamais...

 

 

Source: http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 17:17

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Pourquoi Hollande veut garder la Grèce dans la zone euro

|  Par Lénaïg Bredoux

 

 

 

Le président français répète depuis son élection qu’il est opposé à un « Grexit ». Non pas en raison des risques économiques – « Les marchés ont banalisé la question grecque », explique à Mediapart Michel Sapin – mais pour ne pas être un des fossoyeurs du projet européen et pour des raisons géopolitiques.

 

La France ne veut pas d’un “Grexit”. Ces derniers jours, elle multiplie les initiatives diplomatiques pour l’éviter : Angela Merkel était à Paris lundi soir pour permettre la reprise des négociations ; Michel Sapin est parti jeudi à Francfort pour rencontrer Wolfgang Schäuble et, selon plusieurs sources confirmant une information du Guardian, la France a dépêché plusieurs hauts fonctionnaires auprès du nouveau ministre grec des finances Euclide Tsakalotos pour préparer les mesures que la Grèce doit présenter à ses créanciers. « On ne ménage pas notre peine et on le fera jusqu’au bout », explique-t-on à l’Élysée. « Nous parlons à tout le monde », dit le ministre français des finances.

 

Angela Merkel, François Hollande et Alexis Tsipras le 7 juillet à BruxellesAngela Merkel, François Hollande et Alexis Tsipras le 7 juillet à Bruxelles © Reuters
 

Jeudi, le séminaire du gouvernement, réuni à Matignon, était aussi quasi exclusivement consacré à la Grèce. « Cette fois, la France est au centre du jeu. Nous sommes les seuls à pouvoir parler à tout monde. C’est justement le rôle d’une diplomatie. Contrairement à ce que croit Nicolas Sarkozy, ce n’est pas de sortir le revolver pour faire croire qu'on est le plus fort », estime Matthias Fekl, secrétaire d’État au commerce extérieur auprès de Laurent Fabius. « Ce n’est pas un sujet technique. Là, la technique n’a même aucun sens, explique un autre des participants, sous couvert d’anonymat. Ce n’est pas l’Europe des petits comptables qui peut changer la donne. C’est la dignité d’un peuple qui est en jeu, l’avenir de l’Europe, nos frontières à l’Est et au Sud. Cela dépasse les tableaux Excel des technocrates. »

Au gouvernement, à Matignon et à l’Élysée, tous semblent d’accord : il faut tout faire pour maintenir la Grèce dans l’euro. Pour l’histoire, d’abord. « La France a toujours cherché à faire avancer l’Europe et je ne vais pas ne pas être conforme à cette histoire, et à la place de la France, j’allais dire presque à sa dignité », a affirmé François Hollande, mardi soir à Bruxelles, après un énième Eurogroupe. Il croit à ce « projet européen », « cette belle idée », « ce vieux rêve, devenu une réalité, (…) une magnifique construction », selon les mots du premier ministre Manuel Valls. 

François Hollande l’a toujours assumé : l’Europe est son horizon politique. Toutes ces années, il a rappelé son attachement à Jacques Delors, du moins à ce qu’il représente, lui qui a commencé son parcours militant dans les clubs “Témoins” de l’ancien président de la Commission. Pour le chef de l’État, le départ de la Grèce de la zone euro, voire de l’Union européenne, serait d’abord une catastrophe politique. « Notre génération, c’est de ne pas faire en sorte que nous connaissions la dislocation de l’Europe », a également prévenu Manuel Valls mercredi. « La France ne raisonne pas à court terme, explique-t-on aussi à l’Élysée. L’Europe est un projet qui se déploie sur plusieurs décennies, qui nous dépasse tous et mérite d’être défendu en tant que tel. C’est l’intérêt général européen. » Un proche du chef de l’État résume : « Il faut savoir prendre une responsabilité historique. »

L’attachement européen de François Hollande n’est pas seulement idéologique : il correspond aussi à sa manière de faire de la politique, de la concevoir. La machinerie bruxelloise, dont il s’est souvent plaint en privé (la lenteur, les petits pays qu’il faut prendre en compte, etc.), et la culture du compromis entre la gauche et la droite qui règne à Bruxelles et Strasbourg ne détonnent guère avec le caractère et la ligne politique du chef de l’État. Il ne croit pas au rapport de forces et à la mise en scène du combat politique. Il croit à l’alignement progressif des intérêts entre gens raisonnables.

De ce point de vue, la stratégie radicalement politique d’Alexis Tsipras lui est totalement étrangère. Tout comme l’idée que le « couple franco-allemand » puisse être dépassé. Son ancrage est fondamentalement celui de l’axe Paris-Berlin, par nécessité, par idéologie et aussi parce qu’il est politiquement persuadé de la pertinence d’une grande partie des mesures mises en place en Allemagne depuis l’agenda 2010 de Gerhard Schröder. « Penser que l’Europe peut avancer en tapant sur l’Allemagne est une hérésie », dit aussi un ministre du gouvernement.

 

 

Depuis son élection, François Hollande défend sa méthode et jure que, contrairement à ce que pensent le Front de gauche, les écologistes et l’aile gauche de son parti, il a davantage obtenu de la chancelière Angela Merkel que s’il avait choisi la « confrontation ». Mardi soir, à Bruxelles, le président a de nouveau cité le pacte pour la croissance de 2012 (pourtant très faible), l’union bancaire, la politique monétaire de la BCE. « De même que sur l’affaire grecque, j’ai passé combien de soirées, encore tout à l’heure, avec la chancelière et le premier ministre Tsipras, pour essayer de faire aboutir une solution. Personne ne pourra dire que les Allemands et les Français n’ont pas agi », a insisté le président de la République, mardi. Parions qu’en cas de “Grexit”, il le redira.

« La France cherche toujours l’accord, le compromis, la France, elle l’a toujours fait, c’est sa place dans l’Europe, c’est sa place historique dans l’Europe », a même lancé François Hollande. Son premier ministre ne dit pas autre chose : « Son rôle, celui de la France, c’est le compromis. Ce n’est pas casser, exclure, renverser la table. » L’argument a l’avantage, aux yeux de l’exécutif, de justifier à la fois sa politique européenne et sa politique intérieure bien davantage centriste qu’ancrée dans la tradition socialiste.

 

«Une fois que c’est parti, vous ne savez pas où ça s’arrête»

Mais au-delà de ces déclarations de bonnes intentions, l’exécutif français insiste désormais sur les risques géopolitiques en cas de sortie de la zone euro, voire de l’Union européenne. « Le maintien de la Grèce dans l’euro, et dans l’Union européenne, c’est aussi un enjeu géostratégique et géopolitique de la plus haute importance », juge Manuel Valls. C’est même un des premiers arguments qu’il a utilisés mercredi devant les députés, citant « nos relations avec la Turquie, aux Balkans toujours fragiles, aux tensions à la frontière Est de l’Europe ». En mai dernier, la Macédoine semblait même au bord de la guerre civile (lire l’enquête de Jean-Arnault Dérens).

Le premier ministre a également évoqué les liens de la Grèce « avec la Russie et le monde orthodoxe », alors que Tsipras a multiplié les échanges avec Vladimir Poutine depuis son arrivée au pouvoir, les migrants et bien sûr l’appartenance du pays à l’Otan qui en fait « l’avant-poste européen d’un Proche-Orient en plein embrasement ». « La Grèce est une des frontières de l’Europe, proche de la Turquie et des Balkans », insiste-t-on aussi à l’Élysée.

 

 

 

Le discours de Manuel Valls à l'Assemblée mercredi

Jacques Delors (encore lui) a insisté sur ces aspects dans une tribune publiée par le Financial Times le 5 juillet qui a eu beaucoup d’écho à Bruxelles. « Nous devons voir la Grèce comme un pays au cœur des Balkans, une zone dont l’instabilité n’a pas besoin d’être alimentée, à l’heure d’une guerre ouverte en Ukraine et en Syrie, et d’une menace terroriste grandissante – sans même parler de la crise migratoire », écrit-il.

Ce sont les mêmes inquiétudes qui conduisent les autorités américaines à encourager tant qu’elles peuvent la conclusion d’un accord entre la Grèce et ses créanciers. « Nous continuons à encourager l'ensemble des parties à participer de manière constructive aux discussions », a déclaré mardi Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain, appelant une nouvelle fois à un compromis. Depuis le référendum grec de dimanche, Barack Obama s’est entretenu avec Alexis Tsipras, Angela Merkel et François Hollande. Selon la Maison Blanche, Obama et Hollande ont évoqué « l'importance de trouver la voie à suivre pour permettre à la Grèce de reprendre les réformes et de retourner vers la croissance (...) à l'intérieur de la zone euro », reconnaissant « que cela va nécessiter des compromis difficiles de tous les côtés ».

