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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 15:04

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Deux manifestants jugés en comparution immédiate
2 décembre 2015 | Par La rédaction de Mediapart
 
 
 

Deux jeunes ayant manifesté dimanche 29 novembre place de la République malgré l'état d'urgence ont été condamnés, mardi 1er décembre, en comparution immédiate devant la 23echambre du tribunal correctionnel de Paris.

Sur 317 personnes gardées à vue dimanche 29 novembre 2015 à la suite de leur participation au rassemblement interdit place de la République à Paris autour de la COP21, neuf avaient vu leur garde à vue prolongée lundi. Deux d'entre elles ont été condamnées mardi après-midi en comparution immédiate par la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

 

L’un, âgé de 28 ans, à trois mois de prison ferme, sans mandat de dépôt, et 200 euros de dommages et intérêts pour violences volontaires sur un agent de police et refus de se disperser malgré les sommations. Il est accusé d'avoir jeté une bouteille en verre, dont les éclats ont occasionné une « coupure au-dessus de la lèvre » d'un policier. L’autre, une saisonnière de 25 ans, à 1 000 euros d’amende pour être restée sur la place malgré les ordres, également, et avoir refusé que l’on prenne ses empreintes. « On fait des sommations dans un piège à rat. Pour que les gens se dispersent ? Je ne crois pas », a protesté l’avocate de la défense. Au moins un autre manifestant devrait passer devant le même tribunal, ce mercredi.

À lire sur Le Monde

*ou ci-dessous

 

 

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Source : http://www.lemonde.fr

 

 

« Ce n’est pas le procès de la manifestation, ni celui des black blocs »

 

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par

 

 

 

Des manifestants pendant le rassemblement interdit du 29 novembre, place de la République à Paris.

Ils sont finalement là, les deux premiers condamnés de la place de la République. Venus manifester en marge de la COP21 alors que l’état d’urgence l’interdisait, David M. et Jorine G. ont été interpellés dimanche 29 novembre. Comme 339 autres manifestants ce jour-là sur cette place. Ils ont ensuite été placés en garde à vue. Comme 315 autres personnes.

 

Mais seuls eux comparaissaient, mardi 1er décembre, devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. L’un pour violences volontaires sur un agent de police et refus de se disperser malgré les sommations. L’autre pour être restée sur la place malgré les ordres, également, et avoir refusé que l’on prenne ses empreintes.

A 28 ans, David M. reconnaît « une partie » des faits qui lui sont reprochés. « Le fait d’avoir été là pour la ligne humaine. » Ivre ? Oui, il l’était. Le jet de projectile ? Il l’admet aussi. Mais lui a lancé une canette en aluminium, pas une bouteille en verre dont les éclats ont occasionné une « coupure au-dessus de la lèvre » du policer, comme le décrit la présidente du tribunal. Et c’était parce que recevoir du gaz lacrymogène l’avait énervé, se justifie le prévenu. Il ne pouvait donc pas viser volontairement qui que ce soit, puisqu’il en avait « partout dans les yeux ».

Lire aussi : Ce que l’on sait des débordements place de la République à Paris

 

 

« Sous l’empire de l’état d’urgence »

 

 

Pourquoi participer à une manifestation interdite « sous l’empire de l’état d’urgence », s’enquiert la présidente. Et surtout, pourquoi ne pas sortir de la place après les sommations ? David M. a été interpellé à 14 h 46 précises – au moment de la deuxième sommation des forces de l’ordre – au milieu des groupes décrits dans le procès-verbal des policiers comme « anarcho-autonomes libertaires ». Lesquels les provoquaient et refusaient de se disperser.

« Ce n’est pas le procès de la manifestation, ni celui des black blocs. C’est le procès de monsieur », insiste son avocate. Certes, monsieur connaît des zadistes. Il a même passé une semaine avec ceux d’Agen et en a croisé « deux ou trois » à Paris au cours du week-end de la manifestation. Mais il ne faisait « pas partie de ces groupes-là », insiste-t-il, désignant ceux qui s’en sont pris aux forces de l’ordre sur la place de la République et se sont même emparés « d’éléments issus du mémorial de la statue en hommage aux victimes » des attentats, précise la présidente, ajoutant l’opprobre moral à celle de la loi.

Sur les captures d’écran de la vidéosurveillance, le prévenu est facilement reconnaissable, avec son sac à dos de randonnée et ses habits clairs. « Une tâche de lumière » au milieu des manifestants les plus énervés, vêtus de noir, souligne son avocate. Il ne cherchait d’ailleurs pas à se cacher, selon lui. S’il avait un tee-shirt autour de la bouche, c’était davantage « pour les odeurs de poivre. » Les yeux rivés sur les clichés, la présidente est sceptique. « On voit tout de même que vous êtes au milieu des échauffourées. » Des clichés également « éloquents » pour le procureur.

« Il n’y a que des personnes avec le visage masqué autour de vous. (…) Pourquoi vous ne reculez pas et allez au contraire au contact des CRS après l’ordre de se disperser ? »

Les sommations, David M. admet les avoir entendues. Mais en regardant dans les rues alentour, les barrages de CRS étaient déjà en place. « J’ai voulu passer, mais je me suis pris un coup de gaz lacrymo. » Une explication qui ne convainc pas le procureur, qui requiert huit mois de prison dont quatre avec sursis et mandat de dépôt à la clef. Car « quand le masque tombe, ou plutôt le foulard dans le cas de monsieur, il faut rendre des comptes ».

Soit finalement trois mois de prison ferme, sans mandat de dépôt, et 200 euros de dommages et intérêts. Le parquet de Paris a annoncé avoir fait appel de ce jugement.

 

Lire aussi : Les militants de la COP21, cibles de l’état d’urgence

 

Des sommations dans « un piège à rat »

 

Les deux premières condamnations sont tombées après la manifestation émaillée de violences de dimanche à Paris. Récit d’audience.

Jorine G. prend sa place dans le box des prévenus. Entre la saison des vendanges et des olives, la jeune femme de 25 ans est venue « visiter des amis » à Paris. Et participer à la manifestation. Ne savait-elle donc pas que c’était interdit ? « Sur les réseaux sociaux, elle était maintenue », répond la militante, certes, écologiste, mais version pacifiste. « La violence, ce n’est pas quelque chose que j’apprécie », insiste-t-elle. Alors elle s’est mise en retrait quand « ça » a commencé. Pas question, en revanche, de quitter la place et « donner raison à cette violence » en s’en allant.

Les sommations, elle affirme ne pas les avoir entendues depuis là où elle se trouvait. Et quand elle a voulu sortir : « Impossible. » Les barrages policiers ont été mis en place autour de la place bien avant la première sommation, selon le procès-verbal des policiers lu par la présidente du tribunal. « On fait des sommations dans un piège à rat. Pour que les gens se dispersent ? Je ne crois pas », estime l’avocate de la défense.

Finalement, ce n’est pas vraiment d’être restée qui lui « vaut d’être ici », souligne le procureur. Ce qu’il lui reproche surtout, c’est d’avoir refusé que l’on relève ses empreintes. « Ça a une importance », insiste-t-il, surtout dans « ce contexte ». Il ne dira pas « état d’urgence ».

« Effectivement, admet la jeune femme, droite dans ses bottes de saisonnière. J’ai considéré que je n’avais pas de raison d’être interpellée. » Alors garder le silence, c’était sa façon de montrer qu’elle n’était « pas d’accord avec la situation. » Pour son avocate, on « frise le ridicule ». Car sur les 317 gardés à vue, deux seulement ont été déférés. « Dont celle-là, lance-t-elle en désignant la glaneuse d’olives à la présidente. Et ce malgré le fait qu’elle a finalement donné son identité trois heures avant que vous ne décidiez de son déferrement pour venir encombrer votre chambre. »

Deux comparutions immédiates, « pour l’instant », lui répond la présidente. Il est 23 h 30 dans la 23e chambre. Jorine G. est déclarée coupable et écope de 1 000 euros d’amende. Au moins un autre manifestant devrait passer devant le même tribunal, mercredi.

 

 

 Lucie Soullier
Journaliste au Monde

 


Source : http://www.lemonde.fr

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 14:55

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 Pas question d’avocat, ici, c’est moi qui commande. » Témoignages de gardes à vue en Etat d’urgence

 

3 décembre 2015 / Deux manifestants placés dimanche en garde à vue
 

 

 

 

Reporterre publie deux témoignages de manifestants arrêtés dimanche après-midi, place de la République, à Paris, et placés en garde à vue.

 

Dimanche 29 novembre, la police a parqué et violenté des manifestants pacifiques place de la République. Plus de trois cents ont été emmenés en garde à vue. Emmanuel et Camille étaient de ceux-là. Ils racontent ce qu’ils ont vécu.


- La nuit est tombée et cela fait environ deux heures que nous sommes encerclés avec environ 200 personnes dans un coin de la place de la République par un impressionnant cordon policier. Ceux-ci restent statiques pendant de longues minutes puis, suivant une logique qui m’échappe encore, s’avancent en petits groupes vers la foule pour en extraire une poignée de manifestants, a priori repérés à l’avance, qui seront ensuite emmenés vers les camions malgré quelques timides tentatives des autres manifestants pour les retenir.

Malgré la pression policière, l’urine qui recouvre le sol, le froid, l’absence d’accès à l’eau ou à la nourriture, la foule reste paisible et joyeuse. Des chants militants, une enceinte et un grimpeur qui va accrocher un drapeau multicolore au sommet d’un arbre assurent l’animation. Mais vers 18 h, de nouveaux bus de police arrivent et les policiers se placent de telle sorte qu’on comprend qu’ils vont passer à l’offensive. Alors que nous réclamons depuis deux heures de sortir de la place sans heurt ni arrestation, ils viennent attraper des manifestants à un rythme plus élevé qu’avant et, cette fois-ci, au hasard.

 

Une volée de coups de pieds et de matraques

Notre groupe fond. Pour protester contre ces arrestations, nous nous regroupons et nous tenons les bras en chantant : « On sort tous libres, ou on sort pas ! » Sourds à nos cris, les policiers continuent d’embarquer les manifestants sans qu’il y ait trop de protestations. Quand vient mon tour et que plusieurs CRS m’arrachent de ce filet de solidarité bien fragile, je me laisse tomber par terre pour leur compliquer la tâche tout en levant mes bras en l’air en signe de non-agression. D’emblée, malgré les protestations de la foule, une volée de coups de pieds et de matraques s’abat sur mes jambes et mes côtes, suffisamment bien placés pour faire mal sans laisser de traces. Ma non-coopération pacifique énerve les flics qui, en me traînant hors de portée des caméras, me menacent « tu vas dérouiller », « tu vas regretter », « tu vas comprendre ta douleur ». Ils finissent par me plaquer dos au sol, à l’abri des caméras. Un policier se place au dessus de moi et me décoche un coup de poing dans la mâchoire alors que je ne montre aucun signe d’agressivité. Pendant qu’ils me fouillent, les menaces et les petits coups continuent. Juste avant de me faire entrer dans le bus, ils me font un croc-en-jambe et je me retrouve face contre terre.

