Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:47

 

Source : https://www.laquadrature.net/fr

 

 

Loi Surveillance : la France à l'écoute du monde ! (enfin...)

 

 

Paris, le 27 octobre 2015 — Le Sénat français a voté ce soir la proposition de loi sur la surveillance internationale, légalisant la surveillance de masse au-delà des frontières de la France, qui porte également sur de très nombreux Français. La Quadrature du Net salue la constance française en matière d'atteintes graves aux droits de l'Homme.

À défaut d'écouter les défenseurs des droits de l'Homme, la France va bien se mettre à écouter le monde entier grâce au courageux vote des sénateurs, qui viennent de rejoindre leurs collègues de l'Assemblée nationale dans une promotion audacieuse des technologies de surveillance françaises à l'international.

 


Caïn par Henri Vidal, photo Alex E. Proimos, CC-BY 2.0
 

Après des mois de dénonciation argumentée et renouvelée des ONG de défense des droits, des organisations internationales, des rapporteurs de l'ONU ou du Conseil de l'Europe, des « amateurs » du Parlement européen ou des syndicats de professionnels de la Justice, la représentation nationale française continue à faire la sourde oreille.

La France, auto-proclamée modèle des droits de l'Homme, pourra ainsi exporter et amplifier son savoir-faire en matière d'écoutes internationales de masse, de non-contrôle de ses services de renseignement et de violations massives de la vie privée. Un brillant avenir pour la French Tech, vantée si souvent par le président de la République et le gouvernement de Manuel Valls !

Quoiqu'il reste encore un obstacle à cette dérive d'avenir pour notre pays : le texte voté ce soir par le Sénat, après passage en commission mixte paritaire, devra encore être adopté formellement par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Un ultime sursaut pour enfin lire les reproches réitérés qui lui sont faits, et le refuser ? Il serait temps que les votes sur la surveillance de masse cessent d'être faits dans des hémicycles vides, nocturnes et désabusés.

Et ensuite il ne restera visiblement qu'à porter le combat pour les libertés fondamentales là où il pourra enfin être pris au sérieux : auprès des instances judiciaires européennes.

 

 

Source : https://www.laquadrature.net/fr

 

 

 

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:43

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Agression sexuelle dans un train : les réseaux sociaux bousculent la SNCF

 

 

Sur Facebook, le témoignage d’une internaute racontant une agression, vendredi dans un train, révolte des internautes. Au silence dans le wagon, s’oppose une discussion très riche en commentaires.

 

 

 

C’est la page Facebook Paye ta Shnek, créée contre le harcèlement de rue, qui relaie le témoignage. Celui d’une personne qui se présente comme passagère d’un train d’Ile-de-France :

« Le 24 octobre, dans le train en direction de Mantes-la-jolie, vers 20h40, dans l’avant-dernier wagon décoré de camélias, une femme s’est fait agresser sexuellement sous mes yeux. »

Elle raconte ce qui semble malheureusement être devenu une banalité. L’invisibilité d’une agression pourtant ostensible :

« Je n’ai rien vu. Rien vu avant qu’un homme, à l’accent italien s’énerve, se lève, et interpelle les gens de mon wagon blindé. Si cet homme me lit, je veux lui dire merci. Merci de m’avoir sortie de mon livre et d’avoir essayé d’aider cette femme. Merci de s’être levé pour une femme. Cette femme, qui, quatre rangs devant moi, depuis le départ du train, subissait les attouchements de l’homme qui s’était assis à côté d’elle. On avait bien entendu quelqu’un dire avec force : “Ne me touchez pas, je vous dis de ne pas me toucher.” Mais on ne savait pas qui.

On avait cru à un malentendu, une maladresse, on était sûrs de rien, on n’avait rien vu. Puis plus rien entendu. On était repartis dans nos bouquins, sur nos smartphones. Et puis cet homme s’est levé après avoir plusieurs fois demandé à l’agresseur d’arrêter et nous à tous pris à partie en criant : “ Et vous, vous ne faites rien. Une femme se fait agresser devant vous et vous ne dites rien ? Il la touche depuis tout à l’heure et personne ne fait rien ? Ça pourrait être votre femme ou votre mère et vous ne faites rien ?” »

 

« Bah elle est pas morte ! »

Puis l’internaute décrit l’expérience du malaise. Que feriez-vous dans une telle situation ? C’est triste à dire mais on peut douter du courage de chacun.

« Trois hommes se sont levés, d’autres ont accouru puis sont repartis, les gens ont changé de place, d’autres sont descendus de l’étage parce qu’ils arrivaient à leur station. »

L’histoire pourrait s’arrêter là. On la connaît malheureusement déjà. Elle est arrivée tellement de fois. Sauf qu’à cette violence-là, s’est ajouté le mépris d’un agent SNCF, toujours selon l’internaute, qui dit avoir essayé de le prévenir :

« J’ai cogné à la vitre du conducteur, celui-ci a immédiatement signalé le problème au personnel de gare.

A la demande d’intervention suivante : “Une femme se fait agresser sexuellement dans mon train”, la voix masculine au bout du talkie-walkie a ri et répondu : “Bah elle est pas morte !” »

 

D’autres témoignages

Ce témoignage est lisible ci-dessous, et il est en train de devenir viral (à l’heure où nous publions, plus de 7 000 comptes l’ont liké, et plus de 2 000, l’ont partagé).

 
 
 

Il est intéressant de parcourir les commentaires : il s’y passe quelque chose de singulier. Tout le monde se parle, ou du moins, essaye de se parler.

C’est comme un petit noyau de communication, tout dense. La SNCF est tout de suite interpellée. Et les internautes font preuve d’une exigence toute journalistique. Ils veulent des réponses.

« SNCF, il faudrait réagir et former vos employés au lieu de trouver des réponses inutiles aux commentaires qui ne vous plaisent pas ! J’espère que les CM [community managers, ndlr] vont voir cette publication [...]. »

L’entreprise a en effet répondu dans la foulée, sur la page Facebook de la témoin. En langue de bois.

 

Capture d'écran de la réaction de la SNCF

Capture d’écran de la réaction de la SNCF - Facebook

 

Dans le fil, d’autres internautes témoignent :

« Je me suis fait agresser dans le RER B mardi soir dernier vers 18 heures par un homme qui ne payait pas de mine et s’est permis de me mettre la main aux fesses ( je précise que j’étais en pantalon et en doudoune). Je me suis alors redressée et retournée et défendue, je l’ai frappé à la nuque et des hommes présents dans le wagon l’ont jeté dehors à l’arrêt Gare du Nord. L’agent RATP présent sur le quai n’a pas bougé ! Messieurs du wagon MERCI de votre geste car cela n’existe quasiment plus. Les gens ont applaudi... Réagissez ! ! ! ! Ne laissez pas faire ! »

De cheminots, aussi

Des personnes, qui se présentent comme des agents SNCF, s’expriment aussi. Notamment sur leurs conditions de travail :

« Bonjour,

Je suis cheminot, conducteur de train plus précisément. Je suis, bien entendu, tout comme vous outré et horrifié de ce qui c’est passé. Ce n’est malheureusement pas la première fois et plus malheureusement encore, pas la dernière. Je voudrais juste vous dire que nous sommes en train de nous battre depuis quelques années contre ce que nous appelons lEquipement agent seul (EAS).

Autrement dit, des trains avec pour seul agent à bord un conducteur. Je ne sais pas s’il y avait eu un ASCT (contrôleur) dans le train, si ça aurait changer quelque chose mais peut-être... La direction veut que ce soit la norme sur tous les TER et RER. J’espère vraiment que ça n’arrivera pas et que ces agressions sexuelles et autres incivilités ne se reproduiront plus et ne seront pas monnaie courante. Quant au collègue qui a trouvé dans cette sordide histoire matière à rire, j’espère qu’un jour son cerveau lui servira à quelque chose. Tout mon soutien à la victime... »

Ce fil de discussion est d’une grande richesse et finalement, seule une voix manque dans les commentaires : celle de la SNCF.

Exigence

Nous les avons appelés. Une cellule de crise est sur le dossier, mais au téléphone, la communication de la société est bien embêtée, prise de court : 

« Nous prenons très au sérieux ce témoignage et les faits évoqués. Nous avons déjà diligenté une enquête. Pour l’instant, il n y a pas de dépôt de plainte et notre souci aujourd’hui est de rassembler les éléments pour reconstituer les faits, le lieu, le jour, les personnes impliquées. On est en train de tout chercher pour voir si les faits sont avérés.

Le sujet vit fort sur les réseaux sociaux mais on attend d’avoir des éléments pour répondre. On ne peut pas dire n’importe quoi. »

Ou comment les internautes contraignent l’entreprise à une réaction de qualité.

