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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 14:54

 

 

CHOMAGE, PRECARITE,

EXCLUSION SOCIALE

 

ORGANISONS LA RESISTANCE

ET LA SOLIDARITE !

 

Début décembre, les organisations de chômeurs/ses (AC !, APEIS, MNCP, CGT-chômeurs) manifesteront à Paris.C'est qu’en 2013 l’actualité sera à la renégociation de la convention pour l’indemnisation du chômage … moment où le patronat tente toujours de rogner les quelques droits des chômeurs/ses.

 

Comme chaque année, à quelques semaines de Noël, il s’agira donc de redire l’urgence de la situation pour les millions de chômeurs et chômeuses. Mais plus largement, c’est la situation des 8 millions de personnes qui vivent en France sous le seuil de pauvretéqui est alarmante et scandaleuse dans un pays aussi riche que le nôtre.

 

Notre départementn'est pas en reste en matière de misère sociale avec un taux de chômage de plus de 15%(un des taux les plus élevés de l'Hexagone) et des quartiers populaires comme la ZUP de Nîmes ou la commune de la Grand-Combesle chômage des moins de 25 ans atteint les 54%.

 

 

VAGUE DE LICENCIEMENTS ET

AGGRAVATION DES POLITIQUES  D’AUSTERITE

 

Ce contexte d'urgence sociale des plus démuni-es est à mettre en lien avec une autre réalité forte de cette rentrée : la multiplication des plans de licenciements. Nombre d'entreprises en France (Fralib, ArcelorMittal, Alcatel, PSA-Peugeot, Ford) et de notre Région (IBM, Salins du Midi, Schneider, Sanofi, Jalatte) menacent de fermer leurs sites de production et de licencier en masse leurs salarié-es alors que  la plupart sont viables (en partie grâce aux aides de l’État), voire font des bénéfices éhontés qu'elles reversent en dividendes à leurs actionnaires.

 

Ces pratiques de "Patrons-voyous", les salarié-es gardois les connaissent bien. Ils et elles en ont aussi été victimes il y a un an quand le groupe Fayat, après avoir racheté l'entreprise Richard Ducros à Alès, licenciait sec ses 350 ouvrier-es.

Les salarié-es, comme toujours, paient les pots cassés de cette terrible logique qui place les intérêts financiers de quelques un-es au-dessus de l'intérêt de ceux et celles qui produisent : les travailleurs et les travailleuses.

 

Le cynisme patronal est grand au regard de ces suppressions de postes qui ne fait qu’alourdir un contexte social déjà morose. Et l’avenir s’annonce encore plus sombre avec la ratification récente par la France du super Traité de stabilité (TSCG) qui prévoit déjà la poursuite voire l’aggravation des politiques d’austérité.

 

Au lendemain de la parution du rapport Gallois sur la compétitivité, le gouvernement Ayrault a, d’ailleurs, déjà annoncé des mesures anti-sociales avec de nouveaux cadeaux au patronat avec la baisse de leurs  cotisations  (de 20 milliards d’euros) tandis que la CSG augmentera de 2 points ainsi que la TVA. Une fois de plus c’est la population qui devra payer !


MANIFESTATION SAMEDI 15 DECEMBRE

RDV à 14h00, quartier Sernam (Carrefour rue Sully-Vincent Faita)

DES FORMES MULTIPLES DE PRECARITE

 

La précarité c’est, tout d’abord,la précarité del'emploiavec la multiplication dans le secteur privé  des contrats-poubelles: CDD illégaux, successions de missions en Intérim, recours au travail non déclaré. Dans la Fonction publique, l’Étatest aujourd'hui le premier employeur des personnels précairesavec ses temps partiels imposés, ses emplois-aidés CAE, ses vacations.

 

La précarité c'est, aussi, la question dulogement. Quand on est mal payé, sans certitude sur son avenir ou que l’on est sans emploi,  on est aussi souvent mal logé. Ou en danger d’expulsion. Pourtant vivre dans un logement insalubre n’est pas un choix. Être expulsé non plus.Un toit c’est un droit. Une réalité lointaine   quand l’on sait qu’à Nîmes, par exemple, on comptait7500 logements inoccupés.

 

La précarité c’est, ensuite,la question des sans-papiers. Travailleurs et travailleuses corvéables à souhait dans le BTP, dans les services ou dans la restauration, ils et elles  vivent, avec leurs familles, au quotidien la peur d’un contrôle, d’une arrestation, d’un enferment puis d’une expulsion.

 

La précarité c’est, enfin, la question de la jeunesse. Les jeunes d'aujourd'hui seront la première génération à connaître un niveau de vie inférieure par rapport à celui de leurs parents, et ce depuis 1945. Pour un-e jeune, même diplômé-e, trouver un CDI relève d'un parcours du combattant.   En pleine crise économique, jeunehttp://acampadabaiona.com/wp-content/uploads/2012/03/deiadar-manif-bayonne.pngsse tend à devenir synonyme de pauvreté, de précarité et d'exclusion sociale.

 


AILLEURS COMME ICI : RESISTANCE !

 

Au Portugal, en Grèce, en Espagne, en Italie, les  journées de grèves générales se succèdent contre les politiques d’austérité, la casse du Code du travail, la baisse des salaires et des pensions et la privatisation des services publics. A nous aussi de nous de mobiliser !Face au chantage à la dette qui nous fait payer le prix d’une crise financière dont nous n’en sommes pas responsables....

 

Face aux licenciements, aux destructions d’emplois, aux radiations-sanctions  des chômeur-ses et aux pressions du patronat...

 

Organisons la résistance afin d’enrayer le processus avant qu’il ne soit irréversible!

 

Ensemble portons notre colère dans la rue, le samedi 15 décembre à Nîmes,

pour imposer une autre répartition des richesses et la création d’un service public pour l’emploi !

 

 

 

MANIFESTATION

SAMEDI 15 DECEMBRE 2012

 

 

RDV à 14h00, quartier Sernam (Carrefour rue Sully-Vincent Faita)une autre répartition des richesses et la création d’un service public pour l’emploi ! 


A l’appel de : SOLIDAIRES 30, CNT 30, CGT CHÔMEURS, ATTAC 30, LES INDIGNES DE NÎMES
Initiative soutenue par : les Alternatifs, Parti de gauche, NPA, gauche Anticapitaliste, Fédération Anarchiste, Alternative Libertaire

 

*Prochaine réunion, Mardi 27 Novembre au local de solidaires



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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 14:30

 


http://www.reporterre.net/spip.php?article3506

 

l y a un an, c’était le début du mouvement de réquisition initié par le CREA. Le 12 octobre 2011, la Préfecture expulse (en ne respectant pas ses propres lois) deux maisons que nous occupions pour y vivre et développer des projets tels qu’une cantine populaire.

Un membre de la CREA est arrêté et passe en comparution immédiate pour « outrage aux forces de l’ordre » ! Au vu des contradictions des témoignages, le tribunal relaxe notre camarade au bénéfice du doute...

Le 21 novembre 2012, il repasse devant la Cour d’appel de Toulouse suite à l’acharnement du parquet qui cherche à tout prix à nous poursuivre afin de ralentir ce mouvement populaire qui a permis, avec les premières personnes concernées, de libérer en un an et demi plus de 15 bâtiments pour se loger, affronter ensemble nos problèmes du quotidien et développer des activités libres et gratuites pour toutes et tous.

Cette forme de répression n’est pas isolée. Tout au long de cette campagne de réquisition, des personnes ont été arrêtées, emmenées en audition pour être fichées et obtenir par la ruse leurs empreintes et leur ADN. Elles ont toujours refusé de participer à ce jeu sécuritaire et risquent un jour ou l’autre d’être poursuivies.

D’autres sont à ce jour encore sous la menace de poursuites judiciaires pour des motifs instrumentalisés par la police et la justice : dégradation de biens privés, violation de domicile, outrage et rebellions, violences commise envers les forces de l’ordre…

Depuis l’expulsion du 22, rue Demouilles, la police nous harcèle autour de nos lieux de vie : contrôle au faciès à la sortie de nos maisons, arrestations arbitraires, placement en détention pour ceux qui n’ont pas le bon profil !

