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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 14:37

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Travailler moins, mieux, tous

Réduire le temps de travail : personne n’a encore fait mieux pour combattre le chômage

par

 

 

 

 

A en croire Emmanuel Macron et les grands patrons, les 35 heures seraient devenues le handicap économique absolu. Or, aucun dispositif n’a contribué à créer autant d’emplois. Alors que le chômage et la recherche d’emploi concerne 5,4 millions de personnes, plusieurs syndicats, collectifs et élus appellent à relancer le débat autour du partage du temps de travail et de ses revenus, en abordant aussi les problèmes que cela pose auprès des salariés. D’autant qu’en France les salariés travaillent davantage qu’en Scandinavie et en Allemagne. Un débat indispensable si l’on veut vraiment faire de la lutte contre le chômage et les inégalités une priorité.

Emmanuel Macron n’apprécie pas vraiment les 35 heures. Il l’a encore fait savoir au Medef, fin août : « La gauche a longtemps cru que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. C’était des fausses idées », lançait-il au patronat. Voilà qui devait clore une discussion à peine esquissée avant l’été, quand Christiane Taubira faisait part de son « rêve » d’une semaine de travail de 32 heures. Mais, avec 5,4 millions de personnes inscrites à Pôle emploi en France, dont 3,5 millions sans aucune activité [1], n’est-ce pas précisément le moment de relancer le débat sur la répartition du travail ? Quoi qu’en dise le ministre de l’Economie et des Finances, en 40 ans, il n’y a jamais eu autant de création d’emplois que lorsque cette « fausse idée » a été mise en oeuvre. Emmanuel Macron ferait bien de jeter un oeil aux courbes de l’Insee.

C’est en tous cas l’avis de la CGT. À peine élu à la tête de la Confédération, Philippe Martinez affirmait en début d’année son soutien à une nouvelle réduction collective du temps de travail vers une semaine de 32 heures. « La réduction du temps de travail fait partie des éléments qui peuvent recréer de l’emploi, de la croissance, et une dynamique de négociation telle qu’on les a connus au moment des 35 heures, estime Mohammed Oussedik, secrétaire confédéral à la CGT. Nous pensons aussi que cela peut réduire les inégalités. Car en situation de crise, la réduction du temps de travail est bel et bien utilisée, mais par des temps partiels imposés, des contrats courts et du chômage partiel. Elle est subie pour les salariés et choisie pour les entreprises. Il est temps de remettre ce débat au centre du dialogue social et d’en faire un sujet de négociation. Nous voulons un grand débat public et allons faire des propositions concrètes. Nous visons une loi sur les 32 heures qui serait évidemment économiquement viable et profitable à tous. »

35 heures, pacte de responsabilité, emplois d’avenir : quel bilan ?

Assouplies à plusieurs reprises depuis les lois Aubry [2], régulièrement attaquées par le patronat, la droite, et même par une partie du gouvernement [3], les 35 heures ont pourtant à leur actif un bilan positif en termes d’emplois. « Entre 1997 et 2001, le chômage a diminué en France, dans des proportions inédites, en particulier entre 1999 et 2000, après l’entrée en vigueur de la loi Aubry I », souligne la députée socialiste Barbara Romagnan dans son rapport parlementaire [4] sur les 35 heures.

Entre 1997 et 2001, deux millions d’emplois sont créés dans le secteur marchand en France, « un niveau sans précédent depuis les années 1950 », précise le rapport. Les 35 heures ne sont certes pas la seule cause de ces bons chiffres. L’économie française se trouve aussi dans une phase ascendante. Mais selon les conclusions du rapport, la réduction du temps de travail à 35 heures conduit à elle seule à la création de 350 000 emplois. Pour un coût pour les caisses publiques de 12 800 euros par emploi créé. Un coût « à comparer avec l’indemnisation nette moyenne d’un chômeur qui s’élèverait à 12 744 euros par an en 2011 », souligne la députée Barbara Romagnan.

Un bilan à mettre en balance avec les 60 000 euros par emploi créé de la politique d’allègement de charges patronales du récent pacte de responsabilité, censé générer un demi million d’embauches d’ici 2017... (Lire notre article). Quant aux emplois d’avenir, des contrats aidés subventionnés par l’État à hauteur de 75% du Smic pendant trois ans, lancés en 2012, ils ont permis fin 2014 l’embauche de 113 000 jeunes. La grande majorité a été recrutée par le secteur non marchand (associations et collectivités).

Partager le travail : un tabou idéologique

Dans ce contexte, la diminution du temps de travail constitue « la politique en faveur de l’emploi la plus efficace et la moins coûteuse qui ait été conduite depuis les années 1970 », concluait la députée dans son rapport, tout en évoquant l’horizon des 32 heures. Un bilan que la CGT n’est pas loin de partager. Pour Mohammed Oussedik, « la réduction du temps de travail n’est pas seulement un objectif sociétal. Les 35 heures ont eu un effet positif sur la création d’emplois. Et, cerise sur le gâteau, cela a permis de créer un élan de dialogue social comme jamais vu auparavant. »

« La lutte contre le chômage devrait être une priorité. La réduction du temps de travail est un point essentiel pour y arriver, explique Barbara Romagnan à Basta !. On peut ne pas être d’accord, mais ce qui me surprend, c’est que presque personne n’en parle ! » déplore l’élue. Un blocage qui profite de certains effets négatifs liés à l’application des 35h. « Pour beaucoup de gens, c’est allé de pair avec un durcissement des cadences de travail. Aujourd’hui, on fait face à un refus d’aborder la question du temps de travail dans le paysage politique et syndical français », témoigne Bruno Lamour, président du Collectif Roosevelt, le mouvement citoyen co-fondé par le fervent défenseur de la semaine de 32 heures, Pierre Larrouturou. Le partage du temps de travail fait partie des quinze propositions du Collectif Roosevelt « pour sortir de la crise et changer de modèle ». « Nous ne disons pas que la réduction du temps de travail est la panacée absolue pour lutter contre le chômage. Mais ne pas du tout l’aborder, c’est affronter un handicap majeur. Il est nécessaire de relancer le débat », juge Bruno Lamour, qui regrette une véritable « barrière idéologique ».

Pourtant, des centaines d’entreprises françaises sont déjà passées aux 32 heures. La possibilité avait été ouverte dès la loi Robien de 1996, adoptée sous un gouvernement… de droite. Elle a ensuite été reprise par les lois Aubry. La mutuelle Macif est l’une de ces entreprises qui est même passée à 31 heures 30. C’était en 2000. « À la fin des années 1990, l’entreprise manquait de personnel. La direction a donc profité des allègements de charges de la loi Aubry pour réduire le temps de travail et embaucher, raconte Frédéric Desrues, délégué du personnel CGT. Avec les nouveaux emplois créés, 6 % de la masse salariale de l’époque, la Macif a lancé de nouvelles plateformes téléphoniques. Mais comme les embauches n’ont pas été faites là où il y avait besoin de personnels supplémentaires, le travail s’est intensifié pour beaucoup d’employés. » Les délégués du personnel critiquent aussi le gel de salaires qui a suivi leur passage à 31 heures 30. Mais ils ne le remettent pas en cause pour autant. Et auront même peut-être à le défendre dans les mois à venir. « La direction veut remettre à plat le statut social de la Macif d’ici janvier 2018. Il se dit qu’elle veut revenir aux 35 heures », rapporte Virginie Demiselle, déléguée du personnel, elle aussi CGT.

Les Français travaillent plus que les Allemands ou les Scandinaves

Les entreprises comme la Macif font figure d’exception. Même si les think tanks néolibéraux ou patronaux se plaisent à dire le contraire, le temps de travail effectif moyen de France est loin d’être le plus faible d’Europe. « Les Français travaillent moins que les autres » annonçait en juillet 2014 la fondation néolibérale Ifrap (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) pour présenter une étude du centre d’analyse économique proche du patronat Coe-Rexecode. « La durée de travail effective des salariés à temps complet est de 1661 heures en France, soit 239 heures de moins que les Britanniques, 186 heures de moins que les Allemands et 120 heures de moins que les Italiens », déplorait l’Ifrap. Mais le calcul faisait totalement l’impasse sur les salariés à temps partiel. Qui sont à 80 % des femmes.

Si l’institut Coe-Rexecode avait pris en compte les temps partiels, qui concernent en France près d’un tiers des femmes salariées – et près de la moitié en Allemagne –, il serait arrivé à un temps de travail effectif moyen d’environ 35,6 heures par semaine dans l’Hexagone, contre 35,3 heures en Allemagne, et encore moins en Scandinavie et aux Pays-Bas [5]. Le temps de travail effectif n’est donc pas inférieur à celui des Allemands. Il y est aussi un peu moins inégalitaire, avec une moyenne de 40 heures par semaine pour les hommes et 34 heures pour les femmes, soit six heures d’écart [6]. Chez notre voisin allemand, qui fait tant rêver les conservateurs, cet écart entre hommes et femmes est de neuf heures. Une différence qui se répercute ensuite sur le niveau des retraites.

« Sans cela, nous n’aurons plus jamais de plein emploi en Europe »

Le fantasme patronal d’une Allemagne où les 35 heures feraient crier au scandale et à l’aberration économique ne tient pas. La semaine de 35 heures existe aussi outre-Rhin, dans certaines conventions collectives. Et depuis plus longtemps que chez nous. Elle a été adoptée pour les secteurs de la métallurgie et de l’industrie du livre en 1995, soit trois ans avant la première loi Aubry. Le temps de travail légal est aussi de 35 heures dans l’industrie du bois et du plastique, et de 34 heures par semaine dans les Télécoms [7].