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:37

 

 

Source : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet

 

 
La CFDT et le Medef font reculer l’âge de la retraite

 

 

L’accord de principe sur les retraites complémentaires Agirc et Arrco, signé le 16 octobre dernier entre le patronat (Mouvement des entreprises de France, Confédération générale des petites et moyennes entreprises et Union des professions artisanales) et trois syndicats (Confédération française démocratique du travail, Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres et Confédération française des travailleurs chrétiens), se traduit par un recul de l’âge de la retraite et une baisse des pensions. Pas étonnant que le président du Medef, M. Pierre Gattaz, pourtant avare de compliments en général, salue le courage de ces représentants des salariés : « Je voudrais d’ailleurs [leur] rendre hommage. Ils ont joué un rôle très important et ont été responsables (1). »

par Christiane Marty, 27 octobre 2015
 
 
JPEG - 399.1 ko
Manifestation contre une réforme des retraites en 2009
Flickr

Officiellement, l’objectif de l’accord est de rétablir l’équilibre financier de ces caisses de retraites complémentaires Agirc et Arrco, dont les comptes sont devenus déficitaires après la crise de 2008 du fait de la dégradation de l’emploi et de la stagnation des salaires. En 2014, le déficit est de 3,1 milliards d’euros. Mais ces caisses ont des réserves, respectivement 14,1 et 61,8 milliards d’euros (résultats 2014) et leur fonction est précisément de faire face à une conjoncture défavorable. La dramatisation des difficultés pour assurer le financement futur des retraites est un classique pour mieux faire accepter des réformes régressives. Les négociations entre patronat et syndicats de salariés, qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années, ont organisé une baisse continuelle du niveau relatif des pensions complémentaires servies. Ainsi en 19 ans, de 1990 à 2009, le taux de remplacement des pensions complémentaires a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, une baisse encore plus sévère que dans le régime de base ! La constante de la part du Mouvement des entreprises de France (Medef) est son refus de voir sa cotisation augmenter et sa volonté de reculer l’âge de départ. Derrière ces reculs permanents se cache la volonté de favoriser le déplacement des cotisations vers l’épargne et les assurances privées. La négociation actuelle poursuit et aggrave la tendance des accords précédents.

Les efforts sont loin d’être partagés !

Les mesures prévues dans l’accord devraient dégager une économie annuelle de 6 milliards d’euros en 2020… qui pèsent quasi exclusivement sur les salarié-es et retraité-es. Le patronat a bien fini par accepter une (légère) hausse de sa cotisation, sa contribution est ainsi estimée entre 500 et 700 millions d’euros… soit autour de 10 % seulement du montant total de l’économie. De plus, le Medef s’est vanté d’avoir obtenu la garantie que l’Etat compensera une partie significative de cette contribution par une baisse des cotisations accident du travail et maladies professionnelles ! L’accord est un marché de dupes. Voici les six mesures :

 

1. La sous-indexation des pensions. Cette principale mesure d’économie devrait rapporter 1,3 milliard d’euros en 2017 et 2,6 milliards en 2030. La revalorisation des pensions sera inférieure d’un point au taux de l’inflation jusqu’en 2018 inclus, sans toutefois pouvoir être négative. Cette mesure reconduit donc pour trois ans supplémentaires la sous-indexation — dite temporaire — en vigueur en 2014 et 2015 et instaurée par le précédent accord signé en mars 2013. Cela contribue déjà à la perte régulière de pouvoir d’achat des retraités actuels.

 

2. Le report de la date de revalorisation des pensions. Celle-ci est décalée de sept mois, du 1er avril au 1er novembre.

Ces deux mesures cumulées — sous-indexation et report de la date — représentent une économie pour les caisses de 4,1 milliards en 2030, et donc un manque à gagner équivalent pour les retraité-es…

 

3. La baisse du rendement des cotisations. En 2016, le prix d’achat du point sera à nouveau relevé, l’objectif étant d’en abaisser encore le rendement. Les salariés constituent des droits à la retraite complémentaire sous forme de points accumulés tout au long de leur carrière et au moment de la retraite ces points sont transformés en pension, en fonction de la valeur du point à ce moment (voir l’encadré « Pour en savoir plus »).

En 1993, le rendement brut pour l’Agirc était de 10,21 % ; il est tombé à 6,56 % actuellement ; et celui de l’Arco est passé de 8,87 % à 6,56 %. L’accord prévoit une nouvelle baisse à 6 % pour les deux à l’échéance 2018. Le gain attendu pour les caisses est de 1,1 milliard en 2030. Ce qui représente encore une réduction des pensions des futurs retraités.

 

4. Une augmentation du taux d’appel des cotisations est décidée, à partir de 2019. Ce qui rapportera 1,2 milliard en 2030.

 

5. Une augmentation des cotisations des cadres, avec une répartition différente selon les tranches de salaire, accompagnée d’une modification du partage de la cotisation avec l’employeur. Il entérine la fusion future des régimes Agirc et Arco, moyennant une négociation future pour (re)définir un statut de l’encadrement.

Il est à noter que depuis 1996, le système de compensation existant entre les deux caisses prend la forme d’un transfert financier récurrent et croissant de l’Arrco vers l’Agirc. En 2014, ce transfert s’est chiffré à 1,2 milliard d’euros. Le principe de solidarité entre caisses est juste et nécessaire. Simplement, la compensation qui en découle ici fait contribuer de manière répétée les non-cadres — statut d’ouvriers et employés — pour financer le régime des cadres, voire des hauts cadres. Elle s’avère être un dispositif antiredistributif.

 

6. Un système d’abattement et de bonus : c’est la mesure la plus significative, même si ce n’est pas celle qui rapporte le plus. Elle aboutit à repousser d’un an l’âge où une personne peut toucher sa pension (base et complémentaire) sans aucun abattement.

Comment s’appliquera-t-elle ? À partir de 2019, une personne qui a atteint l’âge légal de départ à la retraite (62 ans) et toutes les annuités exigées pour bénéficier du taux plein se verra appliquer un abattement de 10 % sur sa pension complémentaire, et ceci pendant trois années (deux années fermes, l’application la troisième année sera éventuellement rediscutée en 2021). Pour éviter cette perte, la personne devra rester en emploi un an de plus, jusqu’à 63 ans donc. Plus généralement, à partir de 62 ans, toute personne qui arrive au moment où elle obtient toutes les annuités exigées pour le taux plein devra travailler un an de plus pour ne pas subir d’abattement sur sa pension complémentaire — lequel ne s’applique plus à partir de 67 ans.

Le principe de cette mesure est donc à la fois de reculer d’un an, de 62 à 63 ans, l’âge d’ouverture du droit à la retraite à taux plein, mais aussi d’allonger d’un an la durée de cotisation ouvrant le droit au taux plein pour la pension complémentaire !

Certes, il est prévu un abattement réduit (5 %), voire nul, pour les retraités dont la pension est assez faible pour être éligible au taux de contribution sociale généralisée (CSG) réduit ou nul. La Confédération française démocratique du travail (CFDT) se félicite de cette clause qui, dit-elle, « exonère de cette contribution un tiers des futurs retraités, les plus modestes » (l’abattement est en effet nommé « contribution de solidarité » par les partisans de l’accord). La CFDT assure aussi que « tous les salariés partant à la retraite avec moins de 1 100 euros ne seront pas concernés par l’effort de solidarité (2». Il semble que pour justifier l’accord, ce syndicat s’appuie sur des données infondées. Il affirme qu’un tiers des futurs retraités seront exonérés d’abattement. Difficile de trouver la source de ce chiffre (3), que le syndicat ne donne pas.

En 2012, 31 % des personnes retraitées étaient exonérées de CSG (4). Mais ce pourcentage concerne l’ensemble des personnes à la retraite et non le flux des nouveaux retraités, c’est-à-dire les « liquidants » de l’année. En 2004, cette même proportion était de 38 %, soit 7 points de plus. Elle décroit régulièrement au fil du temps. Chaque année en effet, il y a un renouvellement avec de nouvelles générations qui arrivent à la retraite et qui remplacent de plus anciennes ayant de plus faibles pensions (5) (effet dit de noria). En tout état de cause donc, si la part des retraités exonérés de CSG est de 31 % pour l’ensemble des retraités actuels, on voit mal comme cette part pourrait être de 33 % pour les futurs retraités chaque année. À moins d’anticiper de nouvelles réformes régressives…

De plus, il faut remarquer que les conditions d’attribution des taux réduit et nul de CSG sur les pensions viennent d’être modifiées en 2015. Aucune statistique n’est donc encore disponible sur la part des retraités exonérés de CSG (ou à taux réduit) avec la nouvelle règle, ni sur ces données pour le flux des nouveaux retraités de 2015. Ce qui rend hasardeuse toute projection…

Selon les nouveaux critères, liés au revenu fiscal de référence, une personne seule bénéficierait d’un taux nul de CSG — et serait donc exonérée de l’abattement — à condition d’avoir une pension inférieure ou égale à 985 euros. On est loin des affirmations de la CFDT. Une personne dont la pension est de 1 100 euros ne sera donc pas exonérée d’abattement, mais elle sera soumise à l’abattement de 5 %.

Pour un couple, le revenu global ne devrait pas dépasser 1 510 euros (par mois) pour être exonéré, ou 1 974 euros pour voir l’abattement réduit à 5 %. Mais l’application d’un critère basé sur le revenu fiscal de référence pour décider ou non de la réduction pose un problème récurrent. Le revenu fiscal de référence qui sert est en effet le même pour les deux conjoints quel que soit le niveau respectif de leur revenu. Or dans la grande majorité des couples, la femme touche un salaire ou une pension inférieure à celle du conjoint. Ainsi, même si sa pension est éligible à un taux nul de CSG, et donc à un abattement nul, elle risque fort de se voir tout de même concernée par l’abattement. Par exemple, si une femme a une pension de 750 euros — ce qui devrait l’exclure de tout abattement potentiel — et si son conjoint a une pension de 1 250 euros, la femme sera concernée par l’abattement de 10 % sur sa pension personnelle. Il semble que ce problème n’ait pas été pris en compte. Au détriment de nombreuses femmes…

Un bonus est aussi instauré. Les personnes qui prolongeront leur activité pendant un, deux ou trois ans après avoir atteint les conditions requises — à la fois l’âge de 62 ans et la durée de cotisation — pour bénéficier du taux plein profiteront d’un bonus respectif de 10 %, 20 % ou 30 %… Toutefois, ce bonus sera appliqué pendant un an et non trois comme l’abattement.

