Marianne
En revanche, ces 1 600 représentent 99% des volumes produits. Par ailleurs des études estiment que les agriculteurs ressèment 50% de ce qu’ils cultivent, ces semences sont appelées « semence de ferme » en référence à la longue tradition agricole de la France et ne sont qu’une tolérance par rapport à la loi précédente. Les 50% restants sont en fait déjà interdits d’être ressemés, comme le soja par exemple. Précaution symbolique du législateur : la nouvelle loi interdirait cette pratique ancestrale sauf pour les petits agriculteurs produisant moins de 92 tonnes, autant dire presque personne en France aujourd’hui.
Cette loi, assez logique en apparence, est faite pour maintenir et inciter les investissements (souvent privés) dans ce domaine. Pourtant, comme souvent la logique est trompeuse et cette loi soulève des questions auxquelles il n’est pas si simple de répondre comme nous allons le voir.
Si l’on parle des OGM, nous avons d’autres problématiques. Par exemple les OGM qui intègrent des insecticides ont montré que leur emploi systématique a rendu les insectes résistants aux insecticides en seulement 3 ans de production.
La nature « sait » depuis des millénaires s’adapter à un changement (comme les pesticides produits par l’OGM), mais a beaucoup plus de mal avec plusieurs changements simultanés. Lorsque toute la planète utilisera les même OGM et/ou COV, nous aurons de gros problèmes et la famine sévira partout. Cela peut paraître futuriste mais pourtant, cette ère n’est pas si lointaine…
Rappelons également que les bénéfices de ces plantes brevetées ne sont pas toujours évidents. Ainsi la promesse des OGM de nourrir toute la planète en augmentant fortement la productivité et donc le coût est très loin d’être atteinte. Pas tant parce que les plantes ne sont pas efficaces mais surtout parce que, comme pour l’industrie pharmaceutique, les entreprises privées travaillent uniquement sur des projets qui rapportent de l’argent et non sur ceux qui bénéficient à tous (sauf si les deux coïncident, ce qui est plutôt rare). Lutter contre la malnutrition, argument classique des films d’entreprise et des plaquettes commerciales du domaine, ne sont que de la poudre aux yeux.
Que penser également d’une tendance actuelle qui veut que les entreprises privées qui ont séquencées le génome d’une plante ou d’un animal existant et d’en déduire que, de fait, la plante et l’animal leur appartiennent ? Ainsi, la multinationale Monsanto tente d’obtenir des autorités américaines un brevet sur des séquences d’ADN de porcs naturels (non modifiées génétiquement) mais jugées très performantes sous prétexte qu’elle a décodé leur ADN… Si cette demande est agréée, des animaux qui sont largement présents dans la nature seront assimilés à la propriété intellectuelle de Monsanto. Les éleveurs du monde entier pourraient donc, dans un avenir pas trop lointain, être obligés de verser des redevances à l’entreprise pour des animaux conçus tout à fait naturellement. Extrapolation : Si Monsanto séquence votre ADN vous leur appartiendrez (sic) Est -ce l’étape suivante ?
Avec cette loi, même les agriculteurs qui n’utilisent pas de semence COV seront taxés ! C’est une aberration particulièrement remarquable de cette loi.
Se pose la question de savoir comment cette loi sera respectée, si l’exonération des petits agriculteurs est facile à vérifier, s’assurer que aucun gros agriculteur ne trichera est une autre affaire. Il serait bon d’éviter que les entreprises privées ne développent leur propre police des semences comme cela se fait aux États-unis avec les OGM. Car le problème de ces polices, évidemment, sont les dérives. Aux États-unis et dans d’autres pays comme en Inde, des abus ont eu lieu avec pour but de punir ceux qui n’utilisent pas les semences COV en créant de fausses preuves de leur usage illégal. Ainsi des entreprises ont été soupçonnées de semer discrètement des semences commerciales dans des champs n’en utilisant pas. Le but ? Revenir infliger une forte amende à l’agriculteur lors de la récolte en prouvant qu’il a triché et utilisé des semences commerciales sans les payer. Imparable.
Le but évidemment est de forcer la main aux agriculteurs afin qu'ils utilisent leurs produits. Car, comme par hasard, l’amende était oubliée si l’agriculteur s’engageait à être client de l’entreprise pour sa prochaine récolte. Une sorte de vente forcée scélérate. En Inde il y a eu des vagues de suicides d’agriculteurs pris au piège par ces méthodes. Théoriquement les COV n’autorisent pas ces « polices ». Mais comment être certain que la loi n’évoluera pas dans cette direction ?
Elle ouvre la voie à d’autres domaines que les semences, pour la propriété intellectuelle, ce qui n’est pas sans danger. Est-ce le but d’un pays de favoriser des entreprises privées au détriment de ses ressortissants et de son agriculture ? Pourquoi l’Europe a cédé aux demandes des semenciers ? Est-on d’accord pour favoriser le brevetage généralisé du vivant ? Voulons-nous vraiment abandonner définitivement notre agriculture aux firmes privées ? Acceptons-nous les risques associés comme la famine mondiale ? Est-ce simplement le bon moment de passer une telle loi ? N’y a-t-il pas de sujets plus urgents en ce moment ?
Signe que le pouvoir est déconnecté de la réalité et accro aux meurettes, au même moment, Nicolas Sarkozy affirmait dans tous les médias, la volonté du gouvernement de maintenir « son opposition à la culture du maïs Monsanto 810 ». Il a notamment invoqué la protection des consommateurs (tiens donc ! Il y aurait des risques associés aux OGM ?) pour justifier l'idée de réitérer l'interdiction. Un pas en avant, deux de coté, un en arrière, allez donc trouver une cohérence dans cette politique…
http://www.marianne2.fr/Vers-le-brevetage-du-vivant_a213060.html
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