Une fois plein, notre bus se dirige vers Bobigny, où nous sommes parqués entre des barrières, pendant quatre heures, sur un parking venteux. Normalement, notre garde à vue aurait dû nous être notifiée. D’après ce que j’ai compris de la loi, après quatre heures de contrôle d’identité, nous devons être relâchés, ou un OPJ [officier de police judiciaire] doit nous notifier notre mise en garde à vue et lire nos droits. Or, ce délai est largement dépassé et nous ne savons toujours pas ce qu’ils comptent faire de nous. Les manifestants, qui pour la plupart n’ont rien de militants professionnels et encore moins d’activistes violents, gardent le moral. Au compte goutte, les personnes pénètrent le bâtiment et on les voit ressortir, environ 30 minutes plus tard, menottées, et amenées vers un camion. Une fois ceux-ci pleins, ils partent vers une destination inconnue.

 

À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels

Vers 11 h du soir, la procédure s’accélère, les personnes ne restent pas plus de quelques minutes dans la salle. Quand vient mon tour, l’OPJ me signifie mon placement en garde à vue depuis 15 h 45 pour participation sans armes à un attroupement après sommation de se disperser. Je lui demande pourquoi personne ne m’en a informé avant. Elle me rétorque sur le ton de l’évidence qu’à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Selon elle, un magistrat nous aurait collectivement placés en garde à vue à partir du moment où le cordon s’est refermé sur nous. Je lui indique plusieurs noms d’avocats volontaires pour assister les manifestants mais sans être en mesure de donner leurs numéros. Les autres interpellés ont déjà donné des dizaines de fois ces numéros à ses collègues et sûrement à elle-même, mais elle refuse de les inscrire si je ne suis pas capable de lui fournir le numéro moi-même. Elle coupe court à tout dialogue : « Ce sera un commis d’office ou rien. »

Par défaut, je choisis ces avocats. Nous sommes répartis en petits groupes et amenés, certains menottés d’autres non, dans différents commissariats parisiens. Nous faisons une partie du trajet en bus, puis le reste avec un véhicule banalisé qui roule à plus de 100 km/h en agglomération, gyrophare allumé, alors qu’aucune urgence ne semble imposer ce type de conduite. Une fois arrivés, on nous menotte à un banc en attendant notre fouille. Trente minutes plus tard, nous sommes en cellule, un cagibi de quelques mètres carrés composé d’un banc en pierre, et de toilettes à la turque dégageant une puissante odeur d’excréments. Aux murs, des tags qui semblent avoir été réalisés avec des matières fécales donnent la nausée. Le froid, le stress, l’humidité, les odeurs, les allers-retours et la dureté du banc en pierre m’empêchent de fermer l’œil de la nuit.

 

« J’aime pas ta gueule et ton air »

Au petit matin, un policier en civil particulièrement désagréable et hautain vient nous demander si on nous a pas pris nos empreintes. « Si vous refusez, c’est 15.000 euros d’amende et un an ferme », dit-il pour nous mettre la pression. Au moment de prendre les miennes, il me glisse : « J’aime pas ta gueule et ton air. Je préfère encore les petits branleurs de cité. » Mon codétenu demande à voir son avocat avant de décider d’accepter le relevé d’empreintes. « Pas question d’avocat ici, c’est moi qui commande. » Il se fera donc ficher sans avoir pu le consulter. Rapidement, des petits délinquants rejoignent la cellule. On se retrouve bien serrés sur notre petit banc. Quelques heures plus tard, on me sort de cette cage de béton, de métal et de plastique pour voir le médecin. Quand je lui parle des coups reçus au corps et au visage, il m’écoute distraitement en me tenant la main pour prendre mon pouls. Sans même regarder mon corps, il me dit qu’on verra ça plus tard. Je ne le reverrai pas.

Je vois l’avocat en fin de matinée, 16 heures environ après le début officiel de ma garde à vue. Contrairement aux flics qui traînaient dans les sous sols puants, ceux qui réalisent mon audition sont presque aimables et se plaignent de ce coup de filet massif et « stupide ». Une fois l’audition terminée, je retourne dans ma cellule pour déguster un plat de pâtes et suis libéré vers 15 h, comme la plupart des manifestants parfaitement inoffensifs arrêtés la veille. Je repars dégoûté par ces abus de pouvoir ordinaires et ce sentiment de toute puissance de la police, cette garde à vue absurde et ces violences verbales et physiques banalisées mais je reste déterminé à lutter contre cette mascarade qu’est la COP 21.

Emmanuel


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Le commissariat rue de l’Evangile, à Paris, l’un de ceux de région parisienne où ont été répartis les gardés à vue

- Dans le bus, on était persuadés qu’on ressortirait vite. On rigolait, on chantait, c’était la colo. On a attendu longtemps, chauffage à fond et vitres fermées, de sortir et on s’imaginait que c’était la faute à un comité de soutien. Les filles sont sorties les premières, on est descendu par l’entrée parking, on nous a fouillées et fait enlever nos soutifs. La GAV [garde à vue], c’est sexiste, nous autres on sera beaucoup mieux traitées. Dans le couloir on m’a finalement notifiée ma garde à vue, il était 19 h 20. Je crois que j’ai souri devant tant d’absurdité. Nous étions devant une grande cellule où étaient disposées des tables et des OPJ [Officier de policier judiciaire]. La mienne, qui se désolait de ne pas avoir assez de feuilles et mal au bras, m’a paru sympa au début. Elle m’a affirmé, en rigolant comme si j’étais naïve, que c’était elle qui allait joindre ma mère et que je n’aurais pas le droit de lui parler. Elle ne lui communiquera pas le nom du commissariat. J’ai demandé un médecin et un avocat et on m’a envoyée en cellule. Je suis passée devant les cellules des mecs. Dans la première, on ne pouvait plus s’asseoir, la seconde était en remplissage.

Mes camarades m’ont applaudie en rentrant. On était une vingtaine, toutes belles, entre 20 et 30 ans, les cheveux propres. On a commencé a chanter, à se demander quel jeu on pourrait faire. On discutait avec « les garçons » et certains flics complètement mal à l’aise. L’ensemble des cellules a communié au son de Cayenne, d’Hexagone et de la chanson de la ZAD du Testet. On s’étonnait de trouver nos visages familiers, d’avoir les mêmes références. J’ai voulu aller aux toilettes, la policière m’a tenu la porte. J’étais gênée, mais elle m’a conseillé de prendre mon temps parce qu’après le transfert, ce serait pire.

 

« Le viol de la CEDH, c’est maintenant ! »

De fait, il y aura deux temps. Celui du centre souterrain spécial COP où nous n’avions ni bouffe, ni couverture, ni médecin mais où ça chantait et où on dormait serrées les unes contre les autres pour se réchauffer et celui après le transfert. Nous n’avons pas eu droit à un GAV normale, à peine ai-je eu un aperçu, vers 5 h, quand on a refusé de nous donner de l’eau tant qu’on se « roulerait pas comme des chiens ». Ils [les policiers] ont été sympas avec nous, emmerdés qu’ils étaient qu’on leur prenne autant de place et de temps.

Lorsque j’ai vu mon avocat commis, il m’a clairement dit que dans le contexte de l’état d’urgence, je n’avais que mon gentil minois pour m’en tirer parce qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. On en parlait au policier : « Le viol de la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme], c’est maintenant !..

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

Témoignages République

« Y a plus de caméras, ferme ta gueule sinon je vais te saigner comme un cochon »

par

 

 

Plusieurs centaines de personnes ont bravé l’interdiction de manifester pour le climat le 29 novembre à Paris. Rapidement, des affrontements éclatent entre forces de l’ordre et quelques jeunes « en mode black block ». « De nombreux manifestants, clowns, jeunes, vieux, hommes, femmes, leur crient d’arrêter en allant jusqu’à s’interposer entre eux et les flics, mais ils se font gazer au spray à poivre, matraquer et embarquer », témoigne Sarah*, qui avait choisi de manifester pacifiquement. Elle fait partie des 317 personnes placées en garde à vue ce jour là. Récit.

 

Je suis arrivée place de la République vers 14h30 au moment où les premiers tirs de gaz lacrymogènes ont commencé à être tirés par les nombreux CRS et gardes mobiles présents sur la place. Après quelques minutes de déambulations sur la place, je me rends compte qu’ils sont déterminés à bloquer les manifestants sur la place. De nombreuses personnes étaient présentes, de passage, traînaient dans le coin comme un dimanche normal place de la République, d’autant que les stations de métro étaient ouvertes. Un seul cortège (NPA, Alternative libertaire…) faisait le tour du terre-plein.

 

Je me rapproche des lieux d’où sont tirés les lacrymos et quelques jeunes en mode « black block » commencent à jeter des projectiles sur les CRS. Je confirme donc, les CRS n’ont pas « répliqué », ils ont « commencé » ! Chaque jet de nouvelles lacrymo et bombes assourdissantes achève de déchaîner quelques personnes qui portent masques ou cagoules.

 

De nombreux manifestants, clowns, jeunes, vieux, hommes, femmes, leur crient d’arrêter en allant jusqu’à s’interposer entre eux et les flics, mais ils se font gazer au spray à poivre, matraquer et embarquer. De nombreuses personnes, journalistes compris, sont touchées par les munitions des policiers qui commencent à se détacher en petits groupes pour aller rafler quelques manifestants au milieu du chaos. Les fronts se multiplient et petit à petit, les jets de projectiles cessent. Un vieux monsieur se retrouve couché par terre, une jeune fille est touchée par la police et crie « j’ai mal ! Pourquoi vous faites ça ?! On vous a rien fait ! ». Plus les gens sont agressés par les tortues-ninjas, plus raisonne le slogan : « État d’urgence, État policier, on nous enlèvera pas le droit de manifester ! ». Le vaste cortège principal se dissout doucement et plusieurs centaines de personnes se massent au centre de la place.

 

« Mais vous ne respectez rien, même pas les morts ?! »

Un cercle de manifestants est formé pour protéger la statue de la République et les objets déposés pour les morts du 13 novembre pour éviter qu’ils ne soient utilisés comme projectiles. Le cercle se défait sous l’avancée des gardes mobiles. Les lignes de CRS et gardes mobiles commencent à se resserrer et à enfermer les manifestants sur le terre-plein central. Les CRS avancent se frayant un chemin à coup de matraque, broient les bougies, photos, fleurs disposées pour les morts du 13 novembre. Les manifestants leur crient : « Mais vous ne respectez rien, même pas les morts ?! ». Rapidement, les personnes masquées brûlent leurs vêtements et disparaissent. Ce ne sont pas eux qui seront arrêtés.