Les chômeurs et les femmes plus pénalisés

Ce système de malus et bonus permettra, selon le patronat, d’agir sur le comportement des salariés à qui il reviendrait ainsi de décider de poursuivre ou de cesser leur activité, selon le niveau de pension souhaité. La fameuse retraite à la carte ! On mesure la tromperie de cet argument lorsqu’on sait que 56 % des personnes ne sont plus en emploi au moment où elles liquident leur retraite. Que signifie alors cette incitation à travailler plus longtemps ? Pour l’instant, dès que les chômeurs atteignent la durée de cotisation exigée (les périodes de chômage indemnisé valident une durée de cotisation), ils sont mis d’office à la retraite selon le règlement actuel de l’assurance chômage. Subiront-ils alors l’abattement ?

Comme dans les réformes du régime de base, l’augmentation de la durée de cotisation et le report de l’âge d’ouverture des droits pénalisent davantage les femmes car elles ont toujours aujourd’hui des carrières plus courtes. Leur pension moyenne en 2014 ne représente que 60,5 % de celle des hommes, pourcentage qui tombe même à 40,2 % pour la pension servie par l’Agirc. Elles liquident leur retraite plus tard que les hommes (8 mois plus tard en moyenne à l’Arrco, à 62,5 ans). En outre, même si une femme a une pension très faible, elle ne sera pas pour autant exonérée de l’abattement, car le critère retenu renvoie en réalité au revenu du couple, comme on l’a vu plus haut.

L’accord prévu va donc à l’encontre de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, quoiqu’en disent ses partisans. Rappelons qu’une étude de la Confédération générale du travail (CGT) a montré que si l’égalité salariale entre les femmes et les hommes était réalisée, une grande part du déficit des caisses de retraite serait comblée.

Régimes complémentaires,
champions de la régression ?

Le système d’abattement et de bonus devrait rapporter 800 millions à l’horizon 2030, soit relativement peu par rapport aux 6 milliards prévus. L’affrontement rude qui a eu lieu entre les syndicats et le patronat sur cette question témoigne du caractère idéologique de la mesure. Le Medef peut être satisfait, les régimes complémentaires vont constituer un point d’appui pour repasser à l’offensive sur l’âge légal de départ à la retraite. Ces régimes deviennent même à la pointe de la régression sur les retraites, puisque l’accord recule de fait à 63 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite à taux plein (sans passer par la loi !) et qu’il augmente d’un an la durée de cotisation, au-delà de l’augmentation instaurée par les réformes passées sur la retraite de base !

Contrairement au régime général, il n’y a pas dans les régimes complémentaires de taux de remplacement (montant de la pension reçue par rapport au dernier salaire) fixé à l’avance et les salariés n’ont aucune visibilité sur ce qu’ils toucheront. L’ajustement de l’équilibre financier des caisses se fait de manière négociée entre « partenaires sociaux », en réglant divers paramètres (taux d’appel, le rendement du point, etc.) auxquels vont désormais s’ajouter le niveau d’abattement (5 %, 10 %) et la durée pendant laquelle il sera appliqué. Tout cela est complexe, reste obscur pour la plupart des personnes et n’occupe pas en général le devant de la scène médiatique. Pourtant les enjeux sont importants.

Il faut rappeler que des solutions justes existent pour financer nos retraites. Il est possible d’augmenter les cotisations : la baisse programmée des pensions vise non pas à limiter le niveau de cotisations salariales, mais à les déplacer du système public de retraite vers la finance privée. Bien sûr les solutions passent par la réduction du chômage, l’amélioration de l’emploi, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et l’organisation d’un autre partage des richesses.

 

Pour en savoir plus 
sur les régimes complémentaires de retraite par points

Les régimes de retraite complémentaires sont des systèmes par répartition qui fonctionnent par points. Comme les régimes par annuités (régime de base), ils sont basés sur la répartition, c’est-à-dire que les cotisations payées par les salarié-es et leurs employeurs sont redistribuées immédiatement aux retraité-es sous la forme des pensions.

Les salarié-es se constituent des droits à la retraite complémentaire sous forme de points tout au long de leur carrière, en versant des cotisations. Celles-ci sont transformées en points de retraite sur la base du prix d’achat du point. Au moment de prendre la retraite, le nombre total de points obtenus est multiplié par la valeur du point, dite aussi valeur de service, (différente du prix d’achat) et donne ainsi le montant annuel de la retraite complémentaire.

La valeur du point au moment de la liquidation, comme le prix d’achat du point évoluent chaque année en fonction de critères décidés par les négociations entre le patronat et les syndicats (indexation sur le salaire moyen, ou sur les prix, indexation sur le salaire moyen diminué d’un point, ou de 1,5 point, etc.). Concrètement, le rapport de forces étant défavorable aux salarié-es, l’ajustement de ces paramètres aboutit régulièrement à ce que les points coûtent plus cher à l’achat et rapportent de moins en moins au moment de la retraite. Le rendement du point, qui exprime le rapport entre la valeur de service du point et son prix d’achat, est ainsi continuellement décroissant.

Le réglage de l’équilibre financier fait aussi intervenir un paramètre, le taux d’appel, qui aboutit à majorer le montant de la cotisation prélevée sur le salaire sans donner les points supplémentaires correspondant à cette majoration. Exemple : le taux de cotisation sur la première tranche de salaire à l’Arrco est de 6,2

 

% pour le salarié, et seuls ces 6,2

 

% de cotisation donneront des points. Mais la cotisation réellement prélevée est plus forte car on la majore par le taux d’appel, qui vaut actuellement 125

 

% (et qui passera à 127

 

%). La cotisation versée est donc de (6,2

 

% ⨉ 1,25) = 7,75

 

% du salaire brut.

Dans les régimes par points, un rapport étroit existe entre d’un côté les salaires perçus et donc les cotisations versées, et de l’autre côté le montant de la pension. Un régime de retraite est dit plus ou moins contributif selon que le lien entre cotisations versées et montant de la pension est plus ou moins fort. Les régimes par points sont par construction beaucoup plus contributifs que les régimes par annuités, ce qui signifie que les mécanismes de solidarité (dispositifs familiaux, etc.) y sont bien plus faibles.

Christiane Marty

Chercheuse, coauteure de Retraites, l’alternative cachée et coordinatrice de l’ouvrage Le Féminisme pour changer la société, les deux publiés par Attac - Fondation Copernic, Syllepse, Paris, 2013.

(1) Les Echos, 21 octobre 2015

(2) Tribune de Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT, parue sur le site de Marianne le 17 octobre.

(3) La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) déclare ne pas publier de statistiques sur les nouveaux liquidants et le taux de CSG.

(4) Données de la Drees, Echantillon interrégimes (EIR) 2012 et 2004.

(5) L’effet positif de ce renouvellement par des retraités ayant des pensions supérieures à celle des générations plus anciennes est à ce jour encore supérieur à l’effet négatif des réformes passées qui aboutissent à diminuer les droits à pension des salariés d’aujourd’hui. La pension brute moyenne de droit direct a ainsi augmenté de 1 029 euros en 2004 à 1 306 euros en 2013.

 
 
 
 

 

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:17

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Hospitalité...

Épidémies, violences policières et dépressions : ce que la France offre aux réfugiés de Calais

par

 

 

 

De retour d’une mission humanitaire en Bolivie, une jeune psychologue française raconte la « jungle » de Calais. Avant de repartir en mission avec Action contre la faim, Sadia Diloo a accompagné bénévolement, pendant un mois, les réfugiés, malades ou blessés, qui vivent dans ce camp. À son poste de médiateur sociosanitaire pour l’association Médecins du monde, elle a observé et écouté ce que vivent les hommes, femmes et enfants, qui sont parqués dans la « jungle », tels des animaux. Elle raconte leurs épouvantables conditions de survie.

« Ici, règne une atmosphère de guerre. » Telle est la première impression de Sadia à son arrivée dans ce « village » autogéré que les exilés appellent la « jungle ». Elle se revoit, ce matin-là, dans la clinique de Médecins du monde, installée dans le camp. Quelques tentes en guise de salles d’attente et trois chalets comme cabinets de consultation. Comme chaque matin, autour d’un café noir, la jeune psychologue participe au debriefing quotidien. « Hier, un jeune Syrien m’a confié qu’il était mieux sous les bombes », rapporte un médiateur. « Il y a deux jours, ajoute un médecin, j’ai reçu un homme très affaibli à la clinique. Il ne voulait plus boire ni manger pour éviter d’aller aux toilettes. » Sadia comprend vite le malaise et la gêne éprouvée à l’idée de devoir s’agenouiller dans les allées boueuses et irrespirables qui servent de sanitaires pour les 6 000 habitants de ce bidonville.

 

L’eldorado rêvé a viré au cauchemar

Ce jour-là, alors qu’elle parcourt le terrain, Sadia croise Ayman, 22 ans, sur le point de perdre sa hanche. Il a été renversé par une voiture en Syrie, il y a trois ans. Les quelques vis incrustées dans sa chair au fond d’un dispensaire syrien n’ont pas soigné sa blessure, qui s’est infectée. Ayman est bloqué au camp, dans l’attente d’une nouvelle opération. « Je suis fatigué, confie-t-il à Sadia. C’est ça la France ? » Un peu plus loin, du côté du « quartier » kurde, elle aperçoit cette petite fille aux yeux émeraude : « Elle était là, assise par terre, à me regarder tout en mangeant des pâtes crues. » La psychologue se souvient aussi de cet homme agenouillé sous un robinet, se contorsionnant dans différentes positions pour se laver. « Les points d’eau installés au ras du sol coulent en permanence, et certaines tuyauteries ont lâché, formant de véritables mares autour des robinets. »

Un gaspillage d’eau potable que dénonce la bénévole ébranlée par un sentiment d’impuissance qui frôle la honte. Celle de se retrouver confrontée à une telle situation de crise humanitaire dans son propre pays, la France. Pour ces exilés qui fuient la guerre, la torture et la dictature, l’eldorado tant rêvé a viré au cauchemar. « Tous ont cette même désillusion dans les yeux. Une immense déception de l’Europe et de la France, qu’ils voyaient comme un idéal. » Traumatisés, certains songent à rentrer, mais la plupart ont encore l’espoir d’une vie meilleure de l’autre côté de la Manche, comme cet Éthiopien qui se confie à Sadia. Après avoir fui la guerre dans son pays, il a vécu en Égypte, où il a été victime de violences raciales et emprisonné, injustement. « Tout ce que je cherche, c’est la liberté », répète l’homme âgé d’une quarantaine d’années, porteur de l’hépatite B.