Le grand constructeur automobile Volkswagen a même mis en place une semaine de 28,8 heures dès 1993, avant de revenir partiellement sur cette diminution il y a quelques années. Aujourd’hui, le temps de travail chez Volkswagen varie entre 25 et 35 heures par semaine. Une réalité soigneusement oubliée par les tenants ici du « modèle » allemand. Patronat – et éditorialistes – français évitent aussi de se faire l’écho des débats sur le temps de travail qui agitent régulièrement l’Allemagne. L’actuelle ministre (sociale-démocrate) de la Famille a ainsi lancé des discussions sur la mise en place d’une semaine de travail à temps plein de 32 heures pour les jeunes parents, sans perte de salaire.

Plus radical, des dizaines d’économistes allemands ont adressé un lettre ouverte il y a deux ans (Lire notre article) aux décideurs politiques et aux syndicats pour demander une semaine à temps plein à 30 heures. « Sans cela, nous n’aurons plus jamais de plein emploi, ni en Allemagne, ni ailleurs en Europe, explique Heinz-Josef Bontrup, professeur d’économie dans la Ruhr et initiateur de cette lettre ouverte. Or, le chômage de masse, c’est l’instrument de discipline par excellence pour le capital. Nous avons constaté dans nos calculs que l’augmentation de la productivité des dernières décennies en Allemagne n’a pas du tout été utilisée pour réduire le temps de travail. La quasi-totalité des gains est allée au capital. Nous voyons aujourd’hui le résultat : les salaires sont bas, le marché du travail est précarisé. Et ça vaut évidemment pour tous les pays d’Europe. »

Semaine de quatre jours ou compte épargne-temps ?

Heinz-Josef Bontrup et ses collègues ont proposé une réduction progressive de 5 % par an pour arriver à une semaine de 30 heures en cinq ans, sans perte de salaire. « Dans un pays riche comme l’Allemagne, évidemment que c’est possible de le financer. Il faudrait juste mieux répartir les revenus, du haut vers le bas, et pas dans l’autre sens comme c’est le cas aujourd’hui. »

Sous quelles formes une nouvelle réduction du temps de travail serait-elle possible dans un pays comme la France ? « Sur les modalités, il y a différentes positions parmi les partisans de la réduction du temps de travail, explique David Feltz, du Collectif Roosevelt. Certains restent sur l’idée de la semaine de quatre jours, financée en grande partie par les cotisations. D’autres misent plus sur la mise en place d’un compte épargne-temps sur toute la vie. »

L’option compte épargne-temps est plutôt défendue par les Verts. « Nous sommes évidemment pour les 35 heures, mais leur mise en application, qui s’est faite par secteur plutôt que par entreprise, a posé des problèmes, surtout pour les très petites entreprises, explique Agnès Michel, responsable de la commission économie à EELV. Pour nous, la question du temps de travail se pose davantage dans une dynamique de lissage au cours de la vie. Nous sommes pour le partage du temps de travail, mais plutôt dans le sens d’une réduction globale tout au long de la vie, pour laisser du temps pour se former, se reconvertir, s’occuper d’un proche, de sa famille, pour récupérer après une maladie. »

Qu’en pensent les autres syndicats de salariés ?

« Attention », répond Éric Beynel, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires : « une répartition du temps de travail tout au long de la vie, cela veut dire qu’il y a des périodes avec un temps de travail élevé. Cela a un effet irréversible sur la santé et sur l’espérance de vie des travailleurs. Pour nous, la réduction du temps de travail a toujours été une revendication forte. Il ne faut pas laisser la droite revenir en arrière sur les 35 heures, et il faut même aller vers les 32 heures, avec le même niveau de salaire. Nous nous réjouissons que la question revienne dans les débats. »

Reste qu’au niveau politique, le petit parti fondé par Pierre Larrouturou, Nouvelle Donne, est le seul à faire d’un nouveau partage du temps de travail un thème central. Dans le paysage syndical, ni la CFDT, qui a pourtant longtemps porté le sujet, ni FO ne souhaitent vraiment s’engager dans cette direction. « Le partage du temps de travail reste un sujet, mais le problème ne se pose pas dans les mêmes termes qu’il y a 20 ans. Le débat aujourd’hui, c’est plus l’évolution du travail, avec le numérique et le télétravail », rapporte Hervé Garnier, secrétaire confédéral de la CFDT. Pour FO, la revendication des 32 heures « n’est pas une priorité », rappelle Jean-Claude Mailly en juillet lors d’une rencontre avec le patronat. Force ouvrière se concentre sur la lutte contre l’austérité.

Les deux organisations ont probablement été échaudées par les difficultés engendrées par les 35 heures pour une partie des salariés, illustrée par les difficultés rencontrées par les personnels soignants à l’hôpital. « On a vendu la réduction du temps de travail avec l’argument d’une amélioration pour les salariés en poste. Et ce n’est pas ce qui s’est produit, analyse David Feltz, du Collectif Roosevelt. Alors que l’enjeu principal est la solidarité avec ceux qui n’ont pas d’emploi. On ne peut plus poser le débat de la même façon qu’au moment des lois Aubry. » C’est pourquoi le collectif Roosevelt préfère aujourd’hui aborder le sujet sous l’angle « de la redistribution du travail et des revenus, indique Bruno Lamour. L’écart entre les rémunérations les plus élevées et les plus basses augmente toujours plus en France. On ne peut pas séparer cette question de celle du temps de travail. »

Temps de travail : le modèle Liliane Bettencourt

Le mouvement altermondialiste basque Bizi a de son côté choisi [8] de retourner la question : non pas partir du temps de travail moyen de 35 ou 40 heures par semaine pour le réduire, mais du minimum. Et montrer que nous pourrions travailler seulement… une heure par jour ! La proposition semble provocatrice. Elle vise à repenser notre rapport au travail, à imaginer une société où non seulement les richesses produites seraient mieux réparties, mais où l’on produirait moins, où le travail libre organisé au niveau de petits groupes primerait sur le travail contraint géré au niveau de la société.

Tous les citoyens à partir de 16 ans auraient accès s’ils le veulent – et le peuvent – à cette heure de travail quotidienne, ou à cinq heures par semaine. Un temps de travail qui serait alors plus conciliable avec des études ou une formation, avec la retraite ou la pénibilité physique… « Et comment je serais payé si je ne travaille qu’une heure par jour ? », interroge Bizi. Réponse : « En fait, le revenu de chacun dépend essentiellement de la manière dont la société décide de distribuer une production globale X entre ses membres et non pas du nombre d’heures que chacun a consacrées à cette production. Sinon, bien évidemment, Liliane Bettencourt aurait peu de chances d’être milliardaire. »

Rachel Knaebel

Illustration : CC Alan Cleaver

Notes

[1En juillet. Source.

[2Avec la loi dite Tepa en 2007, puis la loi sur la sécurisation de l’emploi de 2013, qui prévoit la possibilité d’y déroger par un accord d’entreprise ou de branche.

[3Lors de son audition devant la commission d’enquête de l’assemblée nationale l’an dernier, le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, sans remettre en cause de front les bénéfices des 35 heures, jugeait que « les 35 heures ont envoyé un message négatif pour les entreprises étrangères souhaitant investir en France, cette réforme ayant été interprétée comme le signe que ce pays ne voulait plus travailler ».

[4De décembre 2014.

[534,3 heures au Danemark, 34 en Norvège, 31,7 aux Pays-Bas. Source.

[6Source : OCDE.

[7Source : Fondation Hans-Böckler, institut WSI.

[8Dans un livret publié en 2010, et qui reprend en les adaptant les positions du livre Travailler deux heures par jour publié en 1977 par le Collectif Adret.

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 14:27

 

Source : http://www.liberation.fr

 

 

C’était il y a un an. Lors du sommet des Nations unies sur le climat en septembre 2014, 175 pays avaient signé la déclaration de New York qui prévoit de réduire de moitié la diminution des forêts d’ici 2020 et de l’arrêter d’ici 2030. C’est qu’il y a urgence. La planète a perdu plus de 18 millions d’hectares de forêts en 2014, soit une surface égale à deux fois celle du Portugal et plus grande que l’ensemble de la forêt française (16 millions d’hectares), estime Global Forest Watch, une plateforme en ligne lancée en 1997 par le think tank World Resources Institute, qui actualise ses données tous les huit jours grâce à une surveillance satellitaire de l’Université du Maryland et de Google.

 

Les pays tropicaux ont à eux seuls perdu 9,9 millions d’hectares de couverture arborée en 2014, une superficie équivalente à la taille de la Corée du Sud. Et cette perte s’accélère dans les pays tropicaux. Plus de 62% de la déforestation tropicale constatée en 2014 a eu lieu ailleurs qu’au Brésil et en Indonésie, contre 47% en 2001. Les taux de perte de la couverture arborée ont sensiblement baissé dans l’Amazonie brésilienne. Elle a été divisée par 4 depuis son sommet, en 2003-2004. Mais elle est en pleine expansion dans d’autres régions boisées du monde.

Rythme dévastateur

En Amérique du Sud, elle intervient particulièrement dans les forêts tropicales sèches du Gran Chaco couvrant les zones du Paraguay, de l’Argentine et de la Bolivie. En Asie, le Cambodge a perdu une surface 4 fois plus étendue qu’en 2001. Le pays est celui qui connaît la plus rapide déforestation entre 2001 et 2014, à un rythme dévastateur: 14,4% par an. Les chercheurs ont établi «une forte corrélation» entre la diminution des zones de forêts et la hausse du prix du caoutchouc sur le marché mondial, dans l’ensemble des pays du Mékong, où l’industrie du caoutchouc se développe au détriment de la forêt. Madagascar, qui figure sur le podium des pays les plus touchés, a de son côté perdu plus de 318 000 hectares, environ 2 % de sa superficie forestière, en raison de l’essor de l’extraction minière et de l’exploitation de bois précieux.