 

De nombreux manifestants lèvent les bras ou s’assoient en signe de non-violence, d’autres sèment des fleurs aux pieds des CRS, les clowns tombent par-terre les uns sur les autres en mimant des exécutions, d’autres dansent devant les robocops en surnombre. L’ambiance est très joviale entre les manifestants qui savent déjà qu’il leur sera difficile de sortir de là malgré les négociations avec les gendarmes et CRS. Personne ne sort. On est enfermés et livrés à la violence arbitraire des CRS qui ont l’air aussi déchaînés que terrifiés… par nous !

 

Il y a des manifestants de part et d’autre de la ligne de CRS et des dizaines de camions de police avancent sur la place, on commence le jeu du « C’est à bâbord qu’on gueule, qu’on gueule... », on se répond pendant plusieurs minutes, puis c’est au son de « c’est tous ensemble qu’on gueule, qu’on gueule, c’est tous ensemble qu’on gueule le plus fort ! ». Rapidement, nos copains de l’autre côté, devant la rue du faubourg du Temple se font charger violemment et plusieurs sont arrêtés. Nous, on crie « tapez pas nos copains ! » en boucle.

On est encore en train de chanter lorsqu’on entend des gens crier dans notre dos, les gardes mobiles procèdent à des interpellations d’une violence inouïe en traînant les gens par terre, les tirant par les cheveux, sans distinction de sexe ou d’âge, ils attrapent les premiers qui passent, les plus faciles. Pour se protéger, on s’attache les uns aux autres en se tenant les bras, ils chargent par petits groupes et refusent de nous laisser sortir de la place.

 

« J’ai rarement vu autant de haine dans le regard »

Je me retrouve en première ligne avec deux copains, les gendarmes nous chargent, on recule, ils essayent de nous détacher les uns des autres, on crie, on se débat, on se resserre, mais rien n’y fait. Ils me soulèvent par les jambes, attrapent mon copain de droite par les cheveux, on se lâche et on se fait prendre. Ils me portent jusqu’au
panier à salade et dès qu’ils s’éloignent des caméras et photographes, celui qui me tient les jambes me dit « y a plus de caméras, ferme ta gueule parce que sinon moi je vais te saigner comme un cochon ». J’ai rarement vu autant de haine dans le regard d’un étranger.

Pendant les quelques secondes que dure ma traversée entre de brutales mains, je me dis que je vais me faire péter la gueule à l’abri des regards. Je pense que ma couleur et mon keffieh ne sont pas étrangers à cette charmante menace… Arrivée devant le camion, une policière en civile veut fouiller mon sac avant de me faire monter et me rappelle qu’elle n’est pas « ma copine », je lui réponds que « justement moi non plus » et finis par le lui donner.

 

Dans le bus, je reconnais des têtes familières, personne ne sait ce qu’il va se passer. On discute, fait connaissance, se met aux fenêtres et les copains restés dehors nous font des signes de soutien. Je fais semblant de boire à la paille tendue de l’autre côté de la vitre. On reste encore sur la place un moment et au moment de démarrer, c’est
tout le bus qui tambourine aux fenêtres pendant presque tout le trajet. Le bruit attire les passants qui nous font des signes bienveillants ou ne comprennent pas ce qui se passe.

 

On arrive devant le commissariat du 18ème et on attend… longtemps… on ne sait pas ce qu’ils vont faire de nous. Nous sommes trop nombreux, ça va plus emmerder les flics que nous de devoir faire autant de paperasse ! La rue Clignancourt est fermée pour l’occasion, les flics menacent les gens qui nous filment dans le tabac d’en face. Dedans, on chante, on tape, on fait des blagues… bref, on s’amuse et on se fait de nouveaux potes. Un copain nous explique à tous nos droits et nous donne les noms d’avocats à donner aux flics. Deux heures plus tard, on nous descend par petit groupe de 3 à 5. Le flic me tient par mon sweat, je lui dis que je peux marcher sans ça et il me répond : « C’est mieux qu’une clé de bras ». S’ensuit un débat sur la définition du terme « menace ».

 

Avec ma « coloc » de cellule, on se partage un drap

On sait que s’ils ne nous signifient pas notre garde à vue dans les deux heures qui suivent, ils doivent nous relâcher. Tout se fait à la chaîne, ils nous enlèvent nos chaussures, bijoux, mon sweat (parce qu’il y a des cordons). On nous notifie nos garde à vue, les OPJ nous donnent des informations contradictoires à chacun. On me met en cellule avec les autres filles. « Son » OPJ a dit à l’une d’elle qu’elle sortirait au bout d’une heure donc elle n’a pas donné de numéro pour ses proches, certaines croyaient qu’elle étaient obligées de signer, personne ne sait quand on va être relâchés. Je passe devant deux autres cellules où il y a des garçons, on fait « coucou » et on se lance des bisous.

 

La manifestation se poursuit dans les cellules, tout le monde chante, rigole, on fait des percussions avec les bancs, on joue, certaines dorment, d’autres sont assises entre les barreaux. Lorsqu’ils refusent de nous emmener aux toilettes, on remanifeste «  Pipi ! Pipi ! ». Ça nous amuse et certains flics aussi. On est vraisemblablement d’accord sur le fait qu’on n’est pas « des vrais méchants » et qu’on a tous autre chose à faire.

 

Ils viennent nous chercher individuellement pour nous transférer dans d’autres commissariats parce qu’on est trop nombreux. Je pars avec un mec qui était dans mon bus et qui demande son insuline depuis plus de 4h maintenant. Il est environ 1h du matin, difficile de savoir sans montre ni portable. On est transférés au commissariat du 2ème arrondissement, nous serons 10 dans ce cas. Nous sommes deux dans ma cellule, on comprend qu’on ne sera pas auditionnés avant le lendemain.

 

Dans la cellule, les précédents occupants avaient écrit « 93 » avec du vomi sur le mur. On discute de temps en temps avec les copains. Les policiers de garde sont plutôt sympathiques, l’un d’eux me ramène des ciseaux pour couper le cordon de mon sweat parce que j’ai froid. Avec ma « coloc » on se partage un drap, elle dort, moi non, j’ai froid, soif et mal partout… sans doute les restes de ma délicate interpellation.

 

Ils viennent nous chercher un par un à partir de 9h environ pour nous auditionner. On peut enfin voir un avocat et un médecin pour ceux qui l’ont demandé. Le copain diabétique a enfin accès à son insuline (20h après son interpellation !). L’avocat me dit que les vices de procédures sont nombreux puisque je le vois 20h après le début de ma garde à vue. Idem pour le médecin, affligé d’être là et qui se demande ce qu’il fout là en songeant à changer de métier.

 

Un policier : « On est d’accord avec vous, on est de votre côté »

Comme tout le monde, je suis accusée de « maintien d’un attroupement malgré les sommations de se disperser » ou un truc dans le genre. Pas de mention de manifestation interdite, violence, outrage ou rébellion. Donc comme tout le monde, honnêtement, je dis qu’on a entendu aucune sommation et qu’on nous interdisait de nous disperser de toutes façons. Je refuse de donner mes empreintes et de me faire prendre en photo donc je suis auditionnée en plus pour ça. Plusieurs policiers sont assez gentils avec nous, viennent nous parler, s’assurent qu’on a ni faim ni froid. L’un d’eux me dit même : « on est d’accord avec vous, nous on est de votre côté », même s’il ajoute « après sur la méthode, peut-être pas ». Je ne sais toujours pas sur quoi on était d’accord exactement….

 

On nous ramène en cellule et au bout d’encore plusieurs heures, on est relâchées avant les huit garçons. Les flics qui nous font sortir s’emploient à être aussi désagréables que possible, pour eux nous sommes de petits inconscients qui « ne vivent pas sur la même planète ». On leur répond que justement si, et que c’est pour ça qu’on était là dimanche. L’ambiance craint. On leur dit qu’ils foutent en l’air le capital sympathie de leurs collègues et on s’en va !

 

Bref, on est loin d’avoir perdu la guerre psychologique, on a eu le temps de se faire plein de nouveaux potes, on a appris plein de nouvelles choses, on a aiguisé nos arguments sur différents publics. Au jeu de la répression, François et Manuel ont puni les flics plus que nous.

 

Un bisou à tous-tes les camarades qui nous faisaient des signes dans la rue, à tous-tes celles et ceux qui étaient avec moi dans les cellules, à tous ceux dont les GAV ont été renouvelées, à tous-tes les copains et copines d’ailleurs qui sont venus se joindre à nous et qu’on a foutu en rétention. Et aux autres aussi.

 

On lâche rien !

 

Sarah B.*, le 30 novembre, à sa sortie de garde à vue

Photo : © Myriam Thiebaut

* Le prénom a été modifié.

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 14:37

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Naomi Klein: «Pas besoin d’un miracle, nous voulons une vraie démocratie»
29 novembre 2015 | Par Jade Lindgaard
 
 
 

L'essayiste canadienne détaille le Leap Manifesto, large mouvement de la société civile lancé pendant la campagne canadienne qui milite pour un Canada écologique et égalitaire. Deuxième épisode de notre vidéo-blog COP21, en partenariat avec The Nation.

Essayiste, activiste : Naomi Klein est l'une des critiques les plus populaires et les plus écoutées de la mondialisation néolibérale et des régressions autoritaires qui l'accompagnent. Après La Stratégie du choc sur le capitalisme du désastre, qui prospère sur les violences infligées aux sociétés (cataclysme, putschs, effondrements politiques…), elle a publié en 2014 Tout peut changer, qui décrit à quel point le dérèglement climatique impose une épreuve vitale au  système capitaliste. Pendant toute la COP21, elle tient un blog vidéo sur Mediapart.

 

Deuxième épisode : Naomi Klein revient sur le Leap Manifesto (« Un grand bond vers l'avant »), large mouvement politique lancé au Canada pendant la dernière campagne électorale. Son but : militer pour un Canada alimenté à 100 % par les énergies renouvelables, où les emplois offerts par une telle transition sont aussi conçus pour éliminer les inégalités. L’appel du Leap Manifesto est visible iciTourné et réalisé par À-vifs. Propos recueillis par Jade Lindgaard. En partenariat avec l'hebdomadaire américain de gauche The Nation

 

Deuxième vidéo-blog de Naomi Klein

 

29 novembre. «Cette manifestation est un geste de défi»

 

Premier épisode : les manifestations interdites du 29 novembre. Tourné et réalisé par À-vifs. Propos recueillis par Jade Lindgaard. En partenariat avec l'hebdomadaire américain de gauche The Nation

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 14:27

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

Etat d’urgence

Ce que nous pouvons
par Frédéric Lordon, 30 novembre 2015
 
 
 
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Brandalism détourne des publicités en marge de la COP21
Par Eube, Paris, 2015. Voir aussi le dossier du Monde diplomatique de novembre 2015 sur la Conférence de Paris.