Cette répression n’est pas réservée aux membres de la CREA. Chaque jour, des personnes vivant dans les quartiers populaires (espaces rebaptisés par le pouvoir « zones criminogènes ») sont contrôlées au faciès, arrêtées et placées en garde à vue.

Chaque jour, les audiences de comparution immédiate ont lieu au Palais de Justice : une personne qui vole dans un magasin prend 6 mois ferme sous prétexte de récidive, une personne interdite de territoire vient de se faire condamner pour récidive à une peine de 4 mois : le juge lui envoyant dans la gueule que ça lui apprendra : « soit tu retournes dans ton pays, soit à chaque contrôle, tu retournes en prison ! » (sic).

Venez faire un tour dans les petites salles du 3ème étage du Palais de Justice où chaque jour le juge dit « des libertés » rend ces jugements expéditifs avec tout son mépris et ses humiliations. Et rarement de rassemblement de soutien dans ces carnages judiciaires banalisés !

A Paris, Lyon, Marseille, Nantes, Calais, des personnes inscrites dans des mouvements populaires et/ou qui trouvent des moyens pour survivre subissent la même répression.

Lorsque nous nous organisons pour prendre en main les problèmes créés par les exploiteurs, l’Etat nous envoie ses flics, ses juges et ses politiques pour nous empêcher d’être et d’agir ensemble, en nous criminalisant, par leurs coups, leurs procès et leurs prisons.

En attendant, les véritables responsables de la misère sociale sont bien à l’abri en tirant les ficelles de « La Justice » qui n’est que leur justice !

Aujourd’hui, nous nous rassemblons pour apporter notre soutien à notre camarade et à tout-e-s les opprimé-e-s de leur système policier et judiciaire fait par les bourges pour les bourges.

Que ce rassemblement serve au moins à nous reconnaître entre opprimé-e-s et réprimé-e-s, que nous échangions sur les formes de solidarité qui peuvent se mettre en place quand l’un de nous tombe entre leurs mains !

Solidarité avec tout-e-s les inculpé-e-s et enfermé-e-s à Toulouse et ailleurs !

Liberté pour toutes et tous !

Organisons nous ensemble pour bloquer leur machine judiciaire !

RDV mercredi 21 novembre à 13h30 au palais de justice, cour d’appel, côté place du Salin.

 

* Note perso : A cette heure le RV est déjà passé mais l'information reste importante...

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 14:19

 

 

LES INDIGNE/E/S  AG Chaque mercredi 18h et samedi  à 13h Maison Carrée + pique nique

Chaque 1er samedi du mois : Tour de Vélo  RV Palais de justice à 11h

Chaque mardi Repas à l’Assoc Côté Jardins Solidaires 0466845199

Agenda Démosphère Gard-Cévennes http://gard.demosphere.eu

Dates

Evènement

Lieu

heure

Du 17 au 25/11

Semaine de la Solidarité Internationale

 

 

Mercredi 21/11

Non à la répression syndicale : SOUTIEN

Palais de Justice

10h30

Mercredi 21/11

Inauguration local Beau Parleur

9 rue de St Gilles

18h30

Jeudi 22/11

Colloque sur « Violences sexuelles faites aux femmes » et Exposition

Auditorium conseil Général

9 à 17h

Jeudi 22/11

Rencontre, discussion autour du livre « Crack Capitalism » de J. Holloway

Pablo Neruda

18h30

Vendredi 23/11

Hommage à ARAGON avec les Amis de Diderot

Local Cheminots

20h30

Vendredi 23/11

Vernissage expo « les (G) encombrants

La Passerelle

18h30

Samedi 24/11

Manifestation contre agression Israélienne à GAZA

Carré d’Art

15h

Sam 24/2511

Journée de l’arbre, de la plante, du fruit

St Jean du Gard

 

Sam 24/11

Hommage au poète Pablo Neruda

Casa de ESpana

18h30

Dim 25/11

C’est beau la vie…hommage à J.Ferrat par l’Assoc Amitié FrancoVietnamienne

St Génies de Malgoires

15h

Mardi 27/11

UCCN : frontières, identités,diversité. M. Boissard

IUFM

19h

Mercredi 28/11

Pièce « Toujours le même problème » par le Yes théâtre d’Hébron Cisjordanie Palestine (AFPS Nîmes)

Théâtre C. Liger . Nîmes 0624092370

19h30

                                                     Jeudi 29/11

Journée association AZUR « l’Exil de l’âge, entre ici et ailleurs » 1-Film , échange « Enfin visibles »2-Conférence/débat/convivialité

1-IFME Nîmes

2-Centre Pablo Neruda

14h30

19h

Jeudi 29/11

Théâtre poélitique sur capitalisme, démocratie « le monde ne sait plus sur quel pied danser »F.Dubonnet

Comité quartier La Placette

20h

Dim 2/12

« beau Dimanche » Beau Parleur

L’Entraide Gardoise

15h

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 14:13

 

 

CONTRE L'AGRESSION ISRAELIENNE A GAZA
MANIFESTATION
LE 24 NOVEMBRE 2012
 

    rassemblement à 15 h devant Carré d'Art à Nîmes


 

 

Depuis une semaine, début de l'offensive de l'armée israélienne contre la bande de Gaza soumise depuis 2007 à un blocus illégal et inhumain, le nombre des morts et des blessés augmente (plus de 120 morts et 900 blessés, principalement des civils), les raids israéliens se poursuivent de façon intensive : maisons détruites, banque nationale de Gaza détruite, hôpital jordanien visé ...

 

En Cisjordanie les affrontements avec les soldats israéliens en solidarité avec Gaza ont fait 4 morts.

 

En déclenchant cette nouvelle agression, le Premier ministre israélien Netanyahou qui entre en campagne électorale cherche à obtenir l’union sacrée des Israéliens autour d’une politique d’extrême droite et d’expansion coloniale.

 

Par ailleurs, l’adhésion de la Palestine à l’ONU se précise, malgré l’attentisme des pays occidentaux dont la France. Le gouvernement israélien tente de faire échouer cette possibilité qui permettrait aux Palestiniens de recourir aux juridictions internationales.

 

Nous n'avons pas oublié les massacres perpétrés par la même armée israélienne lors de l'offensive « Plomb Durci » de 2008-2009, se soldant par la mort de près de 1500 Palestiniens et de nombreux blessés, avec les mêmes prétextes évoqués aujourd'hui par le gouvernement israélien pour justifier cette attaque meurtrière.

 

La communauté internationale comme le gouvernement français doivent mettre fin à l'impunité d'Israël et appliquer des sanctions et non pas des primes à l'occupation comme le fait régulièrement l'Union européenne et plus récemment le chef de l'Etat français en accueillant à bras ouvert B. Netanyahou.

 

Nous appelons le gouvernement français et le Président de la République à

apporter son soutien à la demande d'adhésion de l'Etat palestinien à l'ONU.

 

Nous exigeons :

- l'arrêt immédiat des bombardements à Gaza

- la levée du blocus illégal et criminel

- la fin de l'impunité et des sanctions contre Israël

 

Nous relayons l'appel du BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) des Palestiniens aux personnes de conscience du monde entier, à amplifier les campagnes BDS pour tenir Israël responsable, et à faire pression sur leurs gouvernements pour la suspension immédiate des ventes d’armes à Israël, pour l’application de sanctions commerciales, et pour la traduction en justice de tous les officiels et militaires israéliens ayant pris part, à tous niveaux, aux crimes d’Israël contre les Palestiniens dans Gaza.

 

Premiers signataires : Association France Palestine Solidarité Nîmes, Femmes en Noir Nîmes, Union Juive Française pour la Paix du Gard, Association France El Djazaïr, Parti communiste français Gard, les Alternatifs, le Parti de Gauche,


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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 19:29

 

zad.nadir.org

mardi 20 novembre 2012, par zadist


Un récit de la garde à vue de camarades parisiens.