Reste la boîte noire du raisonnement français : les risques financiers d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Hollande et Valls répugnent à les évoquer. Ils se sont parfois contredits, l’un disant qu’ils étaient nuls, l’autre s’en inquiétant. « Ce n’est pas le premier argument, ce n’est pas le sujet. On n’est pas des boutiquiers ou des comptables », insiste l’Élysée. Il y a peu, un ministre glissait pourtant sous couvert du off : « On risque d’arriver à quelque chose dont personne ne connaît les effets. » Le président français a tout de même estimé mardi que « la France défend ses intérêts aussi en faisant en sorte que ce soit l’option de l’accord qui l’emporte ». Il a notamment évoqué le « problème des prêts, des liquidités qui ont été apportées et des conséquences que cela aurait sur un certain nombre d’échanges ».

« Objectivement, les conséquences de court terme (d'un Grexit) sont extrêmement minimes », explique à Mediapart Michel Sapin, le ministre des finances. Pour Paris, un “Grexit” ne provoquerait pas de cataclysme économique et financier immédiat : « L’Europe est beaucoup plus forte aujourd’hui pour se protéger, avec le MES [mécanisme européen de stabilité] et avec l’union bancaire, estime Michel Sapin. Et la France est beaucoup plus forte qu’en 2010 ou en 2011. »

La France n’est pas non plus très inquiète d’une éventuelle remontée des taux d’intérêts en cas de sortie de la Grèce de la zone euro : « Les marchés ont banalisé la question grecque », juge Sapin. Le ministre n’est pas davantage paniqué par les pertes pour les finances publiques françaises. Un récent rapport du Sénat avance pourtant un montant total de 65 milliards d’euros d’exposition. Mais en citant aussi bien le prêt bilatéral consenti par la France à la Grèce à hauteur de 11,4 milliards que l’engagement de la Banque de France auprès de la BCE et que les prêts consentis via le Fonds européen (FESF). Cette présentation est un peu « bébête », ironise Michel Sapin. « On ne peut pas additionner des expositions directes et indirectes et des sommes parfois remboursables jusqu’en 2057. Ou alors il faudrait diviser le montant par année. C’est un peu comme Nicolas Sarkozy qui parle de 2 300 euros par foyer français », balaie le ministre des finances.

En revanche, Bercy est bien plus soucieux des répercussions en chaîne que pourrait avoir une sortie de la Grèce de la zone euro. Si les marchés financiers ont anticipé un défaut grec, ils risquent de guetter le prochain pays fragilisé, et de profondément le déstabiliser. « Notre crainte réside dans l’effet de second tour, explique Michel Sapin. Les tensions sur des pays périphériques peuvent provoquer un ralentissement de croissance dans ces pays, et donc ensuite dans l’ensemble de la zone euro. » Un scénario dont l’Europe et tout particulièrement la France n’ont franchement pas besoin.

« Un Grexit montrerait que la zone euro n’est pas stable, explique un autre ministre du gouvernement. On risquerait de voir apparaître des tendances centrifuges, avec la Grande-Bretagne ou l’extrême droite dans des pays de l’Est de l’Europe ou chez nous… Une fois qu’on voit que l’euro n’est pas fort, pas protecteur et pas durable, on ouvre la boîte de Pandore. » Puis : « Une fois que c’est parti, vous ne savez pas où ça s’arrête. »  

« On a besoin de confiance, de visibilité, et pas d’attentisme. Sinon nous aurons encore des décisions d’investissements reportées », et donc une croissance plus faible, juge le ministre des finances. Pour François Hollande, c’est crucial : la présidentielle est dans deux ans et il sait que, sans un bilan économique meilleur et une baisse du chômage, il pourra rentrer en Corrèze. Mais dimanche déjà, on saura si sa stratégie a contribué à sauver la zone euro. Ou si sa réticence à la confrontation aura eu définitivement raison de l'influence de la France en Europe.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 20:54

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Emancipation

En Syrie, une expérience de démocratie directe, égalitaire et multiconfessionnelle tient tête à l’Etat islamique

par

Les médias occidentaux relaient abondamment les décapitations, les appels au meurtre et les exactions perpétrés par Daech, le pseudo « Etat islamique ». Pourtant, face à cette barbarie, les populations kurdes, arabes ou yézidis de la région de Rojava, au nord de la Syrie, mettent en oeuvre un autre modèle de société, émancipateur, égalitaire, multiconfessionnel, et très démocratique. Une expérience qui pourrait même servir d’inspiration pour ramener la paix dans la région. En attendant, les Kurdes et leurs voisins combattent pour défendre cette utopie concrète, sans véritable soutien international. Entretien avec des chercheurs et activistes qui en reviennent.

Photo : © Michalis Karagiannis

 

Les raisons d’espérer sont rares en provenance de Syrie. Mais en janvier 2015, le monde découvre, ébahi, les images de femmes kurdes en treillis qui participent à la résistance puis à la libération de la ville syrienne de Kobané. Un mouvement démocratique et anti-patriarcal vient de défaire les forces ultra-réactionnaires de l’État islamique, victorieuses ailleurs. Deux modèles de société radicalement différents se font face. Car le Kurdistan syrien fait l’expérience depuis 2011 d’une révolution démocratique inédite.

Assez vite débarrassé des forces du régime de Bachar el-Assad, le mouvement de libération kurde y a développé une organisation politique basée sur la démocratie directe, l’organisation en communes et la libération des femmes. Malgré la guerre, les attaques de l’État islamique (EI), l’embargo turc, sur fond d’indifférence de la communauté internationale, la région poursuit la mise en pratique de ce confédéralisme démocratique, un modèle de société multiconfessionnelle et multi-ethnique, sans État, pour l’émancipation de tous. Entretien avec Ercan Ayboğa et Michael Knapp, co-auteurs de Revolution in Rojava, ouvrage d’enquête militante sur cette révolution en cours au milieu du chaos syrien.

Basta ! : Ce qui se passe depuis 2011 dans la région syrienne de Rojava (au nord de la Syrie, à la frontière avec la Turquie), représente-t-il le contre-modèle absolu de la violence de l’État islamique ?

Ercan Ayboğa [1] : L’État islamique représente la ligne la plus réactionnaire qui existe aujourd’hui et en Syrie et au Moyen Orient, plus réactionnaire encore qu’Al-Qaïda, et le pôle le plus opposé au mouvement de Rojava. Il y a d’un côté le modèle de société de Rojava, une démarche démocratique et émancipatrice, et de l’autre, l’EI, extrêmement réactionnaire, hiérarchique, misogyne, absolument anti-démocratique, violent, et qui exploite les populations.

Michael Knapp : Rojava ressemble évidemment à une antithèse de l’EI. Mais c’est beaucoup plus profond. L’EI est aussi l’expression du jeu des forces présentes au Moyen Orient. Rétrospectivement, vu de l’Occident, on peut avoir l’impression que le mouvement de Rojava est né en opposition à l’EI. Mais en fait, c’est plutôt l’EI qui a été renforcé par des puissances comme la Turquie, entre autres pour détruire ce projet de Rojava.

Comment le projet démocratique du mouvement kurde s’est-il mis en place en Syrie, malgré la guerre civile ? Un compromis a-t-il dû être passé avec le régime de Bachar el-Assad ?

Michael Knapp : Quand la guerre civile a commencé en Syrie, le mouvement kurde n’a pas voulu s’allier à l’opposition. Il soutenait bien évidemment l’opposition démocratique, celle qui misait sur une sortie de crise politique et pas sur une escalade de la violence. Mais il voyait aussi que les forces d’opposition étaient soutenues par la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar et les pays occidentaux. C’est pour ça que le mouvement kurde a décidé de prendre une troisième voie.

Du point de vue militaire, les forces combattantes d’autodéfense kurdes sont allées encercler les casernes du régime et leur ont dit : soit vous partez, soit on vous combat. Souvent, les soldats du régime se sont retirés relativement pacifiquement, pensant que les forces kurdes n’allaient pas combattre aux côtés de l’Armée syrienne libre. Le régime a donc préféré poster ses soldats ailleurs. Même s’il y a eu des combats autour des puits de pétrole. C’est dans ce vacuum que le modèle de Rojava a pu prendre naissance.

Les membres de la coalition nationale syrienne et de l’armée syrienne libre reprochent parfois aux structures d’auto-organisation de la région de collaborer avec le régime. Mais il faut comprendre que le mouvement kurde suit un principe d’autodéfense légitime et de primat de la politique civile. Cela veut dire qu’aussi longtemps qu’on n’est pas attaqué, il faut tout résoudre politiquement. C’est aussi la politique suivie par la guérilla du Nord-Kurdistan (Kurdistan turc).

Comment s’organise maintenant la vie politique dans la région ?