 

Cinq enquêtes liées à des violences policières

Il fait partie de ces petits groupes de migrants qui quittent la « jungle » toutes les nuits, à la lueur de la lune. Direction l’Angleterre par le tunnel sous la Manche ou le ferry. « Des collègues me racontaient qu’aux abords des bateaux, les CRS veillent et délogent, à coups de pied et de gaz lacrymogènes, ceux qui réussissent à monter dans les camions de marchandises. » Les réfugiés préfèrent désormais partir en journée, m’explique Sadia, même si, aux dires de ses collègues, ces abus perdurent de nuit comme de jour. L’organisation Médecins du monde a d’ailleurs déposé plusieurs réclamations auprès du Défenseur des droits, Jacques Toubon.

Interpellé par plusieurs associations en janvier dernier, il s’est saisi d’office et a déclenché une enquête après la diffusion, en mai, d’une vidéo dans laquelle des migrants sont violentés par des CRS. Dans son rapport du 6 octobre 2015, il dénonce les atteintes aux droits fondamentaux et les conséquences humaines de la « fermeture étanche de la frontière » franco-britannique. « Il a assuré à l’ONG l’ouverture de cinq enquêtes liées à des violences policières », précise la psychologue. Ce type d’exactions se déroule aussi aux abords du camp. Sadia Diloo n’oubliera pas ce jour où le mot d’ordre était de « ramener tout le monde à l’intérieur ». C’était le 21 septembre. L’opération policière lancée ce jour-là répondait à une décision judiciaire suite aux plaintes du voisinage hostile à la présence d’environ 200 Syriens installés près du port.

Les forces de l’ordre avaient pour mission de démanteler le moindre campement « sauvage », y compris les quelques familles établies autour de la « jungle ». « C’était d’une violence incroyable », les CRS hurlaient les ordres dans un mégaphone dernier cri avec traduction instantanée en arabe. «  Ils ont fini par détruire les baraquements à coup de bulldozer. La scène a viré à l’émeute. Ils se sont mis à tirer des cartouches de lacrymo. Un homme, asthmatique, a été touché. Son cœur s’est arrêté. » « La jungle c’est pour les animaux, on n’est pas des animaux ! », scandent les révoltés délibérément parqués dans le camp. Au lendemain des évènements, la maire de Calais, Natacha Bouchart (Les Républicains), s’est félicitée de cette intervention : « Pour qu’il y ait de l’humanité, il faut aussi de la fermeté », avait-elle déclaré à la presse. « Ils sont surveillés en permanence », s’indigne Sadia. À l’écouter parler des policiers postés aux quatre coins du terrain, ce camp ressemble à une prison où l’humanité n’est pas la priorité des matons.

 

« L’état dépressif est devenu la norme »

L’homme asthmatique est sain et sauf, réanimé par les médecins à la clinique. Chaque jour, Sadia et ses collègues y reçoivent entre 50 et 70 patients. La plupart souffrent de problèmes liés à l’humidité (toux, nez bouché), au manque d’hygiène (infections gastro-intestinales) et aux blessures à la frontière (barbelés plantés dans la peau, fractures aux talons, etc.). «  Sans compter l’épidémie de gale. Les traitements sous forme de spray, fournis par les services du ministère de la Santé, ne permettent pas d’enrayer le phénomène [1]. C’est le camp entier qu’il faudrait désinfecter. » Mais le plus difficile à soigner, c’est le traumatisme psychologique causé par la guerre. « Beaucoup sont insomniaques et font des cauchemars. » Se remémorant des discussions avec des psychologues de Médecins du monde, Sadia Diloo analyse de son côté : « C’est délicat de diagnostiquer un état dépressif ici, car la dépression est presque devenue la norme. Il faudrait repenser cette pathologie dans le contexte de Calais. »

Depuis que Sadia a quitté Calais, une question l’obsède : jusqu’à quand tiendront-ils ? Elle repense alors à l’impact psychologique des toilettes insalubres sur le moral des réfugiés. Elle songe à l’hiver qui approche, à l’humidité et au froid qui persistent au fond des tentes. « J’aimerais lancer un projet de toilettes sèches avec des architectes ou des associations qui pourraient aider à construire des abris en matériaux recyclés. C’est une autre forme de thérapie, concrète, économique et écologique, qui fait sens pour améliorer les conditions de vie et redonner de la dignité à tous ces déracinés. » La psychologue a déjà fédéré deux architectes parisiens autour d’un projet de foyer avec sanitaires, douches, cuisine autogérée, lieu d’échange social et culturel. Reste à trouver les fonds pour lancer les chantiers de construction avant les premières gelées.

Pauline A.Dominguez

Photo : CC Jey OH photographie

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:07

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Témoignages Cybermarchés

« Je n’avais plus le droit de parler avec mes collègues, ensuite ils m’ont supprimé ma pause pipi »

par

 

 

 

Faire ses courses en ligne, pour une livraison rapide, c’est bien pratique. Sauf que, dans les rayons des entrepôts, une autre course se déroule, pour préparer au plus vite les produits achetés. Découvrez les coulisses des hypermarchés connectés, grâce aux témoignages étonnants de deux employés de l’enseigne Chronodrive de l’agglomération toulousaine, une chaîne de cybermarchés lancée en 2004 par le groupe Auchan. Rebecca et Julien, 20 ans, étudiants en médecine à Toulouse, en quête d’un revenu pour payer leurs études, y racontent leur marathon permanent au service du client sous la pression des managers.

 

Cet article a initialement été publié dans la Revue Z (voir ci-dessous).

 

Rebecca  : On avait besoin d’un peu d’argent, on ne trouvait pas de boulot ailleurs. Chez Chronodrive, c’était facile. J’ai postulé par Internet. À l’entretien d’embauche, ils nous ont dit qu’il fallait être disponible le samedi, avoir de l’énergie, le sens du relationnel. On te propose un CDI d’office et tu choisis le nombre d’heures que tu veux. J’ai pris dix heures par semaine. Les employés sont tous très jeunes, il y a beaucoup d’étudiants.

Le premier jour, les responsables de secteur étaient sympathiques, c’était très « On forme une grande famille ». Ils se présentent par leur prénom, on se tutoie tous. Ils te rassurent : « On sait que vous n’allez pas être rapide, ne vous inquiétez pas, faites à votre rythme. »

J’ai découvert mon lieu de travail, un grand hangar avec des alignements d’étagères numérotées et des niveaux, numérotés également. Une sorte de supermarché sans clients. Moi, je travaillais au frais, à trois degrés. Ils nous ont donné un bonnet et des gants. Il faisait froid, j’étais un peu surprise. Après je me suis mieux habillée.

 

« La montre-écran au poignet, ça leur permet de t’identifier »

Le matin, tu mets ta montre-écran à ton poignet, une sorte de petit ordinateur. Tu fais ton code. Ça leur permet de t’identifier, c’est comme si tu pointais. Là, la première commande s’affiche, avec le nombre d’articles. Tu ne connais pas la nature des articles que tu vas chercher. Juste un chiffre qui correspond à un emplacement. Tu as un numéro pour le rayon, un autre pour l’étagère, un autre pour le niveau. Tu mets trois ou quatre articles par sac dans une caisse en plastique puis dans un chariot roulant. Ça peut être très lourd.

L’objectif, c’est d’aller le plus vite possible, pour que le client ait ses courses dans son coffre rapidement. Le lendemain, tu as ton classement sur un grand tableau : ton nom, ton prénom et ton score. Les trois premiers classés sont surlignés d’une couleur, les trois derniers d’une autre couleur. C’est un score de productivité, calculé selon le nombre d’articles scannés en une minute et le nombre de commandes par jour.

Au début ils te disent : « Tu fais les commandes comme tu peux. » Ensuite tu comprends qu’il faut courir si tu ne veux pas te faire engueuler. Dès que tu ne cours pas, le chef te voit. Il est à un angle de mur derrière une vitre, dans un bureau, et il crie dans son micro : « Rebecca je te vois, tu cours pas, là. Dépêche-toi ! » Il n’y a pas d’horloge, et j’ai même eu droit à des remarques uniquement parce que je regardais ma montre ! Les ordres t’arrivent par un haut-parleur dans le frigo géant. Tous les autres l’entendent.

 

J’ai commencé à me faire punir.

On ne m’avait pas dit que ce serait aussi physique. Même après plusieurs jours, je suis restée dans les dernières. J’ai commencé à me faire punir. Je n’avais plus le droit de parler avec mes collègues. Et puis ensuite ils m’ont supprimé ma pause pipi. Et pour moi c’est difficile de ne pas aller aux toilettes pendant trois heures ! Ma punition c’était aussi la mise en rayons. Il fallait mettre des cartons remplis de boîtes de conserve sur les étagères. On était quatre à le faire avec un seul escabeau. À la fin je ne faisais que ça. Physiquement c’était très dur. Quand on n’est pas bon, on n’a pas le choix. Mais entre nuls on s’entraide, parfois des collègues me filaient un coup de main.

