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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 16:04

 

http://socialwaves.blog.youphil.com/

08/01/2012

 

La Pierre de France est partout. Qu’on soit dans un centre commercial, qu’on soit dans un conseil régional, une gare, une boutique Dior ou Chanel, la Pierre de France est présente au travers des revêtements de marbre, de granite. Elle constitue le pavement, les décors de chacun de ces édifices. Au siècle dernier, on avait vu Haussmann construire Paris avec des pierres de la région parisienne, aujourd’hui ce sont tous les coins de France qui reçoivent cette pierre. Elle est écologique, inutile de passer par des étapes de broyage, de concassage et de chauffage pour en faire des éléments de construction. Elle est brute et prête à l’emploi. Nous sommes allés à la rencontre de cette Pierre de France et de l’entreprise EDM pour voyager au travers de ce monde de la pierre, du marbre. Hélène Loublier et moi-même sommes allés du blog de marbre dans la carrière jusqu’à la dernière création de Davide Macullo qui aime à évider des cubes de marbre pour en faire ressortir la fragilité. Nous sommes allés du tailleur de pierre jusqu’aux hôtels et boutiques de luxe qui se couvrent de ces pierres travaillés, préparées, choisies précisément.

Bienvenu dans cette découverte d’une entreprise EDM, d’un monde celui de la Pierre de France et du marbre dans tous ses états. On y verra du compagnonnage, de la modernisation en pleine crise, des acteurs solidaires, un monde vivant… qui devrait en inspirer d’autres.

 

Tout commence les pieds dans la boue. Mais, cette matière qui colle aux bottes est plus gluante, plus épaisse que l’argile. On ne s’en débarrasse pas, elle se fixe à nos pieds, nos manteaux, nos effets… Cette poussière de roche amalgamée est partout sur ce terrain lunaire. Des excavations gigantesques semblent sorties d’un film de science-fiction. On dirait un autre monde. On est très très loin des milieux urbains ; dans cet endroit, ni lumière artificielle, ni klaxon, ni immeuble… Dans cette atmosphère on se croirait au milieu d’un cratère, un de ceux qu’aurait pu imaginer Jules Vernes. Comme si un météorite s’était abattu sous nos pieds. La boue est toujours là, engluant chaque pas. Les autres journalistes se pressent pour éviter de glisser tout en restant saisis par ces murs de marbre qui les entourent. Des parois taillées, de plusieurs mètres de haut. Des blocs prêts à être séparés de cette carrière à ciel ouvert. Au-delà d’un petit chemin, un monticule énorme de gravats, de pierres inutilisables… et puis plus loin, le retour à l’origine avec des plantations d’arbres sur une zone anciennement exploitée. Plus loin encore à l’horizon, on devine les cimes d’arbres juchés autour de la plaie béante de cette « mine de pierre ».

Tout y est donc boue, poussière et pierre. Mais plus loin, on y découvre des hommes. Des bleues de travail blanchis par les retombées grisâtres. Il faut imaginer des hommes au milieu de ce paysage dantesque, dans le froid glacial et la neige qui s’emploient à sortir des matériaux de ces veines de marbres et l’extraire des carrières. Des efforts titanesques pour récupérer des blocs de plusieurs tonnes. Il y a la sueur, l’effort et le courage. Une chaîne humaine forte qui s’organise toujours à la manière des compagnons d’autrefois… entraide, solidarité, esprit d’un travail qui élève l’homme… Des équipes bien rodées trouvant pour seul répit que la pitance du midi. Ces hommes-là sont comme Jean qui servira de sherpa à notre découverte. Il a 55 ans, une véritable force de la nature et surtout un œil. Il connaît toutes les carrières du coin. Il connaît chaque pierre, chaque veine, chaque strate. Son expérience est irremplaçable, car il y a plus de trente ans qu’il se colle à ce monde du marbre. Il sait que telle paroi sera fragile, que tel cube de pierre ne vaudra rien. Que tel autre sera précieux, car il aura décelé des motifs d’entroques qui raviront les acheteurs. Oui, Jean est incontournable. Il est d’ailleurs respecté par tous. Son salaire est faible, mais il est un des maillons essentiels du fonctionnement de cette usine à pierre. Il travaille inlassablement, c’est une passion. Peu importe le temps passé, il reste tant qu’il n’a pas jugé avoir fini. Son médecin lui dit pourtant de s’économiser, mais dans ses gènes, c’est autrement qu’on fait… De lui dépend la qualité des gisements qu’on exploitera, de lui sortira ou non des marbres purs. De lui le reste de l’usine dépend si on peut dire. Son œil est essentiel, et déjà on pense à proposer des apprentis pour qu’ils les initient à ce savoir qu’il a acquis au fil du temps… Comme chacun des employés de l’entreprise, il est respecté, car du plus haut de l’entreprise, on voit chaque maillon comme un talent et comme un individu à accompagner précieusement, car l’entreprise à EDM est avant tout un esprit… celui d’une aventure humaine…

L’usine de Sogépierre (Montbart, Nod sur Seine). Nous avons laissé Jean à sa besogne et nous avons rejoint l’usine… Elle est plantée dans ce coin de Bourgogne, à quelques kilomètres des crevasses dont nous venons. Autre monde, autre milieu, autres gens… un point commun… la poussière qui colle nos vêtements, nos narines et nos cheveux… le royaume de la pierre marbrière est à nos pieds, mais il colle de partout… Des hangars sont adaptés à la hauteur des blocs à débiter et à transformer. Des machines-outils dernier cri qui savent élaguer la pierre de ses imperfections. Un arsenal de disqueuses et ponceuses géantes qu’on voit rarement au même endroit. Aucune carrière privée ne pourrait se payer l’ensemble de ce matériel… et c’est sur ce point que René Camart a été révolutionnaire. Dans un secteur très touché par la globalisation, il a su acquérir des dizaines de sites marbriers. Sa méthode est simple : à la suite de l’achat, on respecte les hommes, les chaînes de décision, on insuffle de l’investissement massif et on accompagne la réussite. Avoir 50 carrières, c’est avoir une capacité globale de résistance à une concurrence internationale par exemple. C’est aussi envoyer un signal à l’ensemble des sites français qui n’ont pas à craindre d’être « rachetés », car l’ambition de René Camart c’est de convaincre qu’on est plus fort en rentrant dans son consortium de la pierre et qu’on y est respecté profondément... Il n’y a jamais de chasse aux sorcières comme dans les OPA des grandes entreprises ou le but est de dégommer tous les échelons hiérarchiques d’en face. Dans sa dynamique, il y a un esprit de compagnonnage vrai. C’est probablement qu’il y a la conscience de la pénibilité de ce métier et on y respecte ceux qui ont la même passion de ces roches métamorphiques dont on a construit des villes, des monuments depuis l’ère romaine.

On découvre ainsi une usine fleuron du groupe « EDM ». Les ouvriers s’affairent avec minutie, ici pour affiner une future fontaine. Là, c’est un gaillard qui pose des plaques de marbres régulièrement découpées par des scies à diamants. Encore ici, une énorme roue dentée mord la roche pour donner de quoi faire fonctionner les équipes pendant plusieurs jours. Plus loin ce sont les manutentionnaires qui se déploient pour empaqueter des pierres « vieillies » qui iront daller un grand hôtel, peut être avec tel autre carreau on fera le pavement d’un magasin DIOR… Dans un vacarme infini, une meute d’hommes continue inlassablement de travailler ces roches pour en faire du rêve pour les futurs acquéreurs…

Plus loin dans l’usine on trouve un stigmate de Noel… un sapin aux guirlandes larges se retrouve comme tout maculé de poisse de pierre… mais rien n’y fait… les ouvriers continuent leur labeur… A coté du sapin, le directeur du centre lui aussi suit d’un air minutieux le travail à boucler. Il connaît chacun de ses hommes. En quelques mois depuis son arrivée, il a réussi à fédérer autour de lui une équipe. Il veut un management humain. Il sait que cette usine doit tourner en respectant chacun de ses hommes. Chacun est précieux… quelque soit le poste occupé… L’enjeu pour lui est de réaliser le meilleur pour des clients aux quatre coins du monde et toujours avec le respect de « ses hommes ». Car depuis la carrière jusqu’à la plateforme d’expédition, la chaîne humaine a fourni ce qu’on trouve de meilleur en terme de travail et d’innovation… Autre point culminant d’une entreprise de la sortie de crise.

Luxe, calme et innovation. Dans sa stratégie reposant sur l’humain, EDM a misé sur un pole d’excellence. L’innovation est un point d’ancrage de cette réussite. Ainsi, une technique inspirée de l’aérospatiale a été adaptée au maniement des revêtements de roche. Le fuselage d’une aile d’avion permet désormais de mettre en forme le marbre, de réaliser des formes cintrées…  En fait, une tranche de marbre de 2,5 cm repose sur un socle hyperleger en nid d’abeille ce qui permet d’obtenir une structure très résistance, capable de torsion et de mises en forme très fines. Autre propriété non négligeable de ce revêtement c’est sa légèreté… les dispositifs pèsent 150 kg au lieu de plusieurs tonnes par le passé, avec en plus des résistances antisismiques très importantes. EDM a su convaincre le marché de cette technique. Et le résultat en est de pouvoir faire émerger des colonnes de marbre de plus de 10 mètres avec un minimum de matière brute. Permettant une plasticité là ou à une époque on évitait de soumettre le marbre à trop de torsion.

Dans la même logique, EDM a su proposer des marbres de très grande qualité pour produire les dallages de grands hôtels avec un service de maintenance hors pairs… Ceci a permis de conquérir la confiance des Hôtels Georges V, Crillon, Ritz, Meurice, l’Aldon (Berlin)… Et c’est grâce à cette chaîne humaine que ce groupe a pu arriver à cela. Par le perfectionnisme et la volonté d’innovation, ce groupe de 50 carrières a pu transforme le destin noir d’un secteur promis à la faillite en véritable renouveau qui s’exporte aux quatre coins du monde. On y trouve les domaines du luxe, tel Yatch devra se parer de marbre français, tel hôtel sera pavé de dalles de bourgogne, telle boutique Chanel, Dior aura son revêtement bien calibré avec l’image de l’entreprise…

EDM aussi est enfin sensible à l’art et devient mécène quand il le faut. Ainsi, l’entreprise sait se rapprocher de créateurs emblématiques comme Davide Macullo dont l’œuvre récente présentée au siège social de l’entreprise reposait sur des cubes de marbre travaillés aux millimètres prêts à la manière des orfèvres comme pour faire vivre cette pierre en l’évidant. Une dentelle de marbre, cubique montrant fragilité et légèreté… Le soutien de l’art étant comme une forme d’aboutissement en termes d’image et d’engagement de l’entreprise tournant autour de l’humain.

Au travers de ces réalisations, en prenant un peu de recul, on voit ce contraste entre la boue qui collait à nos pieds dans ces mines ultramodernes et ces ornements précis dans les lieux les plus calmes et luxueux de la planète. Ce contraste n’en est pas vraiment un. Car on voit qu’il y depuis l’usine bourguignonne jusqu’à l’entrée de l’Hôtel Georges V, une dynamique humaine respectée avec une passion pour une réalisation, avec un groupe qui sait protéger l’écosystème social des entreprises qu’il rachète. En ce sens, il y a vraiment dans un EDM un cœur d’innovation qui dépasse celui de la pierre et qui le place dans un modèle entrepreneurial nouveau.

 

 En conclusion. Au travers de cette entreprise, on découvre les solutions à la crise actuelle. Ce groupe a une volonté rare, celle d’associer les entreprises et entrepreneurs qui ne seraient pas encore dans leur giron, à une dynamique humaine, car il semble que ce soit le seul moteur de réussite de la société de demain...

Dans ce groupe on considère qu’une entreprise qui réussit c’est avant tout une équipe qui œuvre dans le même sens à tous les niveaux, de l’agent de marketing jusqu’au tailleur de pierre... On comprend qu’un rachat ne veut pas dire liquidation du passé, mais accompagnement pour le meilleur. Plus encore, cette expérience de réussite, au cœur de la crise, montre enfin que sans fraternité et solidarité il est impossible de réussir dans des secteurs concurrentiels. En ce sens, on voit que l’entreprise d’avenir doit être « humaine » et « constructive », « ambitieuse », et c’est ce qui permet d’aboutir au talent et à l’innovation. 

Dans une deuxième approche, on sent que ce consortium est en phase avec un patrimoine français qu’il faut préserver. Il évite la perte des savoirs « encyclopédiques et techniques » qui font qu’un pays est indépendant. En ce sens, la stratégie d’EDM est une conservation de l’essentiel dans un secteur précis. Si cette optique est généralisée et adaptée à d’autres corps de métier, il se pourrait bien qu’on évite les délocalisations dont souffre tant la France et qu’un jour nos enfants puissent grandir avec une fierté d’appartenir à une société fraternelle et consciente de ses richesses.

 

par Yannick Comenge et Hélène Loublier


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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:52

 

 
© Nathanaël Charbonnier

L'effervescence régnait au Palais-Bourbon. Les circonstances donnaient un peu de répit aux élus car depuis des mois ils  battaient la campagne dans un climat délétère. L'hospitalisation de Maurizio Caillard tombait à point. Le diagnostic de ses médecins ne laissait aucune place au doute : « épisode dépressif majeur caractérisé ». Traitement lourd, cure de sommeil, longue indisponibilité... Le Président était aux abonnés absents.

Avec une police à mi-temps, une armée dépassée par les évènements, des juges qui refusaient de rendre la justice, la vice-Présidente chargée de la sécurité nationale ne pouvait pas présider par intérim bien longtemps. Elle était disqualifiée. Les parlementaires se tournèrent donc vers les gardiens de la Constitution.