Mauvaise nouvelle pour le climat

Des 10 pays connaissant la plus grande vitesse de perte de la couverture arborée, presque la moitié se trouve en Afrique de l’Ouest. Bien que la région ne soit pas souvent considérée comme un point majeur de déforestation, l’expansion galopante de la culture de l’huile de palme inquiète les ONG et les populations locales qui en sont victimes. Elle devrait aussi alarmer la planète: la quête de consommation à tout prix (l’élevage intensif alimente la déforestation), le mythe de la croissance sans fin pèse sur les forêts.

En Chine par exemple, cette quête a des répercussions massives sur les forêts bien au-delà de ses frontières. Sa boulimie de soja alimente la déforestation en Amérique Latine. Son appétit pour le bois, le caoutchouc et l’hydroélectricité entraîne le défrichement de forêts dans le Mékong. «Les autres grands pays consommateurs, y compris les Etats-Unis et les pays européens, devraient également trouver des moyens pour réduire leur impact sur les forêts à l’étranger», note le WRI.

Ce rapport, qui intervient à la veille du 14e congrès forestier mondial en Afrique du sud, tient de la nouvelle sonnette d’alarme à moins de 100 jours de la COP 21, où près de 200 pays doivent signer un accord contraignant pour tenter de limiter la hausse des températures en dessous de 2°C. Car le changement d’utilisation des terres (y compris la déforestation) représente dans les pays qui en sont victimes la plus grande source d’émissions de gaz à effet de serre. Surtout, la déforestation contribue au dérèglement climatique dans la mesure où elle détruit les «puits de carbone» que constituent les forêts et représente environ 20% des émissions de gaz à effet de serre.

 
 
 
 
 
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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 14:07

 

Source : http://www.liberation.fr

 

 

Costume impeccable, chaussures fines, Breitling au poignet, «petit pied-à-terre» en Tunisie, Xavier Beulin a la rutilance et le train de vie d’un PDG de multinationale. Et pour cause. A 56 ans, celui qui dirige la FNSEA depuis fin 2010 et que d’aucuns qualifient de «véritable ministre de l’Agriculture» tant il obtient tout ce qu’il veut de François Hollande comme de son précédesseur, est aussi et surtout un redoutable homme d’affaires. 

 

Coiffé de multiples casquettes, l’influent syndicaliste tire en toute discrétion les ficelles de l’agro-industrie française... celle-là même qui entraîne la disparition des agriculteurs. Contrairement à ce qu’il avait promis lors de son accession au sommet de la FNSEA, il a conservé la plupart de ses autres mandats, une bonne dizaine en tout. En plus de quantités de responsabilités dans différentes instances clés du monde agricole, en province, à Paris ou à Bruxelles, il préside toujours le port de commerce de La Rochelle – deuxième port français pour l’exportation de céréales – ou le conseil économique et social régional (CESER) du Centre. Et s’est même emparé, en sus, de celle de l’IPEMED (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), un think tank fondé par Jean-Louis Guigou, mari de l’ex-ministre socialiste Elisabeth Guigou. 

 

L'homme qui pesait 7 milliards

Surtout, il est à la tête d’un empire agro-industriel et financier aussi puissant que peu connu du grand public : le géant céréalier Sofiprotéol, récemment rebaptisé Avril pour «symboliser la force du renouveau». Ce mastodonte pèse 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, regroupe plus de 150 sociétés et se dit présent dans 22 pays, dont – ô surprise – ceux du Maghreb, l’une des terres que l’agriculture tricolore doit absolument conquérir, ne cesse de répéter Beulin. La raison d’être d’Avril-Sofiprotéol, ce «maître caché de l’agriculture française», comme titrait le site Reporterre.net en... avril ? Assurer un maximum de débouchés à la filière des huiles et protéines végétales (colza, tournesol, pois...).

La holding de Beulin est partout. Dans nos assiettes, avec les huiles Lesieur et Puget ou les œufs Mâtines, marchés qu’elle domine. Dans celle des porcs, de la volaille ou du bétail, avec Glon Sanders, numéro 1 français de l’alimentation animale. Dans la «santé» et la génétique animale. Dans nos moteurs, avec Diester Industrie, champion européen du biodiesel (une vraie «rente de situation», dixit la Cour des comptes en 2012). Dans nos cosmétiques, peintures ou matelas en mousse polyuréthane, puisqu’Avril est aussi leader européen de l’oléochimie. Dans le financement de l’agriculture industrielle. Dans la presse agricole. Dans l’huile de palme, dans les semences ou dans les OGM (avec Biogemma)... N’en jetez plus ! 

 

Ruralité en col blanc

Compte tenu de toutes ses activités de col blanc, on a du mal à imaginer Beulin dans un champ. Quand a-t-il le temps de s’occuper de son exploitation de 500 hectares de blé, orge, colza, tournesol, maïs et pois protéagineux, cultivés avec son frère et deux cousins dans le Loiret ? Interrogé par Libération en 2011, le gros céréalier – fait rarissime à la tête de la FNSEA – avait bondi : «J’y vais deux week-ends par mois. Le dernier, j’ai fait dix-sept heures de tracteur ! Et quand je vais à l’étranger, la première chose que je fais, c’est sentir la terre.» Depuis son fauteuil des beaux quartiers parisiens, l'homme au discours bien rodé multiplie les gages de ruralité. 

Il ne se départit de son charisme onctueux et ne montre de signes d’agacement que lorsqu’on lui parle des dégâts environnementaux et sociaux causés par l’agriculture industrielle, son modèle absolu. Il est mort, le sol, il ne produit plus que sous perfusion, alarment des agronomes. Une fuite en avant, dopée à la pétrochimie, dont les agriculteurs sont les premières victimes. «Des clichés !». Bien.

Reste une question : comment peut-on prétendre défendre les éleveurs quand son propre intérêt vise à faire grandir les exploitations pour leur vendre toujours plus de tourteaux de colza ? Plus un troupeau grandit, moins il est facile de faire pâturer les vaches, plus c’est juteux pour le fournisseur Avril. L’herbe, gratuite, n’est bonne que pour les comptes des éleveurs. Vous avez dit conflits d’intérêts ? Beulin s’en moque. Plus c’est gros, plus ça passe... 

 
 
 
 
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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 13:29

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Bill McKibben: «Faire des industries fossiles des parias»

|  Par Jade Lindgaard

 

 

Co-fondateur du mouvement 350.org qui appelle au désinvestissement dans les énergies fossiles pour lutter contre le dérèglement climatique, Bill McKibben pense que saper le pouvoir des multinationales du pétrole et du charbon est plus efficace que de négocier un accord sur le climat.

Co-fondateur du mouvement 350.org qui appelle au désinvestissement dans les énergies fossiles pour lutter contre le dérèglement climatique, Bill McKibben pense que saper le pouvoir politique des multinationales du pétrole et du charbon est plus efficace que de négocier un accord sur le climat. Mediapart l'a rencontré lors de sa première visite en France, à l'occasion d'une conférence internationale sur le désinvestissement.

Vous avez signé l’appel contre les crimes climatiques (publié par Mediapart le 26 août). Pourquoi ?

 

Bill McKibben, septembre 2015 (NnoMan, Collectif ŒIL).
Bill McKibben, septembre 2015 (NnoMan, Collectif ŒIL).
 

Bill McKibben. Parce qu’il faut parler sans fard de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il y a une tendance dans les négociations sur le climat à perdre de vue les faits de base : nous détruisons la planète à un rythme très rapide. Un discours fort est nécessaire pour briser la routine. L’enjeu de la conférence à Paris en décembre ne peut pas se limiter à la signature d’un accord. Si on veut qu’elle ait le moindre sens, l’enjeu de la COP 21 doit être de déboucher sur des progrès réels.

Il existe deux réalités : d’un côté, la réalité politique. C’est dur d’obtenir un accord, de faire avancer tout le monde dans la même direction. Cela demande énormément de travail. C’est important de respecter cette réalité politique et de travailler dans ce contexte. Mais seulement si vous avez en tête qu’il existe aussi une réalité « réelle ». La négociation sur le climat ne se passe pas entre la France, la Chine et les États-Unis, mais entre les êtres humains et la physique. Ce n’est pas une négociation facile… car la physique ne se soucie pas vraiment de vos problèmes. Elle ne cherche pas le compromis.

Pour vous, la réduction des émissions de CO2 est la pierre angulaire de la lutte contre le dérèglement climatique. C’est pour cela que vous avez nommé votre mouvement 350.org, en référence aux 350 parties par millions (ppm) de CO2 dans l’atmosphère qu’il aurait fallu ne pas dépasser pour que le réchauffement global ne dépasse pas +2 °C ?

Au départ, tout le monde pensait que c’était une mauvaise idée. Il m’a semblé que :
1) C’est le chiffre le plus important au monde.
2) Je savais que s’ils voulaient parler de nous, les journalistes seraient obligés d’expliquer à chaque fois ce que signifie 350 ppm.
3) Nous cherchions à créer la première campagne globale contre le dérèglement climatique, ce que nous avons réussi au final. Les chiffres sont meilleurs que les mots pour communiquer au niveau mondial parce que vous n’avez pas besoin de les traduire. « 350 » signifie la même chose partout dans le monde.

Vous dites que c’est le chiffre le plus important au monde. Pourquoi avoir choisi 350, et pas 300 ou 400 ppm qui sont d’autres seuils de référence dans les discussions sur le climat ?

