LE MONDE | 30.07.2012 à 16h26 • Mis à jour le 30.07.2012 à 16h49
Par Philippe Ridet
Le calme est revenu à Tarente (Pouilles). Tout le week-end, les appels se sont multipliés pour rapprocher les positions de la justice, qui a décidé, jeudi 26 juillet, la mise sous séquestre, "pour désastre environnemental", d'une partie des établissements de la plus grande usine sidérurgique d'Europe, Ilva, et celle des 5 000 ouvriers qui craignent pour leur emploi.
L'entreprise appartient au géant Riva Acciaio (troisième producteur européen, 24 000 employés dont 11 500 en Italie, 9,5 milliards d'euros de chiffre d'affaire en 2011). Huit dirigeants d'Ilva ont été assignés à résidence, dont le patriarche Emilio Riva, 86 ans.
La décision de la juge des enquêtes préliminaires avait déclenché, jeudi, une série d'actions spectaculaires qui avaient rendu inaccessible l'un des plus grands ports d'Italie. Tout est rentré dans l'ordre dans l'attente, vendredi 3 août, de la décision du "tribunal des réexamens" qui devra confirmer l'ordonnance du magistrat. Toutefois, les syndicats ont déposé un préavis de grève générale pour le 2 août et prévu des débrayages de deux heures chaque jour.
L'entreprise est depuis longtemps dans le collimateur des associations de défense de l'environnement. En 2011, une enquête de la revue Epidemia e Prevenzione ("épidémie et prévention") avait conclu à une surmortalité dans la ville de 10 % à 15 % supérieure à la moyenne italienne. En sept ans, 174 enfants sont morts de cancer à Tarente, soit quatre fois plus que dans n'importe quelle autre ville du pays. Dans les quartiers les plus proches du site, les habitants vivent fenêtres et volets fermés.
"Au cours des années, écrit la magistrate, aucune mesure n'a été prise, si bien que les fumées et la poussière continuent de se répandre dans l'atmosphère. On ne peut pas continuer à autoriser le groupe Riva à se soustraire cyniquement à son devoir au nom du profit."
LE CHÔMAGE OU LE CANCER
Si l'usine représente une catastrophe environnementale, sa fermeture pourrait être une catastrophe économique pour les Pouilles. L'Ilva produit près de 70 % du produit intérieur brut de cette région, une des plus pauvres de la Péninsule. Président de la région et leader du parti Gauche écologie et liberté, Nichi Vendola estime que, "si l'Ilva intervient rapidement avec des mesures radicales, le site pourra être sauvé".
Les ouvriers sont partagés entre la peur de contracter une maladie grave et la crainte de perdre leur emploi. "C'est le chômage ou le cancer, ou peut-être les deux en même temps", résume l'un d'eux, cité par la presse italienne. "Il est juste que l'Ilva soit assainie, mais il est juste aussi que le site continue son activité. Il n'y a pas d'avenir sans cette usine", déclare un autre employé. Le gouvernement se dit prêt, grâce à un accord avec les collectivités locales, à débloquer 336 millions d'euros afin d'assainir le site.
Philippe Ridet