Michael Knapp : C’est complexe et dynamique à la fois. L’organisation s’adapte aux besoins. Les assemblées des conseils sont le moteur de tout. Il y a plusieurs niveaux de conseils : de rue, de quartier, de la ville… Chaque niveau envoie ensuite des représentants dans les structures du niveau supérieur : des conseils de rue aux conseil de quartiers, des conseils de quartiers aux conseils des villes, puis vers les conseils des cantons et jusqu’au conseil populaire de Rojava. Les communautés s’organisent aussi en commissions à ces différentes niveaux, pour la sécurité, l’économie, la justice…

Les commissions forment comme des ministères au niveau de la région. Les conseils sont toujours doubles, avec un conseil mixte et un conseil des femmes. Le conseil des femmes a droit de veto. Et dans tous les conseils mixtes, il y a une règle de parité, un quota de 40 % au moins pour chaque genre, et le principe d’une double direction, élue, avec une femme et un homme. Si dans une ville, il y a une communauté yézidie ou des communautés arabes, par exemple, ils ont aussi droit à une co-présidence dans les conseils. On a donc souvent une présidence de conseil triple voire quadruple.

Parallèlement aux conseils, il existe un parlement, parce qu’il y a encore des gens qui sont membres de partis et qui doivent aussi pouvoir s’organiser et être représentés. Dans ce parlement, il y a les partis, mais une partie des sièges sont réservés à des organisations de la société civile, associations de défense des droits de l’homme, de la communauté yézidie… Malheureusement, il n’a pas encore été possible de tenir des élections au niveau de toute la région pour désigner par le vote les membres de ce Parlement, à cause de la guerre.

D’où vient ce modèle de l’auto-organisation et de confédération démocratique ?

Ercan Ayboğa : Des structures d’auto-organisation communalistes sont nées au Nord-Kurdistan, en Turquie, en 2007-2008. Ces expériences se sont ensuite transmises à Rojava à partir de 2011. Le projet de confédération lui-même vient du KCK (Union des communautés du Kurdistan), une branche du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) créée en 2005. L’idée était de démocratiser le mouvement de libération kurde, de s’éloigner d’une structure de parti pour aller vers un mouvement porté par la société toute entière. Le mouvement a profité des héritages historiques comme la Commune de Paris (1871), mais surtout du mouvement zapatiste au Mexique. Avant, le PKK avait une démarche marxiste-léniniste. Le parti a lancé des discussions sur le « confédéralisme » démocratique au début des années 2000.

L’écologie joue-t-elle un rôle dans ce mouvement ?

Michael Knapp : L’écologie en est un point central. Pour développer le projet du confédéralisme démocratique, Öcalan (le leader du PKK, emprisonné en Turquie depuis 1999) s’est saisi du principe de l’écologie sociale du militant américain Murray Bookchin. Avec l’idée que le capitalisme est un système qui conduit à la destruction de la planète, et qu’il faut donc construire une économie basée sur une production régionale, écologique et décentralisée.

Quelles sont les structures d’émancipation des femmes à Rojava, à côté des conseils de femmes et des brigades féminines des forces d’auto-défense ?

Ercan Ayboğa : Dans chaque ville, il y a une maison des femmes. C’est un centre politique, mais aussi un centre de conseil, avec des séminaires, des cours, du soutien. Il y a aussi de nombreuses coopératives de femmes, des boulangeries, des coopératives textiles, de produits laitiers…

Michael Knapp : Le mouvement de libération des femmes profite aussi aux autres communautés, par exemple aux communautés suryoyes (chrétiens) et arabes. Sur la zone près de la frontière irakienne, il y avait des groupes arabes très conservateurs mais qui sont entrés en conflit avec l’EI et ont demandé aux unités kurdes des les aider à s’en libérer. Du coup, beaucoup se sont joints au mouvement. J’ai vu des unités de formations de ces hommes. Il ne s’agissait pas seulement de savoir-faire militaire, mais aussi de discussions sur les droits des femmes et sur la démocratie directe.

Nous avons aussi rencontré des jeunes femmes des communautés arabes qui ont rallié les forces combattantes d’autodéfense [2]. Elles nous ont dit qu’il y a deux ans, elles ne sortaient pas de leur maison, et maintenant, elles protègent la frontière les armes à la main. Ce modèle de confédéralisme démocratique n’est pas identitaire. C’est pour ça qu’on peut espérer qu’à plus grande échelle, il puisse aussi représenter un modèle de résolution des conflits ailleurs au Moyen Orient.

Comment s’organise l’économie ?

Michael Knapp : C’est très difficile notamment à cause de l’embargo imposé par la Turquie. Dans le canton de Jazirah par exemple [La région de Rojava a été découpée en trois cantons : Kobané, Jazirah et Afrin, ndlr] il y a, comme ressources, du pétrole et des céréales. Mais il n’y a pas de raffinerie et presque pas de moulins. Nous avons vu des silos assez pleins pour nourrir toute la Syrie pendant dix ans. Mais les céréales ne peuvent pas être transformés sur place. Une économie collectivisée se développe pourtant, avec des coopératives, qui raffinent, comme elles peuvent, le pétrole, des coopératives agricoles…

Ercan Ayboğa : Les coopératives jouent un rôle toujours plus important à Rojava. Elles sont soutenues par les conseils. Mais l’économie privée est aussi possible, ce n’est pas interdit.

Le mouvement reçoit-il des soutiens de l’étranger, du Kurdistan turc, irakien, ou de la communauté internationale ?

Ercan Ayboğa : Il y a quelques médicaments et des outils qui arrivent du Nord-Kurdistan, en Turquie. Mais la Turquie ne laisse passer que peu de choses. Le soutien du Nord-Kurdistan reste néanmoins très important. Les administrations auto-organisées du Nord-Kurdistan soutiennent vraiment Rojava. La ville de Diyarbakir a par exemple envoyé à Kobané des machines de construction, des ingénieurs, un soutien technique. Mais pas officiellement. Sinon, de l’aide arrive d’ailleurs, d’ONG, mais c’est très peu. La communauté internationale dit qu’elle a besoin de l’autorisation du gouvernement syrien pour envoyer de l’aide vers Rojava. Mais les gens à Rojava attendent évidemment plus de soutien international parce qu’ils considèrent qu’ils combattent pour l’ensemble du monde démocratique.

Michael Knapp : Rojava n’a presque pas de moyens financiers, et ne reçoit pas d’aide humanitaire. La communauté internationale dit que le problème, c’est que ce n’est pas un État. Manifestement, aux yeux de la communauté internationale, le système d’auto-organisation de Rojava n’a pas à être soutenu.

Pourtant, les forces combattantes kurdes d’autodéfense ont à leur actifs plusieurs succès militaires contre le pseudo État islamique...

Michael Knapp : Dans ces forces d’autodéfense, les gens combattent pour survivre, pour des convictions, et pour un projet de société. Certains ont longtemps combattu au Nord-Kurdistan auparavant. Ils ont déjà beaucoup d’expérience militaire. Mais leur armement est vraiment modeste, en comparaison à celui de l’EI par exemple.

Recueilli par Rachel Knaebel

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 18:39

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

Arrêt sur images 10/07/2015 à 09h58
Quelques cahouettes et 100 000 m3 de déchets nucléaires
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

 

Tout arrive : ça déconne sec sur le plateau d’avant-soirée de BFM. Dans une heure, la quille ! Incapable d’aligner trois mots, Ruth Elkrief, la sérieuse Ruth Elkrief, l’implacable Ruth Elkrief, se liquéfie en fous rires nerveux.

Les cahiers au feu, et les frondeurs au milieu

Il était temps que l’année s’arrête. La loi Macron expédiée d’un coup d’un seul au 49.3, devant un Hémicycle désert : quel sujet de rigolade ! Il était temps qu’on en termine, avec la loi Macron. Si on lui avait demandé son avis, à Ruth, ah oui ! Comme elle aurait poussé au 49.3, le salvateur 49.3 !

En filigrane se donne à lire la lassitude de l’équipe, devant ces feuilletons – les Grecs, les frondeurs, les migrants – qui s’étirent tout au long de l’année, comme du chewing-gum. Faites péter la petite poire, sortez les cahouettes, et entassez les bikinis dans la valise. Les cahiers au feu, et les frondeurs au milieu !

A Libé aussi, c’est relâche festivalière. Ce vendredi, le journal propose une spéciale Rencontres d’Arles, un « Libé des photographes », tout en photos (magnifiques, cela va sans dire). Tout en photos ? Presque. Car quelques bribes de texte sont parvenues à se glisser entre les photos. A propos de la loi Macron, par exemple, entre les cinq photos du ministre – studieux à son bureau, ou pensif dans la vedette spéciale Bercy-Assemblée – qui trônent dans la double page, s’est faufilé un article, un tout petit article clandestin de deux paragraphes, titré « Macron, ministre à sang froid ».

