Créé le 03-01-2012 à 15h00 - Mis à jour à 16h25
Par Le Nouvel Observateur
Qu'est-ce que la TVA sociale ? A qui profiterait-elle ? Pourra-t-elle être adoptée avant la présidentielle ? Décryptage par Donald Hébert et Laura Thouny.
Cet impôt n'a de social que le nom. Son principe est simple : il consiste à baisser les cotisations sociales, payées par les entreprises pour financer la Sécurité sociale. Et à augmenter la TVA, la taxe sur la valeur ajoutée, dont s'acquittent les consommateurs lors d'un achat.
L'objectif du gouvernement : alléger le coût du travail pour les entreprises produisant en France, tout en maintenant le même niveau de financement pour la Sécurité sociale.
Les entreprises sont censées répercuter cet allégement en baissant leurs prix. Ce qui compenserait la hausse de la taxe pour le consommateur.
Conséquence : les prix ne devraient augmenter que pour les produits importés, les fabricants étrangers ne bénéficiant pas de cet allègement de charges. Plus compétitives, les entreprises implantées en France y gagneraient. En théorie.
Aux entreprises. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Medef, syndicat patronal, la défend avec ferveur. Le risque est d'ailleurs qu'elles en profitent trop, en ne répercutant pas totalement la baisse des cotisations sociales sur leurs prix.
"Les baisses de TVA à 5,5% dans les travaux immobiliers en 1999 et dans la restauration en 2009 n'ont été répercutées qu'à 57% et 60%", affirme Christiane Marty, de la fondation Copernic, dans une tribune à "Libération". "Les entreprises en profitant pour augmenter les taux de marge et les dividendes versés."
Pas évident. En favorisant les entreprises produisant en France, la mesure semble favoriser l'activité sur le territoire. Cependant, le coût du travail, ou la fiscalité, n'est pas le seul critère pour le choix d'une localisation de la production.
Par ailleurs, le coût du travail en France n'est pas, selon de nombreux économistes, à l'origine de la désindustrialisation française. Pour preuve, le coût de l'heure de travail dans l'industrie manufacturière était de 35,1 euros en Allemagne et de 35,4 en France en 2011, contre 26,1 en Italie, et 29,5 dans la zone euro, selon Eurostat. Ce qui n'empêche pas l'Allemagne d'être le premier exportateur en Europe.
De plus, la hausse de 2 points de la TVA pour l'ensemble des produits et de 0,75 points de CSG - comme le préconise le scénario minimal du Medef - ne suffira pas à rendre plus chères les importations de Chine, où le coût de production est parfois 30 fois inférieur.
Enfin, il n'y a plus de production française dans de nombreux secteurs. Faute d'alternative, le consommateur sera ainsi obligé de consommer le produit importé, majoré.
Bien que la TVA touche l'ensemble des consommateurs de la même manière, les plus bas revenus seraient les plus touchés par cette mesure. En effet, rappelle Mathieu Plane dans La Tribune, 10% des revenus les plus bas acquittent 11,5% de la TVA, et les 10% les plus élevés n'en supportent que 5,2%.
Coup de com' ou projet de loi adopté in extremis avant la présidentielle ? La majorité veut avancer vite sur la mise en place d’une TVA sociale. "Nous allons la faire et nous allons la faire avant l'élection présidentielle", affirme la ministre du Budget Valérie Pécresse ce mardi 2 janvier, après la sortie de Xavier Bertrand sur France 2.
Lors de ses voeux aux Français, Nicolas Sarkozy avait évoqué l’échéance du sommet social prévu le 18 janvier prochain pour aborder "le financement de notre protection sociale", promettant que des "décisions importantes" seraient prises juste après.
Une telle mesure pourrait donc être présentée devant le Parlement dès le mois de février. Pas sûr toutefois qu’elle franchisse l’étape du Sénat avant l’élection, celui-ci ayant basculé à gauche en septembre. "Il faut ‘cranter’ le sujet en faisant la preuve de notre détermination, même si l’entrée en vigueur de la réforme pourrait être postérieure à la présidentielle", confie de fait un membre du gouvernement aux "Echos" ce mardi.
A quatre mois de la présidentielle, le gouvernement semble vouloir afficher sa détermination sur le thème de la compétitivité et de la sauvegarde de l’emploi. Avec le retour du "produire en France" dans le débat politique, remis à l’ordre du jour par François Bayrou, la "TVA anti-délocalisation" apparaît soudainement dans l’air du temps pour l’UMP.
En 2007, Jean-Louis Borloo avait pourtant fait perdre une cinquantaines de sièges à la droite à l'Assemblée, en glissant que le gouvernement y songeait. Depuis, seuls le centriste Jean Arthuis et le chef de l'UMP Jean-François Copé se risquaient vraiment à défendre cette mesure largement impopulaire.
Depuis les élections législatives de 2007 - ce thème avait pénalisé l'UMP lors de la campagne - la majorité n’évoque le sujet qu’à grand renfort de précautions. Lors de ses vœux aux Français, Nicolas Sarkozy s’est bien gardé d’employer les mots de "TVA sociale", préférant parler d’"alléger la pression sur le travail". Dans son programme pour 2012, l’UMP plaide prudemment en faveur d’une "fiscalité anti-délocalisation". Mais ce mardi, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse assument de nouveau les mots tabous.
"Non à cette TVA anti-sociale !" Depuis que Nicolas Sarkozy a remis la "TVA anti-délocalisation" sur le tapis, le PS tire à boulet rouge sur cette mesure chère au Medef. Pour Michel Sapin, chargé du projet présidentiel de François Hollande, "ce serait une faute économique d'augmenter la TVA, ce serait une faute sociale". L’ex-ministre de l’Economie accuse le gouvernement de chercher à "alléger les charges des entreprises en faisant payer ces charges par l'ensemble des Français".
Augmenter la TVA "ne peut pas être social", et est au contraire "injuste", s’est offusqué de son côté Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande. "Nous ne la ferons pas", a promis le député du Doubs. Pour autant, le Parti socialiste s’est lui aussi rangé à l’idée d’une baisse du coût du travail. Le candidat du PS "proposera des mesures", a ainsi prévenu Michel Sapin.
Mais tout le monde n'est pas du même avis. "La solution, c’est la TVA sociale", avait prôné Manuel Valls lors de la primaire socialiste - il est à présent chargé de la communication de François Hollande. Le candidat de la "démondialisation" Arnaud Montebourg avait quant à lui dénoncé une "solution de droite", tandis que Martine Aubry fustigeait une mesure qui "va toucher d'abord les classes populaires et les classes moyennes". Pour sa part, François Hollande se montrait plus modéré, suggérant plutôt une "contribution écologique, qui permet de se substituer à la taxe sur le travail".
Donald Hébert et Laura Thouny - Le Nouvel Observateur