J’ai demandé à mon vieil ami James Hansen, un scientifique de premier plan, quel serait le bon chiffre. Nous étions en 2007. La plupart des scientifiques et militants se référaient à 450 ppm. Mais personne n’avait vraiment d’analyse de fond. Jim a proposé de travailler ce sujet avec son équipe. Il m’a rappelé quelques mois plus tard et m’a dit : « On a un chiffre pour toi mais il ne va pas te plaire : c’est 350 ppm. »

Des gens s’inquiétaient du fait que s’appeler 350 ne soit trop déprimant, puisque nous avions déjà dépassé ce seuil de concentration de CO2 dans l’atmosphère. Je ne le pensais pas. Pour moi, c’était comme aller chez le docteur. S’il vous dit : « continuez à manger autant de fromage et votre cholestérol sera trop élevé et vous aurez une crise cardiaque », personne ne s’inquiète vraiment. Mais s’il vous dit : « votre cholestérol est déjà beaucoup trop élevé, vous risquez de mourir d’une crise cardiaque », là, les gens commencent à s’inquiéter. D’autres encore nous disaient : c’est trop compliqué. Personne ne va comprendre ce que 350 veut dire. C’est le contraire qui s’est passé. Tout le monde comprend l’idée du dépassement des limites. Ces dernières années, d’autres chiffres importants sont sortis sur la quantité de carbone que l’on peut encore émettre, et celle qu’il faut garder sous terre. Les chiffres sont étonnamment utiles et puissants.

 

Atelier sur la justice climatique en territoire Sami, en Arctique, organisé par 350 (c) Tor Lundberg Tuordafin août 2015.Atelier sur la justice climatique en territoire Sami, en Arctique, organisé par 350 (c) Tor Lundberg Tuordafin août 2015.

Vous menez campagne pour que le monde cesse de financer les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz), c'est le « désinvestissement » des fossiles. Était-ce votre objectif initial quand vous avez créé le réseau 350.org avec sept étudiants, en 2008 ?

Non. D’abord nous voulions éduquer les gens, les inciter à se rassembler et à manifester partout dans le monde. Mais nous nous sommes rendu compte que cela prenait trop de temps. Nous avons donc décidé de nous mobiliser contre des projets fossiles particulièrement problématiques : l’oléoduc Keystone XL aux États-Unis, le projet de mine de charbon Carmichael en Australie, des ports miniers sur la côte ouest des États-Unis, une mine de lignite de RWE en Allemagne… C’est une mobilisation incroyable et nous avons remporté quelques victoires. Mais ce sont des actions défensives. Elles ne sont pas assez rapides. Il faut aussi jouer offensif. Le désinvestissement est une réponse, pour tenter de faire des industries fossiles des parias. Et donner à tout le monde la possibilité de s’impliquer : la plupart des gens n’habitent pas à côté d’une mine. Mais tout le monde a un lien avec une source d’argent : son université, son gouvernement, son église…

Vous êtes-vous inspirés des appels au désinvestissement en Afrique du Sud lors des campagnes anti-apartheid des années 1980 ?

Oui. Quand j’étais à l’école, j’ai un peu milité contre l’apartheid. Une des personnes qui nous a aidé à faire le lien entre cette mobilisation et la lutte aujourd’hui contre le dérèglement climatique est Desmond Tutu. Cette idée de désinvestissement est venue de discussions avec mon amie Naomi Klein, et de la lecture du rapport du think tank Carbon Tracker sur la quantité d’émissions de CO2 que représentent les réserves fossiles connues à ce jour. Une fois que vous avez compris que si ces réserves sont forées, le climat se déréglera complètement, vous comprenez que les entreprises qui continuent à extraire du pétrole, du gaz et du charbon se comportent comme des hors-la-loi. Si elles suivent leur business plan, la planète va craquer. Elles sont donc de bonnes cibles.
 

Près de 50 milliards de dollars sont en cours de désinvestissement dans le monde selon votre décompte : à  l’université de Stanford en Californie, Soas à Londres, le fonds de la famille Rockefeller (860 millions de dollars), le fonds souverain de la Norvège (40 milliards de dollars)… Mais ces annonces sont souvent floues sur leur contenu réel et leur calendrier. Quelle pression exercez-vous concrètement sur l’industrie de l’énergie ?

Le désinvestissement est réel. Mais le but n’est pas de provoquer la faillite d’Exxon. Nous n’y arriverons pas. Parce qu’ils ont plus d’argent que Dieu. C’est l’entreprise la plus rentable du monde. Mais leur futur dépend en partie de leur acceptabilité sociale. Ils ont besoin de la coopération du reste du monde : ils ont besoin de permis pour forer en Arctique, pour obtenir des allègements fiscaux…

Plus les gens retirent leurs financements, plus il leur sera difficile d’exercer leur pouvoir politique. Je suis prudemment optimiste sur l’efficacité de nos actions. Trois choses se passent simultanément : le désinvestissement ; la résistance aux oléoducs et aux mines ; la croissance du secteur des renouvelables. Les industries fossiles perdent de plus en plus de marché d’approvisionnement d’électricité. Shell va forer en Arctique mais ils ont déjà perdu le soutien d’Hillary Clinton – qui n’a pourtant jamais été une leader courageuse sur ce sujet. Je ne suis pas pour autant convaincu que tout cela permettra de faire advenir tous les changements nécessaires à temps. Il n’est pas impossible que ce soit déjà trop tard.

 

Lors de la conférence sur le désinvestissement, un héritier Rockefeller à gauche et May Boeve, directrice de 350 (Eric Coquelin)Lors de la conférence sur le désinvestissement, un héritier Rockefeller à gauche et May Boeve, directrice de 350 (Eric Coquelin)
 

En ciblant l’industrie fossile, vous épargnez les individus et leurs comportements polluants : hyper consommation, addiction à la voiture, incessants voyages en avion… N’est-ce pas un angle mort de votre discours ?

C’est vrai. Ce discours sur les comportements individuels, les écologistes le tiennent depuis 15 ou 20 ans. Mais il ne nous a pas menés très loin. En fin de compte, c’est un problème structurel, systémique, enraciné dans le pouvoir des industries fossiles. Si nous avions 100 ans pour résoudre ce problème, le mieux serait d’en passer par des changements lents, culturels. Et nous y parviendrions car c’est le type de changements que les humains savent le mieux accomplir.

Mais nous n’avons pas cent ans ! Il faut changer très vite. Au lieu de faire campagne pour le désinvestissement, nous pourrions militer pour que les gens abandonnent leurs voitures. Si on travaillait très très dur, on obtiendrait peut-être que 2 ou 3 %, peut-être 4 ou 5 % des gens abandonnent leur voiture. Et cela n’entraînerait qu’une légère atténuation des émissions de carbone. Ce ne serait pas du tout suffisant. Si nous pouvions convaincre 3 ou 4 % des gens, politiquement engagés, de changer les règles du jeu, de donner un prix au carbone, là, ce serait assez pour gagner et changer les habitudes de tout le monde sur la planète. Mais j’ai peut-être tort. Si quelqu’un a une meilleure idée pour convaincre un maximum de gens de changer, je serais ravi d'y aider.

La COP 21 sera la conférence sur le climat la plus financée par le secteur privé. Parmi des « mécènes » se trouvent des producteurs d’énergie, comme EDF et Engie. Est-ce un problème ?

Oui, je le crois. Beaucoup de gens doutent du processus des COP aujourd’hui car cela fait vingt ans qu’il échoue. Ce serait donc beaucoup mieux qu’il apparaisse protégé de l’influence des lobbies qui pèsent beaucoup sur ces négociations. D’une certaine manière, ce n’est peut-être pas plus mal que cela apparaisse au grand jour.

Cherchez-vous à développer les collaborations avec les chercheurs ?

Oui. De plus en plus de scientifiques sont prêts à prendre politiquement la parole sur le climat, dans les pas de James Hansen. Cette collaboration avec les chercheurs est très importante. Mais beaucoup de collaborations sont très importantes. Le 21 septembre dernier, quand a eu lieu la marche des peuples pour le climat à New York, réunissant 400 000 personnes, le cortège a mis en scène ces différentes collaborations : au premier rang se trouvaient les peuples autochtones et les communautés les plus vulnérables au dérèglement climatique. Ensuite venait un bloc de scientifiques en blouses blanches. Puis le bloc des solutions, etc.

C’est un mouvement très intéressant : il n’a pas de grand leader, pas de figure à la Martin Luther King. C’est bien. C’est une résistance généralisée aux énergies fossiles qu’il faut développer. L’industrie des hydrocarbures est si puissante et si omniprésente dans le monde entier qu’il faut s’y confronter partout où elle est présente. Internet aide à s’organiser sur ce mode décentralisé et open source. 

Le plus important, ce ne sont pas les liens avec les scientifiques, c’est l’émergence de ce qu’on appelle le mouvement pour la justice climatique. Il a changé le mouvement écologiste en le rendant beaucoup plus divers, plus ouvert. C’est juste et bien. Nous avons besoin d’une énorme coalition de gens pour gagner cette bataille. Un petit mouvement écologiste ne peut remporter que de petites victoires. Ce n’est pas assez pour abattre le pouvoir des industries fossiles. Quand 350.org a organisé son premier jour d’action mondiale en 2009, des milliers de photos de rassemblements partout dans le monde ont été envoyées. On y voyait des pauvres, des Noirs, des Asiatiques, des jeunes… ils étaient à l’image de ce qu’est le monde.

Pourquoi s’engagent-ils pour le climat selon vous ?

Parce qu’ils s’inquiètent du futur ! Si vous n’êtes pas protégé par la richesse, le futur vous semble encore plus effrayant. Si vous vivez au Pakistan, vous avez sans doute déjà dû quitter votre logement à cause d’une crue de l’Indus. Vous comprenez ce qu’il se passe. Vous connaissez les problèmes de sécheresse.

 

 

Vous avez été l’un des premiers auteurs à alerter le grand public sur le changement climatique avec votre livre The End of Nature, en 1989. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser si tôt à ce sujet ?

