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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 14:21

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/savannah-anselme/blog

 

 

 

Ce que j'ai vu de mes yeux place de la République
 
 
Ce qu'il s'est passé à République le 29 novembre 2015 ? Mais que voulez-vous savoir ? Ce qui m'a d’abord fait chaud au cœur ou ce qui l'a brisé ensuite ?

J'ai vu des milliers de chaussures disposées sur le sol pour symboliser tous ceux qui ont renoncé à venir à cause de l'interdiction. J'ai vu des dizaines de personnes, parmi lesquelles de simples passants, ramasser ces chaussures pour remplir deux camions entiers, destinés à Emmaüs. Le plus grand don de chaussures jamais organisé.

J'ai vu des milliers de personnes constituer une chaine humaine sur le parcours initial de la manifestation. J'étais avec mon petit frère, ma mère, mon conjoint et des amis. Nous avons remonté le cours de la chaine humaine en brandissant fièrement nos pancartes. Moi en tête, j'arborais un magnifique panneau avec un message clair : "Désolé pour le dérangement, nous essayons de sauver le monde" Les gens déjà en place dans la chaine humaine nous ont fait un tonnerre d'applaudissements. Ma pancarte qui a déjà vu de nombreuses manifs, a eu droit à sa première haie d'honneur. Ce que je ne savais pas encore alors, c'est que ce serait aussi sa dernière.

Nous avons ensuite pris place dans la chaine.

Une fois cet événement terminé, nous sommes retournés place de la République. Au bout de quelques minutes, un groupe de manifestants s'est mis à tourner en rond autour de la place, scandant un message à la fois simple et efficace pour amener le plus de personnes possibles : "Si on marche pas, ça marchera pas".

En faisant plusieurs fois le tour de la place avec le cortège improvisé, nous avons pu constater que toutes les rues adjacente étaient bouclées par les CRS. Il y avait des barrières d'hommes en uniformes partout. Nous n'avions plus la possibilité de quitter la place de la République pour mener la marche jusqu'à Nation. Nous avons suivi le cortège et nous sommes engouffrés avenue de la République pour tenter de percer le mur de CRS et défiler malgré l'interdiction. Mais nous nous sommes enfoncés dans un piège. Les CRS ont tenté de nous surprendre en créant une barrière derrière nous mais nous nous en sommes rendu compte à temps, et nous sommes dispersés sur la place de la République à temps. Les pouvoirs publics semblaient fermement décidés à nous empêcher d'accomplir cette marche. De mon côté (et je n'étais pas la seule) j'étais fermement décidée à désobéir. On ne pouvait pas se rendre à Nation, tant pis, je resterais là aussi longtemps que possible. Je résisterais à leur volonté de nous faire quitter les lieux.

 Je ne saurais dire ni à quel endroit, ni à quel moment les "violences" ont commencé. J'ai vu, au loin, des chaussures voler sur les CRS, mais aussi des bouteilles en verre... Avec ma mère, mon petit frère, mon conjoint et mes amis, on a senti les fumigènes envahir toute la place. Ma mère voulait partir, mais nous ne trouvions pas d'issue. Nous nous sommes dirigés vers une bouche de métro quand un groupe de personnes cagoulées a subitement attaqué le cordon de CRS à côté de nous. Alors même que des militants pacifistes étaient assis en face de la police, les mains en l'air, d'autres tenant des fleurs empruntées sur l'autel hommage aux victimes du 13 novembre. Les projectiles de ces gens cagoulés tombaient non seulement sur les CRS, mais aussi sur les pacifistes.

 En les voyant brusquement lancer tout ce qu'ils avaient dans leurs mains, je me suis vue courir entre les cagoulés et les pacifistes, faire de grands gestes avec mes bras en direction des lanceurs de pierres et autre en criant : "Non ! Arrêtez ! Ne faites pas ça !" Je me suis protégée avec ma pancarte, esquivant un projectile. Mon petit frère derrière moi en a lui aussi évité un de justesse.

Ma mère est partie avec lui de l'autre côté de la place. J'aimais mieux les savoir à l'abri, en sécurité loin de ce chaos. Mon conjoint, un ami et moi avons décidé de rester encore. Je voulais tout voir de mes yeux, je voulais savoir ce qu'il se passerait, je voulais tenter de raisonner ces fous cagoulés. Mon petit copain a pris un groupe de cagoulés à partie, les sommant d’ôter leur masque pour assumer leur connerie, les insultants, les traitant de lâche se cachant derrières les pacifistes. Ces derniers continuaient de faire face aux CRS, certains assis, d'autres debouts, mains en l'air. Les CRS ont riposté en lançant des fumigènes dans le tas, ainsi que des grenades assourdissantes. Les pacifistes ont tout pris, les cagoulés, planqués derrière n'ont rien eu. Dans le même temps, le plus gros de la foule s'était réfugié de l'autre côté de la place de la République, à l'opposé de ces échanges violents, et attendait, semble-t-il, de pouvoir passer le cordon de CRS au compte goutte. J'ai vu les CRS se trouvant de mon côté de la place, ceux là même qui nous balançaient fumigènes et grenades assourdissante, tirer en l'air au loin des grenades fumigènes. Elles ont dessiné un grand arc de cercle dans le ciel au dessus de nos têtes, se sont séparées en plusieurs autres grenades fumigènes avant de tomber dans la foule, de l'autre côté de la place où il n'y avait pas de violence, seulement des gens voulant fuir, semant la panique de tout côté. A cet instant précis, les CRS ont lancé une charge sur nous. Moi, j'étais suffisamment en retrait pour ne pas être bousculée. D'autres en revanche se sont fait violenter. Les pacifistes enfumés, piétinés, blessés devant. Les cagoulés, bien protégés, planqués derrière.

Les CRS ont commencé à arriver de tous les côtés autour de nous. J'ai voulu m'armer d'une fleur de l'autel comme geste pacificateur pour les offrir aux policiers. Mais un groupe de manifestants pacifistes se tenait la main et encerclait la statue et l'autel pour que les cagoulés ne s'arment plus de bougies et ne saccagent l'autel.

J'ai vu un homme seul, pousser son vélo les deux mains sur le guidon se faire bousculer, puis taper par un CRS à coups de matraque à deux pas de moi. Sans réfléchir, j'ai couru vers eux et tenté de repousser le policier dans son armure de plexiglas en criant : "Arrêtez de le taper ! Arrêtez de le taper ! Il n'a rien fait !" Un de ses collègues est arrivé et m'a bousculé violemment en arrière. A ce moment là, j'ai levé les mains en l'air et j'ai répété à haute voix "Sans haine, sans arme, sans violence". Le CRS m'a menacé de la main droite avec sa matraque, de la main gauche il m'a poussé en arrière avec son bouclier. Je restais les mains en l'air à répéter mon message. Tout le monde se faisait bousculer et taper autour de moi, alors ils m'ont imité, ont levé les mains eux aussi en scandant le même message que moi. Nous nous sommes retrouvés repliés autour de la statue de la République, autour de l'autel hommage aux victimes du 13 novembre. Le cercle de pacifiste était toujours là, main dans la main pour protéger les fleurs et les bougies.

J'étais en première ligne, j'avais toujours les mains en l'air, je continuais à répéter mon slogan encore et encore pour me donner la force et le courage. Mes mains tremblaient comme des feuilles mortes menaçant de se décrocher de leur branche.

 Les CRS ont chargé. Pourtant cela faisait bien cinq minutes que les projectiles avaient cessé de voler. Cinq minutes que ces lâches cagoulés s'étaient sauvés ou planqués. Et ils nous ont chargé sans aucun égard pour l'autel hommage aux victimes du 13 novembre. Des pacifistes sont tombés sur les fleurs et les bougies, les hommes de plexiglas ont piétiné ce qu'il restait de cet hommage. La police a pris la statue. Nous n'avions plus aucune raison de rester.

Nous avons demandé aux CRS de nous laisser partir, à plusieurs endroits, à plusieurs reprises, sans résultats. Nous avons fini par capituler, poser notre sac, poser nos pancartes, nous asseoir et attendre. A un moment inattendu les CRS nous ont chargés de nouveau. Mon conjoint a voulu récupérer notre sac dans l'action mais un ou deux CRS l'ont frappé avec leur matraque à plusieurs reprises. Évitant les coups et les armures de plexiglas, je suis parvenue à m'engouffrer dans une brèche pour attraper le sac en criant : "Il y a mes papiers à l'intérieur !" Je me suis quand même pris des coups, moi aussi. On a récupéré notre sac, mais nous n'avons jamais revu nos pancartes.

J'ai entendu les JT dirent que les manifestants radicaux auraient pillé l'autel des victimes. Mais sur place, j'ai vu des hommes cagoulés prendre des bougies pour les jeter sur les policiers, j'ai vu des pacifistes s'organiser pour les en empêcher, et j'ai surtout vu la police piétiner cet autel que les pacifistes protégeaient.

Après ça, ils n'ont plus laissé partir personne. Ils nous ont parqués comme du bétail dans un coin de la place. Nous étions des centaines agglutinés les uns aux autres, pendant des heures, sans pouvoir ni aller aux toilettes, sans eau et sans nourriture autre que ce que nous avions encore dans nos sacs à dos. De temps en temps, une poignée de CRS entraient dans le cercle pour rafler quelques uns d'entre nous. En fait, pendant toute la manifestation, nous étions filmé par la police. Et ceux-ci tentaient d'identifier les gens violents pour les interpeler grâce aux vidéos. A chaque rafle, les coups de matraque pleuvaient pour forcer les manifestants à se détacher de la foule pour suivre les policiers.

Il n'y a pas grand chose à dire de plus. Mon conjoint et moi avons fini par nous faire rafler après près de quatre heures d'attente. Un CRS avec une conscience sans doute plus aiguisée que celle de ses autres collègues nous a promis que si on se laissait emmener sans opposition, nous ne serions ni arrêtés, ni violentés. Nous avons suivi les policiers. Je tenais fermement la main de mon partenaire. Alors que nous avancions dans le calme, main dans la main, le CRS qui nous escortait a frappé mon conjoint, sans raison, il s'est pris une baffe gratuite. Lui s'est fait fouiller. Moi non, car il n'y avait pas de femme flic. Nous n'avions rien d'illégal sur nous, ils nous ont laissé repartir. En état de choc.

Savannah Anselme

(Vous trouverez la première partie de cet article sur "pourquoi braver l'interdiction de manifester" ici :
https://blogs.mediapart.fr/savannah-anselme/blog/301115/il-etait-une-fois-en-manifestation )

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Source : https://blogs.mediapart.fr/savannah-anselme/blog

 

 

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 14:02

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Manifestants interpellés: la grande loterie de la République
1 décembre 2015 | Par Louise Fessard et Rachida El Azzouzi
 
 
 

Suite aux interpellations massives du dimanche 29 novembre, lors du rassemblement interdit place de la République, à Paris, 316 manifestants ont passé la nuit en garde à vue. Plusieurs d'entre eux, enseignants et étudiants, disent avoir été encerclés par les CRS, alors qu'ils cherchaient à fuir les échauffourées.