Ce n’est que dans le deuxième paragraphe qu’on apprend, incidemment, l’entourloupe du jour : dans l’ultime version de la loi, qui sera donc adoptée sans aucun débat, s’est glissé à la dernière minute un amendement autorisant le stockage de déchets radioactifs sur le site de Bure (Meuse).

« Coup de Trafalgar » parlementaire

Quel rapport avec la croissance ? Cherchez-le. Pendant toute la procédure parlementaire, les Verts avaient réussi, avec l’accord de Macron, à s’opposer à cet amendement « Cigeo », introduit et ré-introduit avec insistance par le sénateur (Les Républicains) de la Meuse, Gérard Longuet.

Et hop ! A la dernière seconde, revoilà les déchets (pour mémoire, le projet Cigeo prévoit l’enfouissement de 100 000 m3 de déchets nucléaires hautement radioactifs, et que personne ne sait aujourd’hui comment traiter. Des associations locales s’y opposent depuis des années avec vigilance).

Ce « coup de Trafalgar » parlementaire est raconté en détail dans un article... du site de Libé, mais dont seule une petite, toute petite partie, est reprise dans le journal papier. 100 000 m3 de déchets nucléaires ? Allons, on ne va pas troubler pour si peu l’apéro de BFM, et l’euphorie festivalière. Rideau !

 

 

Publié initialement sur
Arretsurimages.net

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 18:21

 

Source : http://www.okeanews.fr/

 

  1. La députée Syriza @rachelmakri annonce au Parlement qu'elle votera contre la proposition du gouvernement. pic.twitter.com/PqWARNkky4

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  2. Le conseiller financier grec Alcimos entame une procédure de justice contre la BCE à la Cour de Justice de l'UE http://www.zerohedge.com/news/2015-07-10/greek-financial-advisor-suing-politically-motivated-ecb-crushing-greek-banks 

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 18:10

 

Source : http://cadtm.org/La-spirale-infernale-de-la-dette

 

 

La spirale infernale de la dette de l’Unédic et l’austérité menacent le droit aux indemnités chômage

10 juillet par Eva Thiébaud , Morgane Rémy

 

 

 

manifestation d’indignés en Espagne / CC Pepe Pont

 

 

La dette de l’assurance-chômage s’accumule, amplifiée par la crise, et dépasse les 21 milliards d’euros. Les cinq millions de sans emplois en seraient-ils les principaux responsables, comme le laisse croire la multiplication des contrôles et des contraintes contre ceux qui bénéficient du droit – constitutionnel – à une indemnité chômage ? Nous nous sommes plongés dans la dette de l’Unédic pour savoir d’où elle venait et comment elle augmentait. Et pourquoi aucune solution pérenne n’est mise en place pour la résorber tout en respectant les droits sociaux. Un mini audit de la dette de l’Unédic en quelque sorte, pour comprendre comment le Medef est en train de mettre en péril l’avenir de l’assurance-chômage.

Les chômeurs coûtent cher, trop cher. Voilà l’idée savamment distillée ces dernières années. Ainsi, Pôle Emploi renforce les contrôles, que se soit pour lutter contre la fraude ou s’assurer que les demandeurs d’emploi cherchent un nouveau travail avec assiduité (lire ici). Mais pourquoi une telle surveillance ? Pourquoi la question des obligations des chômeurs est-elle devenue si aiguë ? À cause de la dette, qui partage la racine étymologique du verbe « devoir ». La dette du système d’assurance-chômage, gérée par l’association privée Unedic, et qui atteint des sommets. Et pèse sur les épaules des chômeurs.

Pourtant, même si l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi complique l’équation (2,9 millions de chômeurs ont été indemnisés en mars), ils sont loin d’en être responsables. L’assurance chômage ne demeure-t-elle pas un droit fondamental ? Inscrit dans le marbre, ce droit est entériné dans l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946, repris dans la Constitution de la Ve République.

 

Vingt années d’excédents

Pour répondre à ce droit fondamental, l’Unédic (Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) est créée en 1958. Cette création est alors négociée entre le syndicat de salariés Force ouvrière (FO) et le Conseil national du patronat français (CNPF) – ancêtre du Mouvement des entreprises de France (Medef) – sur un modèle paritaire. Nous sommes en pleine guerre froide. La Confédération générale du travail (CGT), alors très proche du Parti communiste, dispose d’une grande influence, notamment dans la gestion de la Sécurité sociale. Le paritarisme est censé limiter l’emprise ouvrière de la CGT ainsi que l’influence de l’État : les décisions y sont prises conjointement par un nombre égal de représentants de salariés et de patrons |1|.

Ainsi gérés, les comptes de l’Unédic sont d’abord restés excédentaires ou à l’équilibre. Mieux : pendant vingt ans, de 1958 à 1979, les chômeurs sont de plus en plus protégés : l’indemnisation et la couverture – le pourcentage de chômeurs et chômeuses indemnisés – s’accroissent. Le financement de l’indemnisation est abondé par une contribution mutualiste sur le travail, versée d’une part, par les employeurs, et d’autre part, par les employés. Les fameuses cotisations sociales.

 

Comment résorber une dette de 21,3 milliards ?

La situation a bien changé. La dette de l’Unédic atteint 21,3 milliards en 2014. Les effets de la crise sont pointés du doigt : davantage de chômeurs à indemniser et une réduction du nombre d’actifs qui entraîne une baisse des recettes. L’inverse est également vrai. C’est ce que les experts appellent un fonctionnement « contra-cyclique » : le coût actuel de la crise sera en théorie compensé par les recettes de demain. « Le choix a été fait par les partenaires sociaux d’inscrire l’assurance-chômage dans une logique de moyen terme, explique Vincent Destival, directeur général de l’Unédic. Leur objectif n’est pas d’équilibrer les comptes chaque année, mais de le faire à travers un cycle économique complet. »

Devons-nous alors tranquillement attendre l’embellie ? « Avec 1,8% de croissance, 200 000 emplois seront créés, souligne Yves Razzoli, président de la fédération protection sociale et emploi de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Avec 2,5% de croissance, le refinancement de l’assurance-chômage peut aller très vite. » L’histoire tendrait à lui donner raison : la situation financière s’est souvent rétablie grâce à un renversement favorable de conjoncture. Le régime a ainsi été excédentaire entre 1996 et 2001. Mais depuis 2002, malgré une parenthèse en 2007 et 2008, l’Unédic est restée dans le rouge (voir le graphique ci-dessous). Et cela fait une décennie que la France n’a pas atteint les 2,5% de croissance |2|.

 

La belle mécanique s’est enrayée tandis que la crise perdure. Cette dette de 21,3 milliards, même les prévisions de croissance les plus optimistes ne pourront vraisemblablement pas la résorber. Si l’on en croit les prévisions du « consensus des économistes », la dette de l’Unédic pourrait même atteindre 35,1 milliards d’euros en 2018… soit l’équivalent d’environ un an de contributions ! En clair : il faudrait des années de croissance pour résorber la dette qui s’accumule. D’autant qu’elle risque de coûter de plus en plus cher.

Son financement s’obtient généralement à des taux d’intérêt peu élevés. Dans les périodes de crises, les taux sont au plus bas pour faciliter l’emprunt et l’investissement. Pour ses 21,3 milliards d’euros 2014 de dette, l’Unédic a versé 326 millions d’euros d’intérêt à ses créditeurs. Soit 1,5 % de l’endettement sur l’année, ce qui reste faible. Mais si la reprise intervient alors que la dette n’est pas résorbée, les taux d’intérêts risquent de s’élever. Certes, les comptes s’assainiront, mais le coût de la dette doublera sous l’effet de la hausse de taux !

 

L’assurance-chômage peut-elle faire faillite ?

Les créanciers de l’Unédic sont des banques, des fonds de pension, des banques centrales d’autres continents… Mais impossible d’en savoir plus. Non seulement l’Unédic garde confidentielle la liste de ses investisseurs, mais ceux-ci ont en outre la possibilité de revendre les titres de la dette sur le marché secondaire par le biais d’une chambre de compensation, Euroclear. Le tout dans la plus complète opacité. Mais ce n’est pas parce que les investisseurs sont invisibles que leur présence n’est pas palpable : à la table des négociations, les partenaires sociaux doivent faire preuve d’une « bonne gestion » afin de garder leur confiance ainsi que celle des agences de notations. Et donc, pour les rassurer, tout mettre en œuvre pour réduire les déficits… Car l’inquiétude des « investisseurs » a la fâcheuse tendance à augmenter leur perception du risque et, par conséquent, à augmenter les taux d’intérêt.