 

Sil existait quelque chose comme une jauge de la faute et de la vertu des peuples, on pourrait dire que le corps social n’a jamais que « ce qu’il mérite ». Mais rien de tel n’existe sauf dans la vision moraliste du monde qui passe tout au tamis du jugement et de la rétribution. Nous avons cependant le recours de dire autre chose : de dire que le corps social fait, à chaque instant, la démonstration en actes de ce qu’il peut — de son degré de puissance. Ça n’est donc plus une question de jugement, c’est une question de mesure. Par ce qu’il accomplit et par ce qu’il omet de faire, par ce qu’il tolère et par ce qu’il refuse, le corps social donne l’exacte, la parfaite mesure de ce qu’il peut.

 

Voir le dossier « Dans l’engrenage de la terreur », Le Monde diplomatique, décembre 2015.Dans ces conditions, il n’y a plus qu’à arpenter. Un peuple qui, s’étant donné à un Sarkozy, se donne à un Hollande — sa réplique sous tous les rapports, parfois même en pire —, que peut-il exactement ? Un peuple qui tolère une classe de porte-voix médiatiques répétant comme des tourne-disques toutes les injonctions gouvernementales, quel est son degré de puissance ? Un peuple qui aurait dû, scandalisé par l’obscénité de leur servilité d’Etat, conspuer les chaînes d’information en continu, qui devrait congédier sous les lazzis les intellectuels casqués, et sous les épluchures les éditorialistes à jugulaire, qui devrait faire honte à un premier ministre se revendiquant explicitement de l’inintelligence des choses, honte à ses représentants rejouant comme des automates ces scènes historiques du parlementarisme français, les scènes de la trahison des représentés, de l’assentiment démocratique au pire, un peuple que l’amour de la liberté devrait soulever contre l’Etat policier terrorisant certains de ses citoyens au nom de la sécurité des citoyens, un peuple qui devrait faire tout cela et qui ne le fait pas, de quoi est-il capable au juste ? A ce peuple en corps, il faut poser la question que Spinoza pose à tout corps : qu’est-ce que peut un corps ? Et la réponse s’ensuit au spectacle des choses faites par le corps.

 

Au fond de la dépossession, les citoyens protesteront qu’« ils n’y peuvent rien ». Ils n’ont pas « fait » les institutions de la Ve République qui déterminent largement d’avoir à choisir entre le dur-mou et le mou-dur (en attendant la dure-dure), ils n’ont pas barre sur l’offre et prennent ce que l’état de l’offre leur offre. Ils ne peuvent rien au jeu capitaliste qui organise les médias et leurs efforts de verrouillage au service du duopole dit « de gouvernement ». Ils ne peuvent rien contre l’Etat de police infiniment plus puissant qu’eux, etc. Il y a du vrai et du faux dans toutes ces protestations. Du vrai à échelle de chacun, et du faux à échelle collective. Oui chacun est en proie à la dépossession, mais tous ont contribué de fait aux structures de la dépossession – un tous historique (diachronique) puisque ces structures viennent de loin, mais un tous contemporain également puisque, venues de loin, ces structures n’en sont pas moins revalidées à chaque instant : par l’assentiment, fût-il tacite et passif. Seul un corps politique qui peut peu peut tolérer des institutions aussi anti-démocratiques que la Constitution de la Ve République. Seul un corps politique impuissant peut ne pas se dresser pour accabler les imposteurs de la parole publique de son sentiment de légitime scandale et, de honte, les faire rentrer sous terre. Au lieu de quoi, reconnus, reconduits et contents, ils prospèrent à l’air libre. À la fin des fins, si le corps politique d’aujourd’hui ne se lève pas dans un élan outragé, c’est que ses propres seuils de l’outrage se sont dramatiquement déplacés, qu’il en faut de plus en plus pour lui soulever une oreille, de cette surdité qui fait la joie des gouvernants abuseurs, littéralement déchaînés – puisqu’ils n’ont d’autres chaînes que nous.

 

La rupture avec la pensée morale ne se fait complètement qu’à la condition de ne plus dire que nous sommes « individuellement responsables », et de substituer à ce type de jugement culpabilisateur la mesure de notre impuissance collective. Rien de ceci n’ôte qu’il y aura des actions individuelles (ou qu’il n’y en aura pas), qu’elles se rejoindront en forces plus ou moins importantes. Mais cette physique des forces passionnelles et désirantes en quoi consiste la politique n’a rien à voir avec la morale de la responsabilité (même si, le plus souvent, c’est ainsi qu’elle se présente à notre conscience, parfois même non sans une certaine efficacité). La question, c’est de savoir ce qui nous affecte, à partir de quels seuils, et ce qui nous met en mouvement – car c’est dans le mouvement de ce qu’il fait que le corps politique manifeste son exact degré de puissance.

 

L’Etat de police, qui est en train de s’abattre sur nous, nous fera-t-il passer nos seuils ? Ou encore : quelle part de la population les franchira-t-elle, et quelle demeurera dans la servitude contente ? Quelles inductions s’établira-t-il d’une part à l’autre ? Quels ralliements du dessillement, quelles modifications de seuil des uns au spectacle des autres ? C’est que le corps politique est loin d’être tout un. S’il est une union, c’est une union de parties – groupes et classes. Certaines des parties accourent à l’Etat et « luttent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut ». D’autres luttent pour leur salut tout court et n’ont pas le goût de la servitude. La puissance d’ensemble du corps se joue dans cette composition conflictuelle. Qui entraînera qui dans quel sens ? Où s’établira la résultante ? À quel régime de puissance globale ses mouvements internes antagonistes détermineront-ils le corps un-mais-divisé ? Il faut poser ces questions pour mesurer nos chances de secouer l’appareil des précepteurs de l’ordre, qui ne tient que parce que nous ne voyons pas qu’il n’a pour lui que la reconnaissance que nous lui donnons, qu’il n’a en réalité aucune autre ressource – sinon, au cas-limite, la force des armes.

 

Nous verrons se dessiner une tendance quand se manifestera, ou pas, l’écœurement aux discours. Il est désormais un lieu commun de rappeler qu’Orwell le premier avait aperçu la corruption des mots comme le propre même de la dictature, y compris celle qui se donne dans la forme de la « démocratie parlementaire ». Il est, rarement peut-être, des lieux qui, pour être devenus communs, n’ont rien perdu de leur force propre ni de leur pouvoir d’éclairer. Or le renversement des mots atteint ici des sommets qu’une époque pourtant riche en la matière n’avait pas encore envisagés. Manuel Valls jure n’être en rien « bushiste (1) » quand il a de la guerre (« extérieure ET intérieure (2) ») plein la bouche ; il déclare n’avoir qu’« une seule réponse, c’est la République » en installant l’état d’exception ; refuse par principe comme « excusisme (3) » tout effort de comprendre et se fait ouvertement le chantre martial d’un crétinisme d’Etat ; proclame devant le Parlement que « grande démocratie, nous [devons] nous appuyer sur la force du droit (4) », pour aussitôt décréter la suspension du droit ordinaire (« la force de notre droit, c’est notamment l’état d’urgence »), quelques jours avant, logiquement, d’informer le Conseil de l’Europe que la France pourra s’affranchir de certains droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales… Les mots sont à l’envers absolu des choses, tout est cul par-dessus tête, tout est renversé – étymologiquement, tout est catastrophique. En définitive, seule la police qui enfonce les portes des squats et des opposants politiques livre une version remise sur ses pieds de la réalité : « c’est l’Etat d’urgence, la loi, ça existe plus (5) ».

 

Pendant ce temps, un illuminé auto-déclaré « chroniqueur politique » nous explique que « François Hollande a bien failli pleurer (6) » pendant l’hommage national mais que « la vulnérabilité du président au sentiment est une force » et qu’il « a montré au monde son humanité » – mais il faudrait citer presque l’intégralité de ce morceau d’anthologie à faire pâlir de honte professionnelle l’équivalent-Gantzer de Kim Jong-un (7). Pendant ce temps également, à Libération, bien forcé de se pencher sur quelques abus, on oscille entre la minimisation par l’ironie distanciée d’auteur (« rien de grave ») (8) et la contre-pesée des réussites objectives de l’état d’urgence (9) : « Un policier de la brigade des stupéfiants le reconnaît : “l’état d’urgence nous permet d’aller voir chez des dealers repérés depuis longtemps” » – c’est quand même plutôt bien. « A Beauvau on juge la stratégie “positive”, tant sur le plan de la saisie d’armes que sur le recueil de renseignements » – et l’article de nous faire le bilan détaillé au cul du camion de l’Intérieur. Nous sommes donc invités à ne pas nous départir du souci du « positif » quand bien mêmes certaines personnes « estiment (sic) être victimes de perquisitions abusives, parfois violentes » – gageons qu’avec un tableau plus complet du positif et du négatif en tête, elles « estimeraient » autrement.

 

Alors oui, un corps politique qui s’est abandonné à de tels médiateurs, politiques et journalistiques, est un corps qui n’est pas dans une forme bien fameuse. Le propre des corps cependant, c’est que leur degré de puissance ne cesse de varier – selon ce qui affecte différentiellement leurs parties. Or c’est peu dire qu’ici le corps politique est affecté – du dehors par le meurtre de masse terroriste, du dedans par ce que, supposément en leur nom, sa partie gouvernante inflige à ses parties gouvernées. Rendu en ce point, il n’y a pas trente-six solutions. Deux seulement. Ou bien, comme souvent, comme tout l’y a de longue date préparé, comme tout dans le fonctionnement des institutions l’y encourage encore, le peuple se précipite apeuré dans les bras de l’Etat de police et trouve réconfort dans un supplément d’asservissement. Ou bien le « goût de la franchise », comme dit La Boétie, lui revient par un sursaut d’indignation au tour de vis marginal qui passe les bornes.

 

On ne dira jamais assez que la « franchise » (la liberté), et la puissance du corps politique, se jouent dans l’espace public, tautologiquement le lieu du public, et de la chose publique. La politique n’a lieu qu’en réunion. C’est bien de cela que Sartre avait pris douloureusement conscience en observant, catastrophé, le renversement dans les urnes des affirmations politiques posées dans la rue (10). Car là où la rue réunit, le (bien-nommé) isoloir isole – et renvoie chacun à une condition monadique qui le coupe des solidarités concrètes de la politique réelle. Mais, isoler, n’est-ce pas par excellence ce que vise l’état d’urgence, qui indique le mieux ses intentions dans l’assignation à résidence : nous vous interdirons de vous rencontrer, nous vous interdirons de vous réunir, nous vous renverrons à votre tête-à-tête avec vos écrans. Et Spinoza ne saisit-il pas la chose même quand il écrit qu’« une Cité dont la paix dépend de l’inertie de sujets conduits comme du bétail pour n’apprendre rien que l’esclavage mérite le nom de solitude plus encore que celui de Cité (11) » ? L’Etat de police, c’est l’Etat de solitude. C’est l’impuissance collective organisée. L’urgence de l’état d’urgence, c’est de nous séparer pour nous impuissantiser.