 

Julien : Au début j’étais à fond. C’est quand même admirable : les marchandises sont tellement bien classées. On m’a dit que le score de productivité minimum, c’était 200. Sans courir, on les faisait pas. « Dépêchez-vous, à Bordeaux ils courent », on nous répétait. L’obsession, c’était de passer devant ce magasin et que notre centre à Basso Cambo devienne troisième de France. Mais une fois que tout le monde eut atteint les 200, ça ne suffisait plus. Là tu commences à avoir la boule au ventre quand tu vas au boulot. Dès que tu as atteint un objectif, on t’en donne un nouveau. Quand tu sais que tu auras toujours un nouvel objectif, c’est démotivant, tu n’as plus envie de l’atteindre. Les chefs de secteur sont aussi en compétition entre eux. Ils nous disaient : « Vous comprenez, si vous ne travaillez pas, c’est moi qui ne vais pas atteindre mes objectifs. »

 

« Le surgelé, c’est pour les rebelles. »

Il y a différentes sonneries. Quand une commande attend depuis plus de trois minutes, ça sonne dans l’entrepôt. Et puis il y a la « cavalerie » : ça paraît ludique mais ça ne l’est pas du tout. C’est quand il y a plus de trois clients à l’accueil dont la commande n’est pas encore prise. Il faut décrocher de son poste pour aller s’occuper d’eux. Mais attention, interdit de courir quand on livre, « ça stresse le client ».
Je travaillais de 5 h 30 à 8 h 30 du matin. Tu as trois minutes de pause par heure.

Moi, j’avais un contrat de douze heures réparti sur quatre ou cinq jours. Je gagnais 350 euros. Mais je faisais tout le temps des heures supplémentaires. T’as pas vraiment le choix. Ils préfèrent les contrats à temps partiel, comme ça ils comptabilisent tes heures supplémentaires en heures « complémentaires ». Elles sont payées en heures normales… Lorsque j’ai refusé, ils sont devenus désagréables : « Sympa pour samedi ! On était vraiment dans la merde. » Tu peux aussi te retrouver au surgelé, à -18 degrés, sans gants. Le surgelé, c’est pour les rebelles. Tu prends les produits à la sortie du camion, tu places les produits tout au fond, les mains dans la glace. Ça fait mal.

Une fois par mois, le magasin est ouvert aux clients. Là, il ne faut plus courir, il faut sourire. Les haut placés viennent travailler avec nous, ils prennent les caddies. Il y a une super ambiance, les chefs sont sympas, ils rigolent.

 

Interdite d’aller aux toilettes

Rebecca : Je travaillais tout le temps avec un mec aux 35 heures, qui était premier du classement. C’était le sbire du chef de secteur. Il allait lui cafter s’il me voyait parler. Une fois, on empilait des caisses vides tous les deux, et il a posé sa pile sur la mienne alors que j’avais encore mes mains dessous. Je n’étais pas assez rapide, il a lancé : « Tu te les reprendras sur les doigts si tu t’améliores pas. » Quand je ne trouvais pas les articles, si je lui demandais il me disait que j’étais nulle, que je n’avais pas à poser de questions. C’est vraiment lui qui m’a décidée à partir.

Le boulot me rendait malade. La veille, je n’arrivais plus à manger ni à m’endormir alors que je me levais à 4 heures. J’ai posé ma démission un jour avant la fin de ma période d’essai. Je disais : « Vous n’avez pas le droit de m’interdire d’aller aux toilettes » ; ils répondaient : « On connaît la loi, si on te le dit c’est qu’on a le droit [1]. »On ne s’organise pas. On ne se syndique pas. On peste sur le chemin avec quelques collègues, on se raconte nos colères. Et ça continue.

 

Les primes de fin d’année supprimées

Julien : Tous les deux mois, nous étions convoqués pour faire le point sur les primes. Un soir, ils nous montrent les chiffres de notre magasin, qui était enfin passé troisième de France, devant Bordeaux. Ils avaient gagné 18 millions d’euros sur l’année, avec + 40 % de chiffre d’affaires. Ils nous expliquent que nous n’aurons pas notre prime car il y a eu deux arrêts maladie et un accident de travail, et ça a coûté trop cher à la boîte. Ils te disent que tu en es aussi responsable : «  C’est à toi de faire attention aux gens quand ils grimpent sur les escabeaux. Il faut leur dire, sinon après ils tombent, ils se font mal et ils prennent un arrêt de travail. » Il y avait aussi des dépenses à cause de badgeuses défectueuses. On y était pour quoi ?

Là je me suis dit : ils ne sont pas honnêtes. Être dur, OK, mais la moindre des choses c’est d’être honnête. Ça m’a décidé à partir. Quand j’ai déposé ma démission, ils m’ont dit : « T’as pas le droit, t’as pas encore passé assez de temps avec nous. » Je savais que j’étais dans mon droit. Le dernier mois, ils m’ont mis tous les matins à 5 heures, ils ne me parlaient plus. Trop de gens démissionnent, alors il y a toujours des annonces sur le site, ils sont en recrutement permanent. Ça m’arrivait de faire mes courses sur Chronodrive. Je ne fais plus mes courses là-bas. C’est une question d’honneur. Il y avait un gars qui travaillait là depuis deux ans. Il disait : « Moi, si je gagne la cagnotte de l’Euro Million, je rachète Chronodrive et je le brûle. »

Propos recueillis par : Naïké Desquesnes (Revue Z)

Photo d’illustration : CC Michael Heiland


Izi Baby, ce boîtier connecté pour faire ses courses...depuis son réfrigérateur

Chronodrive a lancé en mars 2015 la « liste intelligente », aka le nouvel ami du consommateur : « Izy ». Ce boîtier connecté rond et blanc a été conçu par la société californienne Hiku, basée dans la Silicon Valley. Il peut s’aimanter sur le frigo et permet de scanner le code-barres des produits à disposition dans notre cuisine ou de dicter vocalement leurs noms. Grâce à une application téléchargeable, l’appareil transmet par Wi-Fi les informations au « panier en ligne ». Un dernier clic via votre smartphone, et la commande est faite ! Un gadget technologique à 29,90 euros pour gagner encore et toujours plus de temps et permettre ainsi à Chronodrive de rester en tête du marché de la consommation éclair. Dur, dur de rester speed : la concurrence devient de plus en plus rude dans le secteur du drive. 14 des 75 sites de Chronodrive en France ont fermé l’an dernier, et plusieurs projets d’ouverture ont été gelés. La famille Mulliez, actionnaire de référence de Chronodrive et propriétaire du groupe Auchan, réfléchit aux meilleurs moyens de sauver le taux de profit dans le secteur…


La Revue Z est une revue itinérante d’enquête et de critique sociale. Son dernier numéro est notamment consacré aux technopoles. Pour découvrir son sommaire et son édito, rendez-vous ici. La Revue Z a besoin du soutien de ses lecteurs : elle lance un appel.

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 13:53

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Tafta : les négociateurs européens oublient toutes les contraintes environnementales

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

Les mesures en faveur de l’environnement sont « virtuellement inexistantes », selon un document établi dans le cadre des négociations sur le traité transatlantique.

L’Europe semble avoir oublié tous les engagements pris pour renforcer les protections environnementales dans le cadre des négociations sur le traité transatlantique. Selon un document de travail daté du 29 septembre et publié par le Guardian, toutes les promesses de renforcer les lois environnementales, de défendre les standards internationaux, de défendre le droit de l’Europe à exiger un haut niveau de protection sont en train de s’évanouir.

Il ne reste, selon le document publié, que des engagements très vagues et pas du tout contraignants sur les sauvegardes environnementales. Aucune obligation de ratifier les conventions internationales n’est prévue. De même, aucun objectif pour  défendre et renforcer la biodiversité, le climat, la protection de la nature n’est inscrit. « Le document reconnaît le droit de chaque partie de déterminer sa politique de développement durable et ses priorités. Mais les avocats disent que cette clause sera beaucoup plus faible que les dispositions autorisant les investisseurs à poursuivre les États adoptant des lois contraires à leurs attentes légitimes de profit », écrit le Guardian. « Les mesures en faveur de l’environnement sont virtuellement inexistantes », dit un avocat.

Retrouver le document et l’article du Guardian ici

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 00:36

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/helene-duffau

 

 

 

Sivens : toutes disproportions gardées à Gaillac samedi

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 22:14

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Post-croissance

Low tech : comment entrer dans l’ère de la sobriété énergétique pour vivre sans polluer

par

 

 

 

Les innovations high-tech, fortement consommatrices de ressources, conduisent les sociétés dans l’impasse. Et si nous prenions le contre-pied de la course en avant technologique en nous tournant vers les low tech, les « basses technologies » ? C’est ce à quoi invite Philippe Bihouix, ingénieur spécialiste de la finitude des ressources minières, auteur de L’âge des low tech. À quoi ressemblerait la vie quotidienne dans cette société durable, où la sobriété ne serait pas subie mais choisie ? Entretien.

 

Basta ! : Face à la pénurie de ressources, les réponses techniques sont souvent mises en avant. Pourquoi la troisième révolution industrielle, avec ses produits high-tech et ses technologies « vertes », nous conduit-elle dans l’impasse, selon vous ?

Philippe Bihouix [1] : Les high-tech sont encore en mesure de répondre, en partie, aux risques de pénurie. On le voit dans le cas des énergies fossiles : nous sommes capables d’aller chercher des ressources moins accessibles, comme les gaz de schiste, les pétroles de roche-mère, voire même des carburants à base de charbon ou de gaz. Mais avec une logique de rendement décroissant, il va falloir injecter de plus en plus de technologies et de matières premières pour récupérer une énergie de moins en moins accessible, et dépenser de plus en plus d’énergie pour aller chercher des métaux qui eux aussi se raréfient. Cela se fait au prix d’une fuite en avant. Les nouvelles solutions technologiques entraînent de nouveaux besoins et pénuries, avec leur lot de pollutions et de destructions sociales. Cet extractivisme forcené va continuer à abîmer de manière irréversible, et à un rythme accéléré, notre planète.