Les policiers ont procédé dimanche 29 novembre à des interpellations massives place de la République, où quelques milliers de personnes s’étaient rassemblées malgré l'état d'urgence, bravant l'interdiction de manifester autour de la conférence mondiale sur le climat (COP21). Selon le parquet de Paris, sur 341 personnes interpellées, 316 personnes ont été placées en garde à vue dans des commissariats de Paris et de la petite couronne.

Seules neuf de ces gardes à vue ont été prolongées lundi soir au-delà de 24 heures. Les autres personnes interpellées ont été relâchées, mais « l'enquête se poursuit et ces personnes sont susceptibles de poursuites pour participation à une manifestation non autorisée », nous précise-t-on. Elles encourent des peines pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et à une amende de 7 500 €.

 

Place de la République à Paris dimanche en début d'après-midi: des chaussures pour représenter des manifestants empêchés de manifester © Jean de Peña Place de la République à Paris dimanche en début d'après-midi: des chaussures pour représenter des manifestants empêchés de manifester © Jean de Peña

 

Suite aux attentats du 13 novembre 2015, le préfet de police de Paris avait justifié l'interdiction des manifestations jusqu'au 30 novembre 2015 par des nécessités purement sécuritaires. « Dans un contexte de menace élevée, les manifestations sur la voie publique sont susceptibles de constituer une cible potentielle pour des actes de nature terroriste », expliquait-il alors dans un communiqué.

Plusieurs face-à-face ont eu lieu dimanche entre les CRS et des personnes habillées en noir cherchant manifestement à en découdre et lançant des projectiles (lire notre reportage). « Nous avons eu affaire à quatre, cinq groupes de 30 personnes particulièrement bien organisées, vêtues de noir et qui jetaient des projectiles (...), des boulons, des pierres, des boules de pétanque, des panneaux de chantier, mais également des bougies prises sur le mémorial des victimes des attentats », a affirmé lundi après-midi la commissaire divisionnaire Johanna Primevert, porte-parole de la préfecture de police de Paris. « Aucun amalgame ne saurait être fait entre des manifestants de bonne foi et ces groupes qui n'ont toujours eu qu'un seul dessein : profiter de rassemblements responsables et légitimes pour commettre des violences inacceptables », s’est engagé dimanche le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve.

Pourtant, les personnes que nous avons pu interroger à leur sortie de garde à vue lundi soir, pour beaucoup des étudiants et enseignants, affirment être des manifestants pacifiques. Elles disent avoir été coincées sur la place par les cordons de CRS au moment où elles tentaient de la quitter pour éviter les échauffourées. Ces manifestants décrivent la formation de plusieurs « nasses policières ». Des militants du NPA, d'Alternative libertaire et d'Ensemble se sont ainsi retrouvés encerclés avec environ 300 personnes pendant plus de trois heures, près de la rue du Faubourg-du-Temple. Certains ont été arrêtés, d’autres non, d’une façon qui semblait « totalement arbitraire » selon leurs témoignages.

Une source policière explique que cette technique d'« encagement » est normalement utilisée par la préfecture de police en fin de manifestation. « Quand il ne reste plus que ceux qui lancent les cailloux aux forces de l'ordre, on bloque tous les accès sauf un, pour laisser une possibilité de départ, on encage et on interpelle, explique ce policier. Mais là, l'objectif était manifestement politique : montrer qu'on est rigoureux. Quand on voit 341 interpellations et seulement 9 gardes à vue prolongées, ça fait sourire en termes d'efficacité policière. »

Yannick Lesne, 44 ans, professeur de physique chimie au lycée Guy-de-Maupassant à Colombes (Hauts-de-Seine), est sorti de garde à vue vers 15 h 30 ce lundi. Venu dimanche « dénoncer la mascarade de la COP21 », ce militant Sud éducation dit avoir voulu quitter la place « quand des individus habillés en noir ont commencé à jeter des chaussures et des bouteilles vides sur les CRS ». L'enseignant craignait pour son genou, récemment opéré. Mais « les bouches de métro étaient fermées et les CRS empêchaient toute sortie ». L’un de ses collègues, également présent, affirme que les policiers les « poussaient et compressaient, y compris dans les escaliers de bouches de métro ».

Yannick Lesne se réfugie donc, comme plusieurs autres manifestants, dans le cortège du NPA et d’Alternative libertaire « pour éviter de se retrouver entre casseurs et policiers ». Mauvais calcul : « On a vu les CRS nous entourer. » Le professeur fait partie des premiers à être interpellés et traînés vers les bus de police, vers 15 h 30. Tout comme Matthieu Bloch, étudiant parisien de 22 ans en master 2 d’urbanisme, qui « quand ça a dégénéré » a lui aussi préféré rejoindre les « organisations reconnues, loin des blacks blocks » après avoir essayé en vain de prendre le métro boulevard Magenta.

« On a décidé d’aller à l’opposé des casseurs, dans le cortège du NPA et d'Alternative libertaire où il y avait des personnalités comme Olivier Besancenot, Frédéric Lordon », explique-t-il. Mais il se retrouve lui aussi entouré par le cordon policier. « Les policiers nous enserraient, il y avait des personnes âgées, des familles, donc on a essayé de sécuriser les escaliers du métro en faisant une chaîne », explique l’étudiant, interpellé vers 15 h 30.

« Nous n’avons pas compris pourquoi les premiers interpellés étaient des manifestants pacifiques alors que les vrais casseurs, qui faisaient des allers-retours par vague entre les policiers et le centre de la place, étaient très identifiables, habillés tout en noir », s’étonne Yannick Lesne. Selon Nicolas Mousset, professeur de mathématiques de 31 ans à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), « il y a eu au moins 150 personnes interpellées dans le cortège NPA et Alternative libertaire, alors que nous n’avions rien fait à part chanter des slogans contre la COP21 et étions les plus éloignés de la zone des accrochages ». « À aucun moment, souligne-t-il, il n’y a eu de frontière floue entre les agités et notre cortège, donc on l’a vraiment pris comme une répression politique plus qu’une question de sécurité. »

Des policiers « qui se lâchaient »

Les autres manifestants encerclés près de la rue du Faubourg-du-Temple – environ 300 – y sont restés debout, serrés les uns contre les autres, jusqu’à environ 19 h 30 « dans une sorte de garde à vue extrajudiciaire », dénonce un collègue de Yannick Lesne. C’est le cas de Raphaël Colmet, un étudiant grenoblois de 21 ans, venu dimanche à République « pour faire entendre la voix des jeunes ». Il a été coincé « pendant trois heures » près de la rue du Faubourg-du-Temple « poussé par les policiers qui nous suffoquaient », avant d’être interpellé. « Les policiers chargeaient par groupe de quinze en courant et nous arrachaient un par un, nous traînaient vers les fourgons, dit le jeune homme. Leur stratégie était en contradiction totale avec l’objectif annoncé de disperser les manifestants. »

Étudiant en ingénierie hydraulique, Raphaël Colmet était arrivé en région parisienne jeudi pour participer à la COY, la conférence de la jeunesse qui s’est tenue à Villepinte juste avant la COP21, « un événement génial ». Ses petits camarades ont dû rentrer en bus à Grenoble dimanche soir sans lui.

 

Charge des CRS place de la République © Jean-Paul Duarte Charge des CRS place de la République © Jean-Paul Duarte

 

Yannick Lesne, Raphaël Colmet et Matthieu Bloch ont tous trois été emmenés en bus vers « le dépôt du XIXe arrondissement ». Ils y sont restés plusieurs heures enfermés « à une vingtaine dans une cellule de 9 mètres carrés ». « Il y avait des gens assis par terre, nous avions très chaud, sans rien à boire, ni à manger, on avait l’impression d’être dans un autre pays », dit Yannick, très choqué à 44 ans par cette première expérience de garde à vue. Vers 22-23 heures, ils racontent avoir été transférés au Service de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP), rue de Parme, dans le IXe arrondissement, où ils ont passé la nuit « à six dans une cellule, avec seulement une brique de jus d’orange et un gâteau sec le matin ». Raphaël a « dormi au sol avec un autre », ses chaussures lui servant d’oreiller.

Les auditions auraient été expédiées comme de simples formalités. « Ça a duré dix minutes, le temps de remplir les papiers, dit Matthieu Bloch, le premier à avoir été entendu, vers 9 heures du matin. Les officiers de police judiciaire n’en avaient pas grand-chose à faire. Le mien m’a demandé “Vous n’avez rien à dire sur les faits ? – Non.” “Si vos amis n’ont rien à dire non plus, ça ira plus vite.” » « L’OPJ m’a demandé à plusieurs reprises si je savais que c’était illégal de manifester et c’est tout », dit Raphaël Colmet qui n’a été entendu que « vers 14 heures », soit près de 23 heures après le début de sa garde à vue.

« Nous avons été accusés d’avoir participé à une manifestation non autorisée et de ne pas nous être dispersés après les sommations, mais il n’y a pas eu de sommation et on ne pouvait pas se disperser puisque la place était bouclée ! » remarque Yannick, auditionné vers midi. Il a été relâché à 15 h 30.

À sa sortie, une vingtaine de ses collègues du lycée Guy-de-Maupassant, en grève par solidarité depuis lundi matin, l’ont accueilli rue de Parme. « On fait grève car on pense qu’il devrait être devant ses élèves, nous a indiqué David Pijoan, professeur de mathématiques et représentant du Snes. Tout ce qu’on leur enseigne – le droit d’exprimer son avis, d’avoir l’esprit critique, de connaître ses droits – a été nié. » Plusieurs proches d’élèves de ce lycée de Colombes ont été touchés par les tueries, une professeur d’anglais du collège voisin Gay-Lussac, à Colombes, a été tuée au Bataclan, explique le syndicaliste. « Mais là on est dans un détournement de l’émotion : en quoi des manifestations pour le climat ou pour les migrants sont-elles plus dangereuses qu’un match de foot ? »

Dans un communiqué, les enseignants du collège Gay-Lussac ont d’ailleurs également exprimé leur solidarité avec leur collègue interpellé dimanche. « S'il revient aux autorités de l’État de prendre des mesures – pas uniquement sécuritaires – pour protéger les citoyens, il revient à ces derniers d’exercer un contrôle démocratique sur ces mesures et de continuer à défendre – en les exerçant – les libertés garanties par notre Constitution », rappellent-ils. 

À Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le collège Henri-Barbusse est lui aussi resté fermé ce lundi, la quarantaine d’enseignants présents avant les cours ayant voté la grève à l’unanimité en soutien à Grégory, l’un de leurs collègues gardés à vue, selon Florent Martini, représentant du Snes. Une vingtaine d’entre eux se sont rendus devant le commissariat du XVIIIe où le professeur était entendu. Aurélien, 29 ans et professeur de lettres classiques à Henri-Barbusse, est, lui, passé entre les mailles du filet dimanche. « Ils ont chargé puis extirpés les gens un par un, absolument sans aucun critère », dit-il. « Le hasard a fait une grande part entre ceux arrêtés et ceux qui étaient du bon côté du cordon policier, comme moi, donc les assimiler à des voyous, c’est inacceptable », souligne également Clément Dirson, co-secrétaire du Snes de Créteil.