 

Il est des parties du corps collectif qui ne veulent plus de ce destin d’impuissance. La seule solution de réveil du corps entier, c’est la leur. D’abord faire savoir dans l’espace public que non. Ensuite tenir le registre des exactions de l’état d’exception, leur donner par la narration détaillée une force affectante que jamais n’auront les abstractions de la dénonciation par idées générales des intellectuels – car en face, pas seulement à la tête de l’Etat d’ailleurs, il y a d’autres idées générales qu’on trouve tout aussi bonnes : « la sécurité », « les frapper », « la guerre de l’intérieur à gagner ». Ces idées générales, véritable compost à sondages de « l’union nationale », n’auront quelque chance d’être défaites qu’à la condition de les sortir de leur généralité pour en montrer les effets concrets. De ce point de vue le registre de la Quadrature du net ou, parmi tant d’autres, l’effarant récit de Rue89 (12), valent mille fois mieux que n’importe quelle tribune, à commencer par celle-ci. Et si l’on peut lui adjoindre des photos, des vidéos, du son, il en aura plus de force affectante encore. Paradoxalement, la photo de l’article de Libération – un jeune fouillé face contre mur, bras écartés, entourés d’une nuée de robocops, est glaçante au point de contredire radicalement l’intention minimisatrice du texte. Comme on sait, on n’a jamais rien trouvé de mieux contre les bavures policières que des images, face auxquelles même les amis les plus résolus de la police doivent aller puiser loin pour continuer de soutenir. Et, de même, les idées de la liberté n’ont-elles quelque chance de devenir efficaces qu’avec l’appui visuel de ce qui suscite immanquablement l’indignation.

 

Refuser par écrit, montrer par images, et puis reprendre l’espace public en actes. Nombreux tant qu’à faire, seule manière de ramener le pouvoir à l’essence LaBoétienne de sa condition : il est peu, nous sommes beaucoup – par conséquent, normalement… Mais bien sûr on sait tout ce qui s’oppose à ce « normalement… » Célébrant notre « mode de vie » et chantant la « liberté », l’Etat appuyé de tous ses supplétifs ne cesse de nous pousser dans la servitude. En effet c’est bien de manière de vivre qu’il est question dans toute cette affaire. La nôtre n’est ni celle des cinglés à kalach ni celle de l’état d’urgence à vocation de reconduction permanente. Cette manière ne peut être posée qu’en actes, c’est-à-dire dans la rue. Donc il faut aller dans la rue. Et puis nous verrons bien.

 

Post scriptum

À qui voulait accéder à l’idée de parti de l’ordre dans son concept le plus général, il suffisait, dimanche soir, d’ouvrir la télévision et de regarder BFM. Tout y était. La re-présentation de la manifestation interdite comme pur rassemblement de « casseurs », l’escamotage méthodique de tous ses attendus, notamment celui que ce rassemblement n’avait que secondairement pour objet la COP21, et pour motif principal l’état d’urgence (celui-ci interdisant de manifester en général, et pour celle-là en particulier), la fenêtre du duplex avec la préfecture où trônait une commissaire en uniforme dans un dispositif riant comme un JT nord-coréen, le média et la police dans un état de parfait unisson, de symbiose institutionnelle même, l’un relayant la voix de l’autre, et les deux ensemble faisant avec satisfaction le compte des gardés à vue. Il faudrait parfois que la chose qui se nomme elle-même « presse libre » se regarde. Mais autant demander à une bouse de se reconditionner en bougie parfumée.

 

Un gouvernement qui, mesurant toutes les conséquences, et même les désirant, ne retient plus sa police en lui ouvrant le mandat indéfini de l’état d’urgence est un gouvernement qui se voue tôt ou tard à l’indignité. Et telle est bien en effet la destination de celui-ci qui, déjà si couvert de honte, a décidé d’en explorer une dimension supplémentaire. Expert en montages symboliques frauduleux et en dévoiement des valeurs, le voilà qui, après avoir expliqué cet hiver que la loi Macron devait être votée au nom de l’« esprit du 11 janvier », s’est bruyamment scandalisé que des bougies du mémorial de la République aient pu servir de projectile à quelques manifestants contre les forces de police. Photos à l’appui, il semble que les rangers de la flicaille n’aient pas témoigné d’un respect excessif au mémorial non plus. Mais tout ceci, en réalité, n’a qu’une finalité : faire oublier qu’il n’y a de violence qu’à l’instant où un gouvernement interdit l’exercice de la liberté et rencontre des individus décidés à ne pas y renoncer tout à fait.

Frédéric Lordon

« Briser le cloisonnement des domaines de compétence, solliciter en même temps l’économiste et le poète, le sociologue et l’artiste ; chacun enrichit la compréhension des autres et ferme la porte à ce poison de la culture contemporaine : l’information-spectacle » Claude Julien, ancien directeur du « Diplo » Faire un don
 

(2) Discours à l’Assemblée Nationale, 19 novembre 2015, c’est le texte de Valls qui souligne.

(4) Discours à l’Assemblée Nationale, 19 novembre 2015.

(5) « C’est l’état d’urgence, la loi, ça existe plus », IAATA (Information Anti-Autoritaire Toulouse et Alentours), 28 novembre 2015.

(6) Olivier Picard, « Hommage national : Hollande a failli pleurer en direct. Cette vulnérabilité est une force », leplusnouvelobs.com, 28 novembre 2015.

(7) « A la qualité de son mental (sic), le président a ajouté une sensibilité qu’on lui déniait. Il a su trouver des mots, dans un très beau discours qu’il a écrit lui-même, en résonance avec l’âme à la fois blessée et combative des Français. Alors même si les larmes avaient coulé sur ses joues mordues par le vent froid (…) elles n’auraient pas été incongrues. (…) Cette capacité à mêler l’intime et le martial n’est pas seulement un beau sujet pour la presse. C’est une synthèse en image de l’originalité de la démarche française et de la geste de son président ».

(8) Mathieu Lindon, « Perquisitionnez-moi, ça grouille », Libération, 27 novembre 2015.

(9) « Etat d’urgence : ça ratisse large », Libération, 27 novembre 2015.

(10) Jean-Paul Sartre, « Elections, piège à cons », Les Temps Modernes, n°318, janvier 1973.

(11) Traité politique, V, 4.

(12) Benoît Le Corre, « Un jeune couple interpellé : seul les flics ont entendu le mot Daech » Rue89, 29 novembre 2015.

 

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 15:51

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

La liste des comptes Twitter à suivre pendant la COP21

 

 

 

Des officiels aux militants, en passant par les journalistes sur place : voici les comptes incontournables pour ne rien louper des coulisses de la grande conférence sur le climat qui se tient jusqu’au 11 décembre.

 

Ça y est, les chefs d’Etat ont quitté la COP21, les négociations peuvent commencer pour de vrai. On peut arrêter de filmer les grosses voitures officielles et les poignées de main protocolaires, et discuter du fond. Pour tout savoir de ce qui va se passer pendant les deux semaines qui suivent, on vous conseille ces comptes Twitter.

 
 

1 Les officiels

 

C’est rarement drôle, et mieux vaut souvent parler anglais ET avoir lu un ou deux dictionnaires de la COP pour les comprendre. Mais les suivre vous permettra de connaître toutes les grandes lignes de la négociation.

On vous conseille notamment le compte officiel @COP21, celui de Laurence Tubiana, ambassadrice française chargée des négociations, Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la convention cadre des Nations unies pour les Changements climatiques (UNFCCC) ou encore Ségolène Royal, la ministre française de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie.

 

 

Good morning, world. At entrance welcoming heads of state. We must, we can, we will

 

Sans les femmes, composantes de la société civile, il n'y a pas de mobilisation

 

2 Les militants

 

Beaucoup moins lisses, leurs tweets sont les poils à gratter de la COP21. Plus les négociations vont avancer, plus leur avis sera indispensable pour éviter la langue de bois.

Dans cette famille, on range l’auteure altermondialiste américaine Naomi Klein et l’économiste français d’Attac Maxime Combes.

 

A la , les réunions de négociation ne seront pas ouvertes aux ONG ! ça commence bien !

 

 

Only at the UN does it take 21 years to get to the "starting point"... https://twitter.com/ericholthaus/status/671301744144486400 

 

Du côté des ONG plus au cœur des négociations, on vous conseille les excellents Réseau action climat et Greenpeace.

 

Pendant ce temps-là, la pollution envahit les capitales chinoises et indiennes http://uk.reuters.com/article/2015/11/30/us-climatechange-summit-china-smog-idUKKBN0TJ0DG20151130 

 

 

 

Sans oublier 350.org , Alternatiba, et Avaaz et le compte du site alternatif pour la société civile, PlaceToB.
 

 
 

3 Les journalistes

 

Ils sont plus de 3 500 accrédités. On a choisi ceux qui connaissent bien les dossiers et tweetent en français. Dans l’ordre alphabétique, Aline Brachet de l’AEF, Audrey Garric, Remi Barroux et Stéphane Foucart du Monde, Isabelle Hanne et Coralie Schaub de Libération, Julie Rasplus de FranceTVInfo, toute l’équipe de l’excellent Terra eco et enfin Tristan Vey, du Figaro.

 

Poutine: "les forêts sont un element tres important de l'equilibre climatique."

 

 

 

Evo Morales : « Pour sauver le climat, c’est le capitalisme qu’il faut éradiquer » http://www.terraeco.net/Evo-Morales-Pour-sauver-le-climat,62733.html 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 15:38

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Opacité financière

Une « class action » de victimes de terrorisme cible BNP Paribas aux États-Unis

par

 

 

La banque française est poursuivie en justice par des victimes des attentats de 1998 contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es Salaam. Elles lui réclament 2,4 milliards de dollars de dommages et intérêts. En 2014, les autorités des États-Unis avaient infligé une amende de près de 9 milliards de dollars à BNP pour avoir notamment enfreint l’embargo qui visait le Soudan en réalisant des transactions liées au pétrole. Ce pays avait abrité des groupes d’Al Qaïda, ciblés en 1998 par des bombardements de l’armée américaine. Explications sur un nouvel imbroglio financier.

Après l’amende record de BNP Paribas aux États-Unis, un nouvel imbroglio frappe la banque : des victimes du terrorisme lui réclament des dommages et intérêts. En juin 2014, la plus grande banque française écope d’une amende de plus de 6 milliards d’euros (8,8 milliards de dollars) aux États-Unis pour avoir enfreint des embargos. Début novembre, un groupe de victimes d’attentats de 1998 devant les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, déposent à leur tour une plainte contre la banque l’accusant, dans le cadre de cette même affaire, d’avoir financé les groupes terroristes qui ont perpétré ces attaques. Leur objectif est d’obtenir 2,4 milliards de dollars de compensation de la banque française.