Ce risque reste en réalité mineur, car l’État garantit les titres de la dette de l’Unédic. De plus, le droit fondamental à l’assurance-chômage fait, qu’en cas de désaccord des partenaires sociaux, l’État prendra le relais sur la prise de décisions. Un cas de figure extrême qui rassure les créanciers prêts à accorder des taux très bas à l’Unédic, relativement proches de ceux accordés à l’État. Mais cette implication n’est pas neutre, et confère à l’État un moyen de pression permanent sur l’Unédic.

Le gouvernement subit lui aussi la pression de Bruxelles et ses injonctions à la rigueur. Si l’Unédic est bien une association privée indépendante, sa dette est considérée comme souveraine aux yeux de la zone euro. Elle est par conséquent comptabilisée dans l’endettement de la France. Cette notion comptable a un impact réel sur nos allocations : l’assurance chômage est concernée par l’effort de rigueur de l’État dans le cadre du respect du traité de Maastricht. Et cette pression ne devrait pas s’alléger tandis que la France peine à réduire sa dette et à contenter Bruxelles.

 

Les erreurs passées des partenaires sociaux

Au fait, comment en est-on arrivé là ? En 1991, débute une grave crise économique qui place l’assurance-chômage dans une position critique. Les partenaires sociaux décident alors d’augmenter les cotisations et de diminuer les allocations, en les rendant dégressives. Malgré ces mesures, la reprise n’est pas au rendez-vous, et la situation s’aggrave. Jean-Paul Domergue, alors directeur des affaires juridiques de l’Unédic, raconte : « Devant cette situation exceptionnelle et catastrophique, les partenaires sociaux sollicitent le soutien financier de l’État. En 1993, un protocole visant à un accroissement des ressources, des économies, et un soutien financier de l’État est signé. Cependant, ces mesures ne suffiront pas, et l’Unédic a été autorisée à émettre un emprunt garanti par l’État, emprunt lancé à hauteur de 22 milliards de francs début 1994. »

Ainsi démarre le cycle des emprunts obligataires garantis par l’État de l’Unédic |3|. Si, au début des années 90, l’augmentation des cotisations contribue à rétablir l’équilibre, dès que le budget est redevenu excédentaire, les partenaires sociaux se sont empressés de les baisser. Elles se stabilisent en 2003 à 2,4 % pour les salariés, et 4 % pour les employeurs. Et n’ont quasiment plus bougé depuis (voir le graphique). Mais, entre-temps, l’Unedic s’est privée de recettes. Une trésorerie qui fait défaut aujourd’hui.

 

 

L’assurance-chômage étranglée par le pacte de responsabilité

Pourquoi les contributions n’ont-elles pas évolué depuis 2003 ? L’État, poussé par Bruxelles, pèse dans les négociations de l’Unédic. Cette implication n’est pas neutre et porte une empreinte néolibérale. Début 2014, le gouvernement a ainsi signé le pacte de responsabilité limitant la marge de manœuvre concernant l’augmentation des cotisations sociales. « C’est un argument que les organisations patronales utilisent dans les négociations, afin de s’assurer que le taux de cotisation n’augmentent pas, sous prétexte que toute hausse du coût du travail entraînerait une baisse de la compétitivité et, donc un frein à la croissance », explique Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière |4|.

Ce « pacte de responsabilité » vient donc étrangler la seule possibilité réelle d’équilibrage des comptes de l’Unédic : l’augmentation des contributions compensant les allocations. Tandis que cette variable est verrouillée, la dette permet alors de faire pression… sur les droits des chômeurs. « Nous avons des discussions schizophréniques, raconte Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT – Spectacle et assesseur au bureau de l’Unédic. Lors de réunions sur le financement de la dette, le Medef insiste sur notre solvabilité » – garantie par l’Etat, la dette ne constitue pas un problème en soi.

« Puis, quand on négocie les droits de chômeur, le Medef nous rappelle à quel point cette dette est dangereuse, ce qui est vrai au demeurant. », poursuit le syndicaliste. Alors pourquoi ce double discours ? « Même si cette dette peut sembler importante, les taux d’emprunt sont bas et l’Unédic est bien notée par les agences de notations. Elle ne se retrouvera pas en défaut de paiement. Dire que la dette est problématique, c’est construire un discours pour revenir sur les droits des chômeurs », analyse Claire Vivés, sociologue au Centre d ’études de l’emploi.

 

A qui profitent les contrats précaires ?

Qu’en pense le Medef ? Contactée à plusieurs reprises par mail et par téléphone, l’organisation patronale n’a « pas eu le temps de répondre » à nos questions en quinze jours. Ses communicants ont quand même réussi à dégager quelques minutes pour rédiger un communiqué de presse à l’occasion de la nouvelle hausse du chômage. Le Medef rappelle qu’il faut « créer en France un environnement favorable à la croissance » grâce au « respect de la trajectoire du Pacte de responsabilité en termes de baisse des charges et de la fiscalité ». En clair : ne touchez pas aux cotisations ! « Tout l’art de la gestion, c’est d’avoir des excédents pour couvrir les déficits, précise le professeur de politiques publiques à l’Université de Paris Est, Michel Abhervé. Mais le Medef l’a refusé, a pesé et pèse encore de tout son poids pour baisser les cotisations. » Au risque de mettre en faillite l’assurance-chômage ?

L’exemple de la sur-cotisation sur les CDD (contrats à durée déterminée) est symptomatique du comportement patronal. Si ce type de contrat court reste encore minoritaire sur le marché du travail (8% en 2012), il représente neuf embauches sur dix et grève littéralement les comptes de l’Unédic : les cotisations sociales prélevées sur un CDD de plusieurs mois ne suffisent pas à couvrir les droits à indemnisation une fois que le salarié précaire se retrouve au chômage. Résultat : en 2011, tandis que le régime général des CDI « rapportait » 12,5 milliards d’euros, celui des CDD « coûtait » 5,5 milliards en indemnisations.

 

 

Les syndicats de salariés ont donc pensé qu’il pouvait être judicieux d’augmenter les contributions sur ces coûteux CDD. D’autant que les employeurs bénéficient aussi de l’assurance-chômage, car la sécurité qu’elle offre permet la flexibilité de tous les contrats à durée déterminée auxquels ils recourent. Victoire des syndicats : l’Accord national interprofessionnel de janvier 2013 permet de taxer plus lourdement les CDD pour les employeurs – à raison de 7% pour les CDD de moins de un mois et de 5,5% pour ceux inférieur à trois mois. Mais victoire symbolique : la surtaxe reste faible et souffre de nombreuses restrictions sur les secteurs touchés. D’autant qu’elle a été « compensée » par l’allégement des cotisations patronales pour l’embauche de moins de 26 ans. Et par le fait de faciliter les licenciements (lire notre article).

 

Chômage des seniors, fraudes patronales et travailleurs détachés

Les CDD ne sont pas les seuls postes de dépenses massives de l’institution. 10 % des ressources de l’Unédic sont en effet consacrés au financement de Pôle Emploi (environ 3 milliards en 2013). On peut également s’interroger sur la charge financière qu’a fait peser la réforme de 2010 – relative au recul de l’âge de la retraite – sur les caisses de l’Unédic : les seniors ne risquaient-ils pas tout simplement de se retrouver au chômage en attendant une retraite plus tardive ? C’est en tout cas ce qui émane d’une étude de l’Unédic de 2010 commentée par Le Monde : les pré-retraités au chômage pourraient coûter environ 500 millions d’euros par an. L’Unédic ne dispose pas d’études récentes sur l’impact de cette réforme.

Au-delà de ces dépenses, le budget souffre également de quelques défauts de paiement. Le recours grandissant au détachement de travailleurs étrangers en France – qui peut s’apparenter à de l’optimisation sociale, puisque les cotisations sont dues dans le pays d’origine – pourrait avoir des conséquences non négligeables. Leur nombre a été multiplié par vingt en dix ans (près de 150 000 travailleurs détachés en 2011). La fraude sociale des entreprises aurait également atteint en 2012 entre 20,1 milliards et 24,9 milliards d’euros, selon le rapport sur la sécurité sociale de 2014 de la Cour des Comptes. Si le non paiement des cotisations chômage ne représentent qu’une partie de cette fraude sociale, son échelle n’est pas comparable à la fraude aux allocations des demandeurs d’emploi, tant décriée. La première se chiffre en milliards, tandis que la seconde a représenté 100 millions d’euros en 2013 selon Pôle Emploi.