Le texte fondateur de la République avait été entièrement remanié par Maurizio Caillard lui-même. Il s'y était arrogé (il s'était bien marré) des pouvoirs auxquels aucun de ses prédécesseurs n'avait osé penser. Il avait bien prévu la déchéance du chef de l'Etat mais dans des conditions qui rendaient sa destitution quasiment impossible. Il avait écrit : « Le Président légitimement élu par le Peuple souverain ne peut être démis de ses fonctions avant le terme de son mandat que si l'altération profonde et prolongée de ses capacités de jugement vient à être constatée par l'Académie de médecine à l'unanimité de ses membres ».

On respecta la loi, l'affaire fut bouclée en deux temps trois mouvements. Dans un communiqué, les académiciens dirent  « oui » avant même qu'on les eût interrogés.

Le calendrier de l'élection présidentielle anticipée fut annoncé dans la foulée. Le processus comportait trois étapes : tout d'abord, chaque groupe parlementaire avait  quinze jours pour désigner un champion choisi en son sein ; le Parlement disposait ensuite d'un laps de temps équivalent pour construire des alliances entre familles politiques élargies et resserrer le nombre des prétendants ;  deux semaines encore et le suffrage universel direct à un tour était sollicité. La victoire se jouait donc sur une majorité relative.

Le petit monde professionnel de la politique se satisfaisait de ce système. A l'intérieur des groupes qui se formaient à l'Assemblée et au Sénat, les quelques prétendants à la fonction suprême se reconnaissaient à leur aptitude à dispenser faveurs et fatwas. Avec une adresse consommée, ils donnaient d'une main ce que prenait l'autre et inversement. Ces jongleurs étaient mus par une ambition manipulatrice ; quiconque ne brillait pas comme eux dans ce grand numéro de cirque pouvait passer son chemin et se résoudre vite à n'être qu'un servant.

Dans ce registre, Maurizio Caillard s'était toujours montré le meilleur. Très tôt dans la carrière, il avait cru avoir la faculté innée de pouvoir effacer ses concurrents sur un vœu, sur un geste. De vieux jongleurs avaient dû parfois lui indiquer plus ou moins brutalement que la piste était occupée et qu'il lui faudrait attendre un peu avant de fouler la sciure. Ça ne l'avait jamais découragé.

Et il n'était plus là.

Il dormait dans un lit du Val de Grâce, une perfusion dans le bras, une infirmière à son chevet.

En son absence tellement inattendue, les hémicycles voyaient se lever une poignée de jeunes coqs déjà prêts au combat présidentiel. Crête fièrement dressée, gonflés de fatuité, ils se pavanaient dans les travées parlementaires en ergotant sur tout. Les vénérables assemblées en retinrent cinq, comme les doigts de la main. Cinq hommes, pas une femme. En d'autres circonstances, le temps nécessaire aux  tractations entre groupes aurait permis de ne dégager que deux candidats, mais l'anticipation du scrutin et l'échéance trop proche n'avaient pas été propices au marchandage habituel entre les familles politiques qui constituaient le Parlement.

Moins de deux mois après l'hospitalisation de Caillard, le Peuple fut appelé aux urnes afin de choisir le nouveau Président parmi les cinq visages et les discours convenus qui lui étaient proposés. Au cours des années précédentes, le vote avait été rendu obligatoire. Quand vint la mi-journée, les présentateurs des journaux télévisés ne perdirent donc pas leur temps à commenter le taux de participation. Ils concentrèrent leur blabla sur une image, une seule, que toutes les caméras avaient immortalisée ce jour-là : celle d'Imogène Caillard sortant de l'isoloir avant de rejoindre au dehors un Arnaud Pillorègues amoureux et radieux.

Le soir du dépouillement, le résultat tarda à être publié. Deux heures trente après la fermeture des bureaux électoraux, Marie-Michèle Laborde fit une brève apparition à la télévision. En multipliant les « euhyeeuu », elle expliqua aux Français qu'une première addition des suffrages n'avait pas permis de désigner formellement le vainqueur et qu'il semblait indispensable de reprendre intégralement le comptage des bulletins de vote.

A cet instant, en fait, l'élection présidentielle avait bien un vainqueur, même si deux ou trois centaines de voix seulement le séparaient de son rival le plus proche. Mais claironné sur internet, le nom du candidat victorieux  n'intéressait personne. Ce soir-là, ce qui retenait l'attention de tous résultait de ce que les agit'nautes avaient semé sur la toile depuis quinze jours : la quantité de bulletins nuls glissés dans les urnes atteignait 82,21% du nombre des votants. En obtenant 39% des suffrages exprimés, le successeur de Caillard représentait à peine 7% du corps électoral.

Il fallut attendre 24 heures pour voir apparaître cette évidence sur les écrans des chaînes de CapTV... Les journaux se dispensèrent d'être patients. Dès le lendemain du scrutin, ils proclamèrent les résultats officieux dans leurs pages intérieures en brocardant en « Une » la victoire des bulletins nuls. Jamais en retard d'une analyse,  Roland Mouchard signait en première page l'éditorial de L'Affranchi. Son article était disposé en gouttière à côté du gros titre bien gras qui disait : « Un scrutin nul »... En lettres plus petites et entre parenthèses, s'ajoutait l'expression : « ... et non avenu ».

Dans son papier intitulé « Illégitime », Mouchard prononçait la condamnation sans appel du système électoral et réglait son compte au nouvel élu sans jamais prononcer son nom. Le directeur de L'Affranchi écrivait : « Après s'être étonné du poids des abstentionnistes dans le débat public, on n'a rien trouvé de mieux pour remédier à ce problème que de supprimer l'abstention en rendant le vote obligatoire. Va-t-on maintenant interdire les bulletins nuls ? (...) Il est grand temps de se soucier enfin de ce que le Peuple demande. Quand se décidera-t-on à entendre sa voix ?... Au prétexte que le pouvoir législatif est issu des urnes et du suffrage universel, on refuse de voir que le mécanisme électoral mis au point par la Représentation nationale tourne en boucle et s'autoalimente. Prenons-en vite conscience : la démocratie est trahie par elle-même et la politique n'est plus qu'une machine à cloner les ambitions ». Dans la même veine, Roland Mouchard s'adressait ensuite indirectement à celui qui pouvait prétendre succéder à Maurizio Caillard : « S'il tient compte honnêtement du rejet exprimé par plus de huit électeurs sur dix, le gagnant de dimanche ne peut se contenter d'avoir surclassé ses rivaux pour se considérer comme le Président de tous les Français. Choisi par une part infime du corps électoral, il ne peut se prévaloir de l'incontestable  légitimité qui fait les grands desseins et les grands chefs d'Etat. S'il aime son pays, s'il respecte ses compatriotes, qu'il démissionne sitôt élu... et qu'enfin les parlementaires se montrent dignes de ceux qui les ont mis là où ils sont ».

Tous les éditoriaux allèrent dans le même sens à une poignée de mots près. Le système électoral était ouvertement contesté... et le Président tout juste élu était aussitôt récusé. Quant au Parlement, il était placé face à ses responsabilités et aux risques d'un incendie populaire dont il n'était guère difficile de prévoir l'ampleur. D'ailleurs, dès la proclamation des résultats du scrutin présidentiel, des étincelles apparurent sur les sites sociaux du web. Les internautes se déchaînèrent, il ne fallut pas bien longtemps pour que naisse l'idée d'une manifestation permanente.

C'est dans ce contexte que la rédaction de l'hebdomadaire « Consciences » lança sa pétition « Pour un changement de Constitution ». Signé par trois dizaines de personnalités toutes infiniment respectables parmi lesquelles figuraient trois lauréats du Prix Nobel, une poignée d'académiciens chenus et deux philosophes échevelés, ce texte invitait ses lecteurs à se rendre sur un site de partage afin d'y ajouter leur nom à ceux des premiers pétitionnaires. Une fois cette formalité accomplie, il leur était suggéré d'exposer en un maximum de cinq lignes le processus électoral de leurs rêves. Autant dire qu'après l'écrasant succès des bulletins nuls dans les urnes de  l'élection présidentielle, cette initiative eut un impact énorme. Autant le dire aussi : de cette boîte à idées jaillit un bouleversement, une révolution institutionnelle.

 

***

 

Le Lieutenant de police Tranh allait mettre son ordinateur en veille quand les pas de Keller résonnèrent dans le couloir.

Le chef de cabinet du Préfet vit la porte ouverte. Il s'arrêta sur le seuil et attendit un signe de Constance. Elle l'invita à la rejoindre. Il paraissait n'avoir rien d'autre à faire qu'à parler. Pas de dossier urgent à traiter, pas d'instruction particulière. En fin de journée, il ne venait chercher auprès de sa collaboratrice qu'un peu de cette sensibilité qui n'affleurait même pas chez les plus tendres des autres fonctionnaires affectés aux tâches préfectorales. Il prononça son rituel : « Quoi de neuf, Mademoiselle ? ». La jeune femme lui répondit en le remerciant. Grâce à lui, Brigitte Tranh, sa mère, avait récupéré très vite les bras artificiels à crochets articulés que les hommes du Colonel Duboïs l'avaient contrainte à retirer avant de les lui confisquer. « Pièces à conviction » lui avaient-ils précisé avant de la laisser manchotte et penaude près de son mari indigné devant l'entrée du Stade de France.

Keller baissa la tête dans un réflexe de modestie. Il dit : « Si j'ai pu rendre service »... Puis il releva le menton et relança Constance :

-  Alors ?... Où en êtes-vous ?

Sans s'attarder sur les détails, le Lieutenant Tranh raconta ses dernières investigations. Elle confia à son chef qu'il lui arrivait -assez rarement heureusement- de traverser de courtes périodes de découragement tant il était vrai que la recherche de napix310, chatgrix et dupleix s'apparentait à la quête d'un ouvrage de poésie dans la bibliothèque de Maurizio Caillard. Cette allusion au Président déchu fit pouffer Keller ; Constance s'en amusa,  et la discussion glissa vers des sujets moins professionnels.

Ils parlèrent de littérature, de leurs loisirs respectifs, de voyages, de cinéma. Elle manifesta un vif intérêt pour l'histoire et la randonnée sportive, il avoua un penchant pour les films romantiques et reconnut verser sa petite larme quand s'affichait le mot « fin ». Les œuvres légères le reposaient des dossiers lourds du moment, des secrets politiques, des complexités administratives qui plombaient les urgences. Il ajouta que les cours qu'il dispensait à l'ISERSP avaient aussi sur lui l'effet d'un exutoire.

-  Qu'enseignez-vous, Monsieur ?

La question du Lieutenant Tranh lui arracha un drôle de sourire. Il prit l'air faussement mystérieux, se pencha vers elle et lui répondit à voix basse et en articulant bien :

-  Stratégies et tactiques.

Les yeux plissés pour souligner le caractère énigmatique de sa réponse, il secoua lentement la tête de haut en bas sans prononcer un mot de plus.

Constance haussa vivement les épaules.

-  Oui, d'accord... Mais encore ?

-  Eh bien, comment dire ?... J'encourage mes étudiants à élaborer et développer des stratégies qu'ils doivent compléter par tout un jeu de tactiques. En fait, mon cours comporte une partie théorique durant laquelle je leur enseigne, exemples à l'appui, l'histoire des grandes stratégies politiques.  Pendant les mois qui précèdent le  stage au terme duquel ils reçoivent leur diplôme, ils travaillent par petits groupes sur des études de cas. Je leur soumets une problématique ; ils sont invités à la résoudre en élaborant et en développant des stratégies. C'est souvent aussi instructif pour moi que pour eux !

Cette fois, c'est Constance Tranh qui se mit à secouer la tête. Elle le fit avec un air admiratif et captivé.

-  Si vos étudiants peuvent répondre à vos attentes, je suppose qu'ils sont très doués.

-  Vous dites cela en pensant à vous, Constance ?

Elle se mordit les lèvres en rougissant et en pensant très fort : « Comment ai-je pu formuler une remarque aussi maladroite ? ». Elle allait protester -« Mais pas du tout !»- quand Keller poursuivit son propos sans se soucier de la réaction qu'allait provoquer sa question.

-  Certains d'entre eux sont très doués, c'est vrai. Chaque nouvelle promotion d'étudiants fait preuve de qualités plus grandes que celles des générations qui l'ont précédée. D'ailleurs, je vous l'avoue : Je vais d'étonnement en étonnement.

Constance reprit aussitôt.

-  Donnez-moi donc un exemple de ces études de cas, je ne suis pas bien sûre de comprendre.

Il prit quelques secondes pour réfléchir, puis recommença à parler, d'abord lentement.

-  Eh bien... l'année dernière... j'ai demandé à quelques élèves de mettre au point une stratégie qui permette, dans un pays démocratique, de réaliser un coup d'Etat et une révolution institutionnelle sans violence.

-  Mon Dieu !!!... Mais dans quel but ?

-  Ce n'est qu'un exercice, Mademoiselle Tranh ! s'esclaffa Keller... Apprenez que pour assouplir un peu la fibre stratégique et tacticienne des jeunes gens de l'ISERSP, tous les sujets sont bons. Même les plus fantaisistes !

-  Et... le résultat de leurs travaux vous a-t-il satisfait ?

Le chef de cabinet du Préfet de police la fixa longuement avec la sérénité d'un Bouddha.

-  Je le saurai quand j'aurai corrigé leurs copies.

 

***

 

Après le coup de filet opéré dans Paris par les soldats du Colonel Duboïs et l'assaut libérateur lancé contre le Stade de France par les résidents des ZATHRA voisines, des relations amicales se nouèrent entre les Visiteurs du Soir et les Zautres. Une fois libérés, les premiers se hasardèrent à accepter l'invitation des seconds dans les immeubles de cités dont la seule évocation inspirait partout la peur.