Quand la justice américaine annonce le montant de la pénalité infligée à BNP Paribas pour avoir contourné pendant des années les embargos des États-Unis à l’encontre de l’Iran, de Cuba et du Soudan, la presse française insiste alors sur la mise au pas de la banque tricolore par Washington. Car les sanctions, en tous cas pour Cuba, pouvaient sembler discutables. Mais les trois-quarts des transactions mises en cause dans l’affaire concernent non pas l’île castriste, mais le Soudan. Le pays est soumis à des sanctions américaines depuis 1997 pour des violations répétées des droits humains, des tentatives de déstabilisation des gouvernements voisins et un soutien au terrorisme international. En 2006, les États-Unis renforcent ces sanctions face aux violences continues, en particulier des violences sexuelles, perpétrées contre la population civile au Darfour, où règne la guerre civile depuis 2003. Dès lors, les États-Unis interdisent aussi les transactions de pétrole soudanais qui se feraient en dollars.

Quand BNP Paribas assistait le gouvernement soudanais

En juin 2014, BNP plaide coupable pour des faits ayant eu cours entre 2004 et 2012. Lexposé des faits indique que les transactions soudanaises ont été réalisées entre 2002 et 2007. « Des emails internes montraient que des employés de BNP Paribas exprimaient alors leur préoccupation sur le fait que la banque assiste le gouvernement soudanais, au regard de son rôle dans le soutien au terrorisme international et dans la violations des droits humains qui se produisaient au même moment », indique le département de la justice des États-Unis en juin 2014. En mars 2007, un employé écrit ainsi à un cadre du service juridique de BNP en lui rappelant que certaines banques soudanaises avec lesquelles traite BNP « jouaient un rôle pivot dans le soutien au gouvernement soudanais qui… a hébergé Oussama Ben Laden et refusé une intervention des Nations unies au Darfour. »

 

Aujourd’hui, c’est sur le volet du terrorisme et des transactions avec un gouvernement suspecté d’avoir abrité Al Qaïda que s’appuie une class action de victimes des attentats de 1998 pour demander des dommages et intérêts à BNP. Ces attaques à la voiture piégée avaient fait plus de 200 morts, dont une douzaine de citoyens états-uniens, et des milliers de blessés. Ils sont aujourd’hui 68 plaignants – des familles de personnes décédées et de blessés, tous états-uniens – à avoir rejoint l’action en justice. Ils demandent 2,4 milliards de dollars de dommages et intérêts à la banque française pour avoir facilité, en violant l’embargo américain, le financement du terrorisme au Soudan (lire ici le communiqué de presse de leurs avocats). Le Soudan a en effet un temps abrité des groupes d’Al Qaïda. En août 1998, quelques semaines après les attaques des ambassades en Tanzanie et au Kenya, l’armée américaine bombardait d’ailleurs des camps d’entraînement d’Al Qaïda situés au Soudan. Reste aux avocats de la class action de prouver que la banque était déjà impliquée auprès du régime ou d’institutions soudanaises en 1998. Car l’amende record pour laquelle BNP a plaidé coupable concerne des transactions postérieures aux attentats.

« L’exposé des faits, cosigné par BNP Paribas et le procureur des États-Unis, reconnaît les « méthodes opaques », les sociétés écrans et les « modes de paiement très complexes, sans aucun but légitime » utilisées par la banque pour masquer les destinataires des « paiements », rappelle Attac dans un communiqué, qui alerte sur les dangers que représente encore potentiellement la banque aujourd’hui avec ses multiples filiales dans des paradis fiscaux : « La présence massive de la banque dans les paradis fiscaux n’est pas de nature à nous rassurer. »

Le Crédit agricole et la Deutsche Bank dans le viseur

Sur le volet des violations des droits humains, une campagne internationale émanant de la société civile a déposé en septembre une requête auprès des autorités des États-Unis pour que l’amende versée par BNP serve aussi à aider les populations soudanaises qui ont souffert des abus du régime. La campagne demande ainsi qu’une partie de la pénalité soit consacrée à apporter une aide humanitaire aux réfugiés et aux déplacés internes dans le pays, « qui ont désespérément besoin d’assistance », ainsi qu’à des programmes de reconstruction.

D’autres grandes banques ont été rattrapées de la même manière par les autorités états-uniennes sur leurs transactions avec le Soudan et avec d’autres pays sous embargo. La plus grande banque allemande, la Deutsche Bank, s’est vue infliger une amende de 258 millions de dollars début novembre pour des faits similaires. La troisième banque française, le Crédit agricole, s’est vue notifier en octobre une amende de 787 millions de dollars, pour avoir réalisé entre 2003 et 2008 des transactions avec le Soudan, l’Iran, Cuba, et la Birmanie. Ce pays se trouvait alors encore sous le joug d’une junte militaire, qui, en 2007, réprime dans la violence un mouvement de contestation. Une enquête est toujours en cours sur la Société générale.

De quoi pousser les grandes banques à plus de prudence, de respect des sanctions internationales et de considération pour les droits humains sur les transactions opérées dans des zones d’instabilité, de développement de groupes terroristes et dans des pays sous régime autoritaire ? Comme nous l’écrivions il y a quelques jours (Voir l’article), la première banque française a, depuis son amende historique, renforcé son contrôle juridique sur les transactions qui risqueraient de venir financer l’État islamique. Elle serait aujourd’hui particulièrement vigilante à ne pas s’impliquer dans les pays voisins de la Syrie.

Rachel Knaebel

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 15:18

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

échauffement climatique

Une majorité de grandes entreprises françaises ne respecteront pas leurs engagements en matière d’émissions de CO2

par , Olivier Petitjean

 

 

 

Parmi les dix plus grosses entreprises sponsors de la COP21, une seule est en mesure de respecter les objectifs de réduction de CO2 fixés par l’Europe. C’est ce que révèle notre investigation, fruit d’un partenariat entre notre Observatoire des multinationales et le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne. Cette étude s’appuie sur les émissions réelles de dix grandes entreprises françaises et de leurs chaînes d’approvisionnement. Seule EDF est sur le bon chemin pour véritablement diminuer son empreinte carbone d’ici 2050. Renault obtient une note mitigée. Les plus mauvais élèves sont Engie (ex GDF Suez) et l’industrie du luxe (LVMH et Kering). La plupart des grands groupes préfèrent délocaliser leur pollution dans les pays émergents.

« L’économie française est déjà l’une des plus performantes au monde en matière d’émissions de gaz à effet de serre grâce à un mix électrique à très faible intensité carbone et grâce à la performance de ses entreprises », s’autocongratulent trente-neuf PDG de grandes entreprises françaises. Ils viennent de publier un « manifeste pour le climat » qui récapitule les engagements pris par chacune d’entre elles en matière de lutte contre le dérèglement climatique [1].

Les grandes entreprises font-elles mieux que les États en matière de réduction des émissions de CO2 ? Se conforment-elles à la feuille de route fixée par l’Union européenne ? Le respect des objectifs européens est nécessaire pour que le réchauffement global de la planète ne dépasse pas les 2°C à la fin du siècle. Ils sont progressifs dans le temps, jusqu’à atteindre 80% de carbone émis en moins en 2050 (par rapport aux émissions de 1990) [2]. Les entreprises jouent-elles réellement le jeu ? C’est à cette question qu’une étude exclusive, menée par notre Observatoire des multinationales en partenariat avec le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne), tente de répondre.

Dix des plus grandes entreprises françaises ont été passées au crible : Accor, BNP Paribas, Carrefour, EDF, Engie, Kering, L’Oréal, LVMH, Michelin et Renault. Nous les avons sélectionnées parce qu’elles figurent parmi les sponsors officiels de la COP21 et se doivent donc d’être exemplaires en matière en matière d’effort de réduction de CO2. Le rapport Gaz à effet de serre : doit-on faire confiance aux entreprises pour sauver le climat ? est l’une des rares études qui évaluent ce que font concrètement les entreprises pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et, plus généralement, leur rôle en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Un rôle que nombre de gouvernements estiment « essentiel », mais dont notre étude offre une évaluation pour le moins nuancée...

 

- Voir notre étude Gaz à effet de serre : doit-on faire confiance aux entreprises pour sauver le climat ?

 

Les entreprises examinées sont toutes cotées au CAC40 et affichent sans complexes leurs engagements pour le climat. Elles incarnent des secteurs économiques très divers : de la banque à l’automobile, de l’énergie au luxe, en passant par la grande distribution et l’hôtellerie. Leur profil d’émissions de gaz à effet de serre varie donc énormément. Pour certaines, c’est le cœur même de leur activité qui émet le plus de CO2, comme c’est le cas d’EDF et d’Engie pour produire de l’électricité en brûlant, entre autres, des énergies fossiles. Pour d’autres, ce sont les conséquences de leur activité bien davantage que leur activité elle-même : si le CO2 émis par le « travail de bureau » des 190 000 employés de BNP Paribas est relativement faible (déplacement des salariés et consommation d’énergie des agences et locaux), celui généré par les choix de la banque en matière d’investissement – financer de nouveaux gisements pétroliers par exemple – est très élevé. Idem pour Michelin, dont les principales émissions de CO2 sont liées à l’usage qui est fait de ses pneus. À l’inverse, les émissions de la grande distribution (Carrefour) ou des grandes marques de luxe (Kering, LVMH) dépendent d’abord de leurs chaînes d’approvisionnement en amont : agriculture, élevage, textile…

L’ensemble de ces périmètres est pris en compte dans notre investigation. Des notes ont été attribuées selon trois critères : la transparence des données fournies par chaque entreprise, sa prise en compte des émissions de l’ensemble de sa filière, et l’évolution de ces émissions au regard des objectifs définis par l’Union européenne. Les notes vont de un à quatre, du zéro pointé (en noir) au respect des principes affichés et objectifs fixés (en vert).

Seule EDF est sur le bon chemin pour l’échéance de 2050

Résultat : Parmi ces dix entreprises, une seule est aujourd’hui en mesure de respecter les objectifs officiels en matière de réduction de CO2. Et – surprise ! – il s’agit d’EDF. « Seule une entreprise, EDF, parvient à réduire son empreinte carbone globale conformément aux objectifs fixés par l’Union européenne. Le groupe a en effet la particularité de pouvoir agir sur une source prépondérante d’émissions de gaz à effet de serre, à savoir les énergies nucléaire, fossiles et renouvelables (alors que l’énergie nucléaire soulève toute une série d’autres questions). Elle a de plus bénéficié d’une conjoncture favorable (douceur accentuée des hivers) ces dernières années », pointe l’étude. Malgré un manque de transparence dans les données fournies, l’entreprise en partie publique est donc sur le bon chemin pour l’échéance de 2050, « à condition que le modèle de production d’électricité de l’entreprise se base à l’avenir sur des énergies renouvelables ayant fait la preuve d’un impact carbone largement réduit et présentant les risques et les coûts les plus faibles ».