 

Il est autour de 1h du matin ce vendredi 16 novembre 2012 quand une voiture de la police de proximité s’arrête au niveau du 150 avenue Daumesnil (Paris 12ème). Nous sommes alors deux sur le trottoir juste devant la permanence du Parti Socialiste. Et sur les murs de celle-ci, quelques inscriptions au marqueur et une série d’affiches sont apposées là pour soutenir la lutte contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Trois flics débarqués du véhicule entreprennent de nous interpeller et font un inventaire (avec photographies) des « dégradations », avant de crachoter dans leur talkie-walkie : Delta, Oscar, Mike...

On nous embarque. Motif invoqué : « Outrage à personne dépositaire de l’autorité publique » (Article 433-5 du Code Pénal). Il semblerait que l’inscription « Ayrault-porc, nous serons ta Bérézina » relevée sur la façade soit à l’origine de l’inculpation. Et il semblerait même que les policiers nous ont pris en flagrant délit de l’avoir fait. Pourtant, personne n’écrivait sur ce mur lorsqu’ils sont arrivés. Et nous nous trouvions juste là, en pleine contemplation de l’œuvre.

Alors que je suis déjà menotté dans la voiture, la radio de celle-ci annonce que nous allons être transférés dans les locaux du Service d’Investigation Transversale, situés rue Riquet dans le 19ème. Ça me rappelle quelque chose : http://paris.indymedia.org/spip.php...

Et voilà que les deux voitures de police qui nous emmènent sont lancées à toute blinde sur les avenues de Paris, manquant à chaque intersection de tuer un cycliste pour être certains de ne pas dépasser les délais légaux imposés par la procédure. Précisons qu’arrivés à mi parcours, les flics de la première voiture se rendent compte qu’ils ont oublié les marqueurs sur le rebord de fenêtre de la permanence socialiste. Retour – très - rapide avenue Daumesnil : ce serait bête d’oublier les pièces à conviction...

Arrestation + 30 minutes : transfert au SSIT (Paris 19ème)

1h15, on est placés en garde-à-vue. Un flic présent dans le hall m’écrabouille la mâchoire parce que j’ai osé ne pas me taire quand il m’a demandé de la boucler. Mise en condition. On nous place bientôt en cellule : retrouvailles avec les clapiers qui puent la pisse. D’autres gars sont déjà là, accusés de cambriolage. Forcément, c’est aussi une des spécialités du SIT d’enquêter sur ce type d’affaires, en plus des violences urbaines, des phénomènes de bandes, du racolage et de certaines affaires sensibles incombant à la Direction de la Police Urbaine de Proximité (DPUP).

Bientôt, nous retrouvons l’OPJ sorti d’un vieux film anglais qui sévit toujours à cette adresse. Nous avons chacun une avocate qui nous assiste pendant l’audience. Nous n’avons rien à déclarer, l’OPJ s’ennuie. Mais il reste flegmatique, placide, pose ses questions de routine et imprime son PV qu’il nous demande de signer. Pas envie de signer, on retourne en cellule. Plus tard, on nous demande aimablement si nous souhaitons donner notre ADN. Que dalle, on refuse. Un nouveau chef d’inculpation apparaît dans notre procédure : « refus de se soumettre à un prélèvement biologique » (Article 706 du Code Pénal).

Arrestation + 11 heures : transfert au 27 boulevard Bourdon (Paris 4ème)

Alors qu’on est enroulés dans les couvertures dégueulasses de la taule Riquet pour résister au froid, quatre flics en civil viennent nous tirer de nos cellules pour nous emmener dans les autres locaux du SIT près de Bastille. Dans la voiture, la flique assise entre nous deux, Alison, écrit des sms à son collègue Olivier concernant des clés de bagnole, tandis que ses collègues nous demandent la raison de notre interpellation. Un autre nous précède en moto.

Toujours menottés, on nous sort de la voiture et on nous fait entrer par la petite porte arrière du commissariat située rue de l’Arsenal, puis on nous colle dans deux cellules juxtaposées du poste de police. Un flic d’accueil nous explique gentiment comment utiliser le robinet et le wc turc qu’il y a dans chaque cellule. En tout cas les cellules sont plus propres et moins glauques qu’à Riquet. Mais une taule reste une taule.

Quelques temps après, entretien avec nos avocates respectives et nouvelle audition, cette fois-ci avec Alison et en présence des avocats encore une fois. Elle nous demande d’expliquer notre version des faits, à savoir quand et comment nous nous sommes trouvés devant la permanence du PS et si oui et de quelle manière nous en avons gribouillé les murs. Autant dire qu’on n’a pas grand chose à déclarer. Elle nous interroge aussi sur nos raisons de refuser de tourner le coton-tige dans notre bouche. Elle nous sort l’argument classique du « si c’était ta fille qui s’était faite violer, tu serais contente qu’on retrouve le violeur avec son ADN ». Que dire ? Évoquer la question du totalitarisme, du contrôle total de la population au nom de la prévention du crime ? Je me tais, c’est mieux. Mais à la rigueur on s’en fout, c’est la suite qui est croustillante. Et j’y viens.

Dans l’après-midi, coup d’éclat. On nous notifie une supplétive de garde-à-vue : dix nouveaux chefs d’inculpation s’ajoutent à ceux d’outrage et de refus d’ADN. Quelqu’un quelque part a suggéré aux braves agents du SIT de nous interroger sur dix autres faits de dégradations commis à l’encontre de différents locaux du Parti Socialiste entre le 28 octobre et le 10 novembre ! Que de faits d’armes à notre actif !

Arrestation + 17 heures : prolongation de la GAV de 24 heures

L’enquête a pris soudainement une autre dimension. Mon camarade de galère est emmené à son domicile pour une perquisition. Et après 19 heures, alors qu’il a été ramené en cellule et que le procureur a décidé du prolongement de notre garde-à-vue, le SIT prend congé de nous pour une longue nuit de silence. Toutes les cellules sont occupées et la nuit apporte de nouveaux voisins, certains interpellés pour bagarre, d’autres pour état d’ivresse. Les loquets des autres cellules claquent, des gens passent et repassent dans le couloir, puis finalement le sommeil finit par venir.

Arrestation + 32 heures : seconde perquisition

Je suis réveillé vers 9 heures du matin par Nicolas, Grégoire, Jerome et Ken, quatre flics du SIT qui viennent m’emmener en perquisition à mon domicile. Pas de mandat, puisqu’on est dans le cadre d’une enquête de flagrance. « Flagrance », ça veut dire que la police fait ce qu’elle veut dans un délais de 7 jours suivant l’arrestation en flagrant délit. Ils ont trouvé ma vraie adresse (que je ne leur avais pas donné) et foncent à travers la capitale ensommeillée pour aller fouiller mon appart. En cours de route, je leur fait remarquer qu’il font le boulot d’une police politique et leur demande ce qui peut bien motiver une perquisition si ce n’est la recherche d’éléments sur mon appartenance politique, éléments qui intéresseraient bien la DCRI ou la SDIG, mais n’ont pas grand chose à faire dans une enquête sur des « dégradations légères ». Ils me répondent qu’ils sont à la recherche « d’éléments préparatoires » (en gros, d’indices permettant d’attester que les inscriptions auraient été préparées chez moi). Quand je leur demande quels types d’éléments peuvent être pris en considération, le silence me répond, éloquent. Mais au demeurant, l’équipe de flics qui m’accompagne est bien sympa. Trop à mon goût.

Ils sonnent, réveillent ma copine qui ne s’y attendait pas trop (elle dormait). Ils font intrusion dans notre appart avec leurs grosses godasses et commencent à fouiller le salon après m’avoir permis de faire un brin de toilette. Tout les intéresse. Ils ouvrent toutes les boites, portes, tiroirs, s’étonnant du rangement. L’un d’eux s’arrête sur le bouquin « La force de l’ordre » de Didier Fassin, tandis qu’un autre prend des photos d’affiches politiques sur mes murs. Autant dire qu’ils sont satisfaits de trouver sur la table des tracts et affiches en rapport avec la ZAD : sans doute les éléments préparatoires qu’ils cherchaient. Ils en profitent pour prendre des documents personnels permettant de retracer mon parcours politique et l’ensemble de mon matériel informatique (trois pc contenant 4 disques durs, plus 2 disques durs externes, plusieurs clés USB, un camescope...). Puis, alors que je crois la perquisition terminée, ils partent fouiller le véhicule d’une copine dont j’avais emprunté la clé et qui avait été localisée par l’un de leur collègue la veille (si ça ce n’est pas de l’espionnage digne d’une police politique !). Dans le coffre, ils trouvent deux bombes de peinture blanche et jaune et un flacon de peinture rouge : d’autres « éléments préparatoires ». Ils prennent la voiture en photo et on s’en retourne boulevard Bourdon. Autant dire que la gardienne de l’immeuble n’était pas du tout étonnée de me voir passer menotté et entouré de quatre flics.