 

Les chômeurs n’ont pas voix au chapitre

Montrés du doigt malgré tout, les demandeurs d’emploi ne disposent que de peu de moyen de défense. A l’Unédic, les rapports de force entre les partenaires sociaux définissent à quelle sauce seront mangés les chômeurs… sans que ces derniers ne puissent s’exprimer. A l’exception notable de la CGT qui possède une représentation des demandeurs d’emploi, ces derniers – 5 millions de personnes tout de même ! – ne sont pas représentés au bureau de l’Unédic. Les nombreuses associations qui tentent de fédérer chômeurs et précaires y revendiquent une représentativité. C’est le cas de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile de France (CIP-IdF), dans ses « Contre-propositions pour une réforme de l’assurance chômage des salariés intermittents » ou de l’Apeis, (Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires) à travers la voix de sa porte-parole Malika Zediri : « En plus des deux collèges salarié et patron, nous revendiquons la création d’un troisième collège, constitué de chômeurs et précaires. Mais la volonté politique n’est pas là. »

Aujourd’hui, les organisations syndicales sont considérées comme les seules représentantes des salariés, en emploi ou non. Sollicitées sur leur positionnement vis-à-vis du fonctionnement financier de l’Unédic, certaines d’entre elles n’ont pas souhaité répondre à nos questions : les organisations patronales, la CGC, la CFDT qui occupe pourtant la présidence de l’institution, ont botté en touche. Souhaitent-elles montrer une certaine unité, tandis que s’agite le spectre de la fin de la gestion des partenaires sociaux au profit de l’État, en cas de désaccord sur la prochaine convention d’assurance-chômage ? Jusqu’à aujourd’hui, un consensus s’est obtenu aux prix de certaines concessions, notamment en repoussant le problème et en s’endettant. Maintenant que cette marge de manœuvre est réduite à peau de chagrin, nous ne pouvons que nous demander si les prochaines négociations, début 2016, ne verront pas le rapport de force se cristalliser… aux dépens des chômeurs, actuels et futurs.

Eva Thiébaud et Morgane Rémy

En photo : manifestation d’indignés en Espagne / CC Pepe Pont
Notes

 

 

 
Notes

|1| Pour une histoire complète de l’Unédic, lire Pour un « Grenelle de l’Unédic » de la fondation Copernic aux éditions Syllepse.

|2| Selon les données de la Banque mondiale.

|3| L’endettement de l’Unedic a été décrit et analysé par le vice-président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM) Pascal Franchet.

|4| Malgré le maintien du taux de 6,40%, les recettes augmentent très légèrement, sous l’effet notamment de la hausse de la masse salariale. Elles sont passées d’environ 30 milliards d’euros en 2009 à environ 34 milliards en 2014, selon la présentation d’avril de l’Unedic aux investisseurs.

Auteurs
 
Eva Thiébaud
 
Morgane Rémy
 
 
 
 
 
 
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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 17:55

 

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Illégalité

En pleine canicule, Veolia coupe l’eau dans un immeuble où vivent des personnes vulnérables

par

 

 

 

« Des propriétaires et locataires pris en otage par Veolia. » C’est ce que dénoncent la Fondation France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France qui portent plainte contre l’entreprise française. Ils accusent Veolia d’avoir procédé à une réduction de débit pendant 25 jours, au mois de juin, dans un immeuble à Sète dans l’Hérault, où logent dix familles. Parmi les résidents, une retraitée de 98 ans et un enfant de deux ans, particulièrement vulnérables aux fortes chaleurs « Une réduction de débit dans un immeuble de deux étages n’est ni plus ni moins qu’une coupure, car avec un faible débit l’eau ne peut pas monter deux étages », dénoncent France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France.

 

Mesure arbitraire et illégale

A l’origine de cette réduction de débit, un litige entre Veolia et le syndic de l’immeuble. Tout commence le 4 juin 2015, comme l’indique l’assignation consultée par Basta !. Veolia Eau dépose un document signalant qu’en raison du non paiement, le débit de l’alimentation en eau de l’immeuble va être réduit sous 72 heures. « Le 8 juin, énonce l’assignation, l’alimentation en eau de l’immeuble est limitée, entrainant une réduction du débit proche de la coupure, en particulier lorsque plus d’un utilisateur tire de l’eau ».

S’ensuit un échange de courrier entre une copropriétaire ayant payé ses charges et le service clientèle de Veolia Eau qui l’invite à s’adresser à son syndic. L’entreprise précise qu’ «  aucune erreur de traitement n’est imputable à Veolia Eau dans le suivi et le traitement de ce dossier, et aucun dédommagement ne sera effectué ». Le syndic, qui est en principe en charge du recouvrement des charges, indique qu’il n’a pas les fonds pour recouvrer ces sommes auprès des débiteurs. Bien que seuls deux co-propriétaires n’aient pas payé leurs charges, l’entreprise réduit l’alimentation en eau sur l’immeuble entier. « Cette décision [de Veolia] est non seulement illégale mais également parfaitement arbitraire dans la mesure où l’ensemble des demandeurs est à jour du paiement de ses charges de copropriété qui incluent la provision pour le règlement de la facture d’eau », pointe l’assignation.

 

« Abus de pouvoir insupportable »

« Pour une entreprise comme Veolia, mettre un syndic au tribunal n’est pas un problème, relève Emmanuel Poilane, directeur général de France Libertés contacté par Basta !. Mais il n’y a aucune raison de prendre en otage des citoyens qui n’ont rien à voir là-dedans. Les propriétaires qui n’ont pas payé leurs charges sont ceux qui ne sont pas présents dans l’immeuble. Cet abus de pouvoir est insupportable ! » Veolia Eau n’a pour le moment pas donné suite à notre demande d’entretien. Or, malgré une fâcheuse tendance des entreprises à l’oublier, les réductions de débit comme les coupures d’eau pour impayés sont illégales depuis la loi Brottes adoptée en avril 2013 et confirmée par la décision du Conseil constitutionnel (notre enquête).

France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France ont décidé de porter l’affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux côtés de huit familles pour atteinte à leur dignité [1]. Coïncidence ou non, l’alimentation en eau de l’immeuble a été rétablie le jour du dépôt de l’assignation... En dépit de la loi qui consacre la notion de « droit à l’eau », les associations continuent de recevoir des dizaines de témoignages de personnes victimes de coupures d’eau de la part de leur fournisseur. « Veolia et d’autres comme la Saur continuent comme si de rien n’était, déplore Emmanuel Poilane. Pour ces entreprises, la seule loi qui vaut est celle du plus fort. »

@Sophie_Chapelle sur twitter

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 17:53

 

Source : http://cadtm.org/Une-voie-etroite

 

 

Une voie étroite

10 juillet par Pierre Khalfa

 

 

 

Le non des grecs au référendum aurait pu être une chance immense pour l’Europe. Il aurait pu permettre que s’engage enfin un véritable débat sur la nature de la construction européenne. Évidemment, cette éventualité était insupportable pour les dirigeants européens. Ainsi dès l’annonce du référendum, l’étranglement financier du pays s’est encore aggravé et la fermeture des banques qui s’en est suivie est en train d’aboutir à sa paralysie économique alors que les difficultés de plus en plus grandes des banques grecques à se re-financer auprès de la BCE laissaient planer la menace de leur faillite.

Plus que jamais, le choix laissé au gouvernement grec par les dirigeants européens se résume à « capitulation ou sortie de l’euro ». C’est ce dilemme qu’Alexis Tsipras avait voulu éviter en se battant pour un compromis qui lui aurait laissé assez de marges de manœuvres pour mener une politique nouvelle. Le référendum a été un témoignage éclatant de dignité du peuple grec mais il n’a pas modifié les rapports de forces en Europe. Il fallait que l’expression de la volonté populaire soit tuée dans l’œuf. S’en est suivie la menace d’expulser la Grèce de la zone euro en laissant aller à son terme l’étranglement financier et l’ultimatum lancé au gouvernement grec. C’est donc le couteau sous la gorge qu’Alexis Tsipras a dû faire de nouvelles propositions.

Le document du 9 juillet admet la logique des dirigeants européens et du FMI, celle de dégager des surplus budgétaires primaires pour rembourser la dette : 1 % du PIB en 2015 alors même que l’activité économique s’est contractée, 2 % en 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % à partir de 2018. Or, c’est justement cette logique, mise en œuvre depuis cinq ans, qui a abouti à une catastrophe sociale et économique… et à l’augmentation de la dette. Certes, une note de bas de page indique que « la trajectoire budgétaire pour atteindre l’objectif à moyen terme du surplus primaire de 3,5 % sera discutée avec les institutions au vu des développements économiques récents ». Cela laisse une marge de manœuvre au gouvernement grec. À noter aussi le fait que la réforme du marché du travail « prendra en compte les meilleures pratiques en Europe » en accord avec les normes du Bureau international du travail. A priori donc, les droits des salariés devraient être rétablis. Cependant, en plus du programme de privatisations, nombre de mesures vont dans le sens d’une austérité renouvelée.