Pas toujours très rassurés, les noctambules s'aventurèrent dans ces zones dont on leur avait toujours donné une description proche de l'enfer. Un lieu noir. L'empire du non-droit. Certains d'entre eux eurent la sensation d'un voyage sans retour, mais ils ne s'arrêtèrent pas pour autant. Ils ne reculèrent pas. Ils y allèrent d'une démarche mal assurée, un peu comme lorsque l'on vous bande les yeux afin de vous guider vers la promesse d'un cadeau.

Dans les ZATHRA de Saint-Denis, les Visiteurs du Soir ne découvrirent pas seulement l'hospitalité chaleureuse des habitants ; ils virent apparaître sous leurs yeux toute une organisation sociale, un système économique et politique qui n'avait pas eu besoin d'experts pour éclore. Là précisément où l'on disait l'humanité livrée au vice s'épanouissait un peuple matériellement pauvre, certes, mais opulent de valeurs et de solidarités. Face à ce spectacle inattendu, les visiteurs s'imaginèrent  les débuts de la République en France. Dans le champ clos des ZATHRA contraintes à la survie avaient germé l'égalité et la fraternité. Faute de pouvoir circuler librement hors de ces ghettos, les occupants avaient d'abord subi le règne fétide du chacun pour soi avant de s'assagir. Le temps de la parole revenant au fil des ans, ils avaient mis en place de quoi surmonter ensemble l'exclusion qui les frappaient. A force de palabres, ils s'étaient résolus à rendre viable cette société dans la société. Profitant du chaos, quelques caïds avaient bien tenté d'étendre leur influence minable à des cages d'escaliers ou à des groupes d'immeubles ; au nom de l'ordre évidemment, des présidents autoproclamés d'associations de locataires avaient cherché à imposer leurs lois. Les vocations de dictateurs s'étaient mises à fleurir et le sang avait coulé. Les cités avaient alors connu des moments douloureux. Et finalement, la brutalité ne remplissant pas les ventres, la sagesse avait gagné le combat. Chacun avait enterré ses morts, on s'était tourné vers les anciens, on les avait écoutés et l'on s'était parlé.

Les Zautres n'étaient pas ces bêtes sauvages que l'on croyait avoir enfermées dans des cages en les privant de nourriture et de liberté de circuler. On croyait qu'ils s'étaient entredévorés depuis longtemps et que seuls subsistaient dans la fange les plus durs d'entre eux, ceux dont la violence contagieuse représentait une menace pour l'Etat et pour les citoyens honnêtes.

Ils n'étaient pas ce que l'on disait d'eux.

Soumis à un embargo presque total, ils avaient très souvent déployé des trésors d'astuces pour survivre, transformant peu à peu les espaces verts en terrains cultivables et en pâturages. Les rez-de-chaussée étaient devenus salles de réunion, crèches ou lieux d'accueil pour handicapés et personnes âgées. Rien ne se perdait, sauf le superflu. Tout s'échangeait, tout se recyclait. Le troc avait fini par quasiment supplanter toute activité monnayable. L'argent n'avait pas disparu : on en avait fait un bien commun géré comme tel par une structure dédiée, l'unique moyen d'entretenir avec « l'autre côté » un commerce de contrebande collectivement maîtrisé. Certains produits manufacturés dont la collectivité des ZATHRA pouvait avoir besoin étaient importés en douce, parfois par des tunnels, au nez et à la barbe des policiers chargés d'isoler du reste du pays ces Zones A Très Hauts Risques Avérés.

Les règles en cours dans ces cités n'étaient pas tombées du ciel. En tâtonnant, les habitants avaient mis au point un mécanisme de désignation de leurs élus qui s'appuyait sur un processus électoral à deux tours tout à fait novateur. Au premier tour, les électeurs n'étaient pas invités à voter pour un nom mais pour un projet de société. Les textes soumis aux votants émanaient des longues discussions qui avaient préalablement animé pendant des mois les soirées des ZATHRA. Une fois le projet choisi, le second tour servait à désigner celles et ceux qui le mettraient en oeuvre. C'était un scrutin de listes. On ne cherchait pas une incarnation mais une équipe compétente et motivée, portée par une feuille de route issue d'une réflexion commune. On cueillait le fruit  de la volonté populaire.

Cette façon de faire retint l'attention des Visiteurs du Soir. Sitôt rentrés chez eux, ils se ruèrent avec enthousiasme sur leurs blogs et sur les forums. Ils témoignèrent de ce qu'ils venaient de voir dans les ZATHRA proches du Stade de France. Le bouche à oreille fit le reste, la pétition en ligne lancée par l'hebdomadaire  « Consciences » emporta un franc succès. Nombreux furent les signataires qui déposèrent quatre ou cinq lignes sur le site pétitionnaire afin d'exiger le remplacement de Maurizio Caillard... par un projet.

 

***

 Constance prit l'enveloppe que lui tendait le vaguemestre. Jacques-Julien Keller l'avait prévenue d'un coup de fil quelque temps plus tôt : il lui confiait le soin d'accueillir pour l'été trois stagiaires de l'ISERSP, elle recevrait leurs CV au plus vite.

La jeune policière maugréa en pensant à ce qui l'attendait. Elle passerait les prochaines semaines, se dit-elle, à faire du baby-sitting au sein de la Préfecture. Et ce sont ces mêmes gosses qui, bientôt, lui ordonneraient de faire ceci ou cela. Elle qui n'avait pas allumé une cigarette depuis des années, elle ressentit l'envie de fumer, un désir qu'elle chassa de son esprit comme on éloigne une volute incommodante. Elle ouvrit l'enveloppe, y glissa une main et en sortit les dossiers des protégés de son patron en lâchant à haute voix mais pas trop fort et d'un air résigné : « Oui, Monsieur le chef de cabinet. Bien, Monsieur le chef de cabinet. Ce sera fait, Monsieur le chef de cabinet »...

Le premier Curriculum Vitae était celui d'un jeune homme très brun aux cheveux bouclés courts, plutôt séduisant, l'air souriant du petit farceur que très certainement il était. Pour un garçon parvenu à ce niveau d'études, il affichait un parcours atypique : né en France de parents algériens, grandi à la lisière d'une ZATHRA et d'un quartier réputé fréquentable quoique défavorisé, il avait accompli tout un tas de petits boulots pendant ses études secondaires. Il avait travaillé au milieu des cageots de fruits comme manutentionnaire aux halles, puis sur une presse hydraulique dans une usine de fabrication de panneaux de signalisation au poste d'arrondisseur d'angles. Constance Tranh s'en amusa. « Arrondir les angles est donc un métier » pensa-t-elle.

Dès sa sortie du lycée, Tarek Boussaïdane avait signé un engagement de trois ans dans l'armée. Unité de combat, opération extérieure, sérieusement blessé sous le feu. Démobilisé avant l'échéance. Valeur militaire.

Son retour à la vie civile, il l'avait passé dans les livres, dans les amphithéâtres et dans les concours. Après une fac d'histoire, il avait été admis d'extrême justesse à l'ISERSP. Cela dit, les notes des deux premières années qu'il y avait passées semblaient bonnes : bientôt, il en sortirait diplômé après une soutenance de thèse. Ce serait l'épilogue de deux années de cours magistraux et de neuf mois passés loin de France, en Inde, dans la province du Tamil Nadu.

Le Lieutenant de police Tranh allait classer ce dossier avant d'examiner le suivant quand un détail attira son regard : le stagiaire introduit par Keller avait consacré un mémoire universitaire à un gouverneur colonial français du XVIIIe siècle devenu nabab indien. Un aventurier nommé Dupleix.

D'un geste vif et un rien fébrile, elle saisit l'enveloppe apportée par le vaguemestre et glissa une main dedans encore une fois. Avec un luxe de lenteur, elle commença à en extraire un autre dossier dont la photo ne tarda pas à apparaître hors du kraft. Le deuxième stagiaire était une jeune femme noire, assez claire pour être métisse. Constance tira la fiche jusqu'aux deux-tiers. Au bout de la ligne intitulée « Année diplômante de l'ISERSP, séjour pratique de neuf mois à l'étranger... », ses yeux s'agrandirent, un tressaillement parcourut l'une de ses narines. Elle lut : « ...à Libreville, Gabon ».

 

********

Jamais le débat démocratique n'avait été aussi intense. Pendant quelques semaines, la France était devenue une immense agora. Servi par une parenthèse estivale de rêve, on avait ouvert la discussion partout, dans les jardins publics, au coin des rues, sur les terrains de sport, dans les écoles. Partout.

Des projets se construisaient de jour en jour et prenaient place sur le net. En quelques heures, ils s'agrégeaient par affinités. Des familles se composaient. De plusieurs centaines, leur nombre descendait à quelques dizaines puis à une douzaine. Les petites résolutions se dissolvaient dans de plus grosses de même nature, et  autour d'elles se constituaient des associations. Pour participer au premier tour de scrutin, les projets encore en lice devaient réunir l'adhésion d'un million de citoyens. Les signatures étaient collectées par un réseau social d'internautes. Le tout prenait du temps. Un mouvement émergea subitement d'internet pour appeler à l'organisation d'un vote électronique. Chaque électeur disposerait d'une clé sécurisée et d'un identifiant qui lui permettraient de se prononcer dans un délai de cinq jours sans devoir passer par l'isoloir.

Au milieu de cette frénésie participative, les députés ne voulurent pas être en reste. Ils ne se firent pas prier pour modifier le processus électoral. Les dates du scrutin  que plus personne n'osa appeler « présidentiel » furent fixées à la deuxième quinzaine d'août. La disposition qui avait rendu le vote obligatoire fut annulée... Et le taux de participation frisa le carton plein avec un nombre de bulletins nuls ridiculement bas.

Au début de cet été mémorable, le Lieutenant de police Constance Tranh vit un jour arriver trois stagiaires. Le premier d'entre eux se présenta à l'entrée de son bureau un peu avant 8h00.

C'était un grand type très souriant. Il avait les cheveux bruns, courts et bouclés. Apparemment pas intimidé d'être là, il vint vers elle la main tendue et se présenta : « Je suis Tarek Boussaïdane ». Elle lui rendit son sourire et lui dit simplement : « Bonjour, dupleix ».

A 9 heures et 57 minutes, Constance se pencha à la fenêtre de son bureau. Elle balaya du regard la cour de la Préfecture jusqu'au moment où la démarche tonique d'une petite jeune femme noire attira son attention. La visiteuse avait l'allure d'un phacochère plus que celle d'une gazelle. Nerveuse, ronde, tout en muscle. Le genre que rien n'arrête et surtout pas la peur.

Bérénice Moussounda s'engouffra en contrebas dans l'entrée intérieure sud du bâtiment préfectoral. Une minute plus tard, elle frappa à la porte du Lieutenant Tranh. A dix  heures précises, la stagiaire s'entendit répondre d'une voix ferme mais guère inquiétante : « Entrez, chagrix ! ».

Ce même jour, au même moment, le Brigadier Kevin Payet venait de prendre son service devant une annexe du ministère de la Culture située tout près des studios privés d'une société de production cinématographique. Dans cette rue tranquille aux immeubles cossus, le C.R.S. en faction vit passer la silhouette familière d'un grand et gros homme enveloppé d'une fumée de Havane. Eugène Dieulefit se rendait à un rendez-vous important. Quelques jours plus tôt, on lui avait proposé d'incarner napix310 dans un film à gros budget qui retracerait l'histoire des agit'nautes et des Visiteurs du Soir.

Qu'il ait eu vingt à vingt-cinq ans d'écart avec son personnage et quatre-vingts kilos de plus, cela n'avait pas gêné  le producteur. Dieulefit se rengorgea à l'idée que l'on avait tout de suite pensé à lui pour ce rôle. A dix mètres de sa destination, l'acteur sortit de sa poche intérieure une paire de lunettes rondes qu'il posa sur son nez. Le Brigadier Payet le vit jeter son cigare, se passer une main dans les cheveux, retirer sa veste et sortir ses pans de chemise de ses pantalons. Eugène Dieulefit ralentit le rythme de sa démarche, son pas devint hésitant. Il se retourna avec une souplesse féline ; le temps de cette volte-face, Payet put lire sur le visage du comédien l'air candide et ahuri de l'étudiant ou du jeune professeur qui cherche sa salle de cours le matin de la rentrée.

Le Brigadier leva les yeux au ciel et sourit aux anges. Il se sentait indifférent à cette comédie humaine. Il la trouvait insignifiante. Rien n'était plus important pour lui désormais que la sanction infligée l'avant-veille par le Commandant de sa Compagnie. Kevin allait être muté avec femme et enfants. Il était affecté à la C.R.S. de Saint-Denis, Ile de La Réunion.

Le troisième stagiaire se montra deux minutes avant midi. Une fois dans la cour de la Préfecture, il marqua le pas et tira de sa poche la convocation de la P.P. Il y chercha le numéro du bureau où il lui fallait se rendre.

A l'autre bout de la cour, Constance contemplait Aurélien qui ne la voyait pas... Aurélien Fenaux, né un 3 octobre de Nathalie et Pierre Fenaux.

Nathalie + Pierre + 3-10 : c'était tout ce qu'il avait fallu pour forger le pseudonyme de napix310. Quant au « x » présent dans les alias des trois agit'nautes, il renvoyait au nom de baptême de leur promo de l'ISERSP. Des stratèges comme eux ne pouvaient qu'opter pour la vingt-quatrième lettre de l'alphabet, le chi grec derrière lequel se planquent l'inconnu, le mystère, et les variables mathématiques. Tarek, Bérénice et Aurélien étaient donc de la « promo x ». Ils auraient pu sortir aussi bien de la « promotion Jacques-Julien Keller », la tête haute, fiers d'avoir fait la fierté de leur Maître.