Nous sommes toujours rattrapés par les limites physiques de la planète. Les scénarios de déploiement massif d’énergies renouvelables à l’échelle planétaire ne sont pas compatibles avec les quantités de ressources accessibles, notamment métalliques. Et les agrocarburants de première génération ont montré une compétition dans l’usage des sols, comme avec les fermes solaires, qui illustrent les prochains conflits d’usage. Il y a enfin la pollution que tout cela générera : ces panneaux photovoltaïques que l’on fabrique, ces éoliennes que l’on ne sait pas recycler correctement ni à 100 % sont générateurs de déchets ou d’épuisement des ressources.

Il est difficile de prédire si nous atteindrons ces limites dans deux ou cinq décennies, mais la responsabilité morale vis-à-vis des générations futures est à peu près la même. Tout cela est un pari technologique. Nous sommes dans une nouvelle religion, celle de la technique.

 

À contre-courant, vous appelez à nous tourner vers les low tech, les basses technologies. Qu’englobent-elles ? Comment les définir ?

Je pars du principe que l’économie circulaire est un doux rêve. Il n’est pas possible de recycler à 100 % les objets que nous utilisons [2]. Tout ce qui est en train d’envahir notre quotidien – l’électronique grand public, les puces RFID ou les nanotechnologies – est consommateur de ressources. Moins de 1 % des petits métaux utilisés par les high-tech sont recyclés ! Il faut inverser la réflexion et aller vers des objets low tech, des basses technologies. Low tech, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de technologie, de progrès, de savoir, de science, ou même de techniques assez évoluées pour fabriquer les objets. Mais simplement que ces objets doivent être réparables, modulaires, récupérés au maximum sans perdre de ressources au moment de leur recyclage.

Un exemple : le vélo. On voit apparaître des vélos couchés, des vélos qui permettent de transporter des enfants, de déménager... Le vélo est très compliqué à fabriquer, comme la voiture, il demande beaucoup de technologies (métallurgie, chimie, usinage, etc.). Mais il devient simple à l’usage : il est robuste, on comprend immédiatement d’où vient une panne, il est facile à réparer avec quelques pièces détachées, il est presque inusable s’il est bien entretenu. Les low tech posent la question suivante : est-ce que j’arrive à satisfaire mes besoins quotidiens avec des objets plus maîtrisables, à durée de vie beaucoup plus longue, sans y perdre en termes de confort, au lieu d’aller vers des objets de plus en plus compliqués, jetables et qui nous rendent de plus en plus dépendants des multinationales ?

 

Se tourner vers les low tech est-il suffisant pour faire face aux dérèglements climatiques ?

Il n’y a pas de solution technologique, et encore moins de solution low tech, qui permet de continuer notre gabegie énergétique actuelle et notre consommation hallucinante de matières premières ! Se tourner vers la sobriété est évident. Et mieux vaut une sobriété choisie qu’une sobriété subie. Elle peut prendre différentes formes. Il y a des sobriétés simples et faciles qui pourraient presque passer inaperçues, comme l’interdiction des imprimés publicitaires, des chaussures de sport qui clignotent lorsqu’on marche ou des sacs plastiques. Nous pourrions décider d’avoir moins de formats de bouteilles, un peu plus de différenciation sur l’étiquette, afin d’embouteiller au plus près des marchés et de rendre la consigne à nouveau intéressante économiquement et écologiquement. On pourrait économiser au moins 160 000 tonnes de pneus usés par an, en généralisant le rechapage des pneus pour les véhicules des particuliers (c’est-à-dire changer la bande de roulement des pneus, comme c’est le cas systématiquement pour les poids lourds qui font jusqu’à un million de kilomètres après plusieurs rechapages, ndlr). Les solutions pour réduire notre consommation matérielle sont illimitées.

Il y aussi des formes de sobriétés qui feront, a priori, un peu plus mal. Il faudra, par exemple, se tourner vers des voitures ultralégères qui iront moins vite, ce qui implique de brider le moteur, de réduire les équipements et le confort acoustique... en attendant de passer complètement au vélo et aux transports en commun. Tout cela est sans doute liberticide, mais, si l’on s’y met tous, avec des réglementations intelligentes, on pourrait aussi y trouver beaucoup de qualité de vie et de plaisir. Et il en faut ! Le système de croissance actuel est devenu mortifère et n’apporte plus de bonheur. J’habite de plus en plus loin de mon travail, j’ai de plus en plus de temps contraint, je suis pris dans les embouteillages...

Prendre le contre-pied, c’est envisager une sortie progressive de la civilisation de la voiture, au profit d’un retour de la nature dans la ville, d’espaces publics moins bruyants et moins dangereux pour les enfants... Et n’oublions pas que la société est par essence liberticide : après tout, on n’a pas le droit d’immatriculer un char d’assaut, il y a une limite de poids et de vitesse pour les véhicules. Pourquoi cette limite ne pourrait-elle pas évoluer, si cela présente de grands avantages ?

 

N’y a t-il pas un risque de laisser des salariés sur le carreau ?

La sobriété – le fait de consommer moins – va être destructrice d’emplois dans l’automobile, l’industrie chimique, les pesticides... Mais la transition peut créer plus d’emplois qu’elle n’en détruit. La croissance des dernières décennies a aussi été destructrice d’emplois : nous avons créé des emplois dans la grande distribution et les usines, mais combien en a-t-on détruit dans le petit commerce et l’artisanat ? Dans les métiers de services, la grande mutation ne fait que commencer, des centaines de milliers d’emplois vont sans doute être perdus : pensons par exemple aux agences bancaires qui deviennent des agences en ligne, au phénomène d’« uberisation », etc. On remplace d’anciens métiers peu qualifiés par d’autres, avec par exemple des gens chargés d’approvisionner les distributeurs de boissons et de friandises dans les stations de métro, ou de changer les bonbonnes d’eau dans les entreprises.

Je fais le pari que l’on peut recréer énormément d’emplois et revenir à des productions de plus petite échelle – tout en conservant les machines là où elles sont utiles, là où elles rendent le travail moins pénible. À commencer, peut-être, par l’agriculture, en la rendant plus intensive en main-d’œuvre, plus créatrice de sens, moins hyperspécialisée, pour mieux maîtriser la qualité de la production. On pourra aussi mieux partager le temps de travail : le fait d’être moins spécialisé permet de mieux partager. Tout cela sera plus enthousiasmant que le scénario de statu quo, avec un nivellement par le bas du coût du travail et donc des salaires, poussé par une concurrence internationale exacerbée et un système de transport mondial diablement efficace.

Il s’agit aussi de faire évoluer notre système de valeurs. Le métier de plombier est l’un des plus utiles : il devrait être rémunéré quasiment comme un pilote d’avion. Ce dernier est bien payé car il est responsable de nombreuses vies. Mais c’est aussi le cas du plombier qui répare les colonnes de gaz. Les paysans, chiffonniers, mécaniciens, menuisiers, réparateurs d’électroménager ou d’informatique sont les héros de demain !

 

Comment convaincre le plus grand nombre de l’intérêt et de la nécessité de changer ? N’est-il pas trop tard pour agir ?

Nous avons besoin d’utopie, d’espoir, de projet de vie. Les jeunes générations vivent, au rythme des annonces catastrophiques, dans ce monde délirant où l’on nous explique à la fois que la planète va de plus en plus mal, et qu’il y a de plus en plus de technologies formidables pour nous sauver. Or, les faits montrent pour le moment que nous avons plutôt du mal à sauver la planète. Peut-on donner un nouveau souffle ? Ou reste-t-on avec cet horrible « there is no alternative » thatchérien ?

Il n’est jamais trop tard pour bouger. Les moyens financiers existent dans l’agriculture. On pourrait décider d’allouer les milliards d’euros de subventions de manière différente, en privilégiant les exploitations de plus petite taille et de polyculture, en gérant les questions des intrants et des effluents de manière plus intelligente qu’aujourd’hui avec la Beauce désertique d’un côté, et les usines à cochons de l’autre. Passer à ce cercle vertueux implique de changer un certain nombre de règles du jeu fiscales et réglementaires.

Face à la déferlante mortifère de consommation des ressources et de production de déchets, il y a un espace politique autour de la création d’emplois. Aujourd’hui, plus personne ne croit vraiment en la reprise de la croissance pour recréer de l’emploi. Est-elle seulement souhaitable d’un point de vue environnemental ? Bien sûr que non, puisqu’on ne sait pas découpler croissance économique et croissance de la consommation énergétique et de la production de déchets – il n’y a aucun exemple, aucune étude, aucune expérience, aucun chiffre pour étayer le contraire. Le pape, dans son encyclique, dit que « la terre où nous vivons devient moins riche et moins belle, toujours plus limitée et plus grise, tandis qu’en même temps le développement de la technologie et des offres de consommation continue de progresser sans limite ». C’est exactement cela. Chaque jour qui passe, on artificialise des centaines d’hectares qu’on transforme en parkings ou en lotissements, on perd des tonnes de terres arables par érosion et épuisement des sols, on éloigne un peu plus les citadins de la nature... Je pense qu’il y a une voie pour aller vers des sociétés plus soutenables, une voie certes étroite et compliquée, mais pas davantage que la voie technologique.

Propos recueillis par Sophie Chapelle

 

A lire : Philippe Bihouix, L’âge des low tech, ed. Seuil, coll. Anthropocène, 330 pages, avril 2014. 19,50 euros. Vous pouvez commander le livre dans la librairie la plus proche de chez vous, à partir du site Lalibrairie.com.