J’étais très jeune, j’avais une vingtaine d’années et j’écrivais pour le New Yorker. Je n’étais pas spécialisé en environnement. J’ai écrit un long article sur la provenance de tout ce qui se trouvait dans mon appartement : Brésil, Arctique, mines d’uranium, etc. Cela m’a laissé un sens très fort de la dimension physique du monde. Cela m’a incité à lire des articles scientifiques sur le dérèglement climatique dans les années 1980 – le GIEC n’existait pas encore. J’avais développé un sens de la vulnérabilité de la planète.

À New York, l’accès à l’eau dépend de la quantité de pluie qui tombe sur le nord de l’État. Quand j’ai écrit ce livre, en 1988, j’ai pensé que c’était l’histoire la plus importante du monde. Et je ne comprenais pas vraiment pourquoi les autres ne le voyaient pas ainsi. J’ai relu ce livre il n’y a pas très longtemps. C’est étonnant : la science n’a pas tant changé que cela. Nous savions déjà l’essentiel de ce que nous savons aujourd’hui, sauf que personne ne parlait de l’acidification des océans. Et que l’on ne se rendait pas compte de la rapidité des changements.

Si, en 1989, on avait dit à des scientifiques que la mer de glace de l’Arctique serait en partie fondue, ils auraient répondu : ah, non, c’est pour le siècle prochain. On pensait le dérèglement climatique à l’échelle des siècles. On l’expérimente aujourd’hui à l’échelle des décennies.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 17:50

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

 

Rémunération des grands patrons: visualiser l'indécence
Pi.M.
Mardi, 1 Septembre, 2015
Humanite.fr

 

Carlos Ghosn, patron de Renault et de Nissan, s'est augmenté de 175 % cette année
AFP
 
Les salaires des grands patrons augmentent encore, sans parler des retraites chapeaux et primes exceptionelles. Comme celle Michel Combes, qui non content d'avoir touché plus de 4 millions d'euros cette année quitte son poste avec 13,7 millions de prime. Le salaire cumulé de ces PDG permettrait de créer plus de 200 000 emplois. Infographies.
 
 
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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 16:51

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

Joseph Stiglitz : « 91% de la croissance est capturée par 1% en haut de l’échelle »
Mercredi, 2 Septembre, 2015
Humanite.fr
Photo : Francine Bajande
 
De passage à Paris pour la sortie de son dernier ouvrage, le prix Nobel d’économie relève que les inégalités sont au cœur de l’instabilité économique mondiale et développe ses positions alternatives.

À l’heure où François Hollande confesse un renoncement majeur en déclarant « assume(r) pleinement », dans un livre à paraître demain, son « acceptation du traité européen » Sarkozy-Merkel, le prix Nobel d’économie américain Joseph Stiglitz dresse un réquisitoire des politiques d’austérité. Dans l’entretien qu’il a accordé à l’Humanité à l’occasion de sa visite en France pour promouvoir son nouveau livre, la Grande Fracture (éditions Les Liens qui libèrent), l’économiste dénonce une Europe engluée dans l’austérité, dans laquelle « la France a peur » d’affronter l’Allemagne, comme on l’a vu lors de la crise grecque, cet été. Un problème économique qui devient un problème démocratique, souligne le prix Nobel, quand « les électeurs se disent partout : (…) les gouvernements ont trahi ». « C’est une autre logique qu’il faut suivre », affirme encore Joseph Stiglitz à propos du pacte de responsabilité de François Hollande, qui distribue des aides sans contreparties aux entreprises. Tirant enseignement de l’exemple grec, le prix Nobel, qui a soutenu le non d’Alexis Tsipras au référendum grec de juillet, se prononce pour une réforme de la zone euro, dans un sens plus « démocratique » et « solidaire », et dit l’espoir que suscite en lui l’essor des luttes des mouvements citoyens contre les inégalités aux États-Unis.

Lire l'entretien intégral (version longue en exclusivité sur l'humanité.fr)

Extrait :

Le gouvernement Hollande a décidé d’offrir 40 milliards d’euros de baisses d’impôts aux entreprises pour stimuler l’économie. Qu’en pensez-vous ?

Joseph Stiglitz. François Hollande fondait son espoir sur un regain d’investissements. Or il n’existe aucune preuve qu’un allégement des impôts sur les entreprises conduise mécaniquement à plus d’investissements. Il y a d’autres mesures que de faire un cadeau aux entreprises, ce qui revient à jeter de l’argent par les fenêtres et accroître l’inégalité. Si vous dites que vous investissez et que vous créez des emplois en France, à ce moment vous pouvez avoir une réduction d’impôts. Mais si vous n’investissez pas en France il faut que vous soyez imposé plus fortement. C’est une autre logique qu’il faut suivre, celle d’une incitation à la création d’emplois. Je l’ai dit, en son temps,  au gouvernement français mais je n’ai pas été entendu….

Vous faites la démonstration que des décisions politiques sont à l’origine des dysfonctionnements du système et vous dites que les solutions sont également politiques. Mais aux Etats-Unis Wall street bénéficie d’une législation qui lui permet de financer de façon illimitée les campagnes électorales. Est ce que les dés ne sont pas fondamentalement pipés parce que Wall street est ainsi, de fait, quasiment juge et parti ?

Joseph Stiglitz. C’est ce qui, à vrai dire, entame mon optimisme. Mais c’est aussi ce qui me renforce dans la conviction que l’on ne peut agir strictement sur le terrain des réformes économiques. Il faut promouvoir d’un même mouvement des changements dans la sphère politique. Une réforme de la loi électorale sur le financement des campagnes par exemple.

D’autres choses cependant me remplissent déjà d’espoir. Il y a eu des mouvements de citoyens qui ont réussi à surmonter ces terribles handicaps. Il y a eu des hausses du salaire minimum dans certaines grandes villes comme New – York, Los Angeles ou Seatle en dépit de l’influence des banques qui y étaient totalement opposées. Et à New-York, où se trouve le cœur financier du pays, on a même pu même élire un maire, Bill De Blazio qui a mené campagne contre les inégalités. .

Précisément en termes d’espoirs concrets, comment analysez vous le phénomène Bernie Sanders, le candidat à la primaire démocrate qui se réclame du socialisme ?

Joseph Stiglitz. L’aspect positif du débat aux Etats-Unis c’est que dans les deux partis il y a une reconnaissance du problème des inégalités. Et au sein du parti démocrate tous les candidats sont en faveur de réformes pour réduire les inégalités et mettre une muselière aux banques. Il y a ici et là des différences sur ce qu’il faudrait privilégier, s’il faut mettre davantage l’accent sur l’éducation ou sur autre chose mais il n’y a aucun désaccord entre les candidats sur cette philosophie contre les règles actuelles du capitalisme. Par exemple Hillary Clinton veut responsabiliser les entreprises sur leurs résultats à long terme. Il y a sur ce point unanimité en faveur des solutions progressistes. C’est sans doute aussi un reflet de la désillusion par rapport à la politique menée par Barack Obama et la montée de la conscience des dégâts occasionnés par les inégalités.

Quant à Bernie Sanders, c’est celui qui milite sur ces questions depuis le plus longtemps. J’ai travaillé à plusieurs reprises avec lui notamment sur les questions de la couverture santé. Ce qui est intéressant c’est qu’aujourd’hui il n’est plus isolé. Il est écouté dans le pays.  

Il ne faut pas se cacher cependant que si la grande fracture a produit cette intéressante évolution au sein du parti démocrate elle génère aussi une réaction totalement opposée, ultra-conservatrice dans le parti républicain.

lire la suite

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 16:25

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

A Aubervilliers, un collectif invente un autre collège

1er septembre 2015 / Marie Astier (Reporterre)
 


 

Une petite révolution est en cours dans l’Education nationale. A Aubervilliers, un collectif d’enseignants imagine un collège différent, dont le fonctionnement serait démocratisé, l’enseignement polytechnique, les décisions collectives... Un rêve dont ils espèrent convaincre l’institution de le concrétiser dans un nouvel établissement en 2017.


Tout a commencé par une grève : en 2010, à Aubervilliers, des suppressions de postes sont annoncées, alors que le nombre d’élèves augmente. Pendant deux mois, les profs des collèges du secteur protestent, se rencontrent, débattent. « On a discuté de l’école, de ce qui n’allait pas, se rappelle Isabelle Darras, professeure de lettres classiques. Puis on a appris que le département votait le budget pour construire un nouveau collège à Aubervilliers. » C’est le déclic : et si cet établissement à naître, dont les plans ne sont même pas encore dessinés, était justement l’occasion de repenser un collège différent ?

Au départ, ils sont quelques profs et un CPE (conseiller principal d’éducation), exerçant tous en zone « difficile ». Ils se réunissent dans un collectif, puis créent l’association pour un collège coopératif et polytechnique à Aubervilliers (A2CPA). Aujourd’hui, ils sont une dizaine de permanents, plus une trentaine de curieux réguliers.

 

 

Ils mettent une contrainte à leur imagination : le collège sera public et respectera la carte scolaire. « On fait un collège pour nos élèves, insiste Vincent Boroli, professeur d’EPS dans le 19e. On a envie d’offrir un service public d’éducation de meilleure qualité, et ce dans une des villes les plus pauvres de France. »

L’éducation nationale, usine à élèves ?

Trop d’élèves par classe, manque de moyens, direction parfois autiste. Tous sont insatisfaits des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier. « On a plus l’impression d’être dans une logique d’usinage de l’éducation que dans un métier où on prend en compte l’humain. L’éducation nationale est basée sur un modèle très vertical où l’on applique des décisions sans avoir l’impression d’en être les auteurs », dénonce Vincent.

« Aujourd’hui dans le secondaire, les conditions ne sont pas créées pour que les professeurs travaillent en équipe. Or la transmission des savoirs est une affaire collective », observe André Sirota. Ce chercheur et professeur en psychologie à l’université Paris-Ouest, spécialiste de l’éducation, soutient activement le collectif.