Arrestation + 38 heures : avec les flics informaticiens de la BEFTI

Après la pause de midi et alors qu’on s’assoupit dans les cellules, on me fait monter au troisième étage du commissariat, où deux flics de la Brigade d’Enquête sur les Fraudes aux Technologie de l’Information (BEFTI) sont venus en renfort du SIT. Là, tout le matériel informatique saisi dans nos appartement est passé au crible à l’aide du logiciel EnCase Forensic for Law Enforcementet d’appareils de blocage en écriture. Tous les fichiers, y compris préalablement supprimés, sont extraits et analysés à partir de mots clés en rapport avec les faits de dégradation : « parti socialiste », « zad »... Toutes nos photographies et documents personnels passent sous les yeux des techniciens-flics, qui démontent et analysent nos ordinateurs pendant plusieurs heures. Ce qui les intéresse est gravé sur un CD rom et ajouté aux scellés.

Arrestation + 40 heures : ultime audition

La dernière audition porte sur les faits commis à l’encontre des différents locaux du PS au cours du dernier mois. On nous demande de commenter. On n’a évidemment rien à dire, puisqu’on n’y était pas. Et puis Jérôme, le flic qui m’interroge et fait preuve d’une évidente sympathie pour nous (mais sert quand même le pouvoir), tente d’en savoir plus sur mes idées politiques, feignant la discussion informelle « hors audition ». Il tente quelques incises, parlant d’acratie (absence de pouvoir), d’anomie (absence de règles), d’anarchisme de droite, citant Kropotkine et un poète anarchiste, attendant de moi que je donne mon avis. Mais hélas pour lui, le contexte n’invite pas à la discussion. Je n’ai rien à déclarer. Derrière le gars sympa (et semblant sincère) se cache un flic, ne jamais l’oublier.

Arrestation + 44 heures : fin de la GAV et transfert au dépôt du Palais de Justice

Vers 20 heures on nous notifie la fin de notre garde-à-vue et notre transfert dans les quatre heures vers le dépôt du Palais de Justice de la Cité. On nous dit que notre matériel informatique nous sera rendu dans les trois jours, excepté les peintures, quelques documents et nos portables, qui restent sous scellé (un service spécialisé sera chargé de déterminer où étaient nos portables les soirs des 28 et 31 octobre, 1er, 4, 7 et 10 novembre).

Alors que nous dormons, vers 1 heure du matin une équipe de flics de la police de proximité vient nous chercher pour nous amener à Cité. Dans le fourgon, l’une des flique fait par à sa collègue de sa déception d’être avec nous au lieu d’intervenir sur une bagarre, exprimant son envie de « cogner sur quelqu’un » : la finesse des équipes de nuit...

Peu après, nous sommes placés en cellule dans le dépôt du Palais de Justice, une grosse prison avec plus d’une soixantaine de cellules alignées sur deux étages, avec des coursives comme à Fresnes. Tout est clean depuis que le dépôt a été rénové en 2010 et après que le Conseil de l’Ordre des avocats avait dénoncé son insalubrité en 2009. Mais l’endroit reste affreusement glauque.

Arrestation + 57 heures : transfert vers la cage des déférés

Après avoir été réveillé dans la nuit pour une nouvelle tentative de prélèvement biologique, nous sommes réveillé vers 9 heures du matin pour être emmenés un par un avec un quinzaine d’autres personnes à travers la « souricière » (couloirs souterrains ressemblant à la ligne Maginot) jusqu’au Palais de Justice, menottés et accompagnés chacun d’un gendarme. Placés ensuite dans une cage collective sous la bonne garde d’un groupe de gendarmes, nous attendons un entretien avec l’assistance sociale censée établir nos garanties de représentation (si nous sommes socialement intégrés), puis avec notre avocat et enfin avec le procureur qui doit décider de notre sort.

Arrestation + 62 heures : passage devant le procureur et remise en liberté

Peu avant quinze heures, on passe devant ledit procureur après avoir poireauté près de cinq heures dans la cage des déférés (autant dire qu’on a eu le temps de faire connaissance avec tous nos compagnons d’infortune : escrocs, bagarreur/euses, utilisateur/trices de faux papiers). L’entrevue avec le procureur dure cinq minutes, juste le temps de se voir remettre une convocation en justice pour le 16 janvier 2013 à 9h00 devant la 24ème chambre du TGI et une fiche de sortie du dépôt.

Retour au dépôt, remise de nos fouilles. On peut enfin sortir, après 62 heures enfermés pour des dégradations légères !! Précisons qu’entre temps l’inculpation pour outrage a disparu des chefs d’inculpation et que le tribunal ne semble pas retenir (pour l’instant) les faits commis sur les autres permanence PS au cours du mois passé. Heureux de savoir que l’ensemble de mes données personnelles sont passées entre les mains des flics...pour rien !

Que cherchaient vraiment les flics du SIT ? En quoi l’accumulation d’éléments relatifs à nos appartenances politiques et une perquisition à notre domicile permettent-elles de déterminer notre participation à des dégradations ?

Ça suinte le procès de mauvaises intentions...

Liens : http://interstice.over-blog.org/art...

 

 

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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 19:11

 


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Aéroport de Notre-Dame-des-Landes : La voie de sortie européenne

Le droit européen peut donner raison à ceux qui manifestent contre l'aéroport.

Par Sandrine Bélier, eurodéputée EELV.

Des manifestants anti-aéroport face aux forces de l'ordre, le 17 octobre 2012. REUTERS/Stephane Mahe

-Photo :  Des manifestants anti-aéroport face aux forces de l'ordre, le 17 octobre 2012. REUTERS/Stephane Mahe -

C'est un nouvel aéroport vendu pour supporter la stratégie de développement économique du Grand Ouest de la France pour les 30 années à venir, alors que la région dispose déjà de l’aéroport Nantes-Atlantique.

 

Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) fait l'objet d'oppositions légitimes citoyennes et politiques depuis son origine. Celles-ci, au regard des évènements récents, sont allées en se renforçant ces dernières semaines, mettant en cause la crédibilité politique du nouveau gouvernement.

 

Après son élection, François Hollande avait promis de ne pas procéder aux expropriations ni de commencer les travaux tant qu’il subsisterait des voies de recours juridiques. Le 16 octobre dernier, des expulsions ont été entamées sur le site, dans des conditions plus que contestables, notamment sur la méthode. Dans le quotidien Libération, le président PS de la région Pays-de-la-Loire, Jacques Auxiette, justifiait l’usage de la force publique, avec plus ou moins de mauvaise foi, par l'épuisement des voies de recours contre le projet de Notre-Dame-des-Landes.

 

Or, il reste des voies de recours. Devant les juridictions françaises pour contester notamment la légalité de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Devant la juridiction européenne pour non respect du droit européen. La Commission des Pétitions du Parlement européen (dont je suis membre) a été saisie le 24 octobre dernier pour violation de plusieurs directives européennes.

 

Les arguments juridiques de l'Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de NDDL (ACIPA) et du Collectif des Elus doutant de la pertinence de l'aéroport de NDDL (CéDpa) sont solides: non respect de la directive sur l'évaluation des incidences sur l'environnement, de la directive cadre sur l'eau, des directives dites «Oiseaux» et «Habitats»...

 

Le droit européen, généralement âprement négocié par les Etats membres au Conseil, avant d'être voté par le Parlement européen, comprend certaines dispositions très claires. Des règles et dispositions dont l'Etat français s'est peut-être cru exempté, mais que le Parlement européen ne manquera pas de lui rappeler afin que dans les plus brefs délais il renonce à cette aberration économique, sociale et environnementale s'il ne veut pas encourir une condamnation de la Cour de justice de l'Union européenne et alourdir la charge que fait peser cet aéroport sur les citoyens français.