Cathy Billard, professeur en lycée professionnel à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a eu moins de chance. La militante du NPA âgée de 48 ans a été embarquée vers le commissariat de Bobigny après s’être également retrouvée coincée « pendant trois heures » rue du Faubourg-du-Temple. « Les policiers avaient disposé des barrières formant deux enclos sur le parking à l’intérieur du commissariat, ça faisait vraiment rafle, décrit-elle. Nous étions environ 80 extirpés de la nasse, avec peut-être cinquante jeunes arrêtés avant. Au début, les policiers parlaient de simples vérifications d'identité, puis ils nous ont sortis un par un pour signifier les gardes à vue. »

Cathy Billard dit être passée vers 23 heures : « Un policier nous a dit qu’ils n’étaient pas fiers de ce qu’ils faisaient. Un autre a déclaré : "Cette procédure était débile, vous allez être vite relâchés". » Elle raconte avoir ensuite rejoint le deuxième enclos avant d’être emmenée « menottée » avec les autres vers minuit « dans les différents commissariats où ils ont trouvé de la place ». « Les policiers qui faisaient le transfèrement étaient en service depuis 6 heures du matin, inutile de dire qu’ils étaient un peu stressés et agressifs, remarque Cathy Billard. C’est une catastrophe de laisser des gens dans cet état rentrer chez eux armés ! »

L’enseignante a atterri au commissariat de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), « pas le pire, m’a-t-on dit, avec des locaux relativement modernes ». Mais elle a tout de même moyennement apprécié sa nuit « dans le froid, sur un matelas puant avec un gardé à vue à côté pour violences conjugales qui cognait comme un sourd et déversait des tombereaux d’insultes contre les flics ». L’enseignante a surtout été choquée par le comportement de certains policiers « qui se lâchaient ». « Certains sont venus se balader sans raison devant nos cellules et nous ont traités de "ramassis de gauchistes". Ils ont ajouté : "Il y a même des femmes, il faut les empêcher de se reproduire et les envoyer au goulag". » Après une nouvelle audition express sans avocat – « celui demandé n’était pas disponible et je n’ai même pas pensé à demander à relire le PV » –, elle a été relâchée avec les sept autres vers 15 heures.

« La garde à vue les arrangeait »

Élise, 26 ans, professeur d’histoire-géo en banlieue parisienne, est elle aussi rentrée chez elle ce lundi avec les courbatures d’une bien mauvaise nuit au commissariat de la rue de l’Évangile, dans le XVIIIe. La première garde à vue de sa vie a été marquée par la faim – « nous n’avons eu à manger qu’une fois à 4 heures du matin » – et un aller-retour sous escorte aux urgences de l’Hôtel-Dieu pour soigner son annulaire droit, cassé durant son interpellation musclée par les forces de l’ordre, ce dimanche place de la République. « Il était 15 h 30 quand les flics ont commencé à nous serrer et à nous attraper violemment un par un pour nous jeter dans les fourgons. C’est à ce moment là qu’ils m’ont cassé le doigt », raconte la jeune femme.

 

Manifestation République CRS *lien de la vidéo ici

 

Élise était alors « sur le départ » : « L’ambiance devenait trop mauvaise avec les lacrymos et les forces de l’ordre », « nous avions fait l’essentiel, défendu notre droit à l’expression dans le calme et sans aucune violence ». Mais la place de la République était quadrillée par les policiers. Impossible d’en sortir. « J’étais à l’angle de la rue du Faubourg-du-Temple, loin du mémorial aux victimes des attentats, avec le groupe du NPA que nous avions rejoint avec mes camarades d’organisations libertaires, voyant que nous ne pouvions plus sortir de la place », poursuit la jeune femme. Elle s’attendait à un gros dispositif policier compte tenu de l’état d’urgence, mais pas à une interpellation.

Yaël Gagnepain, 22 ans, lui, avait anticipé « le risque ». « Les forces de l’ordre avaient montré leurs muscles une semaine plus tôt lors d’une manif pour les migrants », explique ce porte-parole des étudiants à Solidaires. Ce dimanche, ils étaient plusieurs dizaines d’étudiants, presque une centaine, de Solidaires et d’autres formations syndicales ou politiques, réunis ensemble à « Répu ». « C’était bon enfant. On avait fait des tours de la place en chantant nos slogans. » Jusqu’à l’assaut policier. « Les flics nous ont attrapés et séparés un à un. On a été dispatchés entre les commissariats de Bobigny et celui de la rue de l’Évangile dans le XVIIIe. C’était assez violent. »

Yaël a fini rue de l’Évangile dans une cellule à 23, ramenée quelques heures plus tard à deux. « Les flics ont été dépassés. La garde à vue les arrangeait car ils avaient cueilli beaucoup trop de monde et qu’il leur était impossible de vérifier les identités dans le délai légal imparti de quatre heures. J’ai donc passé 24 heures en garde à vue, été fouillé des dizaines de fois pour 45 secondes d’entretien avec un officier de police judiciaire qui a pris note que je n’avais rien à déclarer. » Sa mésaventure conforte cet étudiant en sciences humaines « dans l’idée que nous sommes face à un État policier qui réprime toute contestation ».  

Camille, une réalisatrice de 27 ans venue « rejoindre des amis » et qui préfère rester anonyme, s’est elle aussi retrouvée encerclée « pendant quatre heures vers la sortie boulevard Magenta ». « On était mélangés avec des mères de famille, des gens qui voulaient juste rentrer chez eux, raconte la jeune femme. Comme on ne pouvait pas aller aux toilettes, plein de gens ont uriné par terre. Au début, on a essayé de dédramatiser, puis les policiers ont commencé à faire des interpellations d’une façon qui semblait totalement arbitraire. Ils chargeaient et emportaient les personnes une à une. Nous avons formé une chaîne le long du mur pour faire bloc, les CRS ont frappé des gens avec leurs matraques pour qu’ils se désenchaînent. » Vers 20 heures, sans explication, « on nous a libérés, après une simple fouille de nos sacs, alors qu’on s’attendait tous à être embarqués ».

Une journaliste parisienne, qui préfère elle aussi garder l’anonymat car venue au rassemblement comme militante, a suivi par textos interposés l’interpellation d’un de ses amis, Thomas, « coincé à l’autre bout de la place, rue Léon-Jouhaux, avec des clowns écolos et des gens de Radio libertaire ». Selon son récit, le jeune homme, employé dans un magasin bio, a été emmené en bus à Bobigny (Seine-Saint-Denis), puis à Drancy (Seine-Saint-Denis) avant d’être relâché lundi après-midi. « Au commissariat de Bobigny, les policiers étaient débordés, la fonctionnaire à l’accueil ne savait même pas combien de personnes se trouvaient en garde à vue », explique cette journaliste.

 

Selon un communiqué d’étudiants et de personnels de l’École normale supérieure (ENS) réunis lundi en assemblée générale, « au moins treize étudiants » de l’institution ont fait partie des personnes interpellées et placées en garde à vue. « Ces arrestations ont touché des manifestant-e-s pacifiques qui, répondant à l'appel de très nombreuses organisations, manifestaient contre la COP21 et contre l'instrumentalisation politique de l'état d'urgence, proteste le communiqué. Car, si le gouvernement a interdit des manifestations politiques prévues de longue date, il autorise diverses manifestations sportives, culturelles et touristiques (comme les marchés de Noël). » Plusieurs mouvements politiques, dont le NPA, Alternative libertaire et Ensemble !, dont des militants avaient été interpellés, ont également demandé dimanche soir « la libération immédiate des personnes arrêtées ».

Suite à la manifestation de soutien aux migrants, interdite le dimanche 22 novembre, la préfecture de police de Paris avait déjà transmis une liste de 58 noms à la justice. Une enquête avait été ouverte et plusieurs personnes convoquées la semaine dernière dans des commissariats parisiens. Selon le parquet de Paris, seul un manifestant a été déféré car « des faits de violence lui étaient reprochés ». Ayant demandé un renvoi, il devrait être jugé début 2016. Un autre manifestant a fait l'objet d'un simple rappel à la loi.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 16:01

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

L'activité citoyenne tout au long de la Cop 21
Lundi, 30 Novembre, 2015
Humanite.fr

 

 

 

 
Retrouvez notre infographie sur tous les événements de la société civile qui vont se dérouler pendant la Cop 21.
 

Rassemblements, sommet citoyen, concert... Toutes les mobilisations citoyennes organisées autour de la COP21

 

Retrouvez également notre agenda de la COP 21

 

 

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 15:47

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

Comprendre le fonctionnement de la COP21 en patates

 

Le Monde.fr | • Mis à jour le
 

Durée : 04:18

 

Eclairage

 

Les pays du monde entier vont vivre au rythme des négociations climatiques du 29 novembre au 11 décembre 2015. Un accord entre 195 pays doit être trouvé pour maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés, d’ici à 2050. Mais comment se déroulent les négociations derrière les portes du Bourget, où 150 chefs d’états et plus de 40 000 personnes sont attendus? Nous suivons Caroline Tubercule, membre de l’équipe française de négociation dans son marathon pour sauver la planète.

Le Monde.fr
 

 

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Infographie : qui fait quoi lors de la COP21 ?

Le Monde.fr | | Par


 

 

 

 

Organigramme de la COP 21

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 15:38

 

 

Petit guide de survie en état d’urgence

 

 

 

Puisque manifestement, l’état d’urgence ne concerne pas seulement les personnes soupçonnées de terrorisme, quelques choses à savoir sur les perquisitions administratives, les assignations à résidence et autres mesures qui font désormais partie de notre quotidien.

 

Depuis les attaques de Paris, la France est en état d’urgence. Plusieurs médias se sont fait l’écho de bavures liées à ce régime particulier, dont beaucoup craignent qu’il ne soit attentatoire aux libertés. Nous vous proposons ici un petit guide pratique de l’état d’urgence pour savoir quoi faire en cas de problème.

L’essentiel de ce qui suit a été développé par l’avocat pénaliste Emmanuel Daoud, du cabinet Vigo, dont vous pouvez retrouver les analyses sur le blog qu’il tient sur Rue89  « Oh my code ! ». Nous y avons ajouté quelques exemples tirés de l’actualité récente.

 

En quoi puis-je être concerné(e) par l’état d’urgence ?

Tous les citoyens français comme les étrangers peuvent être concernés et sur tout le territoire français (y compris, depuis le 18 novembre, les départements et collectivités d’outre-mer). La loi du 20 novembre 2015 a prolongé l’état d’urgence pendant trois mois jusqu’au 26 février. On parle beaucoup des perquisitions administratives et des assignations à résidence, mais ce ne sont pas les seules dispositions de l’état d’urgence.