En échange, le gouvernement grec veut obtenir la promesse d’une restructuration de la dette et le déblocage des 35 milliards de fonds européens destinés à la Grèce pour lui permettre de mettre en œuvre un plan de relance ainsi qu’une aide de 53 milliards du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Était-il possible de ne pas en arriver là dans les conditions actuelles de rapport de forces ? Cela aurait supposé une toute autre stratégie. Le gouvernement grec a refusé de prendre des mesures unilatérales par crainte d’être entraîné dans une logique qui aboutirait à une sortie de l’euro. Il s’est donc enfermé dans des négociations particulièrement déséquilibrées en se privant des instruments qui lui auraient permis de tenter d’améliorer son rapport de forces. Ainsi, le contrôle des capitaux aurait dû être instauré beaucoup plus tôt pour stopper l’hémorragie financière et la fragilisation du système bancaire. Un moratoire provisoire sur le remboursement de tout ou partie de la dette pour l’année 2015 aurait pu être décrété. Enfin en cas de crise de liquidités, le gouvernement aurait pu émettre des bons de paiement ou IOU, une « monnaie » complémentaire, dont la valeur aurait été garantie par les recettes fiscales.

Le résultat d’un tel bras de fer n’était évidemment pas garanti et nul ne peut dire a priori s’il aurait été possible d’éviter d’être pris dans le dilemme « capitulation ou sortie de l’euro ». Mais nous pouvons tirer une leçon de ce qui s’est passé depuis trois mois. Il est vain de croire qu’il est possible de faire entendre raison aux dirigeants européens. Il n’y aura pas d’alternative aux politiques néolibérales sans l’ouverture d’une crise politique en Europe.

 
 
Auteur
 
 
Pierre Khalfa

Attac France

 

 
 
 
 
 
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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 17:40

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Dette souveraine

Grèce, Espagne, Allemagne… quand l’Europe connaissait des faillites d’Etats à répétition

par

 

 

 

Que va-t-il se passer après le non grec au référendum ? Si les créanciers européens de la Grèce refusent de relancer les négociations et de verser la dernière tranche – d’un montant de 7 milliards d’euros – du plan d’aide (concocté en 2011), le pays devrait se retrouver en cessation de paiement, en défaut souverain. Bref, en faillite. Ce ne sera pas la première fois. C’est déjà arrivé à cinq reprises à la Grèce depuis le début du XIXe siècle [1]. Depuis 1800, la Grèce s’est déjà retrouvée en défaut de paiement face à ses créanciers étrangers en 1826, puis en 1843, 1860, 1893 et, enfin, en 1932.

Et elle est loin d’être la seule dans ce cas ! L’Espagne a connu huit faillites au XIXe siècle [2], suite notamment à l’accession à l’indépendance de ses anciennes colonies d’Amérique latine, à des bouleversements politiques, et aussi à quelques crises financières. A la même époque, le Portugal fait défaut à sept reprises [3]. Mais il n’y a pas que les monarchies du sud de l’Europe qui gèrent mal leurs budgets nationaux.

L’actuel champion de la rigueur, l’Allemagne, et les différents États allemands indépendants avant l’unification du pays, ont fait faillite huit fois (en 1807 et 1813 pour la Prusse, en 1812 en Westphalie, 1814 en Hesse, 1850 en Schleswig-Holstein, puis en 1932 et 1939 pour l’ensemble de l’Allemagne). L’empire austro-hongrois, dont une partie devient ensuite l’Autriche, a également connu sept faillites depuis 1800 [4]. Les faillites allemandes et autrichiennes du XIXe siècle sont la conséquence des guerres régionales qu’ils se livrent, dont les guerres napoléoniennes. C’est aussi le cas pour l’unique défaut souverain de la France pendant cette période, en 1812, comme pour celui de la Suède (1812) et des Pays-Bas (1814).

Le paysage change au XXe siècle. Ce ne sont plus les guerres qui provoquent les crises financières, mais l’inverse. Le krach boursier de 1929 aux États-Unis déclenche son lot de faillites d’État : la Grèce et l’Allemagne en 1932, la Roumanie en 1933. Des crises économiques et sociales qui contribuent à renforcer la nouvelle idéologie totalitaire à la mode du moment : le fascisme.

Des dictatures communistes pratiquent l’austérité

Plus récemment, une nouvelle vague de défauts souverains s’est produite dans l’est de l’Europe dans les années 1980. La Roumanie s’est à nouveau retrouvée en cessation de paiement face à ses créanciers en 1981 et 1986. Le régime de Ceaucescu y répond par une austérité autoritaire. « De 1981 à 1986, la dette s’est abaissée de 10,1 milliards de dollars à 5,9 milliards. Pourtant M. Ceaucescu entend persister dans sa politique d’austérité jusqu’en 1990 du moins, année où elle devrait être intégralement remboursée. Or, depuis six ans, l’économie vit pratiquement en état de guerre », pouvait-on lire en 1988 dans Le Monde diplomatique [5]. Le régime tombe en 1989.

La Pologne connaît une situation de faillite similaire à l’orée des années 1980. L’assainissement budgétaire s’accompagne là aussi d’un coup de verrou autoritaire. « La Pologne est en cessation de paiement depuis avril 1981. Elle n’est plus capable de rembourser le capital qui vient à échéance et a les plus grandes peines à s’acquitter des intérêts », expliquait Serge Métais en 1982 [6]. Pour rembourser sa dette, le gouvernement polonais augmente les prix et réduit les subventions à la consommation. Ces mesures de rigueur déclenchent une large vague de grèves.

La situation polonaise d’alors avait déjà montré le peu d’égard des banquiers face aux aspirations des peuples à la liberté. En décembre 1981, pendant les négociations entre la Pologne et ses créanciers occidentaux, le général Jaruzelski proclame l’état de guerre dans le pays. Qu’en disent les banquiers d’alors ? « Quels qu’ils soient, nous devons souhaiter la meilleure chance aux dirigeants du pays et espérer qu’il y aura un retour à une économie productive », estime un banquier de la Bank of America. « La seule question qui nous préoccupe est la suivante : pourront-ils payer leurs factures ? », interroge un de ses homologues à la Citibank [7]. Aujourd’hui, les banques fragilisées par la crise financière de 2008 peuvent se rassurer : les factures ont été payées, en particulier en Grèce.

Rachel Knaebel

@rachelknaebel

Notes

[1Selon les travaux des économistes états-uniens Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff. Voir Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière, Ed. Pearson, 2010. Une version courte en anglais est disponible ici.

[2En 1809, 1820, 1831, 1834, 1851, 1867 , 1872 , 1882

[3En 1828, 1837, 1841, 1845, 1852 et 1890.

[4En 1802, 1805, 1811, 1816, 1868, 1938 et 1940.

[5"En Roumanie, la faillite d’une économie d’état de guerre", Edith Lhomel, avril 1988.

[6"Pologne : de la faillite d’une politique économique à la remise en cause du système", Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 13, 1982, N°3. pp. 73-91.

[7Un petit florilège est à lire dans un article de 1982 du Monde diplomatique : « La dette polonaise, casse-tête des banquiers », par Jeff Frieden, mars 1982.

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 17:21

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Renseignement : la France a déjà négocié l'achat de logiciels espions

|  Par Jérôme Hourdeaux

 

 

 

Les documents piratés chez le fabricant de logiciels de surveillance Hacking Team montrent que, dès 2013, la société a été en contact avec les autorités françaises pour la vente de son produit phare, Galileo, un virus prenant le contrôle des ordinateurs. 

 

Une bien étrange entité que cette Sagic. Son nom complet, CNET Sagic Service Administratif, pourrait faire penser à un cabinet d’expert-comptable. Pourtant, son code « APE », affecté par l’Insee en fonction de l’activité d’une entreprise, indique « autres services de restauration », c’est-à-dire une cantine ou un restaurant d’entreprise. Et fonctionnant sous la forme d’une association, sans aucun salarié actuellement. Mais surtout, pourquoi un de ses membres s’est-il retrouvé chargé de négocier, pour le compte du gouvernement français, l’achat d’un logiciel de surveillance à une société italienne ?

La Sagic aurait pu rester dans l’ombre encore de nombreuses années. Mais le piratage retentissant dont ont été victimes les mercenaires numériques italiens de Hacking Team place directement la Sagic sous les projecteurs. Dimanche 5 juillet, un groupe de hackers (jusqu’à présent non identifié) a littéralement vidé et mis sur la place publique les ordinateurs de plusieurs dirigeants et ingénieurs de Hacking Team. Cette société de vente de logiciels de surveillance basée à Milan était depuis de nombreuses années accusée de vendre des solutions de surveillance, et d’intrusion, à de nombreux régimes autoritaires. Les documents mis en ligne ont déjà confirmé ces soupçons. Non seulement Hacking Team fabrique des logiciels « offensifs », permettant par exemple de prendre le contrôle d’un ordinateur, mais en plus les vend à des dictatures, notamment au Soudan, pays pourtant visé par un embargo sur les armes décrété par les Nations unies.