 

C’est le cas de la directive sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE), applicable pour tous les projets d’infrastructures dont l’impact sur l’environnement est potentiellement important. Elle prévoit que le public doit, en amont à la prise de décision, avoir «la possibilité d'exprimer son avis avant que le projet ne soit entamé» sur «toutes les options alternatives envisageables» (Directive 85/337, article 6), selon des procédures de consultation appropriées.

 

L’étude d’impact effectuée par les autorités françaises pour l'aéroport de NDDL n'aborde pas plus la question des solutions de substitution au projet retenu que les raisons de leur exclusion. Les impacts environnementaux et les enjeux économiques, sources potentielles de conflits d’intérêts, sont manifestes. Mais, rien dans le dossier ne permet d'évaluer pourquoi les objectifs de la région en termes de transport aérien ne pourraient pas être réglés par l’extension de l’aéroport Nantes-Atlantique existant?

 

Alors que la région Pays-de la-Loire a perdu 11.000 ha de terres agricoles entre 2000 et 2006, Notre-Dame-des-Landes présente des sols de forte qualité agronomique menacés par l’emprise de l’aéroport qui imperméabiliserait les sols, favorisant le risque d’inondations dans la zone, fragilisant la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité.

 

La «Zone d’aménagement différée» (ZAD), renommée «Zone à défendre» par les opposants locaux, est composée à 98% de zones humides. Cette zone hydrologique d’importance est qualifiée de «Château d’eau de la Loire-Atlantique». Le document de référence qu'est le schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau Loire-Bretagne (SDAGE) –en application de la directive cadre sur l'eau (DCE)– prévoit explicitement que tout projet alternatif comportant un meilleur bilan environnemental doit conduire au refus du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Encore faudrait-il que soient présentées des alternatives au projet qui, comme dit précédemment, sont absentes du dossier...

 

A ceci s'ajoute la violation des principes concernant les mesures compensatoires obligatoires, faute de pouvoir éviter ou réduire les dommages sur la préservation de la ressource en eau. D'une part, l’entreprise Vinci s'obstine à ne vouloir compenser la destruction des zones humides qu’après la livraison des travaux, ce qui est contraire au principe de la compensation préalable, d'autre part, l'enquête publique d’août 2012 a révélé un manque de surfaces compensables par le projet. Les pétitionnaires démontrent que les mesures compensatoires prévues par le constructeur sont largement insuffisantes et qu’un bilan écologique neutre du projet est inatteignable.

 

Le projet d'aéroport porte atteinte au respect des objectifs des réglementations Natura 2000, pilier de la protection environnementale en Europe. Des habitats remarquables et des espèces protégées menacées d'extinction (ex: le Fluteau nageant) sont mis en péril par le projet. Les procédures de demandes de dérogations de destructions d'espèces protégées sont indéfendables...

 

Enfin, d'un point de vue économique, le projet est évalué à plus de 556 millions d’euros, et les aides publiques accordées aux promoteurs du projet sont de 245 millions, soit 44% du budget. La Commission européenne a rappelé que les gestionnaires d’aéroport doivent supporter le coût de construction et que l’attribution d’aides publiques pour les infrastructures, en l'espèce notamment, est de nature à porter atteinte au droit européen de la concurrence.

 

Tous les éléments sont bel et bien réunis, pour que la forte mobilisation citoyenne (qui se manifestera notamment ce week-end) demandant l'abandon d'un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes soit assurée d'être relayée au Parlement européen, en Commission des pétitions et entendue par la Commission européenne.

 

Je m'y engage. Je m'engage pour que ce dossier ne prenne pas le chemin annoncé d'un Notre-«Drame»-des-Landes, que cesse la violence des revendications et des réactions, que cesse la potentielle violence qui sera portée à un territoire qui mérite d'être préservé. Des lois sont votées par des parlements, elles doivent être respectées et appliquées par les exécutifs et rappelées, le cas échéant, par ledit pouvoir législatif voire par le pouvoir judiciaire... Et, malheureusement, si ce n'est pas dans un ultime sursaut de raison que le gouvernement renonce à ce projet, c'est l'Union européenne qui le rappellera à la raison par la voie juridique à respecter ses obligations législatives.

 

Sandrine Bélier

http://europeecologie.eu/-Sandrine-Belier-

 


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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 18:43

 

Médiapart - Blog

 

 

Il ne faut jamais avoir raison avant les autres. Lorsque j’écrivais en décembre 2002 « La crise, que le système bancaire français a connue à la fin du siècle dernier est à présent terminée. Une nouvelle dont la forme et l’ampleur surprendront, se prépare», je mettais un terme à un travail de 10 ans qui avait été consacré à la faillite des banques ("Droit des défaillances bancaires", Economica, 2002).

10 ans plus tard, si les causes des crises financières à répétition n’ont pas changé et sont toujours là, le rapport de force entre le politique et l’économique s’est inversé au profit des financiers. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire et c’est souvent le signe avant coureur d’un changement brutal dans la société.

En 2008, quand la crise des subprimes a failli submerger l’économie mondiale, les gouvernements des Etats ont raté un rendez-vous avec l’histoire. Ils étaient en position de force et en capacité d’imposer des choix aux banques et aux marchés financiers.  Ils ont fléchi, ils ont cédé, et ils ont perdu une bataille. On commence à mieux comprendre la pusillanimité de certains quand on connaît les rapports incestueux que certaines grandes banques entretiennent avec les pouvoirs en place.

Depuis quatre ans, les marchés financiers et leurs alliés dictent aujourd’hui leur choix aux gouvernements. Mais au fait, qui sont ils ces marchés financiers ? Il faut distinguer trois grandes familles : d’abord, ce que l’on appelait jadis l’épargne (des ménages et des entreprises) qui correspond à l’économie réelle, au travail accumulé ; ensuite, la finance souveraine, qui correspond à des placements opérés par des Etats bénéficiant d’une rente de situation (pétrole, population d’esclaves pouvant être exploités comme en Chine) ; enfin les structures liées au grand recyclage de l’économie noire, du blanchiment de tous les trafics. Pour cela, ils utilisent une grande lessiveuse que l’on nomme les « paradis fiscaux ». On estime ainsi qu’environ 15 % du PIB mondial (la richesse produite chaque année) est liée à l’économie noire (trafic d’être humain, de drogue d’armes mais également des déchets ou de médicaments). Et les marchés financiers avec leurs banquiers, leurs auditeurs et leurs avocats profitent de la mondialisation pour rendre impossible les poursuites et pour contaminer l’économie réelle.

Voilà donc les nouveaux maîtres du monde, des gestionnaires de fonds de pension, des fonds d’investissement de pays tout sauf démocratiques, et l’argent de toutes les mafias.

Doit on se saigner aux quatre-veines pour rembourser des dettes qu’ils ont souvent acquises à la casse avec une décote de 30 à 70 % et pour lesquelles ils exigent un remboursement intégral au prix du plus grand sacrifice des peuples sommés de payer les dettes des générations ou des gouvernements précédents  ?

Alors que faire ? La solution est vieille comme le monde. Elle a pour nom la sisachtie de Solon, le jubilé des Hébreux (Lévitique 25 :8-34), ou la consolidation du Tiers par le Directoire (1797). Il s’agit de ne pas payer toutes ces dettes. Pour autant, il ne faut pas déstabiliser l’économie réelle, normale, propre.

D’où ma proposition, dès lors que le créancier (ou le bénéficiaire économique) est ou a été, directement ou indirectement, en droit ou en fait, situé, localisé, domicilié, dans un paradis fiscal, les Etats souverains peuvent refuser de payer leur dettes ou prélever au passage une taxe spoliatrice comprise entre 75 et 95 % suivant la nature du paradis fiscal.

On en parle au prochain G20 ? Chiche.

 

Pour aller plus loin : M. Koutouzis et P. Perez, Crime, trafics et réseaux, Géopolitiques de l’économie parallèle, Ellipses, 2012 – N. Shaxson, Les paradis fiscaux, enquête sur les ravages de la finance néolibérale, André Versaille éditeur, 2012.