 

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Les émissions d’EDF

Une autre entreprise obtient une note mitigée : Renault. Sur l’ensemble du cycle de vie de ses voitures, de l’extraction des métaux nécessaires jusqu’au recyclage d’un véhicule en fin de vie, Renault a réussi à baisser « significativement » – de l’ordre de 12% – ses émissions de carbone entre 2010 et 2014. Mais le scandale Volkswagen étant passé par là, et les émissions réelles des moteurs fabriqués par Renault étant très supérieures aux données officielles, « nous avons considéré ne pas pouvoir vérifier l’empreinte carbone chiffrée par Renault en l’état ».

Toutes les autres respectent « insuffisamment » la cible à atteindre pour réduire leur impact sur le climat, voire ne la respectent pas du tout, en émettant davantage de CO2 d’année en année. C’est le cas de trois entreprises : Engie, Kering et LVMH. Côté transparence, LVMH est bien noté : le leader mondial des produits de luxe « publie des déclarations d’émissions de gaz à effet de serre cohérentes et comparables sur une dizaine d’années » et affiche l’objectif de réduire les émissions de ses marques de champagne de 25% d’ici 2017. Mais l’entreprise dirigée par la plus grosse fortune française, Bernard Arnault, ne semble pas avoir entrepris d’actions sérieuses en amont de son activité : fibres naturelles et synthétiques dans le secteur textile, intrants chimiques dans la viticulture, élevage pour la production du cuir ou ingrédients naturels et artificiels entrant dans la composition des cosmétiques et des parfums. Les émissions de CO2 ont ainsi considérablement progressé sur toute la « chaîne de valeur » de LVMH, de la maroquinerie ou du textile jusqu’au recyclage des produits, bien loin des objectifs fixés par l’Union européenne.

 

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Les émissions de LVMH

Le constat est similaire pour les deux autres groupes de luxe, Kering et L’Oréal. Ce dernier fait partie des « bons élèves » pour ses activités de fabrication, mais n’a pas produit suffisamment d’efforts pour le transport et le recyclage. Quant à Engie (ancien GDF Suez), dont le profil est similaire à EDF, ses émissions de CO2 ont augmenté entre 2010 et 2014. « Sur cette période, le groupe ne parvient donc pas à se conformer à l’objectif de réduction défini par l’Union européenne », alors même que ses dirigeants n’ont procédé à aucune évaluation des activités amont et aval.

« Les résultats ne semblent pas à la hauteur des enjeux »

« Les grands groupes que nous avons analysés se sont clairement positionnés sur l’enjeu climatique, analyse Sylvain Ly du Basic. Ils communiquent depuis plusieurs années sur l’évolution de leurs émissions carbone et leurs engagements pour les réduire. Mais les résultats ne semblent ni à la hauteur des enjeux, ni à la mesure du pouvoir économique qu’ils ont acquis dans leurs secteurs respectifs. Ce dernier leur confère pourtant une responsabilité particulière, celle d’être à la pointe de la lutte contre le dérèglement climatique, comme ils ont su l’être pour certains produits et services auprès des consommateurs. »

Le groupe hôtelier Accor ne s’est pas privé, par exemple, d’afficher des objectifs ambitieux : réduire de 10% sa consommation d’énergie et ses émissions de CO2 en 2015, tout en augmentant la part des hôtels recourant aux énergies renouvelables. Il « a été précurseur dans le secteur de l’hôtellerie pour l’évaluation de son empreinte environnementale globale », souligne le Basic. Problème : la transparence des données fait défaut et près de la moitié des hôtels de l’enseigne ont été « oubliés ». Sur les 3717 hôtels du groupe, moins de la moitié – 1708 établissements – ont été évalués. Les autres ne sont donc pas pris en compte dans l’empreinte carbone du groupe, en particulier les hôtels sous franchises, bien qu’ils arborent la marque Accor et génèrent des revenus. La consommation énergétique des hôtels représentent pourtant les deux tiers des émissions de CO2 de l’entreprise. Le groupe peut donc agir très directement pour les réduire. Mais si l’on prend en compte la restauration hôtelière – les produits agricoles nécessaires à cette activité – ainsi que la gestion des déchets générés par les hôtels, les émissions du groupe ont progressé de 28% entre 2011 et 2014. Bien loin de ses ambitions.

Agriculture bio et commerce équitable : des exemples à suivre

Pourquoi cette difficulté – ou cette absence de volonté – des grands groupes à réellement estimer leurs émissions réelles de CO2 et à identifier là où il serait le plus efficace d’agir ? D’autres filières arrivent pourtant à maîtriser l’ensemble de leur chaîne de production : dans l’agriculture biologique ou le commerce équitable, la nécessité de prendre en compte les fournisseurs est bien ancrée. Il est impossible pour une entreprise de bénéficier d’un label bio ou équitable si l’environnement ou les droits des travailleurs ne sont pas respectés sur tous les maillons de la chaîne. Dans la grande distribution, Carrefour, dont plus des trois quarts des émissions de CO2 se situent en amont de la vente en supermarché, pourrait mettre en place de telles procédures. Mais ses « filières qualités » ne s’appuient sur aucune quantification précise en matière d’émissions de carbone. Chez BNP Paribas, qui finance allègrement les énergies les plus polluantes (lire notre article), la seule initiative mise en avant par la direction est d’agir sur les « modes de déplacement » de ses salariés, une composante très marginale de ses émissions.

 

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Les émissions de BNP Paribas
Délocaliser plutôt que réduire ses émissions de CO2

Autre grave carence : glisser discrètement sous le tapis ses émissions de CO2 en les externalisant en dehors des frontières de l’Union européenne. Une récente note du Commissariat général au développement durable attire l’attention sur les émissions « cachées » des Français, celles qui ne sont pas comptabilisées dans les émissions nationales mais qui sont générées par tous les produits et services importés. Ces émissions indirectes – en constante augmentation depuis 1990 – représenteraient l’équivalent de la moitié des émissions domestiques de la France. Même constat au niveau européen : si l’Union semble bien partie pour dépasser ses objectifs de réduction pour 2020 (-25% environ au lieu de -20%), c’est au prix d’une délocalisation de ses émissions vers la Chine ou le Brésil. Leur prise en compte effacerait les deux tiers des progrès réalisés ! « En réalité, nos émissions ont très peu diminué car nous importons toujours plus de produits qui génèrent des émissions croissantes et non comptabilisées, souligne Christophe Alliot du Basic. De même, à l’échelle d’une entreprise, suivre ses émissions de gaz à effet de serre isolément de ce qu’elle génère en amont, mais aussi en aval, revient à se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt. »

Avec leur capacité à internationaliser tout ou partie de leur chaîne de production, les grands groupes sont les moteurs de la dissimulation de ces émissions dans les pays pauvres et émergents. Ce faisant, ils se défaussent de leur contribution au réchauffement climatique sur leurs fournisseurs ou sous-traitants, tout en prétendant la réduire. Le même type de délocalisation est ainsi à l’œuvre dans le domaine environnemental qu’en matière sociale (salaires, droits des travailleurs) ou fiscale (optimisation).

Dans leur communication publique, ces grandes entreprises rivalisent d’optimisme. L’absence de standards communs leur permet de moduler leurs déclarations pour ne rendre visible que les chiffres les plus flatteurs et cacher ceux qui fâchent. Certaines firmes mettent en avant la réduction relative de leurs émissions – comme Michelin, par tonne de pneus produits – sans mentionner le fait que leur production globale continue dans le même temps à augmenter, annulant les gains environnementaux éventuels. D’autres, comme EDF et Renault, n’hésitent pas à communiquer sur leurs produits « sans CO2 » ou « zéro émission », en contradiction avec leurs propres déclarations d’émissions (lire notre article sur le cas d’EDF).

L’enjeu climatique dépasse-t-il les entreprises ?

Comme le montre malheureusement notre investigation, cet optimisme ne résiste pas à l’épreuve des faits, encore moins si l’on considère le long terme. Plusieurs entreprises seraient en mesure d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions fixés par l’Union européenne sur le court terme (pour 2020, voire 2030), en améliorant leur efficacité et en mettant en place les mesures les plus accessibles. Il n’en est plus de même à l’horizon 2050. Pour atteindre les objectifs de long terme (-80% d’émissions), la plupart des entreprises comptent sur de futurs « sauts technologiques », très hypothétiques et soulevant de nouveaux problèmes. Dans le cas de Renault, ce sera la voiture électrique. Les études disponibles suggèrent cependant qu’elle ne permettra, dans le scénario le plus optimiste, que de réduire de moitié l’empreinte carbone globale du groupe automobile. D’autres « sauts technologiques » paraissent encore plus incertains, à l’image de la capture et de la séquestration du carbone [3] ou du nucléaire, qui pose d’évidents problèmes de sûreté et de coûts.

Lutter efficacement contre le dérèglement climatique requiert une transformation structurelle de nos économies sur le long terme. Concevoir des véhicules de plus en plus écologiques si l’on n’agit pas en parallèle sur la place de la voiture dans nos sociétés risque d’être vain. Difficile d’attendre des entreprises qu’elles se saisissent d’enjeux qui pourraient les amener à remettre en cause leurs modèles économiques et les profits qu’il génèrent, voire leur existence même. On finit par se demander si le gouvernement français et les Nations unies, en insistant autant sur les « solutions » apportées par le secteur privé, ne cherchent pas à se défausser à bon compte de leur propre responsabilité. Face à l’enjeu climatique, l’action publique reste incontournable.

Olivier Petitjean et Ivan du Roy

Infographies : Basic
Photo : CC Gilbert Rodriguez


- Lire le rapport du Basic et de l’Observatoire des multinationales : Gaz à effet de serre : doit-on faire confiance aux grands groupes pour sauver le climat ?
- Un résumé de l’étude est disponible ici

Notes

[1À lire ici.

[2Plus précisément, ces objectifs sont de -20% en 2020 (ce qui sera largement atteint), de -30% en 2030, -50% en 2040 et -80% en 2050. Ils ne s’appliquent pour l’instant de manière contraignante qu’aux États, mais chaque acteur de la société – collectivités, simples citoyens et entreprises – sont appelés à jouer leur rôle pour atteindre cet objectif.