 

Descente de police et de gendarmerie au Pré-Saint-Gervais (93), le 27 novembre 2015, dans un squat où était soupçonnée la présence de personnes pouvant

Descente de police et de gendarmerie au Pré-Saint-Gervais (93), le 27 novembre 2015, dans un squat où était soupçonnée la présence de personnes pouvant « perturber l’ordre public » pendant la COP21 - AFP PHOTO/LAURENT EMMANUEL
 

Le gouvernement a décidé – semble-t-il – de ne pas cantonner l’état d’urgence à la lutte contre le terrorisme puisque des militants écologistes ont été assignés à résidence et des perquisitions opérées dans la perspective de la COP21.

Ainsi, le site Bastamag rapporte qu’une perquisition a été menée chez des maraîchers bios, qui avaient participé à une action contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres, recensés par La Quadrature du Net.

 

Comment se déroule une perquisition administrative ?

Le ministre de l’Intérieur et les préfets peuvent ordonner des perquisitions à domicile « de jour et de nuit ». Pour les forces de l’ordre, l’intérêt de cette procédure administrative est qu’elle permet de se passer de juges : la police et la gendarmerie peuvent ainsi intervenir sans mandat de l’autorité judiciaire (le procureur de la République compétent doit être simplement informé mais ne doit pas délivrer d’autorisation a priori).

Celà dit, elles ne peuvent pas cibler les lieux où travaillent parlementaires, avocats, magistrats ou journalistes. Leur domicile, en revanche, n’est pas exclu du dispositif.

Les forces de l’ordre accompagnées d’équipes techniques peuvent visiter notre domicile à la recherche de tous éléments susceptibles d’intéresser les autorités judiciaires aux fins de constatation d’une infraction. Avec la nouvelle loi sur l’état d’urgence, elles peuvent désormais saisir, en plus, tout équipement informatique – mais pas obliger à donner son mot de passe.

C’est l’officier de police judiciaire obligatoirement présent qui dresse le procès verbal d’infractions éventuelles et le transmet sans délai au procureur de la république compétent pour engager le cas échéant des poursuites pénales.

Quels sont mes droits ?

A l’issue de la perquisition, un procès-verbal doit être dressé et signé par l’occupant des lieux et s’il est absent par deux témoins requis à cet effet. Vous pouvez réclamer aux forces de l’ordre la décision du préfet autorisant la perquisition aux termes de laquelle sont énoncées les raisons de la perquisition, mais il y a de bonnes chances que vous tombiez sur la phrase type :

« Il existe des raisons sérieuses de penser que se trouvent des personnes, armes ou objets liés à des activités à caractère terroriste. »

 

Puis-je me faire indemniser en cas de dégâts ?

En cas de dégradations, l’occupant ou propriétaire des lieux peut demander la condamnation de l’Etat à la réparation de son préjudice devant le tribunal administratif selon la procédure de droit commun ; il devra attendre deux à trois ans pour obtenir un jugement.

Si l’exécution de la mesure a eu des conséquences manifestement disproportionnées et si celle-ci est manifestement abusive, des dommages-intérêts seront alloués.

 

Comment se déroule une assignation à résidence ?

Sans procès, sans examen préalable du juge, le ministre de l’Intérieur peut interdire à un individu de quitter son domicile ou bien le forcer à demeurer en un autre lieu au motif qu’il serait dangereux pour l’ordre public.

Cette mesure est accompagnée le plus souvent d’un pointage au commissariat ou à la gendarmerie la plus proche plusieurs fois par jour, tous les jours.

Par exemple, le 17 novembre le ministère de l’Intérieur a notifié à M. A son assignation à résidence. Il lui faut pointer quatre fois par jour au commissariat (8 h 30, 12 h 30, 16 h 30 et 19 h 30) et il ne peut quitter son domicile entre 21 h 30 et 7 h 30. L’administration fait état d’une note des services de renseignement selon laquelle M. A a suivi a été « impliqué dans une filière d’acheminement en Syrie de membres d’une cellule d’Al Qaeda ».

Il va sans dire que ce type de mesure n’est pas sans conséquences au regard de l’activité professionnelle de la personne concernée.

 

Quels sont mes droits ?

Si vous êtes assigné à résidence, vous pouvez réclamer la décision imposant cette mesure pour connaître les motifs avancés par le ministre de l’Intérieur.

 

Quels sont les recours possibles ?

Toute personne peut contester en référé devant le juge administratif les décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence. Si le juge administratif est saisi sous la forme d’un référé-liberté, il doit statuer dans les 48 heures pour déterminer si les mesures administratives critiquées portent « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Le juge peut aussi examiner « en cas de doute sérieux » la légalité d’une décision administrative à l’occasion d’un référé-suspension et doit rendre son ordonnance dans les quinze jours.

 

Pourquoi la presse parle-t-elle de « bavures » ?

Il semble que des perquisitions aient été opérées dans des domiciles qui se sont avérés être ceux de voisins de suspects et non des suspects eux-mêmes. Évidemment, si vous êtes le voisin concerné et que vous dormez tranquillement, le réveil peut-être brutal.

Ce type de mésaventures peut arriver à n’importe lequel d’entre nous. Les forces de l’ordre étant à cran (les terroristes sont lourdement armés et n’hésitent pas à tirer pour tuer ou à se faire sauter) les interventions sont rapides et brutales et la proportionnalité n’est pas toujours respecté. Un vieil homme a été menotté, une petite fille blessé par des éclats de verre et de bois. Il est à craindre que ce type de bévues critiquables se reproduiront et sont inévitables, en espérant qu’elles n’auront pas de conséquences funestes ou graves.

Une circulaire de Bernard Cazeneuve, envoyée à tous les préfets, recadre un peu les perquisitions en insistant, par exemple, sur le fait « dans toute la mesure du possible, l’ouverture volontaire de la porte devra être recherchée ». Le ministre a peut-être vu les images de vidéosurveillance du restaurant Pepper Grill, à Saint-Ouen-l’Aumône, dans laquelle les forces de l’ordre ont tout saccagé alors que le patron leur tendait les clefs.

 

Que faire lorsqu’on est témoin et que le comportement des forces de l’ordre ne semble pas adéquat ?

Rien n’interdit à une personne qui assiste à un comportement inadéquat des forces de l’ordre d’apporter son témoignage oral et écrit à la personne victime de celui-ci. Ce témoignage pourra même être très utile par exemple dans le cadre d’un recours en indemnisation. Il en est de même d’un film vidéo.

Néanmoins, l’utilisation d’un smartphone ou de tout autre appareil vidéo doit s’opérer avec la plus grande circonspection et sans provocation, car il est à craindre que les forces de l’ordre réagiront vertement et n’hésiteront pas à saisir ce matériel en vertu de l’état d’urgence – même si une telle saisie semble dépourvue de base légale.

Les interpositions physiques sont bien sûr déconseillées, surtout la nuit. On ne peut exiger des forces de l’ordre intervenant dans l’urgence et en pleine nuit d’exclure toute forme de violence si elles se sentent menacées. Quant à l’interposition verbale, pourquoi pas, mais là encore attention : la mesure et la modération doivent être privilégiées.

 

En pratique, est-il possible de protester contre ces décisions avec des chances de gagner ?

Il faut bien l’avouer, l’état d’urgence, mesure exceptionnelle par nature, conduira le juge administratif à apprécier avec moins de bienveillance qu’à l’accoutumée la pertinence de telles réclamations.

Les forces de l’ordre ne bénéficient pas d’un blanc-seing mais elles ont une grande latitude quant à l’emploi de la force pour pénétrer en des lieux fermés à l’occasion de perquisitions ordonnées... En clair, les chances de gagner son procès seront minimes.

D’ailleurs, le juge des référés a rejeté, le 27 novembre, des recours déposés par deux personnes assignées à résidence.

Quelles sont les autres dispositions prévues par l’état d’urgence ?

  • Une restriction de la liberté d’aller et venir.

C’est le fameux « couvre-feu » : dans tous les départements, les préfets peuvent interdire « la circulation des personnes ou des véhicules » dans des lieux et à des heures fixes par arrêté ; instituer « des zones de protection » où le séjour est réglementé ; interdire de séjour « toute personne cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics ».

A Sens, le préfet de l’Yonne a ainsi décidé d’instaurer un couvre-feu en interdisant la circulation dans un quartier de la ville, pendant trois nuits. La préfecture de police de Paris a aussi prolongé l’interdiction de manifester dans les départements de la zone de défense et de sécurité de la capitale. Et ce jusqu’à ce 30 novembre. Les manifestations en marge de la COP21 qui ont eu lieu à Paris ce dimanche étaient donc interdites.

 

  • Une assignation à résidence renforcée

La loi de 1955 s’appliquait à toute personne « dont l’activité s’avère dangereuse », elle s’applique désormais plus largement à toute personne lorsqu’il existe « des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace » – les suspects donc, qui ont par exemple des fréquentations ou des propos douteux.

L’assignation à résidence est prononcée par le ministre de l’Intérieur, dans un lieu qui n’est pas forcément le domicile de celui-ci ; le suspect y est conduit manu militari. Il doit obligatoirement y demeurer.

 

  • Le blocage des sites web

Le blocage administratif des sites était déjà présent dans la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme » mais il a été renforcé dans la loi qui modernise l’état d’urgence, adopté le 20 novembre dernier.

La procédure est désormais moins encadrée et plus immédiate. Ainsi, plus besoin de s’adresser à l’hébergeur du site problématique : les autorités peuvent directement demander à Orange, Free, SFR et compagnie de le bloquer. Exit aussi la personnalité qualifiée de la Commission informatique et libertés (Cnil), qui garde un œil sur la liste de sites bloqués en France.

 

  • La dissolution d’associations

La dissolution d’association était déjà prévue dans le code de la sécurité intérieure (article L212-1). C’est ce qui a permis d’interdire le groupe islamiste radical Forsane Alizza, mais aussi divers mouvements d’extrême droite, tels que L’Œuvre française. La nouvelle formulation élargit les possibilités de dissolution. Cette disposition ne semble pas avoir été mis en place depuis le 13 novembre.

Comme le rappelle La Croix, la fermeture des mosquées passerait par la dissolution de l’association gestionnaire, ce qui s’avère très compliqué.

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 15:25

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Le hub mondial du trafic de l’or – La Suisse, l’or et le pillage du monde

30 novembre par Jean Batou

 

 

CC Flickr - Oyvind Solstad

 

« L’or qui résidait initialement au ciel avec son confrère l’argent, comme le soleil et la lune, s’étant d’abord débarrassé de ses attributs sacrés pour venir sur terre comme un autocrate, pourrait maintenant se satisfaire du sobre statut de roi constitutionnel avec un cabinet de banques ; et il pourrait n’être jamais nécessaire de proclamer une république. Mais ce n’est pas encore le cas – et l’évolution pourrait être totalement opposée. Les amis de l’or vont devoir se montrer extrêmement sages et modérés s’ils veulent éviter une révolution »
(John M. Keynes, « Auri Sacra Fames », 1931).