Mais attention, avertit Séverine Labarre, professeure de lettres modernes, « on n’a pas pensé les choses en fonction de ce qu’on n’aime pas dans l’éducation nationale, on l’a construit en fonction de ce que l’on voudrait. »

 

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Régulièrement, le collectif organise des ateliers avec la population du quartier du futur collège. Ici un atelier jardin.
Révolutionner le collège

Le collectif se réunit toutes les deux semaines. Il fait du « tourisme pédagogique » dans les établissements appliquant des pédagogies alternatives, prend des journées entières pour réfléchir pendant les vacances scolaires.

Peu à peu, le projet se dessine. Emploi du temps, hiérarchie au sein de l’établissement, méthodes de travail en classe ou entre profs, tout est remis à plat.

Il faut d’abord lutter contre l’anonymat dans un établissement programmé pour avoir 600 élèves. L’idée est de le diviser en trois « maisons » de 200 élèves, chacune accueillant tous les niveaux, avec ses salles, ses profs, ses activités.

Il faut aussi démocratiser la vie de l’établissement. Chaque classe tiendra conseil une fois par semaine pendant une heure. Ordre du jour, tour de parole, maître du temps : les enfants dirigent la séance. « C’est un espace pour apprendre à gérer les conflits par la parole, avec un rituel qui permet d’instituer un climat d’écoute », explique Vincent.

 

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Des conseils d’élèves à l’assemblée de classe, le but est de démocratiser le fonctionnement du collège.

Au-dessus, les conseils de maison et de collège fonctionnent sur le même système et intègrent élèves, profs, personnel de l’établissement. Ces heures de concertation sont formalisées dans l’emploi du temps des élèves et des adultes. « On passera plus de temps dans l’établissement, mais moins de temps à brasser de l’air, espère Adeline. Il s’agit de partager le pouvoir. C’est une révolution au collège. »

Apprentissage de la citoyenneté

Autre révolution, l’enseignement polytechnique. Au sein de l’établissement, un jardin pédagogique et un atelier vélo sont prévus. Une façon de « décloisonner les matières ». « Dès la sixième, l’élève entre dans un système avec des profs ultra-spécialisés chacun dans leur matière et n’arrive plus à articuler les savoirs, on ne fait plus le lien entre le théorique et le pratique », regrette Vincent Boroli. Ainsi, le projet propose par exemple de mesurer son rythme cardiaque en sport pour faire le lien avec les cours de biologie, ou d’apprendre les surfaces en mathématique à travers le projet de repeindre une salle de classe.

Cette organisation devra permettre un « meilleur apprentissage des savoirs et de la citoyenneté, espère le chercheur André Sirota. Des objectifs souvent affichés dans les discours de l’éducation nationale, mais peu présents dans les faits... »

Remettre en cause le système de l’intérieur

Le projet a été plutôt bien accueilli. In extremis, et après accord de l’éducation nationale, le département, qui gère la construction, a invité le collectif à rencontrer les architectes du futur bâtiment. « On a pu obtenir l’organisation du collège en trois escaliers pour les trois maisons, des lavabos dans toutes les salles pour les ateliers, des tables déplaçables, etc. », se félicite Adeline. Ce n’est pas pour autant que leur projet est accepté. Le collège doit officiellement ouvrir ses portes en 2017, il y a le temps, mais le chemin au sein de la hiérarchie éducative est long. L’académie de Seine-Saint-Denis semble plutôt les soutenir. Au-dessus, le rectorat de Créteil demande encore à être convaincu.

Car ce projet de collège qui se veut « différent » est d’autant plus subversif qu’il veut s’intégrer au sein de l’éducation nationale. « Cela remet en cause le système de l’intérieur », note Adeline Besson...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 16:07

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Quand un ancien tri postal devient le refuge des âmes meurtries et des âmes fleuries

2 septembre 2015 / Monique Douillet (Silence)
 


 

L’ancien bâtiment du tri postal, derrière la gare d’Avignon, devrait se transformer en un vaste bâtiment d’accueil pour les personnes en difficultés, mais aussi pour nombre d’activités associatives.


- Avignon, reportage

J’arrive dans la grande cour du centre de tri, située avenue du Blanchissage (derrière la gare centre). En face de moi, une cabane en bois aux murs de paille compressée sert de bureau d’accueil. Sur la porte une affichette : "On cherche Gilbert désespérément". Stéphane et Malek m’accueillent et saisissent mon regard interrogateur, ils m’expliquent : "On n’a pas perdu Gilbert, c’est le titre du film qui passe en boucle à l’intérieur. On a participé au tournage, il a été présenté au festival du film précaire." À l’intérieur c’est une salle de projections ou de réunions, tout en gradins. Je reviendrai voir.

Juste devant la cabane, il y a des jardins surélevés avec quelques plantations de fleurs et de légumes. On dirait que les tuteurs attendent des plants de tomates. A droite, le bâtiment du tri postal entièrement vitré sur trois niveaux... et devant, une suite de préfabriqués. Au rez-de-chaussée de l’immeuble grand ouvert, un spectacle se prépare. La salle modulable est délimitée par des pendrillons. [1] Deux comédiennes attaquent un hymne au tri postal : "Ici les âmes meurtries et les âmes fleuries se croisent."

 

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Visite du bâtiment durant la Journée du patrimoine, octobre 2014.

Nous sommes le 9 avril 2015 et la journée Portes ouvertes démarre tout juste. Cour, jardin, cabane, je tourne un moment sans comprendre comment ça fonctionne. Stéphane me propose de rencontrer Hélène qui va m’expliquer.

"Espèce d’espace"

Hélène est une étudiante en architecture qui a choisi d’effectuer ici son stage de fin d’études. Elle vit depuis six mois au sein de l’entreprise, participant à l’animation de jour et de nuit de tout ce qui se trame ici, autant dire entièrement polyvalente et capable de répondre à toutes les questions ! Elle a participé à la construction de la cabane. Le jardin, c’est l’œuvre de l’association Colibris qui s’occupe aussi de la santé. Les bungalows hébergent des personnes en situation précaire, il y en a d’autres ailleurs dans la ville. L’ensemble de ces logements est dénommé : "Villa Médicis".

Aujourd’hui, on fait un pas de plus. Le projet est d’aménager la bâtisse. La maquette et les plans de réhabilitation du tri postal (2 500 m²) ont été confiés à deux associations d’architectes, le Perou (Pôle d’exploration des ressources urbaines) et le Nac (Notre atelier commun) auquel appartient Hélène.

 

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La maquette du Tri postal

Nous visitons, elle m’explique : le rez-de-chaussée mutualisera un espace complémentaire pour l’accueil de nuit, un restau, des douches publiques, un espace soin et bien-être, une école de coiffure, une laverie, une crèche (la cité des bébés accueillera un tiers d’enfants en situation de handicap). Au premier et au second étages se trouveront des bureaux, des salles de répétition, une résidence d’artistes, un atelier de couture. Le tout sera assez souple pour s’adapter aux évolutions en cours car cette "espèce d’espace" n’a pas encore défini ses contours. "Cela se précisera en marchant."

Une question, par exemple, va être soumise à la prochaine assemblée consultative des Rêveurs (collectif de personnes de bonne volonté qui manifestent leur intérêt pour le projet) : "Est-ce que le festival in sera ou non invité dans ces lieux ?" Question assortie d’un préambule : "Attention ! Le Tri doit rester un lieu de co-création et de co-production tourné vers l’accessibilité à tous, avec une attention envers les publics précaires, avant d’être un lieu de diffusion. Le Tri n’est pas la Friche belle de mai à Marseille, pas la même vocation, pas les même objectifs."

Myriade d’associations

Actuellement, un grand nombre d’associations partenaires, à vocation sociale, culturelle et citoyenne, travaillent ici. Il y a le groupe d’entraide mutuelle qu’on appelle le Gem, deux fanfares : Lance-Croquettes et Haut les mains, le conservatoire d’art dramatique, les Beaux Arts, l’Université populaire, Latitudes qui propose des actions d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité à base de pédagogies actives, Colibris, qui a entrepris le potager.

 

 

L’Union des familles malades (Unafam) s’est tournée vers la production audiovisuelle. "Roulons à vélo" répare les bécanes et les met à la disposition des résidents et des gens qui travaillent. Une cantine, tous les jeudis à midi, réunit les bénévoles - dont les "résidents de l’accueil de nuit" - soit un noyau d’au moins 80 personnes.

- « Mais qui est à l’origine d’un si vaste projet ?
- « Alors là, il vaut mieux que tu questionnes Renaud
, répond Hélène, c’est le directeur de l’association CASA et de HAS Vaucluse [2] qui pilote l’ensemble. Je vais le chercher. On se retrouvera après au spectacle. »

 

Action en faveur des sans abris

Renaud Dramais, son directeur, me résume la fabuleuse histoire de CASA : "Cela commence en 2001. Nous avons choisi d’appeler cette association CASA, comme le magasin où l’on trouve tout pour la maison : Collectif, Action, Sans, Abri."

Les membres du collectif (usagers de fait des structures sociales et d’insertion), ont revendiqué un droit de parole concernant le dispositif qu’on préparait pour eux. Ils réclamaient un lieu d’accueil inconditionnel ouvert à toutes les personnes qu’elles soient alcoolisées, toxicomanes, handicapées ou accompagnées de chiens... La demande est donc venue de gens vivant à la rue, en situation d’exclusion et de grande précarité́, confrontés parfois à une perte radicale de toute protection de la vie humaine.