Aurélien replia la feuille de papier et la remit dans sa poche. Il reprit sa marche vers l'entrée intérieure sud du bâtiment préfectoral lorsqu'il aperçut Constance Tranh qu'il reconnut sans l'avoir jamais rencontrée. Elle l'attendait en bas de l'immeuble.

Il ôta ses lunettes de soleil et marcha droit vers elle. Le voyant arriver, Constance se dit que napix310 n'avait pas l'allure d'un putschiste. C'était un beau jeune homme d'une élégance sans apprêt, très naturelle. Il se planta devant elle comme s'il allait lui demander son chemin. Elle ne lui en laissa pas le loisir. « Lieutenant de police Constance Tranh », lui dit-elle, en le regardant droit dans les yeux. A la manière d'un gardien de la paix, elle lui adressa en même temps un rapide salut de la main. Elle ajouta : « Le chef de cabinet, Monsieur Keller, m'a demandé de vous accueillir ici et de vous suivre pendant toute la durée de votre stage ». Il allait répondre « J'en suis ravi » quand elle l'interrompit en allant vers l'escalier : « Veuillez m'accompagner ».

Au fil des marches, Aurélien Fenaux eut tout le loisir d'apprécier la plastique sportive de Constance Tranh. Elle portait ce jour-là des pantalons et des souliers plats. Sous le tissu léger, les cuisses de la jeune femme imprimaient leur galbe ferme. Sa taille était mince et son dos était droit. Elle portait un petit haut de soie. D'une teinte claire, ce vêtement vaporeux mettait en valeur ses épaules dorées, joliment dessinées. La peau de ses bras nus paraissait douce et sans aspérités. Ses longs doigts fins, tout comme sa nuque et ses poignets, n'avaient pas besoin de bijoux pour se montrer gracieux.

Arrivée à l'étage, elle s'écarta devant son hôte et lui indiqua l'entrée du bureau. Il pénétra le premier dans la petite pièce, un rectangle tout en longueur. Sur un geste d'elle, il s'installa sagement sur l'unique chaise du lieu, un meuble métallique à l'assise froide et dure. La policière prit place face à lui sur un moelleux fauteuil ergonomique à roulettes.

« Accordez-moi une seconde » dit-elle, « ...j'ai un SMS à envoyer ». Elle porta devant son visage le téléphone mobile qu'elle tenait dans une main et fit immédiatement la moue : «...Plus de batterie ». Constance Tranh  leva la tête vers le stagiaire : « Dites-moi, Aurélien... Vous me prêteriez votre GSM un instant ? ». Il bredouilla un « oui oui, bien sûr » et lui tendit son smartphone. Sur la page d'accueil du portable, elle découvrit un couple de quinquagénaires charmants. Sans doute s'agissait-il de Nathalie et Pierre, les parents Fenaux.

Aurélien n'avait donc pas d'amoureuse.

Tandis que descendaient d'un clocher voisin les premiers coups de midi, elle écrivit : « Il est là, devant moi ». Puis elle envoya le message à Maria Luisa.

Car à peine avait-elle eu la photo d'Aurélien sous les yeux que Constance n'avait eu de cesse de la montrer à son amie madrilène d'antan.  Sans la moindre hésitation, la fille de Juan Bajos de Villaluenga et d'Imogène Pillorègues avait formellement identifié le jeune homme croisé neuf mois plus tôt au pied du grand hévéa, son interlocuteur de Séville en panne de téléphone, ce « Napitch » qui lui avait causé tant de soucis.

L'air grave et circonspect, l'officier de police dévisagea le stagiaire qui attendait un signe pour engager la conversation.

On frappa à la porte entrouverte.

La tête d'un ouvrier en bleu de travail apparut. Il dit qu'il avait « un truc à faire ici » ; le Lieutenant Tranh ne comprit pas bien quoi. Constance fit oui de la tête et le vit s'avancer en tirant avec peine ce qui ressemblait à un caddie de supermarché déjà plein de cadres identiques de format 50 par 65.

En claudiquant, l'homme aux brodequins sans lacets  s'approcha du portrait officiel du Président, le décrocha du mur et le plaça dans le chariot sur les autres cadres avant d'aller frapper à la porte du bureau d'à côté cahin-caha, afin d'y accomplir la même besogne.

La fenêtre était ouverte, le ciel était tout bleu et les oiseaux piaillaient. Il faisait chaud mais pas trop.

Le son strident d'une scie circulaire retentit dans le lointain et s'éteignit avant de retentir à nouveau puis on ne l'entendit plus.

A l'heure du déjeuner, la rumeur de la ville paraissait s'atténuer et l'on devinait les clients assis comme au spectacle aux terrasses des brasseries. Paris mettait les pouces. Soudain, un rire monta de la cour, si communicatif que le Lieutenant Tranh se départit de sa gravité et parvint à se relâcher. C'est le moment que sembla choisir l'ouvrier sans lacets pour revenir sur ses pas. Une pince à la main, il se dirigea vers le clou resté dans le mur et le fit venir à lui d'un coup sec en murmurant : « Il valait même pas ça ».

Durant quelques secondes, Constance contempla la trace blanche que l'enlèvement du portrait présidentiel avait laissée sur la cloison jaunâtre. Caillard n'était plus là... et un jeune homme en costume de lin se tenait devant elle, immobile et silencieux, en attendant la suite.

Après avoir pris soin d'en effacer le dernier message envoyé, elle rendit à Aurélien Fenaux son téléphone portable. Enfin, elle lui sourit. Jamais elle n'avait été plus rayonnante qu'à cet instant précis. Les yeux dans ceux du garçon assis là, elle dit du bout des lèvres avec l'accent sévillan :

-  Mucha' gracia', Aurélien.

Pour retrouver les précédents épisodes, une présentation du roman et un entretien avec l'auteur, cliquez ici


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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:45
| Par Laurent Mauduit

 

C'est donc décidé ! Seul contre tous, Nicolas Sarkozy a choisi de passer en force avec la taxe sur les transactions financières. Et quand bien même les autres pays européens traîneraient-ils des pieds, la France la mettra en œuvre, seule s'il le faut. Voilà donc, sur le registre dont il est coutumier – tartarinades et hochements de menton –, ce que vient d'annoncer le chef de l'Etat.

 

Nul n'est, pourtant, obligé d'être dupe. Car à l'approche de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a visiblement décidé de multiplier ce genre de galipettes bravaches. Il faut donc savoir démêler le vrai du faux : analyser les hypocrisies de sa nouvelle posture sur cette taxe Tobin dont il a longtemps été un détracteur, mais en même temps les replacer dans la politique économique qu'il mène. Une politique où le mensonge a une place si considérable que cela finit par donner le tournis...

 

C'est donc le 6 janvier, à l'occasion d'un colloque à Paris, baptisé « Nouveau monde », que le chef de l'Etat a joué les fiers à bras sur la taxe Tobin, annonçant que la France ne supporterait plus les atermoiements des autres pays européens, et qu'elle pourrait envisager de mettre en œuvre cette taxe sur les transactions financières, même seule, si aucun autre pays ne se décidait à lui emboîter le pas.

 

« Nous n'attendrons pas que tout le monde soit d'accord pour la mettre en œuvre. Nous la mettrons en œuvre parce que nous y croyons », a dit Nicolas Sarkozy. Formidable ! Alors que la taxe Tobin est regardée avec dédain par toutes les grandes puissances depuis bientôt quarante ans; alors que depuis l'accélération de la crise, en 2007, les pays riches n'ont pas plus trouvé de raison de mettre en œuvre cette taxe, pourtant impérieuse pour faire reculer la spéculation, Nicolas Sarkozy s'applique soudainement à faire croire, à quelques encablures du premier tour de l'élection présidentielle, que c'est pour lui la première des priorités. L'urgence des urgences.

 

Voilà donc Angela Merkel prévenue ! Elle qui vient lundi à Paris pour rencontrer Nicolas Sarkozy sera sommée, une nouvelle fois, de se rallier à l'idée de cette taxe, et d'arrêter de prétendre que le projet n'a de sens que s'il est mis en œuvre simultanément par toute l'Europe (lire la réaction allemande ici).

 

Nicolas Sarkozy contre toute l'Europe ! Voilà l'image que le chef de l'Etat aimerait à donner de lui-même. L'image d'un président courageux, prêt à se battre seul contre la spéculation ; prêt à en découdre contre ces marchés financiers toujours plus avides de profits rapides. Magic Sarkozy ! Et le fait que l'élection présidentielle arrive dans bientôt quatre mois n'a naturellement strictement rien à voir avec cette formidable mise en scène.

 

D'un coup d'un seul, tous les ministres ont donc été requis pour annoncer la bonne nouvelle : la taxe Tobin arrive. Cela ne s'est pas fait sans quelques couacs. La plume du président, toujours empressée, Henri Guaino, a promis que tout serait bouclé dans le courant de ce mois de janvier 2012. Un peu plus prudent, le ministre des finances, François Baroin, a assuré que le projet verrait le jour en fin d'année. Promis, juré ! L'affaire est lancée. Et tant pis si c'est la future majorité qui, en fin d'année, sera censée mettre en œuvre une taxe dans les pires des conditions, hors de toute coopération européenne.

 

Oui, tous les ministres ont été requis. Pour annoncer la bonne nouvelle que la spéculation allait devoir reculer ? Oui, sans doute. Mais tout autant pour faire oublier que durant des mois, et même des années, l'UMP avait combattu cette fameuse taxe Tobin. Pas seulement l'UMP : le chef de l'Etat lui-même.

 

Pas plus tard que le lundi 21 novembre au soir, le principe d'une taxe sur les transactions financières, d'un montant de 0,05%, a été soumis à l'approbation du Sénat, par la socialiste Nicole Bricq, rapporteur général du budget, sous la forme d'un amendement au projet de loi de finances pour 2012. Mais le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Pierre Lellouche, y a été dépêché par le gouvernement pour s'y opposer avec la dernière énergie. Il a même eu l'imprudence de dire exactement... le contraire de ce que Nicolas Sarkozy prétend aujourd'hui, à savoir que la France « ne peut légiférer seule » car ce serait « contre-productif » et cela « nuirait à la place financière de Paris ».

 

Seulement voilà ! Il n'y a pas que l'insipide Pierre Lellouche qui a contredit Nicolas Sarkozy. Il y a aussi... Nicolas Sarkozy, lui-même ! C'était le 7 juin 1999, à l'occasion d'un débat sur France-2, qui opposait Nicolas Sarkozy, François Hollande, François Bayrou et Robert Hue, à l'époque dirigeant du Parti communiste français. Et ce que dit ce soir-là celui qui depuis est devenu le chef de l'Etat est proprement stupéfiant : c'est mot pour mot l'exact contraire de ce qu'il fait mine de penser aujourd'hui.

 

http://www.ina.fr/video/I11298787/echanges-nicolas-sarkozy-robert-hue-sur-la-taxe-tobin.fr.html

« L'affaire de la taxe Tobin est une absurdité [...]. Si nous le faisons en France, on va encore le payer de dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires », s'exclame-t-il, ce jour-là, avant de poursuivre : « Ce que vous ne comprenez pas, c'est que le monde a changé, le monde est devenu un village. A chaque fois que nous pénalisons la création de richesse sur notre territoire, nous favorisons la création de richesse chez les autres [...]. Réveillez-vous, le monde a changé ! »

 

Les tergiversations de Lionel Jospin

« Réveillez-vous !» Avec le recul, la formule résonne comme une mise en garde contre Nicolas Sarkozy lui-même, et ses perpétuelles galipettes. Réveillez-vous : écoutez ce qu'il disait hier, et écoutez ce qu'il dit aujourd'hui. Vous verrez que Nicolas Sarkozy dit blanc un jour et noir le lendemain, au gré de ce qui l'arrange. C'est le côté le plus détestable de la politique : au gré de ce qui est bon non pas pour le pays mais pour lui-même.

 

Il faut, toutefois, admettre que Nicolas Sarkozy n'est pas le seul à faire ce genre de gymnastique. La gauche aussi, également sur la taxe Tobin, a pratiqué exactement les mêmes volte-face.

 

Que l'on se souvienne ! Affirmant sa « volonté d'agir pour la remise en ordre du système monétaire international [et] la création d'un fonds de stabilisation des changes abondé par la taxation des mouvements de capitaux », c'est Lionel Jospin, le premier, le 14 avril 1995, en pleine campagne présidentielle, qui avait exhumé cette proposition de taxe Tobin. Pourquoi cette idée lui est-elle venue ? Il n'est guère difficile d'en expliquer la genèse. Très critique à l'encontre des dérives libérales auxquelles avaient alors cédé ses camarades socialistes lors du second septennat de François Mitterrand, le candidat Jospin ancre alors nettement à gauche sa campagne. Quoi de mieux que la taxe Tobin pour révéler son ambition ?

 

Sous les effets conjugués de la mondialisation, de la libération définitive des mouvements de capitaux et de la déréglementation boursière du milieu des années 1980 – dont, en France, les socialistes ont été les principaux artisans –, les marchés financiers avaient déjà conquis à l'époque une force considérable. Dans la proposition de Lionel Jospin d'instaurer une taxation des mouvements de capitaux, il y avait donc une arrière-pensée implicite : la déréglementation a été trop loin. La « planète finance » est devenue folle et menace de contrecarrer la puissance souveraine des Etats, notamment dans la détermination de leur politique monétaire. Les marchés contre la démocratie : voilà donc, en résumé, le cheval de bataille qu'enfourche Lionel Jospin, qui pour ce faire exhume en 1995 la vieille proposition de l'économiste américain James Tobin, qui a, le premier, dans les années 1970, imaginé qu'un impôt, même modeste, sur les mouvements de capitaux freinerait leur mobilité et empêcherait l'éclosion de bulles spéculatives, régulièrement suivies par des krachs et autant de crises sociales.