 

Depuis dix ans, la Suisse n’a cessé de renforcer son emprise monopolistique sur le commerce mondial de l’or physique (les opérations de trading étant basées à Londres). Dans cette décennie, ses importations et ses exportations de métal jaune ont ainsi plus que triplé en volume, dépassant chacune les 3500 tonnes, tandis qu’elles ont été multipliées par 6 à 8 en valeur. Pour donner une idée de l’importance de ces transactions, il suffit de noter que de tels volumes sont supérieurs à la production annuelle mondiale d’or, estimée à 3000 tonnes, l’offre totale atteignant environ 4500 tonnes, compte tenu du métal recyclé.


Au cœur d’un trafic international

La Suisse achète-t-elle simplement l’essentiel de l’or mondial (70% en moyenne, ces dernières années) pour le revendre, servant ainsi de grossiste universel ? Non, son rôle est infiniment plus complexe. Tout d’abord, le métal précieux y est traité dans plusieurs raffineries (2/3 des capacités mondiales), qui le transforment en or pur à 99,99%. Le site internet de la principale d’entre elles, Valcambi au Tessin (filiale du Crédit Suisse jusqu’en 2003, rachetée récemment par une firme indienne), présente ainsi les atouts de cette industrie : transport assuré du métal précieux à l’échelle internationale ; analyse et certification de la qualité du produit livré ; raffinage et conditionnement certifiés (lingots, barres, pièces, etc.) ; étude des options de financement de chaque client ; stockage du métal dans des conditions de sécurité optimales.

 

En 2014, ces transactions figuraient pour la première fois dans les statistiques suisse du commerce extérieur, alors que précédemment elles avaient été assimilées à des transferts de paiements, et ainsi largement camouflées. De ce fait, l’or est soudain devenu le premier produit d’exportation du pays, devant les produits pharmaceutiques ou l’horlogerie, et représente aujourd’hui 1/5e de son commerce extérieur.

 

De surcroît, en mars 2015, sous la pression de ses partenaires étrangers, rompant avec 34 ans de secret, la Suisse a enfin révélé la distribution par pays de son commerce de l’or. Bien que ces données ne portent que sur le dernier pays de transit et le premier pays de destination, elles montrent le rôle clé du Royaume-Uni comme fournisseur, mais aussi celui de l’Inde, de la Chine (Hong Kong), des Emirats Arabes Unis ou de la Turquie en tant que clients. Comme je le montrerai plus loin, cette répartition est assez éloquente.

 


Une alchimie délicate

Sur les 175 mille tonnes de métal jaune produites jusqu’ici par l’humanité, 160 mille l’ont été pour répondre aux besoins du capitalisme triomphant, depuis la seconde moitié du 19e siècle (aujourd’hui, les réserves encore disponibles sont évaluées à 183 mille tonnes). En vérité, de son extraction des entrailles de la terre à ses différents usages sociaux, le circuit de l’or en dit long sur l’ordre économique des sociétés humaines.

 

Dans les années 2009-2013, ses différents usages se répartissaient ainsi : somptuaire : 48% (bijouterie, thésaurisation) ; financier : 35% (investissement) ; industriel : 10% (électronique, dentisterie, etc.) ; institutionnel : 7% (banques centrales). Il se trouve que les différents maillons de cette chaîne intéressent au plus haut point la Suisse. Tout d’abord, elle joue un rôle clé dans la transmutation du métal brut extrait ou recyclé, chargé souvent d’une lourde histoire, en métal pur, intraçable, anonyme. Et c’est sans doute cette délicate alchimie industrielle, financière, commerciale et politique, qui fait d’elle un passage obligé de la traite mondiale de l’or.

 

En effet, l’extraction du métal jaune, en Afrique subsaharienne (25-30%), en Amérique latine (15-20%), en Chine (15%) ou dans les pays de l’ex-URSS (15%) résulte le plus souvent de la surexploitation de travailleurs particulièrement exposés, souvent drogués aux amphétamines pour accomplir un travail dangereux et épuisant. Des centaines de milliers d’enfants y sont employés dans les pays du Sud et, de façon générale, les accidents professionnels y sont fréquents. Il n’y a en effet guère d’autre activité au monde où le producteur direct soit spolié à ce point du produit de son travail ! De surcroît, les conséquences environnementales et sur la santé publique de cette activité sont considérables (usage massif de mercure et de cyanure).

 


Blanchir les profits de l’esclavage et du crime

Il faut donc se poser la question de la provenance de l’or raffiné en Suisse. La statistique est sur ce point formelle : jusqu’au début des années 90, il était importé principalement d’Afrique du Sud, alors qu’aujourd’hui il vient essentiellement de Grande-Bretagne, siège mondial du trading de l’or (London Bullion Market Association), qui en fixe les cours deux fois par jour. Bien entendu, la Suisse ne cherche pas à connaître la chaîne de production du métal précieux qu’elle achète, ni les conditions sociales et écologiques qui la caractérisent.

 

Elle se montre même très peu curieuse en la matière, comme l’a montré une récente enquête de la Déclaration de Berne. Cette ONG a révélé qu’en 2014, près de 7 tonnes d’or, produites notamment par des enfants burkinabés, et acheminées en contrebande au Togo, ont été exportées en Suisse par un groupe libanais implanté en Afrique de l’Ouest et ayant pignon sur rue à Genève, pour y être raffinées par la société Valcambi. Ces faits ne font que confirmer un scandale durable, déjà dénoncé par le passé, concernant d’autres pays d’Afrique et d’Amérique du Sud.

 

L’or raffiné en Suisse ne permet pas seulement de « stériliser » un métal produit dans des conditions sociales et écologiques inacceptables. Il contribue aussi à « blanchir » du métal jaune recyclé, résultant de trafics plus ou moins légaux, dont l’affinage ne permet plus de déterminer l’origine. Ainsi, l’or volé et recelé par des réseaux mafieux, pillé par des groupes armés, ou récupéré en aval de diverses industries (bijouterie, dentisterie, circuits électroniques), souvent sans mesures anti-pollution adéquates, notamment en Asie, peut-il être conditionné en lingots irréprochables dès lors qu’il est acheminé en Suisse pour y être traité.

 


Contribuer à l’évasion fiscale des pays émergents

Nous venons de voir que le raffinage des métaux précieux permet d’abord de normaliser des activités fondées sur l’esclavage moderne et l’accumulation par dépossession. Mais il est aussi au cœur d’un autre trafic très lucratif : le blanchiment des énormes profits non déclarés des entreprises des pays émergents (Inde, Chine, Turquie, etc.). Ayant échappé à l’impôt, ceux-ci visent à brouiller les pistes concernant leur origine et à se protéger de la dépréciation de leur monnaie nationale en se convertissant en or.

 

Le métal jaune est ainsi importé légalement en Asie, même si une partie de ces transactions peuvent être dissimulées par des manipulations de la facturation (la Suisse n’exporte ainsi officiellement pas la même quantité d’or en Inde que ce pays n’en importe de Suisse). Il peut aussi être introduit en contrebande (en passant notamment par les émirats du Golfe, gros importateurs d’or suisse) pour y être détenu comme tel ou transformé en bijoux. Il peut enfin être déposé dans les coffres des établissements financiers, des raffineries, ou d’autres institutions plus discrètes comme les ports francs helvétiques, sous une identité d’emprunt (grâce à d’habiles montages dont les banques ont le secret).

 


Au carrefour du capitalisme mondialisé à dominante financière

En raison des dépôts croissants de métal jaune en Suisse, la statistique du commerce extérieur de l’or accuse un solde chroniquement déficitaire : en effet, les montants importés dépassent structurellement les montants exportés . De surcroît, cette accumulation vertigineuse de placements en or physique ne découle pas seulement du blanchiment des profits non déclarés des pays émergents, mais aussi de la volatilité des marchés boursiers qui incite l’ensemble des investisseurs à mieux se protéger en plaçant une partie de leur portefeuille en or.

 

Ainsi, au carrefour des évolutions les plus récentes du capitalisme mondialisé à dominante financière, la Suisse est devenue le hub mondial du trafic de l’or, à l’intersection des phénomènes très contemporains de la surexploitation du travail (en particulier dans les pays de la périphérie), de l’accumulation par dépossession (résultant du crime, du pillage et de la guerre), de même que de la spéculation endémique sur les formidables capitaux distraits de la sphère productive.

 


Article publié originellement en espagnol dans la revue en ligne Viento Sur.

 

 
Auteur
 
 

Mali : refuser la géopolitique du « moindre mal ».

11 février 2013, par Jean Batou

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 15:15

 

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Grèce : vers une "grande coalition" ?

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Alexis Tsipras voudrait élargir sa base parlementaire

Alexis Tsipras voudrait élargir sa base parlementaire (Crédits : Reuters)

 

Alexis Tsipras a appelé à une réunion des leaders politiques grecs. Il pourrait chercher à élargir une majorité affaiblie par les mesures demandées par les créanciers.

 

Alexis Tsipras s'apprête-t-il à élargir sa majorité parlementaire pour faire adopter la prochaine série de mesures demandée par les créanciers ? La rumeur en est forte à Athènes, et les indices se multiplient. Ce jeudi 26 novembre, le premier ministre hellénique a convenu avec le président de la République Prokopis Pavlopoulos d'organiser une réunion des dirigeants politiques du pays dès que ce dernier sera revenu d'un voyage officiel de deux jours à Rome. Cette réunion devra donc avoir lieu vendredi 27 novembre.

Trois défections et une majorité réduite de deux députés

Cette réunion pourrait être l'occasion pour Alexis Tsipras d'obtenir l'appui d'autres partis politiques pour la prochaine série de réformes que son gouvernement prépare, notamment celle des retraites. Le 19 novembre, lors du vote du paquet législatif permettant d'obtenir les 12 milliards d'euros du Mécanisme européen de stabilité (MES), la majorité du premier ministre s'est réduite de quatre à deux voix. Un député de Syriza, Stathis Panagoutis, s'est en effet abstenu lors du vote, et un autre, Nikos Nikopoulos, a voté contre. Tous deux ont été exclus immédiatement de Syriza. La veille, l'ancien porte-parole du premier gouvernement Tsipras, Gabriel Sakellaridis, avait démissionné de ses mandats, ce qui avait permis de préserver la majorité puisqu'il avait été remplacé par un député fidèle à Alexis Tsipras.

La question des expulsions

L'annonce de nouvelles règles sur les expulsions des possesseurs de résidences primaires a été le déclencheur de ces trois défections. Athènes a négocié pendant trois semaines un compromis sur ce dossier avec des créanciers qui voulaient réduire cette protection pour faciliter le renflouement des banques. Alexis Tsipras et son ministre des Finances Euclide Tsakalotos avaient obtenu le maintien d'une protection pour les débiteurs les plus fragiles et des aménagements pour une seconde catégorie. Mais, globalement, la nouvelle loi facilitait bien les expulsions, ce qui a été mal accepté au sein de Syriza. Désormais, donc, Alexis Tsipras ne peut s'appuyer que sur une majorité de 153 députés à la Vouli, le parlement grec, soit deux de plus de la majorité absolue.