[3Le rapport note que « l’industrie européenne du ciment, par exemple, met en avant une série de mesures pour satisfaire aux exigences européennes qui lui permettront, selon elle, de réduire ses émissions nettes de 32% à l’horizon 2050. Pour atteindre l’objectif de -80%, elle déclare donc compter sur des « technologies de rupture », en l’occurrence la capture-séquestration du carbone. »

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 14:49

 

Reçu par mail

 

 

Une cinquantaine de marcheurs et environ 200 personnes au pique-nique
 
Voici les liens qui vous permettront de visionner les deux reportages qu’ont consacré TVSud et France 3 Pays Gardois à notre mobilisation qui , malgré les embûches « sécuritaires », a été une  réussite. Entre 100 et 150 personnes ont participé au pique-nique sur St Hilaire qu’un tiers d’entre elles ont rejoint à pieds. 
 
http://www.tvsud.fr/  (sur le site, il faut afficher "Alès" dans l'onglet ville/code postal pour trouver la vidéo)
>

 

( cliquer sur le JT du 30/11/2015)
Midi Libre, Radio escapades, France Bleue Gard Lozère….  ont également fait des articles ou reportages .
 
En prime, ci-dessous, un aperçu d’une partie du cortège qui a effectué la marche d’Alès à St Hilaire.
 
 
Un commentaire également à propos de l’interdiction préfectorale; rappelons que celle-ci a été prise pour deux raisons:
 
- la cible potentielle pour des actes de nature terroriste que pourraient constituer les rassemblements et cortèges
 
- la mobilisation des forces de l’ordre sur les missions prioritaires et la sécurisation du territoire dans le cadre du plan Vigipirate, les effectifs des forces publiques de sécurité n’étant pas en mesure de garantir la sécurité des manifestations.
 
Le déroulement des faits:
 
Le rassemblement et la marche programmés avaient fait l’objet d’une déclaration de manifestation auprès de la sous-préfecture. Le déroulement de la marche avait été cadré lors d’une rencontre avec un membre de la police nationale à Alès, le mardi 22. Aucun obstacle n’avait été évoqué et deux véhicules de police devaient assurer la sécurité du cortège sur la voie publique, en tête et queue de celui-ci.
 
Dimanche matin, lorsque les personnes rassemblées sur la place de la mairie d’Alès se sont mises en route, elles ont pu observer le ballet incessant des véhicules de police, puis de gendarmerie, depuis le départ d’Alès jusqu’à St Hilaire où la gendarmerie est venue au moins 2 fois, au début et à la fin du rassemblement. (Un membre des R.G. qui avait “accueilli’ les marcheurs, place de la mairie, s’est lui aussi rendu à St Hilaire.) Dans le même temps, des centaines de personnes étaient réunies sans protection particulière sur le bord du gardon d’Alès pour les puces, ou aux Près St Jean pour le grand marché dominical...
 
Preuve est donc faite, si besoin est, que:
 
- les forces de l’ordre étaient parfaitement disponibles ce jour-là, et qu’elles n’avaient de surcroît rien d’autre à fiche que de se consacrer, avec un zèle évident, à la surveillance d’une cinquantaine de marcheurs, parfaitement disciplinés.
 
- que l’interdiction préfectorale n’avait d’autre but que de museler l’expression citoyenne avant l’ouverture de la COP21.
 
(P.S: en anglais, cop = flic et c’est bien le flicage généralisé, avec son cortège de perquisitions, arrestations, gardes à vue, assignations à résidence pour des militants sans lien aucun avec le terrorisme qui marque l’ouverture de cette conférence)
 
A notre prochaine rencontre,
 
Le bureau de l’association
 
 
 
 
Cet album comporte 2 photos et restera disponible sur SkyDrive jusqu'au 29/02/2016.

 

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 14:37

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Air France: premier passage au tribunal des salariés accusés de «violences»
1 décembre 2015 | Par Dan Israel
 
 
 

Cinq salariés sont poursuivis pour « violences en réunion » devant la justice. Parallèlement, l'entreprise a lancé des procédures de licenciement, mais le premier licencié n'est pas mis en cause par la justice. Avocats et syndicats dénoncent le manque de preuves.

Dans la salle d’audience, l’embarras devrait être sensible. Et au-dehors, la colère palpable. Ce mercredi, une quinzaine de salariés d’Air France sont convoqués devant le tribunal de grande instance de Bobigny, à la suite des échauffourées qui ont entouré le comité central d’entreprise le 5 octobre. Les images du DRH, Xavier Broseta, et du responsable des vols longs-courriers, Pierre Plissonier, chemises déchirées, obligés de passer les hautes barrières de sécurité pour se dégager d’une foule de salariés en colère, ont fait le tour du monde. La réaction judiciaire avait été sévère : à la suite de la dizaine de plaintes déposées par la compagnie et ses employés, six salariés avaient été interpellés le 12 octobre, la plupart à leur domicile à six heures du matin. Et ce, avec l’appui marqué du gouvernement.

Un des salariés a été depuis mis hors de cause. Les cinq autres (dont un délégué syndical) comparaîtront dans l’après-midi pour « violences en réunion ». Neuf autres seront, eux, poursuivis pour dégradations, accusés d’avoir forcé un portail d’accès au siège de la compagnie, à Roissy, pendant le CCE. Parallèlement au volet judiciaire, une procédure disciplinaire est en cours à Air France, et cinq salariés se sont vu notifier leur licenciement.

 

Xavier Broseta escorté par des vigiles, le 5 octobre. © Reuters - Jacky Naegelen Xavier Broseta escorté par des vigiles, le 5 octobre. © Reuters - Jacky Naegelen

 

Mediapart peut d’ailleurs révéler que ces deux procédures ne sont pas identiques : le premier salarié licencié par Air France, qui a reçu sa lettre vendredi, n’a en fait pas été mis en cause par les enquêteurs, et ne sera pas jugé. Autrement dit, Air France a trouvé assez d’éléments à son encontre pour se séparer de lui, mais la justice n’a pas estimé qu’il était condamnable pénalement. L’information est confiée par Lilia Mhissen, l’avocate de onze des salariés poursuivis. L'entreprise confirme qu'un employé en procédure de licenciement n'est pas visé par la justice. Inversement, un des hommes poursuivis en justice pour violences l’a été à la suite d'une plainte d’un vigile, mais il ne fait l’objet d’aucune procédure de la part d’Air France.

Durant l’audience à Bobigny, l’affaire ne sera pas jugée sur le fond, la juge se bornant à renvoyer le dossier à la fin mai. Elle a fait savoir aux parties concernées (en informant les avocats des salariés après que l’info a fuité dans la presse) qu’elle ne souhaitait pas juger le dossier seule, et qu’elle préférait qu’il soit renvoyé devant une formation de trois juges, habituellement réservée aux affaires plus graves. Bien que les salariés d’Air France risquent trois ans de prison au maximum, la magistrate a sans doute jugé bon de laisser passer un peu de temps, et de ne pas porter seule le poids de cette affaire devenue emblématique.

 

Il est vrai que l’ambiance risque d’être lourde devant le tribunal. La CGT, dont sont membres les cinq salariés poursuivis pour violence, a appelé à une mobilisation sur le parvis dès midi ce mercredi. Elle est appuyée par une large intersyndicale, composée notamment de FO, SUD Aérien et les syndicats de pilotes minoritaires Spaf et Alter. La CFDT et la CFE-CGC ne soutiennent pas cette action. La CGT, FO et SUD Aérien appellent en parallèle les salariés à faire grève. Interrogé par Mediapart, Mehdi Kemoune, secrétaire de la fédération transports CGT, indique que le rassemblement a été autorisé par la préfecture de Seine-Saint-Denis, et annonce la présence de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, ainsi que de Jean-Luc Mélenchon. « Nous espérons réunir 3 000 personnes », signale-t-il. SUD PTT et Solidaires ont annoncé qu'ils seraient présents.

« Nous estimons que les procédures judiciaires et disciplinaires sont totalement disproportionnées, explique Jérôme Beaurin, représentant de SUD Aérien. Habituellement, la direction attend les décisions judiciaires avant de lancer les licenciements. Dans ce cas, la direction s’est dépêchée d’enclencher les procédures. Nous ne comprenons pas cette stratégie, sauf à y voir une attaque contre les salariés. » L’intersyndicale n’a pas digéré que Manuel Valls traite les employés d’Air France de voyous, alors que l’entreprise entend toujours faire baisser les effectifs de 2 900 personnes… et qu’elle vient d’annoncer des bénéfices records de 480 millions d’euros pour le troisième trimestre. Le plan d’économies annoncé n’est de toute façon pas présenté comme nécessaire à la survie de l’entreprise, mais comme devant la remettre dans le peloton de tête des compagnies aériennes les plus compétitives.

Face aux accusations de brutalité, l’entreprise déclare avoir lancé pour chaque employé « une procédure juste, équitable et proportionnée » et avoir « tout mis en œuvre pour écouter les salariés concernés ». Au départ, six salariés devaient être licenciés, mais la procédure a été abandonnée pour l’un d’entre eux. Une demande d’autorisation de licenciement du représentant syndical mis en cause a par ailleurs été adressée à l’inspection du travail. Onze autres salariés, accusés de dégradations, ont écopé de deux semaines de mise à pied avec retenue de salaire. Et deux pilotes, à qui l'on reproche d’avoir utilisé leur badge pour faire entrer les manifestants dans le bâtiment abritant le CCE, sont aussi mis en cause, mais devaient faire l’objet d’un entretien hiérarchique avant que l’entreprise ne se penche sur leur sort.

Les actions lancées par l’entreprise comme les procédures judiciaires se fondent principalement sur les images vidéo des événements du 5 octobre, issues des caméras internes, mais aussi pour certaines des rushs fournis par quelques chaînes de télévision présentes sur place. Or, selon les syndicats, « aucune des vidéos des salariés incriminés ne montre de violences physiques à l’encontre de qui que ce soit ». C’est ce qu’affirme également l’avocate Lilia Mhissen : « Aucun personne renvoyée devant le tribunal n’a arraché la chemise de Xavier Broseta, aucune n’a porté de coup », martèle-t-elle. Elle va jusqu’à affirmer que l’entreprise a « pris cinq personnes au hasard pour les licencier ». « Il y a une dimension politique, une volonté de montrer une grande sévérité, qui sont parfaitement injustes pour les salariés concernés », estime l’avocate, qui demande la relaxe pour tous ses clients, estimant que rien ne permet de les faire condamner.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 14:31

 

Recu par mail

 

*Info malheureusement un peu tardive mais lutte toujours d'actualité

 

 

Pour info, nous appelons à nous rassembler mercredi 2 décembre, à 12h, devant le Palais de justice de Nîmes, en soutien aux salarié-e-s en lutte d'Air France et en particulier aux syndicalistes licenciés suite à l'"affaire des chemises" des DRH. 
 
Ci dessous en lien, une petite vidéo que nous  avons réalisé  sur la lutte en cours à Air France, avec comme axe central l'interview de Léon Crémieux, co-fondateur de SUD aérien. 
 
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