Après les crispations, le passage à l'action. Réunis à Paris ce mardi, les différents responsables politiques, associatifs et syndicaux engagés dans le collectif pour un audit citoyen de la dette publique a lancé devant la presse sa mobilisation contre le traité budgétaire européen (TSCG), qui doit être ratifié par le parlement français début octobre.
Pour l'heure, la dynamique unitaire repose sur un texte commun (lire ici), signé par Attac, la Fondation Copernic et les économistes atterrés, ainsi que par les forces du Front de gauche et le NPA, plus quelques syndicats (Sud, Solidaires, FSU, Unef). Mais elle a vocation à s'élargir, même si la question de la participation à une grande manifestation fait débat. Annoncé dès le meeting de clôture des universités d'été du Front de gauche par Jean-Luc Mélenchon (lire ici), le même Mélenchon (absent à la conférence de presse) dévoilant ensuite dans la foulée la date du rassemblement sur son blog, la méthode a certes permis le passage à l'acte mais a brusqué les susceptibilités du collectif unitaire (lire ici).
« Cette polémique n'a pas lieu d'être, a tempéré la co-présidente du Parti de gauche Martine Billard. C'était une proposition et pas un appel à manifester… Et quand on regarde la calendrier, il n'y a pas d'autres dates disponibles ». Après avoir estimé qu' « on aurait gagné à se concerter d’abord pour que tout le monde n’ait pas l’impression de suivre une directive qui venait d’un parti », le co-président d'Attac, Thomas Coutrot, juge lui aussi l'incident clos: « On s'est expliqué entre nous, on a examiné les alternatives à cette date et il n'y en a pas d'autre. Beaucoup hésitent encore sur leur participation à cette manif, mais ils sont en train de se rendre compte qu'elle est réellement unitaire ».
Pour l'heure, seule la CGT Finances s'est inscrite dans le collectif, alors que la confédération reste en retrait, toujours empêtrée dans son futur congrès devant désigner un successeur à Bernard Thibaut. « D'autres branches devraient arriver, et l'union régionale d'Île-de-France pourrait décider de sa participation dans le cortège », assure Coutrot. La FSU décidera de son côté la semaine prochaine. L'Unef, elle, ne souhaite pas défiler, tout en se déclarant partie prenante du reste de la mobilisation. « On ne veut pas participer à un débat conflictuel entre partis, dit Emmanuel Zemmour, président du syndicat étudiant proche du PS. Ceux qui sont contre l'austérité ne se résument pas aux amis de Jean-Luc Mélenchon ».
Responsable de la fondation Copernic, Pierre Khalfa minimise la portée de cette mise en branle un peu chancelante : « Les réticences entre mouvements politiques et mouvement social sont historiques, mais il nous faut les dépasser ». Pour le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, ces tensions picrocholines sont « dérisoires par rapport à l'enjeu ». Selon lui, « il ne faut pas se tromper d'objectif. Personne ne dit que les débats entre toutes les forces présentes soient terminés. Ce qui est certain, c'est que l'enjeu européen est aujourd'hui suffisamment important pour que nous trouvions un chemin unitaire ».
Sur le fond, la mobilisation unitaire poursuit une même ambition. Et même si les mots d'ordre font encore débat, entre refus du traité européen, de l'austérité en général et/ou telle que programmée par le gouvernement socialiste, ou de la demande d'organisation d'un référendum. Chacun avec ses mots a décliné son envie de mobilisation.
Pour Thomas Coutrot d'Attac, « le TSCG est un pas supplémentaire vers le fédéralisme ultra-libéral et autoritaire, et l'engagement absurde du gouvernement à réduire le déficit de 4,5% à 3% va entraîner, selon le FMI, 300 000 chômeurs supplémentaires en France ». Pour Pierre Khalfa, de la fondation Copernic, « cette campagne rapide se veut la plus large possible et ne s'arrêtera pas à la seule manifestation, mais aussi à une interpellation la plus grande possible des députés et plusieurs centaines de réunions d'éducation populaire. Elle s'inscrit dans le long terme, et continuera contre tous les plans d'austérité, en Europe comme en France».
Emmanuel Zemmour de l'Unef, rappelle que son syndicat ne s'était pas impliqué dans une telle « prise de position politique » depuis le non au référendum constitutionnel européen de 2005: « on a décidé de s'impliquer en voyant tout ce qui se passe pour les jeunes en Grèce ou en Espagne, le manque d'infrastructures universitaires, comme la suppression de minimas sociaux ou de protection sociale pour les jeunes ». Catherine Lebrun, du syndicat Solidaires, a elle dénoncé « l'obsession de l'orthodoxie budgétaire du gouvernement, incohérente avec les promesses invoquées durant la campagne… Ces contradictions nous avaient déjà choquées quand Hollande avait reçu les syndicats, mais elles sont en train d'empirer davantage ».
Pour le PCF, Pierre Laurent s'est insurgé contre « l'aberration d'un tel pacte budgétaire face à une croissance zéro », et a mis l'accent sur « l'impératif de débat démocratique », se disant « stupéfait du silence de François Hollande sur le sujet européen », lors de son intervention télévisée. D'après lui, « la bataille que nous engageons va se mener sur la durée contre les logiques mortifères d'austérité, et nous la poursuivrons jusqu'à obtenir des reculs et renoncements significatifs ».
Après avoir souligné que la mobilisation se construit également dans les réseaux féministes, « car les femmes sont toujours les premières frappées par les mesures d'austérité, puisque ce sont elles qui détiennent les emplois les plus précaires », Martine Billard du Parti de gauche a tenu à pointer l'importance de la loi organique française qui découlera de la ratification du traité (et dont Mediapart avait révélé une version préparatoire) : « L'UMP a annoncé qu'elle voterait contre, donc il y a une possibilité de mettre en minorité le texte à l'assemblée nationale ». Mais son appel au vote contre fait auprès de la gauche du PS et des écologistes (« la conversion écologique n'est pas possible dans l'austérité ») n'est pour l'instant pas entendu, car s'ils entendent voter contre le TSCG, socialistes et écologistes sont tenus par la solidarité budgétaire de leur majorité parlementaire.
Quant à Olivier Besancenot, pour le NPA, il a regretté la « confusion » entre le PS et l'UMP face au texte européen, avant de souhaiter « une jonction entre la lutte contre le TSCG, son gel des dépenses publiques, sa mise à mal des services publics comme du pouvoir d'achat, et les luttes sociales en cours, comme celle des salariés de Doux ou de PSA ». Selon lui, « la question internationaliste est essentielle dans le combat qui s'ouvre, et nous engageons une course de vitesse entre le non raciste et notre non de gauche. La zone européenne est la bonne pour sortir de la crise, et doit nous permettre de faire arrêter cette petite musique du patriotisme économique qui en se concluerait par des phrases du genre “Et pourquoi on paierait pour les Grecs?” On doit refaire la démonstration qu'une autre Europe est possible ».
Retrouvez notre ebook : « TSCG, pour comprendre le pacte budgétaire»