ARTE Journal - 26/08/12
Vendredi 24 août, plusieurs milliers d'immigrés et des associations anti-racisme ont défilé devant le parlement à Athènes. Ils étaient venus dire non aux agressions d'étrangers qui se multiplient dans le pays depuis quelques semaines. Le Conseil de l'Europe et Human Rights Watch ont tiré la sonnette d'alarme pour dénoncer la banalisation de la xénophobie en Grèce. Un phénomène inquiétant qui trouve en partie son explication dans la crise économique qui mine le pays.
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Chasse aux immigrés
Les agressions envers immigrés ou étrangers en situation irrégulière se multiplient donc en Grèce. Dans certains quartiers d'Athènes elles sont devenues quasiment quotidiennes et de plus en plus brutales. Ainsi le 11 aoüt dernier, un jeune Irakien de 19 ans a été poignardé à proximité d'une mosquée improvisée dans le centre d'Athènes. Le jeune homme a succombé à ses blessures. Ses agresseurs, cinq motards pourchassant les étrangers selon les dires de la police, n'ont pas été retrouvés.
Selon l'association des travailleurs migrants, 500 agressions à caractère raciste ont eu lieu ces six derniers mois dans un pays ou une véritable chasse aux immigrés a été lancée par les autorités depuis bientôt deux semaines. Pendant le seul week-end dernier, près de 6000 personnes ont été interpellées. Plus de 1500 sont encore sous les verrous et sont parquées à la frontière turque en attente d'être expulsées du pays. Beaucoup ne voient dans cette opération musclée qu'une tentative de diversion de l'opinion publique au moment où le gouvernement grec s'apprête à signer de nouvelles et sévères mesures d'austérité sous la pression de ses créanciers.
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Déjà pendant sa campagne électorale, le Premier ministre grec avait usé de la réthorique anti-immigrants, promettant de faire la chasse aux clandestins, d'autres hommes politiques ayant estimé que la Grèce faisait face à une véritable invasion. Un discours dénoncé par Amnesty international.
La porte de l'Europe
Les tensions sont aggravées par le nombre d'émigrés en situation irrégulière présents en Grèce. Le pays est considéré comme l'une des principales portes d'entrée dans l'Union Européenne. Depuis 2005, un afflux massif de clandestins s'opère vers la Grèce. De source policière, ils étaient 470 000 en 2010. Cette année, près de 13 000 arrestations ont déjà eu lieu, notamment dans la région frontalière avec la Turquie. Aujourd'hui des dizaines de milliers de sans-papiers survivent avec des revenus minimaux, notamment à Athènes.
Le cercle vicieux
Facteur déterminant de cette banalisation de la xénophobie, l'aggravation de la crise économique et sociale. Les plans d'austérité successifs, la récession et l'explosion du chômage ont favorisé la montée des extrêmes prompts à désigner les étrangers comme boucs émissaires.
Le résultat des élections législatives au mois de mai dernier a sanctionné les partis politiques traditionnels. Les électeurs ont manifesté leur colère et leur ras-le-bol de la rigueur en votant massivement pour l'extrême-droite. Avec un score de 7%, le parti « Aube dorée » ouvertement néo-nazi, a fait son entrée au parlement avec 25 députés. Depuis cette percée, les incidents racistes se sont multipliés dans le pays. Le Conseil de l'Europe a récemment condamné la violence xénophobe et l'impunité dont bénéficient ses auteurs en Grèce, dont beaucoup présumés proches du parti Aube Dorée.
Le 23 août dans un communiqué, le Haut commissariat des réfugiés des Nations unies (UNHCR) s'est dit préoccupé de "l'aggravation" des attaques racistes en Grèce et a demandé au gouvernement de prendre des mesures adéquates. Selon Laurens Jolles, représentant de l'Europe du sud-est du UNHCR, Nikos Dendias, ministre grec de l'ordre public se serait engagé à mettre en place une force spéciale pour lutter contre la violence raciale. Solution radicale pour que des étrangers en situation régulière ou non puissent à nouveau circuler en sécurité dans les rue d'une capitale européenne.