Mais on a également appris que les armes numériques de Hacking Team intéressent de nombreuses démocraties. À commencer par la France. Les documents montrant l’intérêt de certains pays européens ont été notamment compilés sur le site Medium. Les négociations portent sur l’achat d’un « Remote Control Service » (RCS), un logiciel utilisé dans des attaques ciblées à distance. Le produit, auparavant dénommé Da Vinci, a depuis quelque temps été renommé « Galileo » ; en voici une vidéo de présentation :

 

 

 

Une fois installé dans l’ordinateur de la victime, ce virus permet de récupérer toutes les données stockées et de récupérer toutes les conversations (tchat, emails, Skype…), avant même qu’elles ne soient chiffrées, ainsi que tous les mots de passe tapés. Ce « produit » de Hacking Team a notamment déjà été utilisé pour espionner des journalistes éthiopiens basés aux États-Unis, avaient révélé le Citizen Lab, un laboratoire de l’université de Toronto qui suit depuis plusieurs années les activités de la société italienne. Les prix proposés varient en fonction des options. Le « module renseignement » est ainsi facturé entre 50 000 et 90 000 euros « en fonction de la configuration ». Le module de traduction, lui, coûte à lui seul 110 000 euros.

 

Hacking Team semble, dans ce projet, s’être associé à une société anglaise, la Knightsbridge Company Services (KCS Group). Les extraits de mails montrent que c’est tout d’abord le ministère de la défense qui s’est intéressé au « RCS » italien. Une première réunion, et une démonstration, avaient déjà été organisées dès la fin d’année 2013 au Novotel de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, comme le montre cet échange de mails mis en ligne par WikiLeaks. Mais le 25 août 2014, le directeur financier de KCS Group, Brian Groom, écrit à Marco Bettini, directeur des ventes de Hacking Team, pour l’informer que d’autres services français seraient également intéressés. « Il apparaît qu’un autre département au sein du gouvernement français a reçu une présentation sommaire du système Galileo ces derniers jours et qu’il y a un intérêt très sérieux et authentique pour ce produit HT. Il y a maintenant une demande pour une démonstration globale de toutes les possibilités offertes par Galileo la première semaine de septembre (au même endroit que la démonstration de Da Vinci). »

On en apprend plus sur cet autre « département » dans un mail en date du 27 mars, compris dans l'échange de messages mis en ligne par WikiLeaks. Philippe Vinci y prend contact avec un certain Benoît B., dont l'adresse termine par « @sagic.fr », et lui propose un rendez-vous pour lui présenter ses produits. Celui-ci doit avoir lieu le vendredi 3 avril. Sans que l'on sache s'il existe un lien avec cette proposition, un compte-rendu de réunion a bien été rédigé, mais daté du 2 avril (voir en bas de page). Celle-ci est organisée en présence de deux responsables de Hacking Team, dont son vice-président Philippe Vinci, et de trois représentants du ministère de l’intérieur, dont un « ex-DGSI », précise le compte-rendu de la rencontre.

Au cours de celle-ci, les Français se sont montrés au fait des implications techniques et juridiques du logiciel de Hacking Team. Ses deux représentants listent par ailleurs les aspects qui, selon eux, ont visiblement le plus intéressé leurs interlocuteurs. Ainsi, ils ont noté une « excellente réaction de langage corporel » pour la solution « ISP Network injection », une technique d’intrusion consistant à injecter directement dans le réseau internet d’un fournisseur d’accès un logiciel espion pour cibler une personne. Cette méthode est particulièrement efficace car elle dispense d’avoir à pénétrer l’ordinateur de la cible ou de le piéger en le faisant télécharger le virus. Elle est également particulièrement agressive car elle implique d’infecter tout un réseau, et ce en amont, directement chez fournisseur d’accès à Internet.

 

 

« Je ne peux rien vous dire, il faut contacter le cabinet du premier ministre »

Contacté par Mediapart, le ministère de l’intérieur confirme que Hacking Team a bien approché la DGSI ainsi que le Groupement interministériel de contrôle (GIC), l’organisme chargé des interceptions de sécurité et placé directement sous la responsabilité du premier ministre. Il confirme également la tenue de la « réunion de présentation » « dont la société a fait état dans un des documents diffusés sur Internet ». Mais la place Beauvau assure « qu’aucune suite n’a été donnée à cette réunion ».

La démonstration, à laquelle Benoît G. a bien assisté comme en témoigne l'échange publié par WikiLeaks, semble en tout cas avoir beaucoup plu aux Français. « Je peux vous assurer de mon intérêt pour une démonstration dans vos locaux et avoir l'avis de l'un de vos utilisateurs », écrit-il ainsi le 7 avril au matin à Philippe Vinci. Rendez-vous est pris dans les heures qui suivent. La démonstration aura lieu la « semaine du 21 mai » à Milan. Et une rencontre avec des carabinieri est même programmée à Rome.

Quel est donc le statut, et le rôle, de cette entité ne publiant aucun compte, ne disposant d'aucun statut légal mais à qui le gouvernement délègue visiblement des négociations aussi sensibles en termes de libertés individuelles ? Le site internet de la CNET Sagic Service Administratif ne permet pas d’en savoir plus sur les activités de ce « service administratif », censé faire de la restauration, mais chargé d’organiser des rencontres entre services français et sociétés étrangères. Il ne propose en effet qu'une page de connexion. Ce restaurant d’entreprise dispose en tout cas de locaux de luxe : le 51, boulevard de La Tour-Maubourg. Le problème est qu’à cette adresse, on ne trouve aucune enseigne au nom de « Sagic ». En revanche, on peut y admirer les bâtiments officiels de l’Armée française : certains services de son ministère, le musée de l’Armée ou encore le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Le 51, boulevard de La Tour-MaubourgLe 51, boulevard de La Tour-Maubourg © Google Street View
 
 

Un appel téléphonique permet cependant d’en apprendre un peu plus, en tout cas de confirmer l’existence de cette entité.

« Bonjour, suis-je bien à la Sagic ?

… Heuu oui. Enfin, qui demandez-vous ? (…)

J’aurais aimé savoir exactement quelle est votre activité ?

Je ne peux rien vous dire, il faut contacter le cabinet du premier ministre. »

L’auteur du mail, lui, « n’est pas là ». Et pour toutes les autres questions, il faut contacter « les services du premier ministre ».

Un mail, envoyé le 8 avril, au lendemain de la prise de rendez-vous à Milan, confirme que la Sagic n'est à l'évidence qu'une émanation du GIC. Philippe Vinci écrit à son ingénieur Alessandro Sacarafile d’organiser « une présentation et une démo complètes du produit pour un prospect français, le GIC ». « Le GIC est aujourd’hui chargé des interceptions administratives, directement sous le premier ministre français… ce qui signifie des interceptions extra-judiciaires… principalement pour la prévention, les interceptions anti-terroristes, etc. », précise Philippe Vinci.

 

La fin du mail est particulièrement instructive au regard de l’actualité récente. On y apprend par exemple que le GIC gère déjà une plateforme utilisant le produit de la société française Aqsacom, spécialisée dans l’interception légale et qui semble être un outil de gestion centralisé pour l’ensemble des services. Plusieurs documents concernant cette société avaient été révélés en 2011 par WikiLeaks dans le cadre de son opération « SpyFiles », dont une brochure expliquant son travail. Celui-ci consisterait à fournir une interface de gestion des demandes d’interception afin d’assurer la coordination entre les différents services (forces de l’ordre, service pratiquant l’interception, autorité judiciaire ou administrative…).

En revanche, souligne Philippe Vinci, le GIC semble « n’avoir aucune connaissance » des « solutions offensives ». Mais le gouvernement français paraît déterminé à combler ses lacunes. « Ils veulent se préparer à un changement de régulation qui va certainement intervenir en France et qui permettra bientôt les interceptions par hacking pour ces domaines comme l’antiterrorisme. » Trois mois plus tard, le Parlement adoptait le très controversé projet de loi renseignement, offrant de nombreux nouveaux pouvoirs aux services français, et étendant considérablement leurs domaines d’activité.

Cette hypothèse d’une commande effectuée en prévision de la future adoption du projet de loi renseignement est confirmée par un autre mail de Philippe Vinci en date du 15 juin, relevé par le site Reflets. « Quatre personnes assistaient à la session de démonstration. Discussions après la démo avec le chef du département GIC. La nouvelle loi a été votée en France au Parlement. Maintenant, elle doit être votée au Sénat. La prochaine étape est de faire une démo privée/plus technique à Paris ou Milan »… Les services du premier ministre ayant refusé de répondre à nos questions, il est pour l’instant impossible de savoir si ces négociations ont finalement débouché sur la signature d’un contrat.

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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