 

En 1995, cette proposition de taxe Tobin prend donc, dans la campagne jospinienne, valeur de symbole : comme l'attestent aussi de nombreux autres volets du programme socialiste, elle révèle que la gauche veut changer l'orientation de la politique économique. On sait pourtant ce qu'il en advint. Progressivement, Lionel Jospin a changé de politique économique. Ouvrant un jour le capital de France Télécom, annonçant le lendemain une baisse de l'impôt sur le revenu, y compris du taux supérieur, avec en arrière-fond une politique budgétaire qui cherche à respecter peu ou prou les exigences du traité d'Amsterdam, le premier ministre a perdu sa spécificité. Faisant entendre hier une petite musique hétérodoxe, il s'est rallié à l'orthodoxie ambiante.

 

Dans ce contexte, la fameuse taxe Tobin est très logiquement tombée aux oubliettes. C'est Dominique Strauss-Kahn, à l'époque ministre des finances, qui a sonné le premier la charge, faisant figurer dans un document budgétaire de Bercy une étude officielle critiquant très fermement la taxe Tobin. Puis, en octobre 1998, le Conseil d'analyse économique, dans un nouveau rapport, sous la signature d'un expert proche du PS, Olivier Davanne, enterre à son tour la fameuse taxe (le rapport est ici). Exit donc Tobin et son impôt : on est invité à comprendre que le premier ministre socialiste a définitivement changé de doctrine.

 

Et puis voilà que sur TF 1, le 28 août 2001, Lionel Jospin, qui va bientôt engager sa seconde campagne présidentielle, fait de nouveau volte-face et se prend à se souvenir que la taxe Tobin, c'est lui qui l'a remise d'actualité, sept ans plus tôt. Du coup, on est pris par le tournis. Et on se prend à penser que la ficelle est un peu grosse. Les mille et un arguments avancés par les deux rapports officiels pour démontrer l'ineptie de la taxe Tobin n'ont-ils plus de fondement ? Sans se soucier de la question, le premier ministre fait ce jour-là une nouvelle contorsion, proclamant qu'il est « en sensibilité proche » avec la taxe Tobin.

 

Un jour pour, le lendemain contre, le surlendemain encore pour... On observera, bien sûr, que pour un premier ministre socialiste revendiquant la sincérité et la transparence, cette politique en zigzag, au rythme des échéances électorales, n'est pas très glorieuse. Mais depuis, il faut en donner crédit aux socialistes, au moins sur ce point : ils ont fini de tergiverser et la taxe Tobin fait définitivement partie de leurs propositions.

Le reproche que l'on peut donc faire aux socialistes, c'est d'avoir progressivement cédé aux sirènes libérales du milieu des années 1980 jusqu'au début des années 2000. Et l'espoir que l'on peut nourrir – même si François Hollande n'envoie pas toujours des signes en ce sens, c'est qu'ils en aient tiré toutes les leçons. En tout cas, depuis le début de cette présidence, il faut leur rendre cette justice : il n'ont plus changé de cap. La taxe Tobin fait partie de l'arsenal de mesures qu'ils préconisent.

 

Eloge des subprimes

En revanche, avec Nicolas Sarkozy, ce n'est pas cela, visiblement, qui est en cause : c'est d'abord un problème de sincérité. Car sans cesse, il dit une chose et puis tout aussitôt il dit son contraire. Et ce n'est pas affaire d'inconstance ou de versatilité, comme c'était le cas pour Jacques Chirac. Non ! De l'art du mensonge en politique : Nicolas Sarkozy incarne jusqu'à la caricature une conception de la politique où l'honnêteté de la parole publique n'a strictement aucune importance.

 

Dressons en effet un rapide inventaire – qui n'a pas la prétention d'être exhaustif. Outre ce pas de deux sur la taxe Tobin qu'il tournait en dérision en 1999 et dont il prétend aujourd'hui être le champion, Nicolas Sarkozy s'est aussi illustré de la même manière en de nombreux autres sujets.

 

Premier exemple : la régulation du capitalisme. Le 25 septembre 2008, Nicolas Sarkozy prononce un célèbre discours à Toulon, où il se présente comme celui qui aura le courage de moraliser le capitalisme. Faisant mine d'être un héritier de Jean Jaurès ou de Léon Blum, il fustige toutes les dérives passées, celles de la finance folle.

 

 

 

 Il annonce ainsi « la fin du capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l'économie et avait contribué à la pervertir ». Et il ajoute : «  L'idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison est une idée folle. »

 

Mais au passage, il omet naturellement de rappeler que s'il y a eu en France, dans le passé, un propagandiste de la finance folle, c'est d'abord lui. A l'origine du début de la crise financière, en 2007, les subprimes, ces produits financiers hautement toxiques qui ont permis à des banques de s'enrichir spectaculairement en diffusant des prêts hypothécaires à des personnes non solvables, n'ont été défendus dans le passé, en France, que par un homme politique et un seul : Nicolas Sarkozy.

 

C'était le 14 septembre 2006, lors d'une réunion de l'UMP, dont il était alors le président, baptisée « Convention pour la France d'après ».

 

 

Rentrant d'un voyage aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy prononce ce jour-là un discours faisant un éloge dithyrambique de ces crédits hypothécaires, connus désormais sous l'appellation de subprimes : « Cela paraît très compliqué, c'est en réalité très simple (...) Je propose de changer les règles prudentielles imposées aux banques, de simplifier le recours à l'hypothèque (...) L'hypothèque doit être encouragée dans notre pays. »

Si on l'avait écouté, la France aurait connu un désastre bancaire gravissime et une crise financière encore plus grave.

 

L'aveu malencontreux de Borloo

Deuxième exemple : en 2006 et 2007, Nicolas Sarkozy n'a de cesse que de répéter qu'il sera le « président du pouvoir d'achat ». Il répète à qui veut l'entendre que «l'une des questions centrales pour la France, c'est celle du pouvoir d'achat des Français». «Les salaires sont trop bas, les revenus sont trop faibles. Et moi, je veux parler à la France qui travaille, celle qui a un métier, (...) celle qui travaille dur et qui pense pourtant que l'on n'arrive pas à joindre les deux bouts», martèle-t-il jour après jour.

 

Et que l'on observe maintenant l'épilogue de ce quinquennat. C'est l'Insee qui l'a présenté, dans sa dernière note de conjoncture, le 15 décembre, en donnant ses prévisions pour le premier semestre de 2012: Nicolas Sarkozy est en fait «le président de la baisse du pouvoir d'achat». Selon l'indicateur le plus pertinent, le pouvoir d'achat par unité de consommation (qui correspond à ce qu'éprouvent réellement les Français), la hausse a seulement été de 0,7% en 2011 et pour le premier semestre de 2012, il devrait être en baisse de l'ordre de -0,5 à -0,6 point.

 

Et là encore, il existe des images d'archives qui montrent l'aplomb stupéfiant dont Nicolas Sarkozy peut faire preuve quand on le renvoie à ses promesses passées.

 

 

 

Troisième exemple, qui est peu souvent évoqué, mais qui en dit long sur le personnage: celui de la TVA. Car, comme on le sait, Nicolas Sarkozy est subitement devenu un propagandiste de la TVA, frauduleusement présentée sous le nom de TVA sociale. Le 31 décembre, lors de ses vœux pour 2012, il a ainsi dit vouloir « faire contribuer financièrement les importations qui font concurrence à nos produits avec de la main-d'œuvre à bon marché ». Le petit doigt sur la couture du pantalon, tous les ministres sont donc entrés en campagne pour défendre une mesure qu'ils dénonçaient la veille, et le premier d'entre eux, François Fillon. Le 5 janvier, le premier ministre a ainsi annoncé le plan de travail du gouvernement

.

 

 

Ce jour-là, on apprend donc de la bouche de François Fillon que les décisions seront prises « à la fin janvier », après le sommet social prévu le 18 janvier à l'Elysée, et que la réforme sera « soumise au Parlement en février ». En bref, la TVA est subitement devenue l'urgence des urgences.

 

Mais que pensait Nicolas Sarkozy de la même TVA dite sociale au début de sa présidence ? Il y a un intermède qui le révèle. Il se passe le 18 juin 2007, au soir du premier tour des élections législatives, sur le plateau de France-2. Ce jour-là, le socialiste Laurent Fabius bouscule avec beaucoup d'habileté Jean-Louis Borloo, qui vient tout juste d'être intronisé ministre des finances, et lui fait avouer, comme la rumeur le suggère depuis quelques jours, que le gouvernement travaille à une hausse de la TVA.

 

 

Mais la vérité, c'est que Nicolas Sarkozy comprend sur-le-champ que l'annonce va avoir des effets ravageurs sur l'électorat et qu'elle risque de limiter la victoire de l'UMP au second tour des législatives, quelques jours plus tard. La sortie malencontreuse de Jean-Louis Borloo est donc perçue par l'Elysée comme une faute politique majeure. On connaît la suite : c'est à cause de cela que Jean-Louis Borloo est sanctionné et perd quelques jours plus tard son portefeuille de ministre des finances.

Alors, Nicolas Sarkozy pense-t-il vraiment qu'il va sauver sa présidence, en même temps que son clan, en défendant une mesure qu'il pourfendait voilà quelque temps ? Ainsi va en tout cas Nicolas Sarkozy : il achève son quinquennat comme il ne voulait surtout pas le commencer. Et en donnant de la politique la plus détestable des apparences : la politique du mensonge.

 

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:35

 

L'actualité quotidienne de Nicolas Sarkozy

Rédigé par Juan Sarkofrance le Dimanche 8 Janvier 2012 à 05:01
Le clou du spectacle fut ce 600ème anniversaire de Jeanne d'Arc. Un machin incroyable qui clôturait une semaine riche en voeux et en polémiques.

On ne connaît pas avec certitude la date ni même l'année de naissance de Jeanne d'Arc. Un site catholique s'en inquiétait encore cette semaine. Mais Nicolas Sarkozy a l'habitude des hommages hors date. Il nous avait fait le coup l'an dernier avec le 100ème anniversaire de Georges Pompidou, célébré en grandes pompes... hors date.
244ème semaine de Sarkofrance: de la TVA sociale à Jeanne d'Arc, Sarkozy franchit le pas


Ce vendredi 6 janvier, jour de l'épiphanie, Nicolas Sarkozy n'était plus tout à fait le président d'une République laïque. Jeanne la Pucelle est bien sûr un symbole national qu'il est très opportun de célébrer à 107 jours du scrutin présidentiel. Elle eut d'ailleurs sa plaque commémorative à la mairie de Domrémy-la-Pucelle, puisqu'elle est devenue «l'incarnation des plus belles vertus françaises, du patriotisme », dixit notre Monarque.

Mais ce dernier avait aussi choisi de se recueillir seul dans l'église du village natal de Jeanne d'Arc. Le 22 décembre dernier déjà, il s'était distingué d'un dîner avec de jeunes prêtres catholiques, largement relayé par le Figaro.Nous fûmes fascinés par ce besoin soudain de générosité chrétienne. En janvier 2008, Nicolas Sarkozy expliquait certes déjà que « L'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé ». Mais durant l'été 2010, sa traque des Roms - ces gens du voyage souvent chrétien - avait heurté par son outrance indigne la quasi-totalité de la hiérarchie catholique. Depuis, le rétropédalage sarkozyen fut massif, les courbettes nombreuses.

Pour honorer Jeanne d'Arc, Sarkozy eut des grands mots, mais il était là pour de petites raisons : «Puissions-nous aussi continuer à penser à elle comme le symbole de notre unité et ne pas la laisser entre les mains de ceux qui voudraient s'en servir pour diviserIl ne pensait qu'au Front National. Il était accompagné de Gérard Longuet, ce ministre qui s'interrogeait sur le « corps traditionnel français », et de Patrick Buisson, son conseiller ès extrême droite si féru d'histoire. « En cette froide journée de janvier 1412, alors que la Meuse était prise par les glaces, une humble famille de laboureurs fêtait la naissance d'un cinquième enfant »... Buisson avait préparé un discours si lyrique... Sarkozy put évoquer Charles VI « emprisonné dans sa folie », « les voix de Jeanne », ou encore « la petite paysanne illettrée ».

Le lendemain, ce samedi, la frontiste Marine Le Pen s'exhibait à son tour. Jeanne d'Arc était un hochet à disputes.

La semaine avait presque bien commencé. Dimanche 1er janvier, Nicolas Sarkozy avait filé à Metz. Pour ses derniers voeux de mandature le Jour de l'An, il voulait éviter les photos sous les dorures élyséennes. A Metz, il annonça la TVA sociale (c'est-à-dire une augmentation de trois ou quatre points d'une TVA déjà à 19,6% en contrepartie d'une réduction des cotisations patronales). Enfin, presque. Vu le tollé et l'actualité sociale déjà chargée, ses perroquets expliquèrent deux jours plus tard que cette TVA anti-délocalisation n'était qu'une hypothèse de travail. Puis, mercredi, François Fillon assura que la mesure serait votée dès le mois prochain. Il parlait à un colloque sobrement dédié au « Nouveau Monde ». La chose était organisée par un sarkozyste pur jus... un certain Eric Besson.

Lundi, Nicolas Sarkozy avait un agenda officiel vide. Il aime se garder de la souplesse pour réagir. En début de journée, il lâcha à la presse qu'il avait convoqué une énorme réunion de travail avec un quart de son gouvernement pour « sauver » les emplois de Seafrance. Sarko le Zorro était de retour ! A l'issue de cet improbable meeting, notre Monarque avait la solution. Le transporteur maritime était en liquidation depuis la mi-novembre. Mais Nicolas Sarkozy avait choisi la veille d'une audition au tribunal de commerce pour se saisir du problème. Il demanda officiellement à la SNCF de prévoir de grosses indemnités de licenciement aux 880 salariés avant de liquider l'entreprise, afin que ces derniers puissent placer leur pécule de départ dans la SCOP proposée par quelques syndicalistes. Trois jours avant, son ministre des Transports Thierry Mariani expliquait que ce projet de SCOP n'était pas crédible... Mariani était énervé. Non seulement désavoué, il devait partir en fin de semaine en Chine pour labourer sa future circonscription de député des Français de l'étranger du coin.