 

La très sévère réforme des retraites à venir

Il se sent donc à la merci de nouvelles défections. D'autant que le gouvernement va devoir faire accepter de très sévères mesures dans les semaines à venir, notamment sur les retraites. Déjà, Alexis Tsipras a fait adopter le report de l'âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans, il a pris des mesures pour décourager les départs anticipés en retraite et a augmenté les cotisations santé sur les pensions de retraites et de retraites complémentaires. Mais ceci ne suffit pas aux créanciers qui veulent une unification des systèmes d'assurance vieillesse, ce qui devrait conduire à une baisse du niveau de certaines pensions. Longtemps, le gouvernement a promis de ne pas toucher aux pensions inférieures à 1.500 euros nets mensuels, mais cette ligne s'est effondrée début octobre lorsque George Katrougalos, le ministre du Travail a annoncé qu'il cherchait surtout à défendre les pensions inférieures à 1.000 euros.

 

Pas moins de 475.000 des 2 millions de retraités grecs qui touchent entre 1.000 et 1.500 euros ont donc dû s'attendre soudain à des baisses dans leurs pensions. Mais la ligne des 1.000 euros sera elle-même difficile à tenir, car 60 % des retraités grecs seraient alors protégés. Dans leur volonté de couper dans les dépenses, il y a fort à parier que les créanciers réclament un abaissement du niveau de protection. Le gouvernement entend compenser la protection de ces pensions faibles par une augmentation des cotisations pour les salariés, autrement dit par une ponction sur le pouvoir d'achat. On comprend que la prochaine réforme des retraites qui doit être votée début décembre fasse grincer des dents au sein de Syriza.

 

Elargir l'alliance de Syriza

Alexis Tsipras pourrait donc chercher une solution « politique » en tentant de faire céder le front de l'opposition « pro-européenne » décidé après les élections du 20 septembre. Après leur défaite électorale et le renouvellement de l'alliance entre Syriza et la « droite eurosceptique » des Grecs Indépendants (Anel), Nouvelle Démocratie (droite), To Potami (parti fortement pro-européen) et les sociaux-démocrates du Pasok avaient annoncé qu'ils voteraient contre les projets du gouvernement, y compris ceux demandés par les créanciers. Une position de pure forme, car ces partis avaient permis l'adoption de toutes les mesures jusqu'à la signature du mémorandum du 19 août, alors que Syriza était divisée. De plus, ces trois partis ne proposent pas réellement d'alternatives à des mesures qui sont imposées par les créanciers et plus ou moins « adoucis » ensuite par des négociations. Alexis Tsipras va sans doute chercher à obtenir sur le prochain train de réformes l'appui de tous ces partis ou de quelques-uns d'entre eux. L'enjeu sera de convaincre les créanciers de la détermination grecque à « mettre en place les réformes » afin de négocier une restructuration de la dette en janvier. La question sera de savoir s'il faudra faire entrer des partis centristes dans le gouvernement.

Echec de la stratégie politique de l'après 13 juillet

Reste que ce mouvement sanctionnerait l'échec de la tentative d'évolution d'Alexis Tsipras après son retournement le 13 juillet dernier et l'acceptation des conditions des créanciers. A ce moment, le premier ministre avait tenté de présenter l'austérité comme un « mal nécessaire » que Syriza était capable d'appliquer avec davantage d'humanité et justice que les partis de centre-droit. Alexis Tsipras avait aussi prétendu être capable de résister aux demandes supplémentaires des créanciers. S'il est vrai que le gouvernement a pu réduire l'impact de certaines mesures, comme celles sur les expulsions, ce discours est de plus en plus difficile à tenir compte tenu du niveau d'exigence des créanciers.

La position qui consiste à s'opposer à l'austérité en l'appliquant, illustrée par la participation de Syriza à la grève du 11 novembre contre la politique du gouvernement, est de moins en tenable. D'autant que la situation se tend. La grève du 11 novembre a été émaillée de violence alors qu'une deuxième grève est prévue pour le 3 décembre. Par ailleurs, lundi, un attentat a eu lieu lundi devant le siège de la fédération patronale grecque à Athènes sans faire de victime. Alexis Tsipras va donc sans doute parvenir à ce que les créanciers cherchaient à obtenir depuis le 25 janvier : placer Syriza sous la surveillance de partis « sûrs » dans le cadre d'une coalition.

 

 

Source : http://www.latribune.fr

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 15:03

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

Zoe Konstatopoulou : Une femme au service de la démocratie et des droits humains

27 novembre par Brigitte Marti , Marie-Hélène Le Ny , Zoe Konstantopoulou

 

 

 

Zoe Konstantopoulou

 

Zoe Konstantopoulou a été la plus jeune présidente de la Vouli (Parlement Grec) de janvier à octobre 2015. Lorsqu’elle était députée, cette avocate dénonçait déjà les montages imposant les mesures d’austérité comme seule solution à la précarisation financière de la société grecque. Elle ne voulait plus voir des mascarades de débats, comme en septembre 2013, lorsqu’une série de textes de lois avait été adoptée par le président du parlement, sans débats et dans une Vouli quasiment vide.

 

La scène était édifiante, pendant que Mr Virividaki annonçait d’une voix monocorde l’adoption des articles à l’unanimité, alors qu’aucun vote n’avait eu lieu car seuls trois membres du comité pour la vérité de la dette était présents, la voix de Zoe Konstantopoulou résonnait demandant à chaque annonce « qui est en train de voter ? ». Cet épisode est représentatif d’un système de mise sous tutelle, qui n’a aucune difficulté à occulter la voix du peuple et la voix des femmes.

 

C’est pourquoi, en janvier dernier, une fois élue, avec 60% des voix, présidente du Parlement, Zoe Kostantopoulou a tout de suite entrepris de redonner au parlement sa raison d’être démocratique. Elle a aussi tout de suite démontré sa rigueur pour lutter contre toute forme de corruption se faisant ainsi quelques ennemis.

 

Pour Zoe Konstantopoulou, il fallait célébrer les luttes des femmes comme celle des femmes de ménage du ministère des Finances qui avaient construit un mouvement emblématique de résistance aux restructurations frauduleuses du droit du travail.

 

Il revenait, pour elle, au Parlement de contester légalement les mémoranda et les mesures d’austérité adoptées sans aucun respect pour les droits humains et les principes démocratiques de la Grèce. Dans cet esprit de droit des Etats démocratiques, elle mandata en avril 2015 un audit de la dette publique grecque avec la formation du comité pour la vérité sur la dette publique.

 

Elle avait déclaré en mai dernier a Paris : « l’austérité tue, elle tue la société, des êtres humains et tue la démocratie et l’Europe des peuples. » Il fallait bien toute la force de cette femme d’exception pour former et soutenir de telles initiatives.

 

Le rapport préliminaire du comité a amplement démontré l’illégalité et l’immoralité ainsi que l’insoutenabilité de la dette. Mais cette vérité qui dérange a conduit à la dissolution du Parlement et a réouvert une période d’instabilité politique et économique avec le dernier mémorandum, probablement un des plus dur imposé à un Etat souverain.

 

Zoe Konstantoupoulou continue en dehors du Parlement son travail de construction d’une coalition solidaire, toujours animée par sa quête de justice dans le respect du droit démocratique qui ne peut exister sans la participation des femmes.

 


Pourquoi la Grèce ? Pourquoi maintenant ?
 

 

Quelles actions en faveur des femmes avez-vous développé ?

 

 

Quel a été votre engagement dans le comité pour la vérité sur la dette ?

 

 

Comment résister aujourd’hui en Grèce ?

 


L’instrumentalisation du racisme par les politiques et les médias a-t-il favorisé le développement d’Aube Dorée ?

Aube Dorée
 
*A écouter ici
 

 

Source : 50/50 Magazine

 

 

Auteur
 
Zoe Konstantopoulou

avocate et femme politique grecque. Députée du parti de la gauche radicale Syriza, qui a gagné les élections législatives du 25 janvier 2015 en Grèce, a été élue le 6 février 2015 présidente du parlement. Elle est, à trente-huit ans, la plus jeune présidente de la Vouli et la deuxième femme seulement à exercer cette fonction.

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 14:55

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Espagne : et si l’audit de la dette commençait par les municipalités ?

27 novembre par Fátima Martín , Jérôme Duval

 

 

 

Le 24 mai 2015, lors des élections municipales, des centaines de nouvelles formations, aussi appelées « candidatures d’unité populaire », émergent et raflent les votes dans toute l’Espagne regroupant divers partis politiques parfois appuyés par des mouvements sociaux. Ahora Madrid, Barcelona en Comú, Guanyem, Ganemos... quelles que soient leurs appellations, celles-ci remportent un grand succès pour un changement de politiques fondé sur un processus participatif et transparent. De plus en plus de ces partis de confluence se positionnent en faveur d’un audit citoyen de la dette municipale.
L’audit de la dette de l’État espagnol a commencé par des « municipalités du changement » nouvellement élues, avec en tête Madrid. Pourtant, les entités locales sont les administrations publiques les moins endettées : elles représentent près de 3 % de l’ensemble la dette publique, contre 75 % pour l’administration centrale.
 |1|

 

L’Espagne étant soumise au Protocole de déficit excessif (PDE), elle devrait mener un audit de sa dette comme le stipule le règlement européen :
« Un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation d’un niveau de dette excessif ainsi que de détecter toute irrégularité. » |2|

 

La majeure partie de la dette publique a été contractée au niveau de l’État central. Elle représente 75 % de l’ensemble la dette publique espagnole tandis que la dette des municipalités en représente à peine 3 %. |3| Mais ce qui est intéressant avec l’audit, lorsque celui-ci inclut la participation citoyenne, c’est qu’il permet de tirer des leçons et de renforcer la population sur des questions qui la touchent directement, à l’échelle locale, régionale ou nationale. Par exemple, savoir quel type de politiques sont menées par les pouvoirs publics avec l’argent issu des impôts des contribuables. Savoir quels postes budgétaires ont été sous-représentés pour donner la priorité au remboursement de la dette, lorsqu’ils ne subissent pas de coupes claires dans leurs financement, etc.

 

Face à des expériences non participatives, comme celle du maire de Ceutí (province de Murcie), Juan Felipe Cano, qui a refusé de mener un audit de la situation financière de la municipalité à la demande du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) en arguant qu’il avait déjà été effectué en 2007, le mouvement gagne davantage de forces depuis les élections municipales du 24 mai. |4| Depuis cette date, plusieurs municipalités, où gouvernent désormais des candidatures d’unité populaire, introduisent des audits de la dette de différentes natures, selon les contextes politiques et sociaux locaux.

 

Ahora Madrid , avec à sa tête Manuela Carmona, a remporté la mairie de la capitale avec le soutien du PSOE, mettant ainsi fin à 24 années consécutives de gouvernement du Parti Populaire (PP). La Plateforme pour l’Audit Citoyen de la Dette (PACD) travaille en collaboration avec le conseiller municipal de l’économie et des finances, Carlos Sánchez Mato et avec celui chargé de la participation citoyenne et de la transparence, Pablo Soto (tous deux membres de la nouvelle équipe de la maire Manuela Carmena), en vue de mener un audit de la dette avec participation citoyenne.

