LEMONDE.FR | 02.01.12 | 13h04
Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste.AFP/FRANCK FIFE
La gauche se montre vivement opposée à la mise en place d'une "TVA sociale", défendue – sans la nommer – par Nicolas Sarkozy samedi 31 décembre 2011 à l'occasion de la présentation de ses vœux aux Français. Pour assurer la pérennité du financement de la protection sociale, le président a évoqué la possibilité d'instituer une nouvelle fiscalité "anti-délocalisation" qui comprendrait une TVA relevée sur les produits fabriqués hors de France. La mesure pourrait faire l'objet d'un projet de loi de finances rectificatif pour le début du mois de février.
Le principe d'une telle réforme, formulée dès le début des années 1980, consiste à transférer une partie du financement de la protection sociale sur la consommation – via la TVA, qui est un impôt indirect – afin de faire baisser les charges salariales et patronales. Elle est censée réduire le coût du travail et renforcer la compétitivité des entreprises françaises.
>> Lire le décryptage : Comment appliquer la TVA sociale ?
La mesure avait été prônée par Jean-Louis Borloo juste avant le second tour des élections législatives de 2007, puis enterrée après une vive polémique avec le PS. Si le concept est aujourd'hui repris dans le projet de programme de l'UMP pour 2012 – qui propose "un transfert sur cinq ans des allocations familiales vers une fiscalité anti-délocalisation" – et est défendu deplus plusieurs mois par des responsables de l'actuelle majorité, de Jean-François Copé à Hervé Novelli, il est vivement rejetée à gauche.
HAMON : "CELA SE TRADUIRA" PAR UNE BAISSE DE POUVOIR D'ACHAT
Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, s'est dit "totalement opposé" à cette mesure, lundi 2 janvier. "On nous dit que, pour baisser le coût du travail et espérer une hypothétique augmentation de votre salaire, on va baisser les cotisations sociales et les transférer sur le consommateur, qui va donc payer plus cher ce qu'il achète pour que nos entreprises soient plus compétitives", a-t-il déclaré sur France Inter.
"La stratégie qu'on mène depuis vingt ans, c'est, afin d'être plus compétitifs, de baisser le coût du travail. Est-ce que cela s'est traduit par des augmentations de salaires jusqu'ici ? Non. Est-ce que cela se traduira (cette fois-ci) par des augmentations de salaires en période de crise, évidemment que non", a-t-il ajouté. "Diminuer les cotisations payées par les employeurs pour financer la protection sociale" via la TVA sociale fera baisser le pouvoir d'achat des Français, a assuré M. Hamon.
Même tonalité chez Michel Sapin, chargé du projet présidentiel de François Hollande, qui dit "non à cette TVA anti-sociale". Augmenter la taxe sur la valeur ajoutée serait "une faute économique et sociale" de la part de Nicolas Sarkozy, qui "veut alléger les charges des entreprises en faisant payer ces charges par l'ensemble des Français", a déclaré l'ex-ministre de l'économie, lundi, sur BFM TV-RMC. François Hollande "proposera des mesures de baisse du coût du travail, mais pas en reportant ce coût sur l'ensemble des consommateurs". C'est donc "non à cette TVA anti-sociale", a dit M. Sapin.
"Si Sarkozy fait la TVA sociale, nous reviendrons évidemment dessus si nous gagnons", a affirmé de son côté Vincent Peillon, proche de François Hollande, lundi, sur Radio classique/Public Sénat.
Mi-décembre 2011, Marisol Touraine, responsable du pôle "social, santé" dans l'équipe de campagne de François Hollande, avait déjà manifesté son opposition à ce concept, qu'elle jugeait "tout sauf social", et exposait d'autres pistes pour financer la protection sociale.
>> Lire la tribune : "Rétablir une gestion responsable des finances sociales"
Au sein du PS, tous les candidats à la primaire avaient rejeté le principe d'une telle mesure, sauf Manuel Valls. L'actuel directeur de la communication du candidat Hollande, se disait favorable à une "TVA protectivité". "On peut faire un pilotage intelligent et souple, par exemple, en ciblant les produits de luxe et ceux d'importation qui mettent nos industries en difficulté en créant un taux à 25 %", expliquait-il au Monde.fr, en septembre. Aubry, Royal, Montebourg... Ses concurrents jugeaient alors sa proposition pénalisante pour les plus modestes.
Sans se montrer favorable à l'idée, le candidat socialiste, François Hollande avait évoqué en septembre 2011, lors du second tour de la primaire socialiste, la piste d'une "contribution écologique qui permettrait de se substituer à la taxe sur le travail".
"Il n'est plus possible d'alourdir le coût du travail quand notre balance commerciale est à ce point dégradée. C'est pourquoi je propose un basculement des cotisations patronales de la branche famille vers des prélèvements d'Etat (notamment par la fiscalité écologique)", avait préconisé le mois précédent, le député de la Corrèze, dans une tribune au Nouvel Observateur.
MÉLENCHON : "LA MOINDRE MARCHANDISE COÛTERA PLUS"
Le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, s'est également déclaré hostile à une "TVA prétendument sociale". Cette idée, "vous la trouverez moins bonne le jour où vous verrez que la moindre marchandise que vous voulez acheter vous coûtera 2 ou 3 points de TVA de plus qu'aujourd'hui", a-t-il fait valoir, lundi, sur France Info.
"Quelle mauvaise plaisanterie. Si l'on veut lutter contre la délocalisation, il faut empêcher que les entreprises délocalisent pour profiter du 'dumping social', c'est-à-dire du fait que des marchandises coûtent moins cher ailleurs parce que le travail y est moins bien payé et produit dans des conditions environnementales lamentables", a-t-il poursuivi. En alternative, M. Mélenchon a appelé à la mise en place de "visas d'entrée aux marchandises" pour rééquilibrer les échanges commerciaux.
Du côté du MoDem, on ne s'est pas encore prononcé clairement sur le sujet. Pour l'heure, François Bayrou ne se dit pas convaincu par une telle mesure, contrairement à certains de ses partisans.
Début novembre 2011, le sénateur centriste Jean Arthuis, soutien de M. Bayrou, a lancé, dans les colonnes du Monde : "Osons le débat sur la TVA anti-délocalisation". "C'est une illusion de laisser croire qu'il y a des impôts payés par les entreprises et d'autres payés par les ménages. Les impôts payés par les entreprises finissent par se retrouver dans le prix demandé aux ménages. Et imposer la production, c'est organiser méthodiquement la délocalisation des entreprises et des emplois. D'où l'idée d'une TVA que l'on peut appeler sociale, anti-délocalisations, ou autrement, peu importe", expliquait l'ancien ministre des finances de 1995 à 1997.
Marine Le Pen, candidate FN à la présidentielle, s'est également dite opposée à cette mesure. En réaction aux vœux de Nicolas Sarkozy pour 2012, samedi soir, elle a critiqué "une nouvelle promesse" qu'elle juge "très inquiétante : celle de la TVA sociale qui va toucher en priorité les classes populaires et les classes moyennes".
Alexandre Lemarié