En 2003, après nombre de péripéties, promesses non suivies d’effets, squat de locaux, etc., le sous-préfet a entamé une discussion avec CASA afin d’aboutir à la création de ce lieu. L’adjoint municipal aux affaires sociales a proposé la cour de l’ancien tri postal. Pendant quatre ans, CASA a disposé d’un contrat d’occupation précaire de la cour exclusivement, renouvelé d’année en année, mais n’a pas lâché l’affaire. En 2007, les associations CASA, Habitat Alternatif Social et le Marabout [3] ont élaboré une charte de coopération pour lutter contre l’exclusion.

 

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Le bâtiment, vu de la gare d’Avignon

Durant l’hiver 2008/2009, signe fort, les Enfants de don Quichotte et Le Collectif Contre les Inégalités et les Exclusions ont débuté leur tour de France du mal-logement par Avignon, au côté de CASA. Cette mobilisation bien relayée par les médias oblige la Municipalité à entrer à nouveau dans un véritable dialogue. Cependant aucune solution durable n’a été trouvée. Tout au long de ces années, le cap a été tenu au prix de mobilisations extraordinaires. Comment rendre compte de la capacité de survie extraordinaire de ce collectif, dans un environnement parfois ouvertement hostile ? "Jusqu’à ce jour nous avons porté ce projet d’espace commun, notre maison commune, un monde en soi."

Ce que j’ai vu ici au cours de cette journée "portes ouvertes" qui s’est terminée par un repas partagé, m’a interrogée. Cette association Casa-Has, avec ses revendications si semblables à celles des pionniers de l’éducation populaire au XIXe siècle : la dignité de la personne, son accès à la citoyenneté, un toit pour tous et un accès à l’éducation, ne serait-elle pas la véritable héritière de ce mouvement ? Par ricochet, cela signifie aussi que depuis bientôt deux siècles la situation pour une partie de la population n’a pas changé autant qu’on le croit...


2015. LA VILLE S’ENGAGE

Vincent Delahaye, conseiller municipal délégué à l’habitat d’urgence et aux nouveaux modes d’habitat, confirme l’intérêt de ville d’Avignon. "On connaît la richesse de ce projet participatif, intergénérationnel, d’économie sociale et solidaire, qui réinterroge la vie de quartier."

La Ville a engagé les négociations avec Réseau ferré de France, propriétaire du bâtiment, pour un euro symbolique. Les collectivités et l’État devront se positionner...

 

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 15:35

 

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EDF distille la propagande nucléaire dans les lycées avec le feu vert de l’Education nationale

21 juillet 2015 / Emilie Massemin (Reporterre)
 


 

 

EDF propose des conférences "sur le développement durable“ dans les établissements scolaires. Vantant subtilement l’énergie nucléaire et stigmatisant la transition énergétique. Reporterre s’est procuré l’enregistrement d’une de ces conférences, au lycée René Char d’Avignon. Analyse.


C’est une leçon un peu spéciale qu’ont reçue les élèves du lycée René Char d’Avignon le 20 avril dernier. A la place de leur cours de principes fondamentaux de l’économie et de la gestion (PFEG), un conférencier, Romain Gras, leur a parlé production d’électricité et développement durable pendant une heure et demie. Détail troublant, ce monsieur travaille pour l’agence Junium Diffusion, un prestataire d’EDF. Alors que la production d’électricité de ce dernier dans le monde était à 82,2 % nucléaire en 2014.

Cet enseignement était-il aussi neutre qu’on est en droit de l’attendre de l’éducation publique ? Pour le savoir, Reporterre s’est procuré un enregistrement de l’animation proposée par M. Gras aux lycéens de René Char.

En introduction, l’intervenant présente les différents types d’énergie. Il poursuit sur les véhicules électriques, puis sur le pétrole, le gaz et le charbon, dont il souligne le caractère néfaste pour le climat et l’économie française. C’est là qu’arrive le nucléaire, « moyen alternatif » de produire de l’énergie qui « coûtait moins cher » à la France, dépourvue de réserves de gaz, de charbon et de pétrole.

Puis M. Gras détaille le fonctionnement de la filière atomique, de l’extraction de l’uranium à la gestion des déchets radioactifs. Il ne dissimule pas l’impact environnemental de cette industrie même s’il souligne que « l’uranium a un avantage, c’est un minerai à la base peu cher, beaucoup moins que le pétrole ».

« Ceux qui travaillent là [dans le réacteur] sont soumis à la radioactivité, poursuit l’intervenant. On porte bien sûr des combinaisons pour s’en protéger. » Insouciant, il rapporte avoir « pris des doses de radioactivité supérieures à la normale » cet hiver. Des propos qui minimisent les risques, alors qu’une étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) montre que l’exposition prolongée à de faibles doses de radioactivité accroît le risque de décès par leucémie chez les travailleurs du nucléaire.

Tchernobyl, Fukushima, démantèlement, déchets : le grand déballage

Les catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima sont évoquées, ainsi que leurs conséquences – mise en en place d’une « zone interdite » et difficultés à gérer les quantités phénoménales d’eau radioactive à Fukushima.

Le grand déballage continue avec les problèmes du démantèlement - « on ne peut pas déconstruire totalement une centrale nucléaire » - et les déchets radioactifs - « il y en a une partie, (…) on ne peut pas enlever la radioactivité, on ne sait pas quoi en faire (…) donc on les stocke ».

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Un groupe scolaire installé à proximité de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher.
Démontrer que le nucléaire est la solution la moins mauvaise

Le conférencier de Junium ne semble donc pas promouvoir ouvertement le nucléaire. En tout cas, il ne cache pas les dangers de ce mode de production. Son discours est plus subtil : démontrer qu’en dépit de ses défauts, l’atome reste la source d’énergie la moins mauvaise. Chose rassurante, les lycéens ne semblent pas dupes.

« Si le nucléaire c’est tellement bien, pourquoi l’Allemagne veut s’en débarrasser, de toutes ses centrales ? », demande l’un d’eux. La réponse fuse, un peu agacée : c’est un « choix politique » suite à l’accident « rarissime » de Fukushima en 2011. Et dans la bouche de M. Gras, c’est loin d’être une bonne idée : « Depuis 2011, l’Allemagne rejette énormément de CO2, parce qu’elle a lancé des centrales qui brûlent du charbon. » Ce qui est exact : les émissions de CO2 allemandes sont passées de 742,2 Mt en 2011 à 755,3 Mt en 2012 (cf p. 36 de ce document de l’IAE) - mais ont diminué en 2014. Mais il est possible que ce retour au charbon ne soit que passager : la transition énergétique est en marche outre-Rhin.

Une transition énergétique qui ne semble guère convaincre M. Gras. « [Les Allemands] ont développé massivement l’éolien. Super, ironise-t-il. Vous la contrôlez l’éolienne ? (…) Vous contrôlez rien du tout. » Les autres énergies renouvelables ne trouvent guère grâce à ses yeux. Les centrales hydrauliques, c’est bien, « c’est plus puissant, ça produit plus ». Mais « impact à mesurer (…). Vous inondez une vallée. Donc on déplace des villages ». L’énergie marémotrice, c’est pas mal, les hydroliennes aussi, « mais il y a un souci, c’est d’ordre économique. Produire de l’électricité en pleine mer, (...) techniquement, on sait faire, mais en ce moment c’est très coûteux ».

En revanche, le conférencier n’évoque pas les coûts incontrôlés de la construction de l’EPR, du stockage des déchets et des démantèlements ?

Quant aux économies d’énergie, elles ne sont tout simplement jamais mentionnées, comme si la politique énergétique se résumait au choix de la production d’électricité.

« Pas neutre », juge un parent d’élève

L’intervention de l’envoyé d’EDF au lycée a fait grincer quelques dents chez les parents d’élèves. « Je trouve que ce n’est pas neutre, juge l’un d’eux. Le lycée aurait pu faire venir plusieurs intervenants différents, un dans les énergies renouvelables, un dans le nucléaire, un dans l’efficacité énergétique, pour que les élèves puissent avoir différents points de vue. »

 

« La question sur l’Allemagne était intéressante à poser, je voulais savoir ce qu’il allait répondre. Mais je trouve qu’il a évité le sujet », relève une élève. La remarque sur les doses de radioactivité l’a laissée perplexe : « Quand il a dit qu’il avait été irradié, il essayait de dédramatiser mais je n’ai pas trouvé ça convaincant. »

De son côté, la proviseure du lycée René Char a indiqué à Reporterre qu’elle n’avait « pas de commentaire à faire sur cette intervention ».

 

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Brochure de présentation des prestations proposées par Junium Diffusion pour EDF.
Une convention signée entre EDF et l’Éducation nationale

Cette conférence n’est pas un cas isolé. Elle est délivrée dans le cadre d’une convention qui lie EDF et l’Éducation nationale depuis le 30 avril 2002. Reporterre en a demandé le texte au ministère de l’Éducation nationale, qui ne lui a pas encore envoyé. Le producteur d’électricité propose ainsi quatre types de conférences aux établissements scolaires. Cinq mille interventions ont été réalisées en France pendant l’année scolaire 2013-2014, peut-on lire dans une note envoyée par le service pédagogique d’EDF.

- Télécharger la note d’EDF :

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EDF balaie du revers de la main tout soupçon de propagande nucléariste. Les conférences ne traitent pas des activités d’EDF, mais proposent « une vision globale de ce qu’est la production d’électricité et les enjeux d’un mix énergétique, par rapport aux trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental », y assure-t-on en réponse aux questions de Reporterre. En plus, les conférenciers ne sont pas payés par EDF, mais par Junium. Ceci, « pour pouvoir donner des conférences en toute neutralité ».

Conférencier... ou responsable d’équipe à la centrale du Tricastin ?