 

La PACD a organisé plusieurs rencontres sur la question de la participation citoyenne, notamment les 17 et 18 octobre 2015, sous le slogan « Madrid Audita Madrid » où les citoyenNes ont été invitéEs à participer au processus. Parallèlement, de nombreuses municipalités de la même région ont pris des mesures contre la dette et ont fait part de leur intention de mener des audits citoyens, par exemple El Molar, Leganés, Parla ou Ciempozuelos.

 

« Un audit citoyen de la dette sera mené, chaque facture, ainsi que son origine, sera étudiée » a déclaré la maire Chus Alonso nouvellement élue de Ahora Ciempozuelos, le parti de confluence pour la ville de Ciempozuelos, à l’occasion des débats avant les élections locales. |5| Dans le cas de Leganés, la candidature d’unité populaire, rassemblée dans le nouveau parti Leganemos, a présenté une motion pour effectuer un audit citoyen municipal, participatif, transparent, démocratique et aux visées sociales, qui a été adoptée lors de la plénière du 9 juillet 2015, ouvrant ainsi la voie à sa concrétisation. |6|

 

Le 15 juillet 2015, a été créé l’Observatoire citoyen municipal (OCM) de La Zubia, |7| le premier de la province de Grenade (Andalousie), comme outil pour promouvoir la participation citoyenne, pour faciliter l’accès et la compréhension de l’information, et renforcer l’exercice du contrôle populaire sur les comptes publics. |8| Dans cette ville, le parti Ganemos La Zubia para la gente du nouveau maire Antonio Molina, a remporté 27,82 % des suffrages, 5 sièges au conseil municipal, et a été le parti le plus voté, dépassant le PP et le PSOE. |9|

 

Barcelona en Comú, le parti moteur des candidatures d’unité populaire dans tout le pays, a recueilli le plus de voix lors ces élections municipales. Il a remporté 11 sièges au conseil municipal, dépassant les partis CiU (10 sièges), Ciudadanos (5), Esquera Republicana (5), le PSC (4), le PP (3), la CUP |10| (3) et a réussi à propulser Ada Colau à la mairie de Barcelone. « Pour qu’il y ait audit citoyen, il faut de la transparence dans les données et les mettre à disposition des citoyenNEs. L’idée est la suivante : tout document servant à la gestion municipale doit aussi pouvoir être évalué par les citoyenNEs » a souligné à ce sujet Fernando Pindado, responsable de la transparence et de la participation à la mairie de Barcelone. Il a promis de mettre sur Internet toutes les informations à la disposition des citoyenNEs et de les expliquer. |11|

 

En Catalogne, le gouvernement local de Badalona, |12| mené par la nouvelle maire, Dolors Sabater du parti Guanyem Badalona en Comú, déclare vouloir initier un processus d’audit transparent des comptes municipaux dans le cadre des 24 premières mesures d’urgence du nouveau gouvernement de gauche. |13| De surcroît, dans certains cas, on souhaite profiter de la présence d’un observatoire citoyen municipal (OCM) comme instrument pour mener un audit : « Terrasa est un autre exemple où le maire socialiste a affirmé lors de l’investiture qu’il y aura un processus d’audit via l’observatoire municipal (OCM) sur place, même s’il n’y a pas encore eu de réunion pour décider de l’objet et du point de départ de l’audit » nous confie Enric Pons, membre de la Plateforme pour l’Audit Citoyen de la Dette (PACD). Á Vilassar de Dalt, sur initiative de la CUP, une motion a été adoptée pour mener un processus d’audit citoyen. |14|

 

Á l’occasion d’une réunion avec des représentants de l’OCM de Terrassa |15| et de la PACD, Jordi Ballart, maire de Terrassa depuis 2012, et l’adjoint aux services généraux et au gouvernement ouvert, Alfredo Vega (tous deux du PSC, Parti Socialiste Catalan), ont convenu de mener un audit citoyen de la dette municipale de la troisième ville la plus endettée de Catalogne. Un groupe moteur formé des membres des deux collectifs (OCM et PACD) et des fonctionnaires municipaux a pour objectif de définir le processus de l’initiative. Nous soulignons le niveau de transparence déjà atteint avec le portail http://transparencia.terrassa.cat/, qui permet aux citoyenNEs de voir les budgets de la mairie de façon pratique et simple. Le site http://opendata.terrassa.cat/ rassemble également un large éventail de données en accès libre, actualisées et en format facilement accessibles.

 

La CUP, qui, avec 10 sièges au Parlement catalan, s’est révélée être un élément clé pour le gouvernement de la Generalitat, a une position très claire concernant la dette : « Nous ne paierons pas votre dette », annonçait son programme qui proposait d’en finir avec la Troïka pour répondre aux besoins de la population. La CUP défend un audit populaire et déclare nul et non avenu le paiement de la dette illégitime aux fonds d’investissement et aux banques internationales. L’idée est de suspendre « immédiatement le paiement de la dette et de décréter le non-paiement définitif de l’usure légalisée pour répondre aux besoins des classes populaires ».

 

Le 30 juillet 2015, la plénière du conseil municipal de Ávila (Castille-et-León) a adopté à l’unanimité la réalisation d’un audit citoyen des comptes et des contrats conclus lors des deux dernières législatures, dans le but de faire connaître la véritable situation financière de la municipalité depuis les deux derniers mandats. Sur la proposition de Trato Ciudadano, une des deux nouvelles forces politiques qui ont fait irruption dans le panorama local le 24 mai dernier, l’initiative a profité du soutien de tous les groupes politiques représentés dans la municipalité (PP, Ciudadanos, PSOE, Trato Ciudadano, IU et l’UPyD). « Nous voulons tous la transparence », a affirmé le maire de Ávila, José Luis Rivas du PP, qui ne détient qu’une minorité (son parti détient 9 des 25 membres du conseil municipal) alors qu’au cours des 24 dernières années, le PP y détenait la majorité absolue. |16|

 

À Saragosse, où les travaux pour l’Exposition internationale et l’AVE (TGV espagnol) ont endetté la ville à hauteur de plus de 800 millions d’euros, une commission de travail a été créée avec les conseillers municipaux en charge de l’économie et de la participation citoyenne pour étendre la problématique de la dette aux quartiers, où l’on espère que d’ici à la fin de l’année on puisse former des commissions avec les fonctionnaires, pour analyser tous les travaux financés par la ville.

 

À l’échelle de la région, la porte-parole de Izquierda Unida pour la Commission des finances publiques du Parlement andalou, |17| Elena Cortés, a annoncé la réalisation d’un audit citoyen de la dette de la Junte (la Junta de Andalucía qui organise le gouvernement autonome de la région) pour « déterminer les parties illégitimes de la dette, les créanciers et les surcoûts ». |18|

 

À Cadix, José María González, alias ‘Kichi’, le leader local de Podemos et tête de liste de Por Cadiz sí se puede a mis fin aux années de pouvoir absolu de Teófila Martínez (PP) et ouvre la voie vers une nouvelle étape... Mais il est au pouvoir en minorité avec ses huit conseillers et conseillères de Por Cadiz sí se puede et deux de Ganar Cádiz en Común face aux seize conseillers et conseillères cumuléEs par l’opposition : le PP (10), le PSOE (5) et Ciudadanos (1). Quoi qu’il en soit « l’audit est fondamental et se fera le plus tôt possible » a déclaré le conseiller David Navarro, délégué en charge de l’économie et des finances publiques de la mairie de Cadix, à l’occasion de l’Assemblée extraordinaire de Por Cadiz sí se puede organisée le 17 juin 2015. Il a annoncé que pour 2016, la mairie devra consacrer environ 26 millions d’euros aux remboursements des prêts du « plan de paiement aux fournisseurs » (« plan de pago a proveedores »), ligne de crédit assortie de forts intérêts créé par le gouvernement espagnol en 2012 et destinée aux régions autonomes. Sur le total de cette somme, 3,3 millions seront destinés aux seuls intérêts bancaires. À ce sujet, il a rappelé que cette année, grâce à un accord conclu avec le Ministère de l’économie et des finances publiques, « l’intérêt des crédits de paiement aux fournisseurs est de 0%. Mais l’année prochaine, à partir de janvier, des intérêts de plus de 4% vont commencer à s’appliquer ». |19| Le conseiller de Cadix en charge de la participation citoyenne, Adrián Martínez, précise : « Nous sommes en train d’examiner tous les postes budgétaires des différents départements et entreprises publiques (...) À partir de septembre nous déléguerons ce travail interne aux citoyenNEs pour réaliser un audit externe en bonne et due forme et pour ce faire nous créerons des jurys populaires, des conseils de quartier et des conseils sectoriels de délibération (…) Les jurys populaires seront formés après une petite formation technique et seront choisis selon la disponibilité des membres, une partie par tirage au sort, une autre choisie par l’autorité municipale et une autre par les citoyenNEs », explique le conseiller municipal qui assure : « Les citoyenNEs détermineront quelle dette est légitime et quelle dette est illégitime ». |20|

 

Dans la province de Cadix, la nouvelle formation politique Por Chiclana Sí Se Puede, même si elle ne jouit pas de la majorité à la mairie de Chiclana de la Frontera, va proposer un audit de la dette municipale « qui pourra aussi être encadré et contrôlé par les citoyenNEs ». |21|

 

Que cela plaise ou non au ministre des Finances de l’État, Cristóbal Montoro, la volonté populaire exprimée par de nombreuses municipalités dans tout le territoire espagnol, par la PACD et d’autres organisations en vue de mener un audit citoyen de la dette et de refuser le paiement de la partie illégitime gagne du terrain. À tel point que le 31 août 2015, le ministre Montoro a fini par avertir les gouvernements des communautés autonomes et des municipalités que la dette contractée par les différentes administrations publiques avait déjà été « auditée et identifiée » intégralement et « qu’il fallait payer ». Il a poursuivi, menaçant : « Il faut payer la dette et parler moins. Les critères éthiques sur le fait de savoir si l’on aurait dû ou non contracter la dette, ça c’est autre chose. Mais la dette est bien là et va être remboursée. Et, sans aucun doute, le responsable municipal qui prétend ne pas payer la dette parce qu’il la considère illégitime devra faire face au gouvernement espagnol, qui appliquera la loi et les mesures correctives et afférentes ; parce que la dette se paie en temps et en heure et au montant prévu ».

