L’affaire est connue : tournant le dos à ses promesses du Bourget, François Hollande s’est employé, pendant son mandat, à défendre les intérêts des grandes banques françaises et de la place financière de Paris. Dans une période pourtant favorable à la régulation financière, il a désamorcé toute velléité de réforme bancaire ambitieuse, sur le plan français comme européen. Il a aussi freiné des quatre fers le projet de taxe européenne sur les transactions financières.

Il est difficile d’estimer le rôle joué par Emmanuel Macron, conseiller de François Hollande, secrétaire général adjoint à l’Elysée, puis ministre des Finances, dans la volte-face de celui qui se disait «l’adversaire de la finance». Mais il suffit de considérer les prises de position du désormais favori à la présidentielle pour constater ses bonnes dispositions à l’égard des marchés.

Dans un entretien publié dans Libération le 24 mars, Emmanuel Macron annonce la couleur : pour lui, la taxe européenne sur les transactions financières (TTF) «n’est pas la priorité». Le candidat considère que les négociations autour du Brexit pourraient sonner le glas de la TTF. Alors que les négociations de cette taxe abhorrée par les banques françaises et les marchés s’enlisent, cette déclaration sonne comme un mauvais présage.

Lobbies financiers

D’autant qu’Emmanuel Macron avait déjà pris des positions tranchées sur les questions de régulation financière. Lors d’un débat organisé par la Confédération des PME le 6 mars, il annonce qu’il souhaite assouplir les règles qui ont été imposées aux banques et assureurs après la crise financière. Celles-ci n’auraient «qu’un objectif de réduction du risque» et les auraient «désincité à financer l’économie». Or c’est précisément le discours des lobbies financiers, qui dénoncent la réglementation financière pour mieux faire l’impasse sur le rôle néfaste de la spéculation ou de la rigueur budgétaire sur l’économie.

Autre aspect et pas des moindres : la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Pour Emmanuel Macron, il faut le «réformer en profondeur» en supprimant «la part qui finance l’économie réelle», et en particulier la détention d’actions, pour en faire un «impôt sur la rente immobilière». L’impôt sur le patrimoine immobilier représente pourtant la partie la plus «injuste» de l’ISF. Il arrive que, suite à un héritage et du fait de la hausse des prix de l’immobilier, des ménages modestes soient assujettis à l’ISF. La détention d’un patrimoine important sous forme d’action est, quant à elle, synonyme de «vraie» richesse. Mais pas forcément de financement de l’économie ! Depuis les années 2000, la contribution des marchés d’action au financement de l’économie est quasi-nulle en France. Il s’agit donc ni plus ni moins d’amputer l’ISF de sa part la plus significative, pour des motifs fallacieux ! Et pour le plus grand bénéfice des actionnaires.

Une politique de rigueur douloureuse

Ces mêmes actionnaires ont dû accueillir avec ravissement la proposition d’Emmanuel Macron de supprimer la progressivité de l’impôt sur les revenus du capital – c’est-à-dire sur les intérêts, les dividendes… Le candidat propose par ailleurs de baisser le taux d’impôt sur les sociétés de 33,3% à 25%, indistinctement de la taille de l’entreprise. Pourtant, le poids de l’impôt sur les sociétés est en France l’un des faibles parmi les pays avancés, en raison de l’«optimisation» des grandes entreprises qui profitent d’une assiette mitée par de nombreuses niches fiscales.

Bref, Emmanuel Macron souhaite multiplier les dépenses fiscales au bénéfice des actionnaires et des plus riches, tout en imposant une politique de rigueur douloureuse pour le reste de la société ; à l’inverse, un rapport publié cette semaine montre qu’il serait possible de récupérer près de 200 milliards d’euros pour financer les services publics et les urgences écologiques et sociales, notamment grâce à une véritable TTF et à la lutte contre l’évasion fiscale.

Encore un effort, M. Macron, pour ne pas apparaître comme le candidat de la finance !

Dominique Plihon Professeur émérite en sciences économiques à l'université Paris-XIII , Frédéric Lemaire Doctorant en économie à l'université Paris-XIII, membre d'Attac