Bref, le lendemain mardi, les porteurs du projet de SCOP refusèrent bien officiellement la proposition sarkozyenne qui n'était qu'un piège si grossier. Le même jour, Nicolas Sarkozy pensait déjà à autre chose. Il livrait ses voeux aux Armées, en se montrant dans une école navale de Bretagne, photographié les cheveux au vent secoués par les embrunts. Devant les militaires, Nicolas Sarkozy sombra dans un narcissisme assez habituel, en comparant ses décisions aux combats militaires: « Ce poids de la décision, je le porte... comme vous porterez vous-même l'angoisse du combat ». 


Deux jours après, un nouveau scandale troublait ce beau discours officiel. Quelques extraits d'un témoignage d'un terroriste d'Aqmi, la « filiale » d'Al Qaeda au Maghreb, recueilli en novembre dernier était publié par Libération. Ce dernier assura que l'un des deux otages français « a péri brûlé dans le 4x4, qui transportait de l'essence, à la suite des tirs qui l'ont touché. » La famille de l'un des décédés comprit que les soldats français, lors de la tentative de libération des deux otages français capturés au Niger, avaient reçu l'instruction de tuer les preneurs d'otages. Pas de sauver les otages. Nicolas Sarkozy avait donc fait son « devoir ». On eut la nausée. L'élection était-elle à ce prix ?

Lundi, le même quotidien Libération avait rappelé pourquoi Nicolas Sarkozy était bien évidemment au courant du montage fiscal mis en place pour assurer la déductibilité des commissions versées lors de la vente de sous-marins au Pakistan en 1994. Le Karachigate n'était pas terminé. Vendredi, une curieuse ristourne fiscale accordée en 2005 par un autre ministre du budget dénommé Jean-François Copé à un heureux contribuable grâce à l'intervention de Ziad Takieddine, ami de Copé, et « qui lui aurait été demandée par Nicolas Bazire » intéresse la police judiciaire. Fichtre ! Le Karachigate a permis de dévoiler d'incroyables relations... [Samedi, l'hebdomadaire Marianne publiait une enquête de Frédéric Martel]url:../../../Exclusif-Carla-Bruni-au-coeur-d-un-scandale-international_a214136.html sur les curieuses largesses financières de Carla Bruni-Sarkozy avec des fonds de la lutte contre le sida en faveur de l'un de ses amis... On s'intéressa aussi, enfin et à nouveau, à Guy Wildenstein, un proche ami de Nicolas Sarkozy objet de nombreuses attentions judiciaires.

Cette semaine, le candidat Sarkozy lâcha enfin quelques promesses, lors de ses voeux au monde de l'Education. La veille, ses sbires s'étaient déchaîné s contre François Hollande, prétextant des propos que le candidat aurait tenus en off, mais démentis par le journaliste auteur de la fuite. L'espace d'une semaine, Nadine Morano était devenue une star. Nombre de ministres passaient visiblement plus de temps à Tweeter qu'à bosser.

Aux enseignants, Sarkozy promit mercredi la réduction des moyens, la suppression du collège unique (avec moins de moyens ?) et une meilleure intégration de l'enseignement secondaire ... avec le monde de l'entreprise. Le candidat tentait d'imposer ses thèmes de campagne plutôt que de se voir imposer l'examen de son bilan. Il eut cette phrase malheureuse: « La plus grande des inégalités ne réside pas dans les écarts de richesse ».

Sarkozy reparla aussi de la taxe sur les transactions financières. A 107 jours du scrutin, Nicolas Sarkozy s'est dit qu'il était temps de la faire voter en France, même si ses partenaires européens ne suivaient pas. Il avait enfin mesuré la pauvreté de son bilan au G20.

Vendredi soir, il clôturait le colloque du Nouveau Monde: « la France doit anticiper les transformations du monde ».


Ami sarkozyste, tiens bon. Plus que 105 jours !
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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:28
Grand entretien 08/01/2012 à 11h16
Sophie Verney-Caillat  Journaliste Rue89


 

Bernard Laponche, spécialiste de l'énergie atomique, déplore l'hypocrisie et le déni de l'Etat autour des trop nombreux risques nucléaires.

 


Bernard Laponche chez lui à Paris, le 6 janvier (Audrey Cerdan/Rue89)

 

Bernard Laponche est l'un des rares ingénieurs français capable d'opposer des arguments pragmatiques aux promoteurs du nucléaire. Malgré ses 73 ans, ce consultant international spécialiste des questions de maîtrise de l'énergie, membre fondateur de l'association Global Chance et coauteur d'un récent essai « En finir avec le nucléaire, pourquoi et comment » (Seuil), a gardé intacte sa capacité d'indignation.

Il nous a reçu chez lui pour évoquer longuement le rapport sur les évaluations complémentaires de sûreté, remis au Premier ministre cette semaine par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Cet ancien conseiller technique de Dominique Voynet, entré au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à sa sortie de Polytechnique, se sent de moins en moins seul à penser que l'industrie nucléaire est trop risquée et qu'au nom de la simple comparaison entre les risques qu'elle nous fait courir et les bénéfices qu'elle nous procure il vaudrait mieux s'en passer.

Rue89 : Est-ce qu'avec ce rapport de l'ASN, la question du nucléaire est en train de devenir moins « idéologique » ?

Bernard Laponche : On a souvent entendu dire que les antinucléaires étaient idéologiques. Moi j'ai toujours constaté que ce sont plutôt les pronucléaires qui le sont. J'appuie ma position sur des arguments expérimentaux, physiques.

En France, il y a une espèce de croyance, entretenue par EDF, le CEA, la recherche... que le nucléaire est sûr et hypermoderne. Les choses changent et beaucoup de gens se disent maintenant : « Si ça foire comme ça au Japon »...

Le roi est nu, par un excès d'arrogance

L'avenir du nucléaire se fera aussi sur un calcul : si sortir du nucléaire s'avère moins cher et moins risqué que d'y rester, cela basculera. Jusqu'ici nos arguments étaient considérés comme farfelus ou exagérés, maintenant ils sont vus comme valables, y compris au Parti socialiste, et même à l'UMP, certains nous écoutent.

Vous parlez d'un « bloc nucléaire », est-ce un lobby ?

Je suis contre le mot lobby car c'est beaucoup plus que cela. C'est l'Etat, la haute administration, avec le corps des Mines et même l'Ena, donc la plupart des politiques qui sont pronucléaires. Sans parler du pouvoir du CEA, qui est un Etat dans l'Etat car il est à la fois dans le civil et le militaire, Areva qui a de l'argent pour se payer des publicités dans les médias, EDF tentaculaire... C'est un bloc, difficile à fissurer, qui commence à se fissurer aujourd'hui.

Le nucléaire a été monté en épingle en France comme étant quelque chose de super important, et aujourd'hui, on s'aperçoit que le roi est nu, par un excès d'arrogance.

L'ASN et l'IRSN sont-ils indépendants à vos yeux ?

A l'intérieur de cet Etat pronucléaire, ils ont un rôle de contrôle, qui n'ira jamais jusqu'à une remise en cause du nucléaire. C'est comme l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à la fois chargée de contrôler le nucléaire, et aussi de le promouvoir, en somme de vérifier qu'on ne fait pas n'importe quoi avec.

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) fait un très bon boulot de recherche et d'expertise. Ce sont surtout des ingénieurs qui trouvent dans la complexité du nucléaire des sujets de recherche passionnants. J'ai fait partie de cette « race », je les comprends.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a tendance à se prendre pour Dieu le père en disant « Moi, je suis juge ». Ils ont le pouvoir de dire au gouvernement s'il faut arrêter les centrales, mais ne l'ont jamais fait.

Où sont les experts vraiment indépendants alors ?

En France, si vous êtes un universitaire et que vous êtes antinucléaire, votre carrière est foutue.

 

Voir le document

(Fichier PDF)

 

Il y a bien le Groupe de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN), créé dans les années 70 par des physiciens militants du Collège de France, et puis Wise Paris, avec Mycle Schneider et Yves Marignac, et l'association Global Chance, des labos indépendants comme la CRIIRAD et l »Acro, certains membres des CLI, mais cela fait peu de monde et peu de moyens. Le recours à l'expertise indépendante et à la contre-expertise devrait être systématique et rémunéré.

C'est comme dans le médicament, où l'on s'aperçoit que les experts sont liés aux labos et ne sont pas indépendants. Si vous êtes dans un labo et que vous n'avez l'aide d'EDF ni de personne, vous n'êtes pas reconnu comme expert.

Après Fukushima, « l'improbable est possible », ce qui nous oblige à augmenter le niveau de sûreté des centrales. Mais jusqu'où peut-on anticiper l'imprévu ?

Ces expressions « l'improbable est possible » ou bien « l'impossible peut se produire » paraissent brillantes mais sont en fait assez vaseuses. Cela me met en colère car les gens qui les utilisent font semblant de découvrir avec Fukushima que le nucléaire est dangereux.

Il y a déjà eu un « après Tchernobyl », un « après Three Mile Island »

Disons plutôt que Fukushima n'a pas été prévu pour recevoir une vague de 15 mètres de haut, ce qui nous amène à imaginer un séisme à Fessenheim....



Le dossier électronucléaire

 

Il n'y a pas que ça. A Three Mile Island, il n'y a eu ni tsunami ni tremblement de terre.... Ça veut dire qu'il peut y avoir des causes multiples à un accident grave, des causes internes ou externes, quelqu'un qui devient fou... Bref, quelle que soit la cause, on peut se retrouver dans l'impossibilité de refroidir le réacteur.

Là on nous dit qu'il y aura un « après-Fukushima ». Mais il y a déjà eu un « après Tchernobyl », un « après Three Mile Island ». A chaque fois, on va nous faire le coup ! Or ces accidents ont été décrits dans les années 70 par le bouquin de la CFDT (« Le dossier électronucléaire » paru au Seuil en 1975), par « Les jeux de l'atome et du hasard » (de Jean-Pierre Pharabod et Jean-Paul Schapira, paru en 1994), qui est une merveille d'explication et de pédagogie... Donc, ou bien ces gens-là sont incompétents, ce que je ne pense pas, ou bien ils racontent des histoires. On sait très bien et depuis longtemps que l'accident grave peut se produire.

Les gens de la sûreté n'ont pas à faire les surpris, ils savaient très bien les risques qu'il y avait. Ils pensaient que ça se produirait moins ou moins souvent, mais après ces trois accidents graves, on ne peut plus nous faire le coup.

Quel sera le prochain d'après vous ?

Je pense que ça peut-être une agression informatique, c'est ce qui me paraît le plus facile. C'est arrivé en Iran l'an dernier avec Stuxnet. Je pense plutôt au sabotage informatique qu'à une intrusion physique comme l'a fait Greenpeace.

Qu'est-ce qui manque dans ce rapport de l'ASN selon vous ?

Il n'y a presque rien sur les piscines de La Hague. Les piscines sont sous un toit de tôle : ni tsunami, ni avion, un simple bazooka suffit, et il y a une centaine de cœurs là dedans !

Séisme et inondation sont une partie des problèmes de sûreté possibles, concentrer son rapport là-dessus permet de ne pas parler des autres sujets. Dans le rapport de Global Chance intitulé « Le déclin de l'empire français », et réalisé avant Fukushima, on ne parlait pas de séisme ni d'inondation.

Le problème de Fessenheim, vulnérable aux séismes et inondations, est connu depuis bien longtemps, il est réveillé par Fukushima... On ne peut pas dire que Fukushima nous fait découvrir ces problèmes. C'est une malhonnêteté intellectuelle au minimum.

 


Bernard Laponche chez lui à Paris, le 6 janvier (Audrey Cerdan/Rue89)

 

Vous trouvez ce rapport crédible ?

Je le trouve ambigü : le chapeau du rapport, ce qui apparaît comme « l'avis » de l'ASN c'est que la sécurité nucléaire est « satisfaisante », et qu'il n'y a pas lieu d'arrêter les centrales.

En plus, on voit bien les limites d'un exercice qui repose essentiellement sur les déclarations des exploitants et qui demande aux contrôleurs de faire leur propre critique. La sûreté nucléaire a besoin d'un examen critique extérieur beaucoup plus approfondi et indépendant du milieu nucléaire.

Que veut dire « satisfaisant » alors qu'il y a une foule de travaux à faire ? Quel sera le degré de satisfaction après ? C'est sans fin. C'est surprenant de dire « il y a plein de choses à faire mais tout va bien ». Que va en tirer Monsieur Fillon ? Il va dire « tout va bien mais on va être extrêmement vigilants sur les ordres que l'ASN va donner à EDF » ?

Mais qui va surveiller que si le travail n'est pas fait, EDF sera sanctionné ? Tout est écrit au futur, je cite : « L'ASN prendra des prescriptions patati patata.... “. De temps en temps, l'ASN demande des travaux supplémentaires, car il y a des incidents réguliers, et l'ASN demande à EDF de faire quelque chose. Je n'ai pas mémoire de sanctions ou d'arrêts, la plupart des rapports se concluent par : ‘EDF va veiller à ce que...’

L'ASN a un pouvoir assez arbitraire

Quand on a constaté en février 2011 que les diesels des centrales avaient des problèmes de coussinets et risquaient de ne pas démarrer, on a demandé à EDF de les changer. Quand les deux diesels posaient problème, à Tricastin, je pense que l'ASN aurait dû demander l'arrêt de ces réacteurs.