 

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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 18:37

 

Paris, le 13 novembre 2012 - Les Amis de la Terre en partenariat avec le Centre de recherche et d'information pour le développement (CRID) et Peuples Solidaires ont décerné ce soir à La Java, les Prix Pinocchio du développement durable. Cette année, plus de 17 000 internautes se sont exprimés pour élire leurs lauréats parmi les entreprises nominées.  Lesieur, Bolera et Areva sont les grands vainqueurs de l’édition 2012.

 

Lesieur a reçu le prix « Plus vert que vert » avec 38 % des votes pour sa campagne publicitaire « Aidons l’Afrique : une bouteille d’huile Lesieur achetée, une bouteille envoyée », illustrant l’engagement du groupe français en matière d’aide aux populations africaines souffrant de famine. Pourtant, Lesieur, via sa maison mère Sofiprotéol, est l’un des plus importants producteur et promoteur de l’industrie des agrocarburants, qualifiée de « crime contre l'Humanité » par Jean Ziegler, ancien rapporteur des Nations unies pour le droit à l'alimentation. Entre 2002 et 2008, près de 75 % de la hausse des prix alimentaires serait en effet imputable aux mouvements financiers spéculatifs utilisant les politiques de soutien aux agrocarburants dans l'Union européenne et aux États-Unis.

 

Bolera Minera, une joint venture formée par les groupes Bolloré et Eramet l’emporte dans la catégorie «  Une pour tous, tout pour moi » avec 35 % des votes. L’entreprise a obtenu en 2010 un permis d’exploration pour la recherche de lithium en Argentine, dans une région où vivent 33 communautés indigènes. S’estimant lésées dans leur droits à être consultées et à décider de leur propre développement, tel qu’inscrit dans le droit argentin, ces communautés se sont mobilisées : une plainte a été déposée devant la Cour Suprême d’Argentine à l’encontre des gouvernements locaux censés assurer l’effectivité des droits de ces communautés, ainsi qu’auprès du Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui en juillet 2012, a émis un rapport pointant du doigt les impacts socio-environnementaux de l’exploitation du lithium dans la région de Salinas Grandes.

 

Avec 45 % des votes, Areva remporte le Prix Pinocchio dans la catégorie « Mains sales, poches pleines ». Refusant de reconnaître sa responsabilité dans la dégradation des conditions de vie des populations vivant à proximité de ses mines d’uranium en Afrique et pour le décès d’un de ses ex-salarié par cancer du poumon, le groupe nucléaire français serait également impliqué dans un gigantesque montage financier litigieux en vue d’obtenir le marché de construction de centrales nucléaires en Afrique du Sud.

 

Lauréat l’année dernière dans la catégorie « Plus vert que vert », et de nouveau nominé cette année, Vinci ne pouvait être exempt de toute récompense. Romain Porcheron, chargé de mission aux Amis de la Terre France : « Les Amis de la Terre dénoncent les violences perpétrées par les autorités publiques envers les citoyens luttant contre les grands projets inutiles dont Vinci est concessionnaire, en Russie (projet de construction d’une autoroute au cœur de la forêt de Khimki) comme en France (projet de construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes). Les Amis de la Terre ont ainsi décidé de remettre un Prix Pinocchio d’honneur collégial hors vote, à Vinci, en tant qu’opérateur de ces projets dénoncés de longues dates par les populations locales, et aux décideurs publics français et russes qui en sont à l’origine ».

 

 

Depuis 2008, les Prix Pinocchio ont permis de dénoncer les mensonges de 33 multinationales françaises, faisant tomber les masques sur la réalité des pratiques de ces grands groupes économiques surfant allègrement sur la vague du développement durable pour accroître leurs profits. Le nombre sans cesse croissant de votes pour les prix Pinocchio prouve le soutien grandissant des citoyen-ne-s à  la lutte contre l’impunité dont bénéficient aujourd’hui ces multinationales françaises en matière d’impact social et environnemental de leurs activités, un combat mené de longue date par les Amis de la Terre, le CRID et Peuples Solidaires.

 

Classement complet, cliquer ici !

 

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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 18:23

 

 

 

Il n’y aura pas de “Glass-Steagall Act” en France. Il n’y aura pas de séparation entre les banques de dépôts et les banques d’investissement. Jeudi dernier, le ministre des finances, Pierre Moscovici, a présenté devant la communauté financière, réunie à l’occasion d’un colloque organisé par l’autorité des marchés financiers, les premières lignes du projet de loi bancaire.

 

Pierre Moscovici. 
Pierre Moscovici.© (Reuters)

 

Le texte doit être discuté en conseil des ministres le 19 décembre. S’il n’est pas totalement arrêté, les grandes lignes en sont esquissées. Contrairement aux engagements pris pendant la campagne, le gouvernement n’a pas le dessein d’imposer une rupture franche dans les activités bancaires mais plutôt de coudre aux petits points un texte qui ne devrait pas trop bousculer le système bancaire français.

Le ministre des finances, pour sa part, parle d’une réforme ambitieuse. « Nous voulons une réforme qui fasse référence en Europe et refonde notre paysage financier pour les vingt prochaines années contre la spéculation et pour le financement de l’économie réelle (…) Sans attendre la directive européenne, la France va adopter les recommandations de la commission Liikanen », a-t-il expliqué. Dans un rapport remis en octobre, la commission préconise de placer dans des entités séparées mais toujours contrôlées par la même holding bancaire les activités les plus risquées comme les activités sur les dérivés pour les clients financiers, les activités de tenue de marché, les participations dans les hedge funds ou les prêts qui leur sont consentis, les investissements en capital-risque.

L’adaptation qu’entend faire le gouvernement français des recommandations de la commission Liikanen n’est pas encore très précise. « Beaucoup de choses ne sont pas encore arbitrées », reconnaît un conseiller. Des connaisseurs du dossier redoutent, toutefois, une réforme très allégée, placée sous la haute surveillance des banquiers.

Même si les responsables du ministère des finances vantent la très large concertation menée avec les banquiers mais aussi les autorités de surveillance, les usagers, les syndicats pour élaborer le texte, d’autres relèvent les présences assidues comme les absences. Les experts de Terra Nova ou de Finance Watch, pourtant très en pointe sur le sujet et très écoutés à Bruxelles, n’ont jamais été auditionnés par Bercy. « Il y a un problème de méthode qui entache la pertinence de ce qui est proposé. La France reste dans le superbe isolement des experts, quelles que soient leurs qualités. Mais tous viennent du même moule et partagent la même opinion », note Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch.  De fait, depuis l’été, les banquiers ont envahi les couloirs de Bercy, qu’ils connaissent si bien pour être tous ou presque issus de l’Inspection des finances. 

Les premières indications données par le ministre des finances devraient rassurer le monde bancaire. « Les banques pourront continuer toutes les activités qui servent au financement de l’économie », a assuré Pierre Moscovici. Mais elles devront placer dans des filiales spécialisées « les activités de marché qui ne sont pas nécessaires au financement de l’économie ». Certaines pratiques jugées trop risquées seront même simplement interdites comme le trading à haute fréquence ou les dérivés sur les matières premières agricoles.

 

Effet d'optique

Cela semble rigoureux. Mais cela pourrait n’être qu’un effet d’optique. Car tout est dans la définition de ce qui est « utile au financement de l’économie ». Avant le discours du ministre des finances, le monde bancaire avait commencé à donner ses définitions. À l’entendre, toutes les activités de marché ou presque – à l’exception de prises de participations dans les hedge funds – sont utiles à l’économie.

 

Frédéric Oudéa, président de la Société générale. 
Frédéric Oudéa, président de la Société générale.© (Reuters)

 

« Dans un monde de concurrence, les banques doivent pouvoir offrir l’ensemble des services à leurs clients », sous peine de les voir partir ailleurs, expliquait Frédéric Oudéa, président de la Société générale. Les dérivés ? Indispensable pour offrir des produits de couverture aux clients. Le capital investissement ? Comment en exclure les banques au moment où le gouvernement milite précisément pour aider les PME. Les activités de négociations de dettes pour compte propre ? Veut-on vraiment voir la négociation des dettes souveraines aux mains des seuls JPMorgan et Goldman Sachs ?

