Le directeur général du quotidien chinois Jinghua Shibao, impliqué dans un scandale de corruption mêlant la presse et une enseigne de mobilier de luxe, a été licencié, ont rapporté samedi les médias officiels. Cui Bin a été renvoyé vendredi 6 janvier, a annoncé le quotidien Les Nouvelles de Pékin. Il est accusé d'avoir offert contre rétribution ses services et son entregent à la firme Da Vinci, qui fournit la classe aisée chinoise en meubles de luxe, après que la probité de cette société eut été mise en cause.
Dans un reportage de juillet 2011, un journaliste de la télévision d'Etat CCTV avait reproché à Da Vinci de faire croire que certains de ses meubles étaient fabriqués en Italie, alors qu'en fait ils l'étaient en Chine puis transportés au port de Shanghai où leur «importation» était inventée. CCTV avait aussi critiqué la qualité des meubles Da Vinci, l'accusant de vendre pour du haut de gamme des pièces en fait composées de contreplaqué.
Cette mise à la porte met en lumière les liens fâcheux qui se tissent souvent en Chine entre le monde des affaires et celui de la presse, trop habituée à rapporter ce qu'on lui demande. L'affaire confirme aussi les mauvaises habitudes d'entreprises prêtes à payer grassement les journalistes pour étouffer des informations défavorables.
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AFP Mis à jour le 07/01/2012 à 11:53 | publié le 07/01/2012 à 10:58
Chine: un directeur de journal licencié
Un retentissant scandale illustrant la corruption au sein de la presse officielle chinoise a rebondi aujourd'hui avec l'annonce du licenciement du directeur d'un grand quotidien de Pékin, suspecté d'avoir extorqué de l'argent à une société de mobilier de luxe. Cui Bin, un ambitieux quadragénaire qui dirigeait le "Jinghua Shibao", a été congédié hier de ce journal faisant partie du groupe du Quotidien du Peuple, l'organe officiel du Parti communiste. Cette mise à la porte met en exergue les liens viciés qui se tissent souvent en Chine entre le monde des affaires et celui de la presse, trop habituée à rapporter ce qu'on lui demande. L'affaire confirme aussi les mauvaises habitudes des entreprises prêtes à payer grassement les journalistes pour étouffer des informations défavorables.
En l'espèce, Cui est accusé d'avoir offert contre rétribution son entregent à la firme Da Vinci, qui fournit la classe aisée chinoise en meubles de luxe, après que la probité de cette société eut été mise en cause. Pour un Occidental qui se rend en Chine - ou bien en Malaisie, à Singapour ou en Indonésie, autant de pays à forte proportion de nouveaux riches chinois - la visite d'un magasin Da Vinci est une expérience inoubliable. Ces immenses temples du kitsch sont remplis de fauteuils surchargés de dorures, de lits à baldaquin, de secrétaires copiés sur ceux des maîtres ébénistes français, de pendules rococo et de lustres de modèle désuet bien que neufs. Un article peut dépasser les 10.000 euros. Pour Da Vinci, qui promet à ses clients millionnaires l'art de vivre des châteaux de France ou des palais vénitiens, le "made in Italy" est un argument de vente crucial.
Une "importation" inventée selon un reportage de CCTV
Pas étonnant, donc, que des révélations contraires de la télévision d'Etat CCTV aient fait l'effet d'une bombe. Dans un reportage de juillet 2011, un journaliste de la chaîne avait assuré que de nombreux meubles Da Vinci étaient fabriqués en Chine puis transportés au port de Shanghai où leur "importation" d'Italie était inventée. CCTV avait aussi critiqué la qualité de la production de la firme, lui reprochant de vendre pour du haut de gamme des pièces composées de contreplaqué. Après cette diffusion qui avait suscité une vive controverse, Cui Bin avait signé un contrat de 3 millions de yuans (375.000 euros) avec Da Vinci, officiellement pour l'assister à répondre aux attaques la visant. Mais, sous couvert d'une opération de conseil et de relations publiques, il s'agissait d'abord pour le directeur du Jinghua Shibao d'extorquer de l'argent à Da Vinci, a affirmé cette semaine le magazine économique Caixin, fer de lance du journalisme d'investigation en Chine.
De fait, la polémique ne s'est pas éteinte, bien au contraire. Fin décembre, les autorités de Shanghai ont même infligé à Da Vinci une amende de 1,33 million de yuans (166.000 euros) pour avoir menti sur la qualité de ses produits. L'enseigne de luxe affirme aujourd'hui avoir été victime d'une opération d'extorsion. Elle accuse Li Wenxue, le journaliste de CCTV auteur du reportage qui a tout déclenché, de lui avoir soutiré un million de yuans (125.000 euros), faute de quoi il aurait publié de nouvelles informations gênantes. Le reporter nie catégoriquement. Reste qu'une telle pratique - "taire" une nouvelle défavorable contre une "enveloppe" - n'est pas rare en Chine, de la part de journalistes (ou se prétendant tel). Cela est notamment le cas après des accidents de mine, où des médias corrompus minimisent les responsabilités ou le bilan des victimes.