Autre exemple, les 34 premiers réacteurs, type Fessenheim, ont une seule enceinte de confinement, et puis les gens de la sûreté ont dit à un moment qu'il en fallait deux et les réacteurs suivants en ont deux. Qu'a-t-on fait pour les centrales qui n'en avaient qu'une ? Rien. S'il en faut deux, il en faut deux partout.

Le problème est que quand l'ASN dit que les choses sont satisfaisantes, il n'y a pas de critère, elle dit que les choses sont satisfaisantes, point. C'est un pouvoir assez arbitraire.

EDF va devoir faire des travaux qui vont coûter cher et prendre du temps, sait-on s'ils vont vraiment être réalisés ?

Vous aurez beau améliorer les centrales, la technologie date des années 50 à 70. Quand les politiques vont voir la somme que ça représente, que ça coûte beaucoup plus que les 10 milliards d'euros annoncés, ils vont peut-être se demander si ça vaut le coup, car c'est un puits sans fond. Peut-être vont-ils alors réfléchir à un scénario à l'allemande.

 


En finir avec le nucléaire (Seuil)

 

La réalité des choses va finir par peser, et quel que soit le résultat de l'élection en mai prochain. La prise de conscience du risque se double de celle des coûts. Si le nucléaire est beaucoup plus cher que prévu, ce qui est pratiquement sûr, alors les forces économiques obligeront à changer de cap. Et les industriels français regardent Siemens, qui a définitivement tourné la page du nucléaire, et n'est pas considéré comme un fou furieux.

Je pense que le Japon va abandonner le nucléaire, or c'est LA grande nation d'Asie, un modèle. Si deux grandes nations comme l'Allemagne et le Japon laissent tomber le nucléaire, les industriels français vont commencer à réfléchir autrement.

Et puis les Chinois, qui sont très pragmatiques, vont se demander si ça coûte cher, si c'est vraiment sûr... Il se peut que l'évolution mondiale fasse qu'on se dise que le nucléaire n'est pas si brillant qu'on pensait. Ca peut se jouer sur la réalité économique, les investisseurs vont peut-être vouloir investir dans d'autres formes d'énergie.

Oui mais nous ne sommes pas le Japon ni l'Allemagne : en France, 75% de l'électricité provient du nucléaire, alors parler de ‘sortie’, est-ce réaliste ?

On peut sortir en 20-25 ans, avoir zéro centrale en fonctionnement à cette échéance. Dans ce scénario, et pour le bon sens économique, il faut une politique d'économie d'électricité. En France, on gaspille beaucoup avec le chauffage électrique, qui ruine les gens et ne les chauffe pas beaucoup. En France on parle du nucléaire comme si c'était toute l'énergie, mais en réalité, la contribution du nucléaire à l'énergie finale c'est seulement 17%.

Quand on se heurte à EDF en France, on perd

Il faut surtout faire des économies d'énergie en général et d'électricité en particulier, on la gaspille car on en a beaucoup. La question énergétique ne se limite pas au nucléaire, loin de là. Il faut économiser du pétrole, en faisant des transports collectifs électriques.

La part des transports dans la consommation d'électricité n'est que 3%. C'est génial et personne ne le sait. On peut multiplier par trois tous les transports électriques collectifs, et c'est ce qu'il faut faire. L'électricité c'est très bien pour faire des métros, des trams, des trolley bus.... Ça nous rend moins dépendants au pétrole. Sur la voiture électrique, je suis plus réservé car la technologie n'est pas au point.

Les deux tiers de la consommation d'électricité en France est dans les bâtiments. Consommation du chauffage électrique, encore une spécialité française, mais surtout des usages spécifiques, électroménager, audiovisuel, informatique, dont nous consommons beaucoup plus que les Allemands.

La direction générale de l'Energie a toujours été contre le chauffage électrique mais elle s'est heurtée à EDF et quand on se heurte à EDF en France, on perd, même si on est le corps des Mines.

Comment faire pour que les gens mettent leur ordinateur en veille ?

On pourrait interdire les appareils qui ne sont pas efficaces, faire une vraie politique de bonus-malus sur l'électroménager performant. Ou encore interdire les panneaux publicitaires lumineux dans le métro, qui consomment l'équivalent de deux ménages.

Sortir du nucléaire risque de mettre en péril des centaines de milliers d'emplois ...

Si la sortie se fait sur vingt-cinq ans, ça laisse le temps à EDF de se convertir. Et puis, fermer les centrales ne veut pas dire la fin du nucléaire, car il y a la gestion des déchets qui sera un bazar sans fin, et aussi le démantèlement de toutes les installations nucléaires qui demandera des emplois très qualifiés.

On a fait du fric avec l'électricité, sans penser à la suite

L'enfouissement est moralement inacceptable : faire des trous dans la croûte terrestre, je ne pense pas que ça marche. Il va falloir les stocker à sec, en subsurface hyperprotégée, c'est un boulot énorme.

Le démantèlement des centrales, c'est pareil, il faut mettre au point des techniques.

On a fait du fric avec l'électricité, sans penser à la suite. Dans les années 60, les déchets nucléaires étaient considérés comme un problème d'ordure. Ce qui intéressait les ingénieurs c'était de construire, pas de prévoir le démantèlement. On a repoussé, jusqu'à maintenant. Si on arrête Fessenheim aujourdh'hui, il faudra commencer à démanteler dans dix ans. Chinon, Saint-Laurent et Bugey, les premières centrales à graphite-gaz peuvent l'être dès maintenant.

Et puis rappelons que l'Allemagne a créé 300 000 emplois dans les renouvelables.

Il existe un énorme potentiel d'emplois dans les économies d'énergie. La Société d'économie mixte (SEM) Energies Posit'if qui vient d'être créée en Île-de-France va appliquer un système vraiment sioux : elle finance et fait réaliser les travaux de réhabilitation énergétique des bâtiments et se rembourse sur les économies d'énergie réalisées. C'est la réponse à grande échelle vers la transition énergétique et c'est pourvoyeur d'emplois.

 


Bernard Laponche chez lui à Paris, le 6 janvier (Audrey Cerdan/Rue89)

 

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:23

 

Le Monde - 07 janvier 2012

 

 

 

Dans cette campagne présidentielle qui démarre au ras des pâquerettes, M. Hollande tente de nous faire rêver en nous parlant de justice sociale. Et, puisqu’en cas d’alternance le PS ne semble pas disposé à remettre en cause le rapprochement police-gendarmerie, il pourrait se pencher sur une injustice flagrante : la différence de droits sociaux entre des hommes et des femmes qui travaillent côte à côte. Une situation qui heurte autant les gendarmes que leurs collègues policiers. J’ajoute, pour être cynique comme un candidat, qu’il y a plusieurs dizaines de milliers de voix à récolter.

 

Le ministère de l’Intérieur est animé d’une vie syndicale intense. Et dans cette ruche, ce bouillonnement d’idées, d’opinions, de déclarations…, près de 100 000 personnes restent sur la touche. De simples spectateurs. En effet, de par leur statut, comme tous les militaires, les gendarmes jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens, mais l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint par la loi (art. L.4121-1 du Code de la Défense). Ils n’ont entre autres ni la liberté syndicale ni la liberté d’association.

 

Le droit syndical des agents publics a été longtemps contesté. La crainte était surtout de les voir bénéficier du droit de grève. Aussi, lorsque la Constitution de 1946 a dissocié le droit syndical du droit de grève, les barrières sont tombées. Lentement. La difficulté, on l’a bien compris, était de trouver un juste équilibre entre la continuité du service public et la capacité légitime donnée à chacun de pouvoir défendre ses intérêts. Problème que l’on retrouve aujourd’hui dans les transports.

Pourtant, seuls certains agents de l’État sont visés par des restrictions au droit de grève :

 

 

Mais les préfets, les sous-préfets et les militaires sont les seuls à ne pas disposer du droit basique de se syndiquer. Le dialogue social n’est pas totalement absent de l’armée, mais il se présente sous une forme aseptisée. Une concertation interne qui ne déborde pas le cadre du corps. Un concept désuet qui ne colle plus à notre monde.

 

À tel point qu’en 2008, des officiers supérieurs en désaccord avec le Livre blanc de la défense ont dû se dissimuler sous le surnom de Surcouf pour publier une tribune dans Le Figaro. Il s’en est suivi une chasse aux sorcières et une décision à l'emporte-pièce : interdiction absolue de parler aux médias. Plus tard, pour avoir bravé l’interdit en épiloguant sur le rattachement de la gendarmerie à l'Intérieur, le commandant Jean-Hugues Matelly a servi d'exemple. Il a été radié et renvoyé à ses chères études – au CNRS. (Décision annulée en janvier 2011 par le Conseil d’État.) Malgré tout, sur Internet, les discussions ont repris de plus belle. Les forums et les blogs n’ont jamais connu autant de succès. Et les commentaires vont bon train. La démonstration évidente que les militaires ont besoin de communiquer, et, parmi ceux-ci, les gendarmes sont les plus demandeurs.

 

Finalement, sous la pression, les autorités lâchent du lest. En juillet 2010, les ministres de l’Intérieur et de la Défense signent un arrêté commun pour réorganiser en profondeur le dialogue social au sein de la gendarmerie. Création entre autres de gendarmes référents et d’un président du personnel militaire, élu pour quatre ans, qui a vocation à représenter toutes les catégories de personnels au sein de chaque compagnie ou escadron de gendarmerie.

 

Au niveau national, la concertation passe par le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), dont les membres portent l’insigne, et les sept Conseils de la fonction militaire (CFM). Celui qui représente la gendarmerie (CFMG) comprend 79 membres (source Wikipédia).

 

La gendarmerie prend un pas d’avance sur l’ensemble de la communauté militaire. C’est la locomotive. Le 25 mars 2011, le ministre de la Défense et des Anciens combattants ratifie un document (la circulaire 3727) qui définit la nature et le champ de concertation dans l’ensemble des forces armées. Et, sans doute pour éviter de parler de dialogue social, on lui attribue le joli nom de « Charte de la concertation ». « La concertation, lit-on dans son préambule, permet d’éclairer l’autorité dans sa prise de décision sur les sujets fondamentaux qui concernent la condition et le statut des militaires. Elle est nécessaire au bon fonctionnement des armées et des formations rattachées, notamment en favorisant l’adhésion du personnel à tous les échelons, contribuant ainsi à son moral et donc à l’efficacité opérationnelle des unités. »


Dans ces quelques lignes, le mot-clé est « moral ».

 

Maintenir le moral des troupes est l’une des premières préoccupations de l’État. Cela pourrait être aussi un bon sujet de réflexion pour les grosses têtes de la Place Beauvau...

 

Alors, les soldats vont-ils conquérir le droit de s’exprimer ? On peut (peut-être) se faire une idée en regardant dans la gamelle de nos voisins. La position de l’Italie est très proche de la nôtre. En Grande-Bretagne, comme souvent, rien n’est écrit. Tout est dans la tradition. Et si les militaires ne peuvent pas constituer de syndicats, dans certaines circonstances, ils peuvent adhérer à l'extérieur. En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, ils ont le droit d’adhérer à des associations professionnelles.  Mais c’est surtout la situation de l’Espagne qui est intéressante. En effet, la garde civile est rattachée, comme la gendarmerie chez nous, au ministère de l’Intérieur. Or, en 2007, elle a obtenu le droit d’association. Il y en aurait treize dont quatre reconnues comme représentatives du personnel. Et un organisme paritaire de concertation a été institué.

 

Dans le remarquable rapport d’information parlementaire sur le dialogue social dans les armées (où j’ai puisé pour rédiger ce billet), qui date de décembre 2011, les députés Gilbert Le Bris et Étienne Mourrut racontent que pour l’un des responsables qu’ils ont sollicité, le vieil adage du briscard « la famille ne fait pas partie du sac à dos » est révolu depuis longtemps. Il me semble en effet que de nos jours, surtout dans une armée de plus en plus technique, être militaire est un métier comme un autre – du moins en temps de paix. Aussi faut-il ne pas prendre à la légère cet avertissement des députés : « Sans évolution du système de dialogue social dans les armées, le risque est sérieux que se produise une double rupture entre, d’une part, les militaires et leur hiérarchie et, d’autre part, entre l’armée et le reste de la population ».


Et ils font seize propositions en ce sens. Les deux dernières paraissent capitales : autoriser les militaires à adhérer à des associations de défense de leurs droits ; leur donner la possibilité de déposer des recours collectifs contre les actes de l’autorité dont ils dépendent. Pour ce dernier point, je crois qu’il ne faut pas rêver.

 

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:19

LEMONDE.FR avec AFP, Reuters | 08.01.12 | 09h40   •  Mis à jour le 08.01.12 | 09h45

 
 

 

Le Rena, qui bat pavillon libérien, s'est échoué le 5 octobre sur un récif situé au large de Tauranga, déversant quelque près de 300 tonnes de carburant, polluant les plages environnantes et tuant au moins 1.300 oiseaux.

Le Rena, qui bat pavillon libérien, s'est échoué le 5 octobre sur un récif situé au large de Tauranga, déversant quelque près de 300 tonnes de carburant, polluant les plages environnantes et tuant au moins 1.300 oiseaux.REUTERS/HANDOUT


Un porte-conteneurs échoué depuis trois mois au large des côtes de la Nouvelle-Zélande s'est brisé en deux sous l'effet d'une tempête, dans la nuit de samedi à dimanche, faisant craindre une nouvelle marée noire au large de l'île.

Le Rena, qui bat pavillon libérien, s'est échoué le 5 octobre sur un récif situé au large de Tauranga, dans le nord du pays, déversant quelque près de 300 tonnes de carburant, polluant les plages environnantes et tuant au moins 1 300 oiseaux, selon les autorités.