Pourtant, dès les premières minutes de l’enregistrement que s’est procuré Reporterre, la distinction entre conférencier Junium et salarié EDF est gommée. « Je travaille pour EDF, affirme l’intervenant. Une partie de mon métier, la principale, consiste à travailler à la centrale nucléaire du Tricastin...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 15:13

 

Source : http://www.terraeco.net

 

 

 

Comment (vraiment) sauver l’agriculture française avec 3 milliards

27-08-2015

 

 

 

Comment (vraiment) sauver l'agriculture française avec 3 milliards
(Crédit photo : Flickr - Renaud Camus )
 
Xavier Beulin, patron de la FNSEA, réclame cette somme pour sauver l'élevage. Et si, avec le même magot, on changeait de système ? L'exercice a inspiré la Confédération paysanne et l'agronome Marc Dufumier. Voici leur méthode.

L’agriculture française est en crise. Les éleveurs de porcs bretons se sont fait distancer par les allemands. Le prix du lait de Normandie ne rivalise plus avec celui d’Australie… Qu’à cela ne tienne ! Une perfusion de quelques milliards d’euros devrait remettre le système d’aplomb. C’est en tout cas ce que préconise Xavier Beulin. Dans une interview au Journal du dimanche, le président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), premier syndicat agricole français, réclame « 3 milliards d’euros sur trois ans pour retrouver la compétitivité perdue ». Cet ingrédient devrait, selon le pédégé d’Avril-Sofiprotéol, une holding spécialisée dans le financement de l’agro-industrie, permettre à la France « de rattraper l’Allemagne dans les cinq ans ». Sa recette ? « Moderniser les bâtiments, automatiser les abattoirs, organiser les regroupements d’exploitations afin qu’elles soient plus productives ». Le tout, en supprimant les charges et en gelant les normes environnementales.

Pendant que l’homme d’affaires rêve d’un élevage industriel reparti « pour quinze ans », d’autres, partisans d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, dépenseraient cet argent autrement. L’agronome Marc Dufumier et le porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel, nous détaillent comment.

1. Des prix plus rondelets pour les petits volumes

Et si les premiers litres de lait d’un paysan lui rapportaient plus gros que les suivants ? Et si les fruits, légumes et céréales récoltés sur les premiers hectares d’une exploitation étaient vendus à un prix plus intéressant ? Selon Laurent Pinatel, cette seule mesure aurait au moins trois bienfaits : « soutenir les petites exploitations, limiter la concentration et éviter la surproduction ». A la Confédération paysanne, on suggère, par exemple, un prix du lait à 350 euros la tonne pour les 150 000 premiers litres, ou encore une surprime pour les 25 premiers hectares (il en existe déjà une pour les 52 premiers hectares). Ainsi, en garantissant un revenu décent dès les premiers volumes, ce système pourrait encourager les installations ou du moins « stabiliser le nombre de paysans », estime Laurent Pinatel. Dans le même temps, il mettrait un coup d’arrêt à la course aux gros volumes, limitant ainsi les risques de surproduction, qui eux-mêmes entraînent des chutes de prix qui, à leur tour, incitent à courir après les gros volumes…

2. Réorienter les primes vers la qualité plutôt que vers la quantité

Les agriculteurs français ont-ils plutôt intérêt à produire des quantités modérées de lait voué à être changé en yaourts et en fromages vendus dans l’Hexagone ? Ou de gros volumes pour exporter, en concurrence avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, du lait en poudre sur le marché chinois ? A la Confédération paysanne, on choisit sans hésiter la première option. Ainsi, quand Xavier Beulin mise sur les fermes XXL, d’autres considèrent que le salut de l’agriculture française passera par les labels, le bio, les AOC… « Prenons le porc : même si on rattrapait les Allemands et les Espagnols sur les prix, si l’on garde les mêmes conditions d’élevage et d’alimentation, pour quelles raisons un consommateur préfèrerait-il acheter français ? », s’interroge Laurent Pinatel. Le syndicaliste préconise donc un positionnement sur le « haut de gamme ». Un avis que partage Marc Dufumier. « Il faut remettre les animaux sur la paille, revoir le contenu de leurs gamelles, les ramener sur l’herbe », abonde l’agronome. Quant aux fruits et aux légumes, il serait bon « de réduire l’usage d’engrais de synthèse et de pesticides », poursuit-il.

Mais, ce tournant engagé, les ménages aux petits budgets pourront-ils continuer à se nourrir français ? Oui, « à condition que les aides de la PAC (politique agricole commune) soient réorientées vers la qualité », estime Laurent Pinatel. A ses yeux, l’économie française a tout à y gagner. « A la tonne de viande vendue, un poulet de Bresse ou de Loué crée plus d’emplois que de la volaille industrielle », détaille-t-il.

3. Abattoirs, fromageries : créer des infrastructures de proximité pour valoriser les produits

Pour proposer en circuit court des produits à forte valeur ajoutée, encore faut-il pouvoir les transformer. C’est alors que les régions ont un rôle à jouer, celui de « mettre en adéquation les besoin de consommation et d’emplois d’un territoire et sa production », précise Laurent Pinatel. En bénéficiant d’une partie des 3 milliards d’euros, elles pourraient soutenir l’ouverture de yaourteries, de fromageries et d’abattoirs de petits volumes permettant aux bouchers de s’approvisionner au plus près. Le tout rendu possible par « la mise en place d’aides à la collecte au ramassage ».

4. Booster la demande de bio et de produits locaux en allégeant les factures des cantines

Tandis que la France manque de légumes – le nombre de producteurs à chuté de 40% depuis 1996 –, les exploitants agricoles produisent toujours plus de céréales à exporter. De même, « alors que nos bovins élevés hors sol et nourris au soja brésilien partent vers Taïwan ou le Maghreb, nous allons chercher en Irlande des animaux engraissés à l’herbe pour répondre à la demande française », déplore Laurent Pinatel. Un système que la Confédération paysanne aimerait rééquilibrer. « Il faut arrêter de vouloir faire manger aux gens ce que l’on produit pour produire ce que les gens ont envie de manger », résume-t-il. Dans l’idée, les céréaliers devraient se faire un peu maraîchers. Partisan de ces conversions, Marc Dufumier mise sur les cantines pour donner l’impulsion. C’est alors qu’interviennent les 3 milliards. « Imaginez que, grâce à un soutien financier, collèges, lycées, maisons de retraites et restaurants d’entreprises n’aient pas à débourser plus cher pour des produits de proximité, avance-t-il. Dites ensuite à un céréalier qu’une école est prête à acheter à bon prix un volume croissant de légumes sur les six ans à venir et vous avez des chances de voir ses pratiques changer. »

5. Des revenus pour les services environnementaux rendus

Paysans, plantez des arbres dans vos champs ! Tel devrait être l’un des engagements du monde agricole en contrepartie des 3 milliards d’euros réclamés par la FNSEA. De même, la réintroduction de coccinelles pour chasser les pucerons, de scarabées pour s’en prendre aux limaces, devrait être récompensée. « En préservant les paysages, en limitant l’usage d’engrais et de pesticides, ces pratiques vont dans l’intérêt du contribuable, résume l’agronome. Les 3 milliards pourraient servir à rémunérer le producteurs pour les service rendus à la collectivité », estime Marc Dufumier. « Ce système, présent dans le second pilier de la PAC, pourrait être développé, confirme Laurent Pinatel. Il permettrait à des agriculteurs en intensif, qui, du fait de la [convergence des aides→http://www.terre-net.fr/convergence...], risquent de voir leurs primes baisser, de compenser ces pertes en changeant leurs pratiques. »

6. Soutenir l’emploi

Seul bémol, champs arborés et agriculture automatisée ne vont pas de pair. « Ce type d’agriculture est fatalement plus gourmande en main-d’œuvre, ce qui implique des coûts de production plus importants », reconnaît Laurent Pinatel. C’est précisément ce surcoût qu’une enveloppe de 3 milliards devrait également absorber.

7. Encourager la mise en culture de légumineuses pour lever le pied sur le soja

Pour fonctionner sur le modèle actuel, l’agriculture française importe beaucoup : « du soja brésilien, argentin et américain pour les protéines, du gaz naturel russe pour fabriquer les engrais de synthèses azotés… », résume Marc Dufumier. L’agronome assure que cette dépendance, et donc cette vulnérabilité aux variations des marchés mondiaux, n’est pas une fatalité. « La mise en culture de légumineuses( pois, féveroles, lentilles ) sur le territoire permettrait, en partie, de s’en libérer. » Quant aux engrais, Marc Dufumier estime qu’on peut regagner en indépendance à condition de « réassocier l’élevage et les cultures ». Ainsi, le fumier « fertiliserait les champs plutôt que les algues vertes bretonnes » . Autre technique : le « pré bois » ou l’art de planter des pommiers dans les champs de blé. « Leur racines vont chercher des minéraux très profondément dans le sol, ceux-ci se retrouvent dans les feuilles qui, quand elles tombent, nourrissent le sol et les cultures » rappelle ce partisan de l’agroforesterie.

L’ensemble de ces revirements met à mal les économies d’échelle, vocation première de l’agriculture industrielle. Mais à long terme, Marc Dufumier assure que même financièrement, ce pari sera gagnant. « Le système actuel nous coûte très cher : en importation d’aliments, d’engrais et d’énergies fossiles, en algues vertes, en traitement des eaux, en maladie d’Alzheimer et en chômeurs », résume l’agronome. Pour lui, utilisés comme l’entend la FNSEA, les 3 milliards tomberaient dans un panier percé. « La modernisation telle que l’entend M. Beulin, consiste à produire, sur le modèle des années 1950, la même merde qu’aujourd’hui avec encore moins de bras, pour au final encore moins de goût ! »

A lire aussi sur Terraeco.net :
- L’interview coup de point de Xavier Beulin
- Notre dossier « Le goût assassiné »

 
 
 
 
 
 
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