Photos : CC Steve Jurvetson / Portrait Institut Momentum
- Vélo familial : CC grrsh / FlickR

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 21:52

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

Non, le chômage ne baisse pas en France

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

Dans la catégorie A, le chômage est en baisse en septembre et, à écouter le gouvernement, c'est le début de l'inversion de la courbe. C'est aussi, selon les mots de Manuel Valls, le résultat des réformes engagées. Mais de quel chômage parle-t-on ?

C’est la bonne nouvelle de la semaine pour le gouvernement empêtré dans les abîmes de l’impopularité. L’éclaircie, l’aubaine, à quelques semaines des élections régionales et d’une probable nouvelle déroute socialiste. « Le chômage est en baisse », entend-on partout sur les ondes depuis la publication, lundi, des statistiques mensuelles de Pôle emploi et la Dares. 23 800 chômeurs de moins en septembre dans la catégorie A, la catégorie de référence (qui n’en demeure pas moins la plus restreinte puisqu’elle ne regroupe que ceux qui sont au chômage et qui font des recherches effectives d’emploi) (le détail des chiffres ici). Mais si l'on y ajoute ceux qui, travaillant un peu, sont malgré tout en “recherche active d'emploi” (catégories A, B et C), le résultat est nul, comme l'établit le tableau ci-dessous.

Regardons de plus près la fameuse catégorie A. Moins 0,7 % de demandeurs d’emploi, c’est la plus forte baisse jamais enregistrée depuis huit ans. Le premier grand ralentissement depuis l’arrivée à l’Élysée de François Hollande, qui conditionne les suites de son avenir présidentiel à « l’inversion de la courbe du chômage », sa promesse. La diminution est particulièrement notable chez les moins de 25 ans, cible de nombreux dispositifs “aidés” (emplois d’avenir, garantie jeunes, contrats de génération, relance de l’apprentissage) : – 2,6 %. Soit la quatrième baisse consécutive enregistrée pour cette classe d’âge (– 2,7 % sur un an).

L’exécutif n’a cependant pas sauté aux lustres du pouvoir devant « les chiffres positifs ». Prudence. En août 2013, après vingt-sept mois de hausse consécutive, il avait applaudi l’annonce de 50 000 chômeurs en moins, « la plus forte baisse jamais enregistrée depuis treize ans dans la catégorie A ». Or, ce n’était pas ses réformes ou le retour de la croissance qui en étaient responsables mais une gigantesque panne informatique de l’opérateur SFR, qui avait empêché des milliers de demandeurs d'emploi d'actualiser leur situation sur le site de Pôle emploi. A posteriori, l’administration avait réévalué la baisse entre 22 000 et 29 000.

Manuel Valls, tout à la préparation de la loi “Macron 2”, une nouvelle dérégulation massive du marché du travail, n’a tout de même pas pu s’empêcher, ce mardi, de s’enorgueillir de cette septième baisse du quinquennat. « C'est le résultat de la conjoncture que tout le monde connaît, c'est le résultat des réformes que nous avons engagées et cela doit nous amener à poursuivre », a réagi le Premier ministre. Il ne perd pas son nord libéral, sa droite, convaincu que la baisse du chômage réside dans le “pacte de responsabilité” – 40 milliards d’euros de baisses de charges qui gonflent les marges, mais pas les effectifs, des entreprises – et dans un code du travail allégé de ses protections salariales pour une meilleure flexibilité et précarisation du marché. « C'est le résultat de (...) choix politiques qui ont été faits, à la fois la politique active et publique pour l'emploi, et en particulier à destination des jeunes, je pense (...) aux emplois d'avenir, à l'ensemble des emplois aidés, et puis c'est aussi le résultat d'une activité économique qui (...) reprend », a appuyé Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement.

 

Les chiffres du chômage en avril 2012Les chiffres du chômage en avril 2012
Les chiffres du chômage en septembre 2015Les chiffres du chômage en septembre 2015
 

Quand Myriam El Khomry, elle, s’est montrée plus prudente, marchant sur des œufs sémantiques : « Seule la tendance compte. Et le chômage est orienté à la baisse sur les quatre derniers mois. C'est encourageant. (...) Cette baisse n'appelle pas d'autosatisfaction de ma part. La crédibilité de l'action publique se joue sur la durée. » La nouvelle ministre du travail sait bien que quatre mois de baisse ne tracent pas une “inversion” durable. Aussi effective soit cette baisse inédite, aussi réelle soit la “stagnation” des chiffres officiels depuis quelques mois, la réalité reste toujours aussi sombre en France sur le front de l’emploi. Pour mesurer le drame du chômage de masse, son ascension vertigineuse en quelques années, la montée de la précarité, il faut aller par-delà les courbes de la simple catégorie A, sous les feux sempiternels des médias, où les demandeurs d’emploi s’établissent fin septembre à 3,55 millions (3,81 millions en incluant l’Outre-Mer), soit tout de même une augmentation de 3,1 % sur un an.

Il faut prendre en compte, dans le détail mais aussi dans leur ensemble, les catégories de demandeurs d’emploi, cet abécédaire désincarnant la tragédie du chômage sur les individus (A, B, C, D et E) qui regroupe tous les types de chômeurs, y compris ceux qui ont effectué des missions de très courte durée ou qui, par découragement, ont cessé de faire des recherches. En avril 2012, avant que François Hollande n’emporte la présidentielle, toutes catégories réunies, ils étaient près de cinq millions (4 925 800). En septembre 2015, ils sont plus de six millions (6 111 300), soit en l’espace de trois ans une hausse de plus d’un million (1 185 500). Voilà le bilan social, la France du réel en septembre 2015 : plus de six millions d’hommes et de femmes sur la touche, sans emploi ou vivotant dans la précarité du sous-emploi, du temps partiel subi, de l’intérim. Des cohortes de sans-travail et de travailleurs pauvres.

Et lorsqu’on regarde de près les courbes de chacune des catégories qui les réduisent à une lettre de l’alphabet, en ce mois de septembre, comme les précédents, elles sont toutes à la hausse. La réalité, c’est aussi un chômage de longue et très longue durée (d’un an à plus de trois années sans emploi) qui n’en finit pas de grimper (sur un mois : de 0,9 % à 1,2 % selon les tranches ; sur un an : de 6,4 à 7,8 %). Ce drame décrété « cause nationale » en 2014, « priorité des priorités » de 2015, emporte presque trois millions de personnes… La réalité, c’est aussi un chômage des seniors enkysté qui n’en finit pas de progresser. En septembre, il augmente de 0,1% ; sur un an, de 8,5%. Les plus de 50 ans ne connaissent pas de répit. « Ils sont ma priorité », dit Myriam El Khomry. Les prochains mois le diront…

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 18:11

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

La France de la tolérance... à la fraude

 
Dans "L'impunité fiscale. Quand l'Etat brade sa souveraineté" Alexis Spire et Katia Weidenfeld nous démontrent que les grands principes font défaut dès lors que la justice doit s'intéresser à la fiscalité, car il y a bien une justice à deux vitesses pour ceux qui sont en délicatesse avec le fisc. Extraits.
 
Monaco, son port et ses avantages fiscaux - Lionel Cironneau/AP/SIPA
 

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » : les Français ont (presque) tous appris dans les vers de La Fontaine que la justice pouvait être inique. Mais que la Révolution avait proclamé l'égalité de tous les hommes en droits. Deux siècles plus tard Alexis Spire et Katia Weidenfeld nous démontrent que les grands principes font défaut dès lors que la justice doit s'intéresser à la fiscalité, car il y a bien une justice à deux vitesses pour ceux qui sont en délicatesse avec le fisc.

Les riches, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers, bénéficient souvent d'un traitement qu'on n'ose dire « de faveur ». Les petites entreprises et les ménages modestes, eux, coupent moins souvent aux rigueurs de la loi. Dans leur fine enquête, les auteurs de l'Impunité fiscale ont épluché plusieurs centaines de cas soumis aux tribunaux, mais aussi remonté la machine à trier des fauteurs, qui fait en sorte que sur 16 000 fraudeurs délibérés aux impôts recensés chaque année un millier d'entre eux seulement se retrouvent devant le juge.

Il existe bien une « tolérance française » pour la fraude fiscale, dans la société, le personnel politique, l'administration, les prétoires. La répression elle-même est mesurée. La prison est l'exception, l'amende, la règle, et l'oubli, généralisé. Une mansuétude qui ne va pas de soi lorsqu'on sait que ces délinquants font perdre 80 milliards d'euros de recettes publiques chaque année.

L'Impunité fiscale. Quand l'Etat brade sa souveraineté, d'Alexis Spire et Katia Weidenfeld, La Découverte, coll. « L'horizon des possibles », 180 p., 13,50 €.

 

 

EXTRAITS
« Des prévenus triés sur le volet »

Depuis le milieu des années 2000, les gouvernements successifs ont tous affiché leur volonté de lutter contre les paradis fiscaux et de contrôler plus étroitement les grandes entreprises et les contribuables fortunés. Au-delà des résolutions de principe adoptées dans les sommets internationaux, cette préoccupation a donné lieu à de nouvelles formes de coopération entre administrations. Néanmoins, en matière de poursuites pénales, les changements sont limités.

 

Chargée du contrôle des plus grandes entreprises françaises, la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) n'est à l'origine d'aucun des 570 jugements rendus contre des prévenus de fraude fiscale que nous avons analysés. Pourtant, ce service a notifié en 2009 des redressements à hauteur de 3,5 milliards d'euros d'impôts, répartis sur seulement 1 350 dossiers, soit en moyenne 2,5 millions d'euros par dossier. Comment des manquements d'une telle ampleur n'ont-ils pu donner lieu à aucunes poursuites ?