 

Le ministre de l'environnement Nick Smith avait alors estimé qu'il s'agissait de "la pire catastrophe écologique maritime" du pays. Dimanche, il a dédramatisé la situation, soulignant que les fuites de fioul déjà constatées après la dislocation du navire ne concernaient "au pire, qu'une dizaines de tonnes de fioul lourd". Des centaines de tonnes de pétrole ont été pompées depuis l'accident en octobre.

 

"ON NE CONNAÎT PAS LA QUANTITÉ DE PÉTROLE QUI POURRAIT S'ÉCHAPPER"

Dans la nuit de samedi à dimanche, les deux parties du navire se sont éloignées e 20 à 30 mètres l'une de l'autre après avoir été heurtées par des vagues de sept mètres de haut. "On ne connaît pas exactement la quantité de pétrole qui pourrait s'échapper, mais les équipes ont été mobilisées", assure Alex van Wijngaarden, responsable des opérations des services maritimes néo-zélandais.

 

Le capitaine philippin du Rena et son second sont soupçonnés d'avoir conduit le navire trop près de la côte afin de gagner du temps. Ils ont été inculpés pour conduite dangereuse et déversement de substances dangereuses. Ils encourent jusqu'à deux ans de prison.

 

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:14

Benjamin Augé, chercheur associé à l'IFRI | LEMONDE.FR | 06.01.12 | 17h08   •  Mis à jour le 07.01.12 | 09h22

 
 

 

Des voitures en feu après l'un des attentats revendiqués par Boko Haram contre l'Eglise catholique de Madalla non loin de la capitale fédérale Abuja, le 25 décembre dernier.

Des voitures en feu après l'un des attentats revendiqués par Boko Haram contre l'Eglise catholique de Madalla non loin de la capitale fédérale Abuja, le 25 décembre dernier. REUTERS/AFOLABI SOTUNDE


Les attentats visant la population chrétienne se succèdent au Nigeria. Des hommes armés ont tué dix-sept personnes dans le nord-est du pays, vendredi 6 janvier. La tuerie a eu lieu lors des funerailles des cinq personnes tuées, jeudi, lors d'une attaque contre une église.

Elles interviennent juste après l'expiration d'un ultimatum fixé par un porte-parole de la secte islamiste Boko Haram aux chrétiens pour qu'ils quittent le Nord majoritairement musulman du pays. Benjamin Augé, chercheur associé au programme Afrique de l'Institut français des relations internationales (IFRI), analyse les raisons politiques, économiques et religieuses de ce regain de violences.

Pourquoi les violences religieuses ressurgissent au Nigeria ?

Il y a plusieurs raisons. En premier lieu, une évidente radicalisation de l'islam dans le nord du pays. Certains Etats du Nord ont en effet adopté officiellement la charia entre 1999 et 2001, mais dans les faits celle-ci n'est pas appliquée aussi strictement que les islamistes le voudraient. Il y a donc des revendications religieuses. Mais il faut souligner par ailleurs que le président actuel, Goodluck Jonathan (président depuis mai 2010 après la mort du président Umaru Yar'Adua et élu en avril 2011), est chrétien et vient de la région du Delta où se trouvent les principales régions pétrolières.

C'est une première dans l'histoire de ce pays où le pétrole est la principale ressource financière (en 2010, il a rapporté 60 milliards de dollars au gouvernement d'Abuja). Sur la part de ces revenus qui reviennent à l'Etat fédéral, 13 % sont redistribués aux neuf Etats pétroliers. Pour le reste, c'est l'état fédéral qui décide des répartitions. Or historiquement, le Nord a toujours été déshérité, il y a donc une forte demande de rééquilibrage économique qui est instrumentalisé par un noyau d'extrémistes religieux.

En outre, les militants du Sud qui ont lutté, armes à la main, via le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (MEND) à partir de 2006 contre l'Etat fédéral, ont obtenu des contreparties. 26 000 d'entre eux bénéficient grâce à la loi d'amnistie de 2009 d'un revenu mensuel de 400 dollars et d'un accès privilégié à des formations professionnelles. Cela a renforcé encore un peu plus le sentiment d'injustice chez les nordistes. Boko Haram applique en fait une stratégie miroir en semant la terreur, comme le MEND l'a fait, pour rééquilibrer la situation économique du pays. Un chemin que les militants du Sud refusent catégoriquement.

Cela signifie-t-il que Boko Haram rencontre une forte audience dans le Nord ?

Dans les pratiques violentes du mouvement, non. Si les chrétiens sont principalement visés, des musulmans sont également victimes des attentats aveugles. Mais la secte croît sur le terreau d'une situation économique défavorable. Même si les leaders mettent en avant le conflit religieux, ils peuvent aisément fédérer leurs militants sur cette question de pauvreté et d'abandon d'Abuja. Boko Haram fait tout pour qu'il y ait un début de guerre civile et pousser Goodluck Jonathan à négocier une nouvelle répartition des revenus de l'Etat principalement basés sur le pétrole.

Par ailleurs, le président a pris la décision début janvier de supprimer les subventions des prix du carburant. Une mesure très impopulaire qui a fait passer les prix à la pompe de 30 à 90 centimes de dollar le litre. Dans le contexte actuel, c'est le pire moment pour lancer cette réforme très probablement soufflée par la Banque mondiale.

Certains assurent que des hommes politiques du Nord soutiennent Boko Haram. Est-ce crédible ?

Oui, c'est très probable qu'une partie des élites du Nord financent, soutiennent ou à minima ne condamnent pas cette violence terroriste. Certains membres du Parti démocratique populaire (PDP), le parti des trois derniers présidents, ne souhaitaient pas voir Goodluck Jonathan, lui-même membre du PDP, accéder à la présidence. Cela tient à une raison historique qui veut que traditionnellement le poste soit attribué alternativement à une personnalité politique du Nord puis du Sud. Or Jonathan, du Sud, est arrivé au pouvoir à la faveur du décès de Yar'Adua, du Nord, qui n'a donc pas pu finir son mandat. Certains au sein du PDP ont estimé que la présidence devait donc revenir à un homme politique du Nord.

Quelles peuvent être les clés d'une sortie de crise ?

Pour Jonathan, il s'agirait d'entrer dans des négociations directes avec Boko Haram. Le gouvernement a envoyé ses forces spéciales, la Joint Task Force, pour mater la secte islamiste. La réponse du pouvoir a été elle aussi très violente. Mais c'est une façon de vouloir résoudre le problème uniquement par la voie militaire. Jonathan peut par ailleurs compter sur le soutien d'un certain nombre de pays occidentaux comme la France ou les Etats-Unis. Il a été mieux élu que ses prédécesseurs et a beaucoup contribué au départ de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, ce qui lui confère une grande légitimité aux yeux des Occidentaux.

Qu'en est-il des liens de Boko Haram avec d'autres groupes islamistes radicaux ?

Il est pour l'instant très difficile d'établir la réalité des liens de Boko Haram avec Al-Qaida au Maghreb islamique ou les shebabs en Somalie. Si ces violences m'apparaissent avant tout comme relevant de problèmes politiques et économiques nationaux, les Etats-Unis par exemple envisagent le cas de Boko Haram principalement comme un mouvement terroriste à tendance religieuse et à visées régionales. Le dernier rapport du Congrès (en pdf) sur la secte rendu public en décembre et décrivant Boko Haram comme une menace émergente pour les intérêts du Nigeria et des Américains montre bien cette inquiétude.

Propos recueillis par Simon Piel


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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:07

 

 

 

 


 

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:02

www.negawatt.org/
www.enercoop.fr/

  

 

Quel avenir Energétique face aux enjeux Climatiques et Economiques ?

 

Encart

Conférence débat :

 « Quel avenir énergétique face aux enjeux climatiques et économiques ? » à Sommières le 2 Mars à 20H30 salle Laurence Durell. Des propositions à débattre autour des Scénarios Negawatt, Greenpeace … Réflexion autour des enjeux que la Transition Energétique ouvre en termes d’emplois, d’Agriculture, d’Energies renouvelables… Des pistes d’actions concrètes et locales.

Organisée par un collectif : Groupe Territoire en Transition Vidourle Vaunage, Collectif Gaz de Schiste Garrigue Vaunage Non Merci !, CIVAM du Vidourle, Greenpeace, Rencontres Citoyennes,  Négawatt … Avec le soutien de la mairie de Sommières.

 

Pourquoi réduire et modifier nos consommations d’énergie ?

Il est aujourd’hui admis par la communauté scientifique, à l’exception de quelques «climato sceptiques», que le réchauffement climatique constaté depuis 20 ans est du en grande partie aux rejets dans l’atmosphère de gaz à effet de serre liés à l’utilisation massive des énergies carbonées (charbon, gaz, pétrole) dans les pays les plus développés. L’importance des conséquences du réchauffement climatique, sur l’avenir même de la communauté humaine à la surface de la Terre, a conduit à la signature du Protocole de Kyoto en Décembre 1997 dont l’objectif est de maintenir l’élévation de la température en dessous de 2°C à l’horizon 2100.

Nous commençons à prendre également conscience du fait que notre planète est un monde fini, dont les ressources sont limitées. Les énergies fossiles et les minerais dont nous faisons une consommation effrénée depuis une centaine d’années,  se sont constitués sur le temps long de la Géologie de la Terre, à l’échelle  du million d’années. Pour le pétrole il aura fallu 100 millions d’années ! Il est donc évident que notre consommation ne permet pas leur renouvellement. Il est aujourd’hui admis dans les milieux Pétrolier que nous venons ou que nous allons  entre 2009 et 2015 passer le cap du Pic Pétrolier : moment où les capacités de production plafonnent avant de décliner du fait de l’épuisement des réserves.

Par ailleurs, le nucléaire ne constitue pas une solution d’avenir :

- Fukushima nous a rappelé que le risque d’accident majeur existe

- l’uranium utilisé n’est pas renouvelable, si quelques grands pays se mettent à l’utiliser, les réserves seront très vite menacées.

- la gestion des déchets fait peser un risque majeur sur les générations futures

- le prix de l’électricité nucléaire ne prend pas en compte certains couts comme celui du démantèlement des centrales

- enfin, s’en passer ne remet pas en cause l’indépendance énergétique, il ne représente que 16% à 18% de l’énergie finale consommée.

 

Encart

Quelle énergie, et dans quel domaine la consommons-nous ?

La consommation d’énergie finale en France se répartit approximativement de la façon suivante :

- Charbon : 4.5 %

- Produits pétroliers : 47.5%

- Gaz : 19.9%

- Energies renouvelables thermique (bois) : 6.9%

- Electricité : 21.2 % (à 79 % d’origine nucléaire, le reste est surtout de l’hydroélectricité).

 

Répartition de la consommation d’énergie par secteur d’utilisation :

- Bâtiment : 40 % (chauffage, clim, eau chaude, cuisson)

- Transports : 30 %  dont 2/3 pour le déplacement des personnes et 1/3 pour les marchandises

- Industrie : 23 %

- Agriculture : environ 2.5 %

(Sources Wikipédia et Négawatt)

 

Danger pour l’humanité liée au réchauffement climatique, épuisement des ressources : réduire nos consommations d’énergie s’impose donc à nous.

 

 

Quelles solutions ?

Nous disposons à l’heure actuelle de différents scénarios de descente énergétiques : NEGAWATT, GREENPEACE, APEP (Autre Paysage Energétique Possible). Ces Scénarios ont été mis au point par des ingénieurs, techniciens, chercheurs, tous indépendants des lobbys énergétiques et des pouvoirs publics. Ils n’ont pris en compte que les solutions techniques connues et réalisables à ce jour. Certes ces scénarios nécessitent des changements d’habitudes mais ils travaillent à confort constant et ne sont pas synonyme de retours à la bougie.

 

Constat est fait que 50% de l’énergie primaire consommée est perdue. Un certain nombre de propositions ressortent de ces scénarios que l’on peut schématiquement résumer ainsi : 

 

Habitat : Amélioration massive des performances énergétiques des bâtiments dans l’ancien et le neuf, optimisation des systèmes de chauffage. Réflexion sur l’évolution de l’habitat vers de petits collectifs au lieu de pavillonnaire isolé. Orienter les choix vers les énergies renouvelables : biomasse bois, gaz renouvelable (méthanisation), réseaux de chaleur, solaire thermique.

 

Transports : Il nous faut sortir de notre dépendance au tout voiture, tout en conservant notre liberté de déplacement. Il est évident qu’un renforcement des politiques publiques de transports en commun s’impose. L’intermodalité (train+vélos, train+tram, bus+tram …) que l’on commence à voir apparaitre est aussi une piste, ainsi que l’Auto Partage.  Nous devrons revoir le principe de l’étalement urbain, en densifiant l’habitat. Pour les marchandises, les systèmes d’approvisionnement devront être revus en relocalisant les productions et en développant les circuits courts….

 

Industrie : Il est certain que nous devrons nous questionner quand à l’existence de certains produits : sont-ils fabriqués pour répondre à un besoin, un usage, ou pour répondre à un besoin financier ou marketing ? Lors de la mise sur le marché d’un produit électroménager, ne pourrait-on pas imposer à l’industriel une durée de vie bien supérieure à celle qu’il prévoit ? L’organisation de la production est à repenser : est-il indispensable que la somme des kilomètres parcourus pour la fabrication d’un yaourt qui va être consommé à Cologne en Allemagne totalise 9000 km (étude réalisée par une Université Allemande) ? Ou encore : est il indispensable que 24 machines à laver fonctionnent dans un immeuble de 24 logements ? Ne serait-il pas concevable qu’il y ait 6 machines : 2 par étage.

 

Christian Mercier, Antoine Carlin – contribution du CIVAM du Vidourle – www.civamgard.fr

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