La liste peut être poursuivie. Les banques semblent souhaiter qu’elle soit la plus longue possible. Car les activités placées dans des entités séparées risquent de ne plus être rentables, compte tenu des ratios de capitaux qui seront imposés. « Si le lobbying bancaire persévère, il va finir par obtenir une adaptation de la loi bancaire en France en deçà des recommandations pourtant très souples de la commission Liikanen », dit un connaisseur du dossier. « L'évidence politique, c'est qu'on ne peut pas être en dessous de Liikanen », nuance cependant un conseiller.

À ce stade, il est impossible de dire quel sera l’équilibre trouvé. Le gouvernement ne semble avoir arrêté ni les activités jugées risquées ni la manière dont tout cela sera retranscrit. Dans la loi, par décret, ou confié aux bons soins des autorités de contrôle ? Là encore, le président de la Société générale, qui, selon nos informations, pèse très lourd dans toutes les discussions, a indiqué où allaient ses préférences. « Entre la réforme Volcker aux États-Unis et la démarche Vickers en Grande-Bretagne, je préfère la réforme Volcker », explique-t-il.

Derrière ce langage codé, il faut comprendre ce qui se joue. D’un côté, il y a la solution américaine, dure mais seulement en apparence. Revenant déjà largement sur les préconisations de l’ancien président de la Réserve fédérale qui recommandait une séparation stricte entre les banques de dépôt et banques d’investissement, la loi Dodd-Francks, votée à l'été 2010, a posé seulement des interdictions précises : la spéculation pour compte propre, les investissements trop importants dans le capital risque et le financement et les prises de participation dans les hedge funds.

Mais au fil des négociations, des règlements, tout le dispositif est en train d’être vidé de son contenu. Les banques ont déjà obtenu d’exclure des activités pour compte propre les activités de tenue de marché, les activités de couverture au sens très large du terme, permettant presque toutes les spéculations sur dérivés, etc., tandis que toutes les spéculations risquées, profitant des béances de la loi, sont en train de migrer vers des structures totalement opaques, non soumises à la surveillance des autorités de contrôle, censées ne plus appartenir aux banques.

Le modèle bancaire français

La réforme projetée en Grande-Bretagne s’annonce beaucoup plus dure. Afin de ne pas offrir la garantie publique à des activités de marché et de spéculation, le rapport Vickers préconise une séparation totale entre la banque de dépôts et les activités de marché, sans possibilité d’aménagement. Les deux branches devront être logées dans deux entités séparées, avec des tours de table et des conseils d’administration distincts. La séparation doit être achevée en 2019 et coûtera selon les premières estimations entre 5 et 10 milliards de livres (6,2 et 12,4 milliards d’euros).

Dès lors, la préférence des banquiers français pour la voie américaine se comprend mieux. Ceux-ci militent d’autant plus pour suivre l’exemple de Wall Street qu’ils s’estiment déjà victimes de la réglementation européenne par rapport à leurs concurrents américains. Tous jugent que la nouvelle réglementation bancaire dite Bâle III les entraîne dans une « démarche suicidaire ». 

Baudoin Prot, président de BNP Paribas.
Baudoin Prot, président de BNP Paribas.© (Reuters)

 

Mais depuis la semaine dernière, ils ne cachent plus leur fureur : la Fed, la réserve fédérale américaine, a annoncé vendredi dernier qu’elle reportait sine die l’application de cette nouvelle réglementation Bâle III aux États-Unis, le monde bancaire ayant manifesté son « inquiétude de se voir soumis à une réglementation définitive sur le capital au 1er janvier 2013 sans avoir suffisamment de temps pour la comprendre ou changer leur système comme il conviendrait ». « Je voudrais bien savoir ce que va faire M. Barnier (commissaire européen au marché intérieur et aux services). Il avait dit qu’il n’appliquerait pas Bâle III tant que les Américains ne le mettraient pas en œuvre », insistait Baudoin Prot, président de BNP Paribas.

Mettant en exergue cette « distorsion de concurrence», le monde bancaire a bien l’intention d’enfoncer le clou et de négocier jusqu’au bout une réforme à moindre coût. Dans leur plaidoyer, les banquiers ont ajouté un nouvel argument : la croissance. Qui soutiendra la croissance si les banques doivent limiter leurs crédits ? se répandent-ils. Le propos a fait mouche. « La finance est aujourd'hui jugée moins prioritaire que la situation économique et sociale. Comme Cahuzac et Moscovici n'affichent pas de volonté politique forte sur ce dossier, la technostructure suit son chemin. Et Bercy est un repaire de conservateurs. C’était vrai avant, c’est toujours vrai maintenant », note un conseiller.

De Matignon à Bercy, les arguments des banquiers se retrouvent ainsi repris en boucle. Pour beaucoup, il ne faut surtout pas pénaliser les banques françaises, « victimes plus que coupables de la crise financière ». « On voit l’action efficace du lobby bancaire français. Les grandes banques françaises ont réussi à vendre l’idée qu’on avait un modèle solide et rentable », regrette Laurence Scialom, économiste à l’université Paris-Ouest, experte auprès de Terra Nova.

« Le modèle de la banque française universelle a montré sa résistance pendant la crise », ont répété en chœur banquiers et hauts fonctionnaires jeudi. À les entendre, le système bancaire français n’a souffert d’aucun accident grave, qui justifierait une réforme radicale. Les ombres des faillites de Dexia, Natixis, Caisses d’épargne, des déboires du Crédit agricole et de la Société générale, de l’effondrement du Crédit immobilier de France, de l’étranglement du Crédit foncier et de la banque PSA… passaient.


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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 18:17

 

 

Marianne - Mardi 20 Novembre 2012 à 12:00

 

Propos recueillis par Aude Lancelin

 

Le patron de la Villa Gillet, institution culturelle lyonnaise qui fête cette année ses 25 ans, lance ce mardi 20 novembre un festival international d'idées d'une ampleur inédite. Rencontre.

 

Guy Walter : l'appel de l'intelligence

Il y a Cannes pour le cinéma, il y a Avignon pour le théâtre, il y a désormais Lyon pour la littérature. En créant les Assises internationales du roman en 2007, Guy Walter n'aurait jamais pu imaginer un tel succès. Chaque printemps, le gotha des lettres françaises et même mondiales joue désormais des coudes pour se rendre dans la capitale des Gaules devant des salles de 1 000 personnes, réputées pour la qualité alchimique de leur écoute.

Bosseur infatigable, sélectionneur très exigeant, l'écrivain et ancien prof de lettres de 57 ans, passionné de Bossuet autant que de French Theory, s'est cet hiver fixé un nouveau défi. L'année des 25 ans de la Villa Gillet, institution qu'il dirige depuis 1989, il se lance dans la création de Mode d'emploi, «festival des idées» en partenariat avec le Centre national du livre (CNL), événement auquel Marianne s'est également associé (renseignements sur www.festival-modemploi.net ).

Du 20 novembre au 2 décembre, une centaine de philosophes, d'acteurs de la société civile, d'artistes, de théologiens et de politologues seront ainsi réunis pour débattre ensemble du changement climatique, du mal, du cyborg, de la liberté sexuelle, des neurosciences ou encore de l'avenir politique des religions, dans le cadre de tables rondes internationales ciselées, loin du tout-venant des forums trop souvent proposés au public français.

Sa méthode de programmation, engagée, ambitieuse, unique en son genre, Guy Walter, qui refuse pourtant le terme de «programmateur», trop impersonnel, l'a notamment testée depuis trois ans à New York, dans le cadre du programme Walls And Bridges, dont nous avions pu observer l'originalité sur place en 2010. Epaulé par le producteur Marin Karmitz, alors en charge du Conseil pour la création artistique (CCA), Guy Walter y avait réussi la prouesse d'amener un vrai public américain - soit à peu près le plus difficile à déplacer du monde - à la rencontre de nouveaux intellectuels français, à la mythique NY Public Library ou dans des librairies de Brooklyn.