Les raisons de ce paradoxe sont multiples. L'explication la plus couramment avancée renvoie à la technicité des montages juridiques réalisés par les grands groupes. Ainsi, cet inspecteur, passé d'une direction nationale chargée des plus grandes entreprises à un service départemental, compare deux façons bien différentes de contourner l'impôt : « C'est beaucoup mieux fait, beaucoup mieux protégé par des fiscalistes et aussi beaucoup plus sophistiqué [dans le cas des grandes entreprises]... donc ça donne moins lieu à des poursuites. »

D'un côté, les manquements des petites entreprises apparaissent sans ambiguïté comme des fraudes flagrantes ; de l'autre, les grands groupes développent, avec l'aide de professionnels du droit et de la comptabilité, des structures leur permettant de brouiller la frontière entre le légal et l'illégal, ou de diluer les responsabilités.

Tout comme dans le domaine du droit du travail, les vérificateurs utilisent, pour les décrire, le terme d'« ingénierie » plutôt que celui de « fraude ». Ce champ lexical traduit à la fois l'existence de montages plus complexes et la capacité des spécialistes de la fiscalité à euphémiser leurs pratiques de contournement de l'impôt en les présentant comme de simples optimisations. Dès lors, le caractère intentionnel de la fraude est beaucoup plus difficile à prouver. [...]

La frontière entre l'erreur et la fraude est présentée ici comme poreuse, surtout lorsqu'elle est travaillée par des professionnels du droit qui parviennent à faire passer leurs stratégies de contournement de l'impôt pour des divergences d'interprétation de la loi. [...] La pluralité des intervenants - président-directeur général, directeur financier, directeur juridique, etc. - dilue également l'intentionnalité de la fraude. Même si, d'un strict point de vue juridique, des poursuites pour fraude fiscale pourraient être engagées contre la personne morale, cette voie n'est presque jamais utilisée : sur les 570 jugements que nous avons étudiés, seuls deux visaient des personnes morales. Les entreprises, et notamment les plus grandes, sont considérées, en raison des emplois qu'elles créent ou des produits de consommation qu'elles distribuent, comme ayant une action sociale positive ; il y a là un frein à l'engagement de poursuites pénales qui pourraient menacer leur survie.

A l'inverse, cette représentation explique que des actions pénales soient plus facilement engagées contre des sociétés étrangères, particulièrement dans un secteur qui subit un fort discrédit comme l'activité bancaire. Plus fondamentalement, les rapports qui se nouent entre les vérificateurs et les représentants de grandes entreprises se situent d'emblée sur le mode de la négociation et se prêtent donc assez peu à une confrontation qui pourrait déboucher sur des poursuites. Les échanges sont plus «feutrés» et moins conflictuels que ceux que connaissent les petites entreprises contrôlées par les services départementaux.

[...] Les disparités entre les objectifs chiffrés qu'ils fixent aux services en sont autant d'illustrations. Tandis que les brigades de vérification départementale et régionale doivent présenter 30 % de redressements à dimension répressive (c'est-à-dire comportant des pénalités sanctionnant des fraudes et non de simples erreurs), les inspecteurs chargés des très grandes entreprises et de leurs filiales n'y sont pas astreints.

L'autre obstacle de taille pour engager des poursuites pénales à l'encontre des plus grands groupes économiques tient à leur dimension transnationale. [...] La dimension transnationale des très grandes entreprises les place dans une position singulière vis-à-vis du droit : leur implantation dans plusieurs pays leur permet de relativiser chaque règle nationale en faisant jouer la concurrence entre Etats. Il en découle une série de litiges qui n'engagent pas seulement un contribuable face à une administration, mais plutôt une société multinationale en position de négocier avec plusieurs Etats aux intérêts divergents. [...]

Les plus grandes entreprises ne sont pas les seules à échapper massivement à toute poursuite pénale. Il en va de même pour les contribuables les plus riches. Les déclarations de ceux dont les revenus annuels dépassent 770 000 € ou dont le patrimoine est supérieur à 6,9 millions, soit environ 150 000 foyers, sont contrôlées par la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF). En 2010, ce service a notifié des redressements sur 900 dossiers, à hauteur de 255 millions d'euros en droits et 66 millions d'euros en pénalités, mais n'a déposé que 17 plaintes. Autrement dit, les contrôles sur les plus fortunés induisent des rappels moyens de plus de 280 000 €, mais leur probabilité d'être orientés vers une procédure pénale est plus faible que pour les autres contribuables contrôlés. Là encore, un tel paradoxe mérite qu'on s'y arrête.

Pour expliquer la faible pénalisation des contribuables les plus aisés, les vérificateurs qui sont chargés du suivi de ces dossiers soulignent une tendance à la conciliation ancrée de longue date :

« S'il n'y a pas de dossier pénal à la DNVSF, c'est sans doute parce qu'on y traite des fraudes fiscales les plus sophistiquées. Et puis, on a un objectif budgétaire, donc on a tendance à favoriser des transactions avec un paiement immédiat. Pour un de mes dossiers, mon supérieur hiérarchique a reçu l'avocat et lui a dit : "Soit vous transigez, soit on va au pénal." Quand on fait ce genre de chantage, on est sûr d'obtenir une transaction... Faire des transactions permet à la fois de réduire le stock du contentieux, mais aussi d'améliorer le recouvrement. » [Entretien avec un inspecteur de la DNVSF en poste depuis 2001.]

[...] La pratique de la transaction varie selon le type de secteur et la catégorie de contribuable concernée : « Entre l'Ouest et l'Est [parisien], il y a des différences. L'Ouest parisien travaille avec le haut de portefeuille, et les inspecteurs ont un peu tendance à délaisser le répressif... Ils privilégient la transaction ! Dans l'Est en revanche, ils ont la Seine-Saint-Denis et on leur demande beaucoup plus de procédures pénales. » [Entretien avec un inspecteur chargé des procédures pénales en région parisienne.]

L'opposition entre Est et Ouest parisien constitue ici une illustration éloquente d'une gestion des illégalismes qui varie selon la position sociale des populations concernées. Cette variation ne résulte pas du pouvoir d'appréciation de tel ou tel inspecteur : elle s'inscrit dans des routines administratives propres à chaque service. Dans les secteurs les plus prospères comme l'Ouest parisien, l'importance des redressements et l'enjeu budgétaire qu'ils représentent conduisent à privilégier le recouvrement, quitte à consentir une transaction. En revanche, dans des secteurs plus défavorisés où la fraude fiscale émane davantage de délinquants placés à la tête de petites entreprises et moins coopératifs, l'objectif d'exemplarité l'emporte et se traduit par davantage de poursuites pénales.

L'impunité fiscale des plus puissants ne se mesure pas seulement au faible nombre de plaintes émanant des services chargés de contrôler leurs dossiers. Elle se déduit également de l'absence quasi totale des impôts sur le patrimoine dans les affaires soumises au juge pénal. Dans notre base statistique constituée de 570 affaires, on ne trouve que trois types d'impôts : la taxe sur la valeur ajoutée dans 85 % des affaires, l'impôt sur les sociétés (41,8 %) et l'impôt sur le revenu (27,4 %). En 2013, seules sept plaintes de l'administration fiscale pour fraude fiscale ont concerné d'autres impôts. Ainsi la fraude patrimoniale, c'est-à-dire celle concernant l'évaluation, la cession ou la transmission des patrimoines, échappe pratiquement à toute forme de pénalisation.

Depuis quelques années, cette impunité des fraudes patrimoniales est sous le feu des critiques et, pour y répondre, Bercy affiche désormais sa volonté de les faire entrer dans le domaine pénal. Mais un tel objectif se heurte à plusieurs obstacles. Tout d'abord, les patrimoines des classes dominantes dépassent largement le strict cadre national et la preuve tangible d'une intention d'éluder l'impôt est, dans ce cas, toujours plus difficile à établir.

Si les poursuites visant des détenteurs de patrimoine restent rares, c'est aussi en raison du type de rapport social que l'administration entretient avec ces contribuables. Tout se passe comme si les contestations récurrentes de la légitimité des impôts sur le patrimoine incitaient les agents spécialisés dans ce domaine à se montrer plus discrets et moins intrusifs. « Quand ce sont des gens qui nous ressemblent, qui paient, qui semblent être de bonne foi, on n'est pas très enclins à les poursuivre en correctionnelle. C'est particulièrement vrai pour les services du patrimonial où ils ont l'habitude de considérer qu'à partir du moment où le contribuable paie l'affaire est réglée. » [Entretien avec un inspecteur chargé des procédures pénales en région parisienne.]

Les pinçons s'évadent

Où et comment planquer son magot ? Tous les exilés fiscaux se sont un jour posés la question. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot aussi. Mais pas avec le même but : ces deux sociologues, anciens directeurs de recherche au CNRS, qui décortiquent depuis vingt-cinq ans les us et coutumes des grandes fortunes, ont voulu jouer les « victimes » du fisc en quête de secret bancaire. Pour voir. Et témoigner. 

 

​En 1994, le duo n'avait eu aucune difficulté à se faire dérouler le tapis rouge dans une banque de Lausanne. Vingt ans plus tard, ils ont renouvelé l'expérience. Sans succès cette fois. « Les banques suisses n'en sont plus à l'accueil complice et amusé du tout-venant. L'heure est à la précaution. Celle-ci est de rigueur quand il s'agit de défendre les intérêts collectifs d'une classe sociale dominante et mondialisée à laquelle appartiennent à la fois les banquiers et leur clientèle », constatent les Pinçon, dans Tentative d'évasion (fiscale)*, leur dernier opus. Un voyage instructif et facile à lire au paradis des comptes. « Qui ne sont pas des contes pour enfants, mais n'en enchantent pas moins leurs détenteurs. »

Arnaud Bouillin

 

* Editions Zones, 254 p., 17 €.

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22