 

Traduction de l’espagnol : Marion Antonini

 

 
Notes

|1| L’Espagne est divisée en 17 communautés autonomes dont la communauté de la région de Madrid. L’endettement de ces communautés autonomes représente les 20 % restant de la totalité de la dette publique de l’État espagnol. La communauté autonome de Madrid se lance aussi dans un audit de la dette de la région. Voir : Jérôme Duval, 4 novembre 2015 : Les « municipalités du changement » se coordonnent à Madrid contre la dette illégitime

|2| Règlement (UE) Nº 472/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013 sur le renforcement de la supervision économique et budgétaire des États membres de la zone euro dont la stabilité financière connaît ou court le risque de connaître de graves difficultés. Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ ... Cité par Eric Toussaint, 2015. http://cadtm.org/Si-Syriza-siguiera...

|3| Données de dette publique selon le Protocole de déficit excessif (PDE) de la Banque d’Espagne : http://www.bde.es/webbde/es/estadis...

|4| « El alcalde niega una nueva auditoría y atribuye la deuda actual a los socialistas », 15.08.2015, La opinión de Murcia. http://www.laopiniondemurcia.es/municipios/2015/08/15/alcalde-niega-nueva-auditoria-atribuye/670253.html

|5| 13.05.2015, http://www.sermadridsur.com/noticias/debate-electoral-ciempozuelos_49862/

|6| Lire la motion de LEGANEMOS pour que la municipalité de Leganés mène un Audit citoyen : http://leganemos.org/informa/2015/08/mocion-para-realizar-una-auditoria-ciudadana-municipal-y-otras-iniciativas-en-el-pleno/ et http://leganemos.org/wp-content/uploads/2015/07/auditoria-deuda.pdf Voir la vidéo de Fran Muñoz, Porte-parole du groupe municipal Leganemos, lors de la plénière : https://www.youtube.com/watch?v=98T..."

|7| OCM La Zubia, http://ocmlazubia.org/

|8| http://www.infolibre.es/noticias/club_info_libre/librepensadores/2015/07/16/nace_observatorio_ciudadano_municipal_zubia_35504_1043.html

|9| Source : Ministère de l’Intérieur, Élections 2015.

|10| Parti indépendantiste catalan de gauche, Candidature d’Unité Populaire.

|11| Soto Díaz, Cuarto Poder, 15.08.2015, “Los “ayuntamientos del cambio” impulsarán auditorías ciudadanas de sus deudas a partir de septiembre” : “En septiembre vamos a colocar en la web toda la información. Pondremos los datos a disposición de la ciudadanía, pero además los explicaremos”, añade Pindado. http://www.cuartopoder.es/lentesdecontacto/2015/08/15/los-ayuntamientos-del-cambio-impulsaran-auditorias-ciudadanas-de-sus-deudas-a-partir-de-septiembre/1396

|12| Le nouveau gouvernement de Badalona formé par Guanyem Badalona en Comú, ERC et ICV-EUiA a succédé au PP de García Albiol à la tête de la municipalité.

|13| Voir le point 7 de la liste des mesures proposées par Guanyem Badalona en Comú : « 24 mesures per a les primeres 24 setmanes ». http://guanyembadalona.org/24-mesures-per-a-les-primeres-24-setmanes

|14| Soto Díaz, Cuarto Poder, 15.08.2015, ibidem. http://www.cuartopoder.es/lentesdecontacto/2015/08/15/los-ayuntamientos-del-cambio-impulsaran-auditorias-ciudadanas-de-sus-deudas-a-partir-de-septiembre/1396

|15| OMC Terrassa : http://ocmterrassa.org/

|16| EFE, Ávila, 30 juillet 2015 : « El pleno acuerda por unanimidad realizar una auditoría interna desde 2007 ». http://www.lavanguardia.com/economia/20150730/54434686447/el-pleno-acuerda-por-unanimidad-realizar-una-auditoria-interna-desde-2007.html

|17| Le dimanche 22 mars 2015, des élections anticipées d’un an se sont tenues au Parlement andalou (109 députéEs au total, 8 pour chaque province minimum et les 45 autres sont répartiEs proportionnellement à la population) pour la Xe législature. Il s’agit des deuxièmes élections à l’échelle des communautés autonomes sans élections législatives nationales ou européennes concomitantes depuis 1990.

|18| « IU reclama la auditoria ciudadana de la deuda de la Junta de Andalucía », Tercera Información, 17-07-2015. http://www.tercerainformacion.es/spip.php?article89429

|19| Beatriz Estévez, 18.06.2015, El diario de Cádiz, « La deuda es muy importante y el año que viene va a ser complicado ». http://www.diariodecadiz.es/article/cadiz/2054588/podemos/senala/boquete/considerable/las/cuentas.html

|20| Soto Díaz, Cuarto Poder, 15.08.2015, « Los “ayuntamientos del cambio” impulsarán auditorías ciudadanas de sus deudas a partir de septiembre ». http://www.cuartopoder.es/lentesdecontacto/2015/08/15/los-ayuntamientos-del-cambio-impulsaran-auditorias-ciudadanas-de-sus-deudas-a-partir-de-septiembre/1396

|21| http://www.diariobahiadecadiz.com/noticias/chiclana/por-chiclana-si-se-puede-ante-las-divergencias-sobre-la-deuda-municipal-entre-psoe-y-pp-reclama-su-auditoria-publica/

Auteur

Jérôme Duval

est membre du CADTM et de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Espagne (PACD).


http://auditoriaciudadana.net/

Auteur
 
 

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 14:45

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Multinationales

Le « Lobby planet Paris » : une cartographie de l’influence des gros pollueurs pendant la COP21

par

 

 

 

L’Observatoire des multinationales publie conjointement avec plusieurs partenaires français et européens Lobby Planet Paris COP21, un guide des lobbies économiques qui tentent d’influencer la Conférence climat. Objectif : permettre aux citoyens, aux journalistes et aux militants de mieux s’y retrouver dans la grande foire d’influence et de défense des intérêts économiques des gros pollueurs qui se déroule à l’occasion de la conférence sur le climat. Des visites guidées sont également organisées.

 

Le gouvernement français a décidé d’entraver la mobilisation de la société civile en vue de la Conférence climat en interdisant les manifestations sur la voie publique. Les multinationales et les lobbies économiques, elles, pourront peser de tout leur poids sur les négociations. Sans entraves. Leur influence n’a cessé de s’accroître dans les discussions internationales sur le climat. La COP21 ne fera pas exception à la règle. Le secteur privé y sera omniprésent, aussi bien au Bourget, lieu officiel du sommet climatique, qu’à Paris. Dans le contexte sécuritaire créé par les attentats qui ont frappé Paris, cette influence pourra s’exercer sans véritable contrepoids de la société civile.

 

Pour permettre aux citoyens, aux journalistes et aux militants de mieux s’y retrouver dans cette grande foire d’influence et de défense des intérêts économiques établis, lObservatoire des multinationales animé par l’équipe de Basta !, conjointement avec l’Aitec, Attac France, le Corporate Europe Observatory et le Transnational Institute, publie un « Lobby Planet Paris » (téléchargeable ici : un petit guide de l’influence des « criminels du climat » et de leurs lobbies dans le cadre de la COP. Organisé par thème, assorti de cartes pointant les principaux lieux d’influence autour de la Conférence, cet ouvrage présente les grandes entreprises, les institutions financières, les organisations internationales et les associations professionnelles mobilisés pour promouvoir le point de vue des milieux économiques sur le climat.

 

 

Qu’attendent les entreprises et que redoutent-elles de la COP ? Pourquoi le gaz, de plus en plus promu par les géants des énergies fossiles comme une « solution », n’est pas moins problématique que de brûler du charbon ? Pourquoi la société civile dénonce-t-elle les « fausses solutions » promues par les entreprises ? En quoi un « prix mondial du carbone », basé sur les fonctionnements du marché, et revendiqué par les milieux économiques, ne suffira-t-il pas à répondre à la crise climatique ? Pourquoi les sponsors de la COP21 sont-ils problématiques ? Quels sont les liens entre l’enjeu climatique et les projets actuels d’accords de libre-échange ? Comment les lobbies essaient-ils concrètement de peser sur la Conférence ? Telles sont quelques-unes des questions abordées dans ce petit ouvrage de 36 pages.

 

La COP des multinationales

Le gouvernement français affiche depuis plusieurs mois son intention de faire de la COP21 la « COP des solutions ». Elle sera surtout la « COP » des multinationales. Cette année, la plupart des grandes entreprises, y compris dans le secteur de l’énergie, affiche une attitude plus positive à l’égard de l’enjeu climatique, loin de leur image passée de réticence – voire de résistance – face à l’urgence de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.

Ces firmes ont-elles réellement changé, ou continuent-elles au fond à défendre les mêmes positions, sous un léger vernis vert ? Une autre publication du Corporate Europe Observatory détaille les ingrédients de la « mauvaise cuisine climatique » que les multinationales concoctent pour la COP : une recette cuisinée à base de croissance économique et de compétitivité à tout prix, d’une bonne dose de gaz présenté comme une « énergie propre », d’un zeste de marché avec le « prix mondial du carbone » comme solution miracle, et servie en compagnie de « fausses solutions » technologiques plus ou moins hypothétiques. Un plat finalement très allégé en véritable transition énergétique, repoussé aux calendes grecques.

 

 

Le gouvernement français et les organisations internationales sont prêts à y goûter. Cela se vérifie dans le choix de leurs convives : faire appel aux entreprises pour sponsoriser la COP21, y compris des firmes impliquées dans des activités très polluantes comme le charbon. Cela se vérifie dans le choix d’accueillir au Bourget, à côté du lieu des négociations, un espace commercial destiné à permettre aux entreprises de présenter leurs « solutions ». Cela se vérifie aussi dans le nombre d’événements dédiés aux entreprises ou aux « collaborations » entre public et privé organisés en marge de la COP, comme le salon Solutions COP21 (lire notre enquête).

Les multinationales occuperont aussi une place de choix dans l’« agenda des solutions » que le gouvernement français propose d’annexer à un futur accord international conclu à Paris. Or cet agenda n’inclut aucun garde-fou ni aucun critère sur ce qui constitue véritablement une « solution » pour le climat : toutes les entreprises, y compris les plus polluantes, peuvent y inscrire leurs initiatives, même les plus modestes ou les plus controversée. Après y avoir découvert avec effarement la présence de Total et d’autres majors pétrolières, ainsi que des projets d’« agriculture climato-intelligente », les ONG ont écrit à François Hollande pour lui demander leur exclusion de l’« agenda des solutions » [1]. Sans succès.

 

Lobby tours

Parallèlement à la publication du « lobby planet », des « lobby tours » seront également organisés : promenades commentées à La Défense ou dans le VIIIe arrondissement sur les traces des entreprises, des discrets cabinets de lobbying, des associations professionnelles et organisations internationales qui placent leurs intérêts privés au dessus de l’avenir climatique.

Deux lobby tours sont proposés le 30 novembre et le 7 décembre à 11h30. Le jeudi 3 décembre à 11h30 aura lieu un « lobby tour » spécialement dédié aux entreprises nominées au « prix Pinocchio du climat », dont les résultats seront annoncés le même soir.

Les inscriptions pour ces lobby tours (durée : environ une heure et demie) se font par courriel à l’adresse cop.lobbytours@corporateeurope.org.

- À lire : Lobby Planet Paris COP21 (pdf).

 

 

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