Aujourd'hui, avec Mode d'emploi, l'enjeu est à nouveau de taille. Rien de moins que de tenter de redonner à la France un peu de son lustre philosophique et de son rang perdu de «méridien de Greenwich» des sciences humaines mondiales. C'est peu de dire que tous nos vœux accompagnent ce chantier monumental.

Marianne : La pensée française a beaucoup perdu en poids depuis les années 70. Pensez-vous que notre pays puisse un jour redevenir ce grand carrefour intellectuel international que vous appelez de vos vœux ?

Guy Walter : De par mon âge, j'ai traversé la belle époque des sciences humaines et sociales. En 1973, j'ai fait ma classe de philo en pleine efflorescence. Comme tous les gens de ma génération, j'ai lu passionnément Michel de Certeau, Foucault, Deleuze, même si je n'ai jamais été pris totalement dans un effet de génération, car j'ai aussi toujours été un grand lecteur de «hors temps», du XVIIe siècle notamment. Je suis donc sensible, bien sûr, à cette fin de l'âge d'or que vous pointez. Mais soyons précis. Ce qui a longtemps disparu, ce n'est pas tant l'intelligence dans le domaine des sciences sociales et de la philosophie que la force intime des écritures et le goût du style. On a en effet glissé vers des exercices plus scientifiques, des travaux d'experts qui n'engageaient plus une vision du monde. Je pense cependant que cette période est en train de s'achever. Depuis le début des années 2000, je vois revenir des plumes, des auteurs qui s'engagent dans une aventure de la pensée et sont porteurs d'une réflexion beaucoup plus incarnée.

Vous pensez à qui ?

G.W. : Je pense par exemple à des gens comme Pierre Zaoui, Pierre Cassou-Noguès ou Thierry Hoquet, des intellectuels qui reviennent vers la philosophie justement, qui essayent de dessiner des territoires personnels avec de vraies focales.

Ils ne sont toutefois connus que d'un public assez happy few...

G.W. : Il n'y a pourtant pas plus de technicité chez eux qu'il n'y en avait chez Foucault, à l'époque où ses livres étaient des best-sellers. Simplement, les philosophes ne sont plus invités à la télévision aux heures de grande écoute ou dans les radios généralistes. Pourquoi ? On prétend que ça va être trop compliqué, qu'il faut s'adapter à la capacité d'écoute des gens. C'est inouï. J'ai un credo qui me guide dans ce que je fais : je pense que la complexité est un bien public. Mon travail, ce n'est pas de rendre les choses plus simples, mais de les rendre plus complexes justement. Je suis absolument convaincu qu'il y a une ruse idéologique qui consiste à aliéner l'appétit d'intelligence, qui est pourtant évident chez tout le monde. Au fond, personne ne veut prendre le risque de faire entendre ces paroles-là, là où elles pourraient l'être. Il est vrai aussi que trop peu de médiateurs culturels et de journalistes prennent le risque de réfléchir vraiment à leur propre travail. Penser vraiment est toujours une mise en danger.

Pour vous, ce sentiment que l'on peut avoir de ne pas voir émerger une nouvelle génération intellectuelle est donc moins dû à une réelle stérilité qu'à un délabrement du champ médiatique et de l'écosystème de transmission de la pensée en France ?

G.W. : Oui, ça, je le pense. Il faut sortir du marketing culturel neutralisant où tout vaut tout. Il faut cesser de voir les livres comme de simples produits sur le marché. A chaque époque, ceux-ci sont issus de tout un paysage intellectuel collectif qu'il faut essayer de dessiner et de comprendre. A ce moment-là, les œuvres commencent à dialoguer les unes avec les autres, on peut recréer une véritable socialité intellectuelle, être dans cette énergie architecturante qui a existé dans les années 70. Chacun prenait alors position par rapport aux autres pensées. Je ne crois pas du tout à la fin des idéologies, c'est une formule creuse. Mais il est certain qu'aujourd'hui on fait moins équipe. A l'exception de tentatives comme la revue Vacarme, par exemple.

Même ce genre de revues le fait aujourd'hui de façon cloisonnée, dans une sorte d'entre-soi, vous ne trouvez pas ? D'après ma propre expérience, rien n'est plus difficile, par exemple, que de mettre un bourdieusien en face d'un de ses adversaires idéologiques...

G.W. : Ah ça, c'est sûr [rires]. D'ailleurs, le cas s'est présenté récemment en préparant le programme de Mode d'emploi. Un grand nom de la sociologie a refusé catégoriquement de dialoguer avec quelque libéral que ce soit. Et j'ai essuyé d'autres refus du même genre. Pour moi, c'est une faute morale. La pensée est toujours agonistique, le conflit d'idées est porteur d'énergie, c'est ainsi, il faut l'accepter. Il y a d'ailleurs pas mal d'invités qu'on pourrait cataloguer à droite dans ce programme. Alain Bauer, par exemple, qui évoquera la question de la sécurité avec le prof de droit américain Jeffrey Rosen. Cela m'est déjà vivement reproché.

Vous pourriez inviter des gens catalogués comme plus sulfureux encore ? Quelqu'un comme Alain de Benoist, par exemple ?

G.W. : Je n'ai pas beaucoup d'estime pour son travail, donc je ne le ferai pas, mais je pourrais le faire, oui. Au fond, les deux seuls grands problèmes que j'ai rencontrés dans la programmation depuis des années, c'était avec des médiatiques, étrangement. Quand on a invité Alain Finkielkraut il y a quatre ou cinq ans, nous avons reçu de nombreux mails de menaces. Beaucoup de gens voyaient cette invitation comme une trahison. Que je sache, pourtant, c'est un intellectuel conservateur, sans doute, mais courageux et ferme, et qui compte beaucoup dans le paysage français. On peut être irrité par ses propos, mais je ne vois pas à quel titre on ne les discuterait pas dans un espace démocratique de pensée. L'autre cas, c'était BHL, au moment de la parution d'American Vertigo. Il y avait 1 000 personnes dans la salle, dont au moins 500 détracteurs. Ce fut une séance extrêmement intense, je crois qu'il en est sorti vainqueur.

Quel public se déplace aujourd'hui pour écouter des sciences humaines ?

G.W. : Tous ceux que la joie de l'intelligence réunit. Des lecteurs et des citoyens. Quand les gens ont le sentiment qu'une vraie question est posée, ils viennent. Le débat où il y a actuellement le plus de préréservations pour Mode d'emploi, c'est celui sur le mal avec Bruno Cotte, magistrat au TPI, avec le philosophe Ruwen Ogien et un théologien de l'école de Jérusalem [le 2 décembre à 14 h 30]. Je crois vraiment au plaisir de la pensée et à la force des assemblées. Il y a un Eros de la pensée, un plaisir inouï à écouter des gens se parler. Je garde, à cet égard, un souvenir ébloui du dialogue que nous avions organisé entre le théoricien de l'art Carlo Ginzburg et Paul Holdengräber, l'intervieweur de la New York Public Library. A la fin, le public les a ovationnés debout. Ginzburg a une telle générosité que, soudain, le public a eu le sentiment de pénétrer dans le labyrinthe de sa pensée. Evidemment, cela crée une jubilation incroyable.

Vous êtes un acteur culturel français désormais très courtisé. On vous a déjà proposé de quitter Lyon, notamment pour prendre la tête du prestigieux Festival d'automne à Paris, il y a deux ans. Pourquoi n'avoir pas cédé à la tentation de la capitale ?

G.W. : Paris n'est plus une plus-value aujourd'hui, et rien n'est plus ridicule à mes yeux que l'idée de carrière. Je resterai toujours là où je suis le plus utile, là où ma liberté d'action est la plus grande. Au fond, je ne sais pas comment ce truc a réussi, car tout aurait dû rater ! [Rires] Je suis superintello, je suis assez radicalement moi-même, je fais peu de concessions, je n'aime pas les stratégies, je suis toujours persuadé qu'il faut convaincre plutôt que séduire, bref, ça partait mal. Je suis un mixte assez improbable : j'aime l'aristocratie de l'esprit, mais je suis un dandy démocrate. Je crois profondément en l'appel de l'intelligence. Je pense que tout le monde y répond. 

 

 

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