Baptisé Columbia Investment Company, ce fonds d'investissement serait implanté au Luxembourg - pays dont la fiscalité est accommodante - et disposerait d'un bureau à Londres. Son objectif : draguer l'argent des fonds souverains des pays asiatiques ou du Moyen-Orient ainsi que celui des family officies, c'est-à-dire les structures financières qui gèrent les fortunes de familles richissimes.
Mais attention ! Pas n'importe lesquelles... Seulement le gratin : les
«first class family officies», dit le projet dans une formule d'un snobisme achevé. En clair, pas les riches, non, les supermégariches... Brocardé pour avoir été le
«président des riches», Nicolas Sarkozy a donc l'intention d'exploiter le filon. Et, cette fois, pour son bénéfice personnel.
A cette fin, Alain Minc et quelques autres ont donc mis au service du projet leur carnet d'adresses et constitué un comité d'investissement, comprenant des personnalités européennes du monde des affaires, dont beaucoup ont travaillé avec Minc, au début de sa carrière, lorsqu'il était directeur financier de la compagnie Saint-Gobain : le président du conseil de surveillance du groupe allemand ThyssenKrupp, Gerhard Cromme ; l'ancien patron de Rolls-Royce ou encore de Goldman Sachs Europe, administrateur d'une ribambelle de sociétés britanniques, dont
The Economist, Simon Robertson ; ou encore l'ancien PDG du groupe d'énergie italien ENI, Paolo Scaroni, qui est actuellement au cœur d'un scandale financier, celui de la société nationale des hydrocarbures Sonatrach, qui a d'importantes répercussions en Algérie et en Italie.
Après avoir conduit tout au long de son quinquennat une politique fiscale très favorable aux plus grandes fortunes, l'ancien chef de l'Etat attend donc, en quelque sorte, de ses amis très fortunés qu'ils lui renvoient, aujourd'hui, l'ascenseur. En venant investir dans son fonds d'investissement. Cela transparaît dans les cibles qui sont présentées dans le projet Columbia Investment Company.
Il est par exemple mentionné que le secteur du luxe figurera parmi les priorités d'investissement de la société - un secteur qui est la spécialité de plusieurs grandes fortunes proches de Nicolas Sarkozy, dont naturellement Bernard Arnault, le témoin de son deuxième mariage.
Un autre projet d'investissement est mentionné dans ce document : Courchevel 1850. Ce n'est sans doute pas un hasard : Stéphane Courbit, proche de Sarkozy et de Minc, est en effet le propriétaire d'un hôtel de luxe à Courchevel, Les Airelles, très prisé des oligarques russes. L'homme d'affaires pourrait donc être intéressé à participer par ce biais aux projets immobiliers de la station de sports d'hiver.
On aurait, certes, pu penser que Stéphane Courbit, mis en examen dans le cadre du scandale Bettencourt et incapable de rembourser les 143 millions d'euros que lui avait apportés l'héritière de L'Oréal, ne participerait pas au projet de Nicolas Sarkozy. Pourtant, nous avons obtenu, de très bonnes sources, confirmation que Stéphane Courbit a bien prévu de s'intéresser au dossier.
Selon nos informations, l'ancien chef de l'Etat a même élargi ses prospections pour rechercher de l'argent : il a sollicité des fonds souverains du Proche-Orient non seulement pour abonder son fonds d'investissement, mais aussi pour venir financièrement en aide à Stéphane Courbit. L'homme d'affaires et son entourage démentent nos informations.
Ce mélange des genres transparaît aussi dans la liste des investisseurs internationaux que Nicolas Sarkozy a démarchés depuis son départ de l'Elysée. Car, à l'évidence, les portes auxquelles il est allé frapper à l'étranger ne doivent rien au hasard. A chaque fois, on y retrouve des Etats ou des groupes financiers qui, sous son quinquennat, ont obtenu d'importants contrats.
Certes, cela a été discrètement mené, et les médias, le plus souvent, n'ont parlé que du motif officiel du voyage de l'ancien président, à chaque fois, la tenue d'une conférence. Mais systématiquement, à chacun de ses déplacements, Nicolas Sarkozy a prospecté pour le fonds d'investissement.
On l'a ainsi vu une première fois, jeudi 11 octobre 2012, tenir une conférence à huis clos devant un parterre de clients de la banque d'affaires brésilienne BTG Pactual, rassemblés dans les luxueux salons de l'hôtel Waldorf Astoria, à New York. Puis, le 22 octobre, Nicolas Sarkozy va pour deux jours à Sao Paulo, au Brésil, pour une nouvelle conférence qu'il donne, à huis clos, devant un parterre d'hommes d'affaires rassemblés par la même banque d'investissement BTG Pactual.
Ensuite, dans les premiers jours de novembre, Nicolas Sarkozy donne une conférence à Singapour sur la situation économique internationale devant un parterre de banquiers et d'hommes d'affaires, toujours sans que la presse puisse y assister. Quelques jours plus tard, le 13 novembre, il refait surface à Moscou, où il a une brève rencontre avec Vladimir Poutine mais où, surtout, il participe en qualité d'invité d'honneur, avec son épouse, Carla Bruni, à une cérémonie de remise de prix récompensant
«les meilleurs investissements en Russie» organisée
«par le groupe d'un milliardaire russe, Mikhail Fridman» (Alfa Bank).
Un mois après, c'est à Doha que se rend Nicolas Sarkozy, le 11 décembre, à l'invitation de l'émir du Qatar, où il prend la parole à l'occasion d'une nouvelle conférence qui porte sur les enjeux économiques du sport, et dont l'organisateur est Richard Attias, l'époux de... Cécilia, ex-Sarkozy.
Or, à chacun de ses déplacements, Nicolas Sarkozy a recherché discrètement de l'argent pour son fonds d'investissement. De très bonnes sources, il a par exemple profité de son déplacement à Singapour, lors de sa conférence, pour y nouer un contact avec les dirigeants de Temasek, l'un des deux fonds souverains de la ville-Etat.
Selon des informations précises que nous avons pu recueillir, Nicolas Sarkozy aurait ainsi demandé aux dirigeants de Temasek d'investir dans le fonds qu'il veut créer. Le schéma qu'il leur a présenté prévoit que de gros investisseurs entrent dans son fonds d'investissement, en souscrivant chacun un
«ticket», si possible d'environ 200 millions d'euros. Pour les convaincre que son projet prenait bonne tournure, Nicolas Sarkozy a ainsi suggéré aux dirigeants de Temasek que les Emirats arabes unis - où l'ancien chef de l'Etat avait décidé d'implanter une base militaire française - pourraient apporter environ 200 millions d'euros. Il leur a suggéré de faire de même.
Assez peu convaincu, selon une très bonne source, Temasek a signifié à son interlocuteur qu'il aurait des difficultés à persuader des investisseurs s'il n'apportait pas lui-même des fonds. Nicolas Sarkozy a alors fait savoir aux responsables financiers singapouriens que c'est bien comme cela qu'il voyait les choses. Il leur a donc indiqué qu'il se faisait fort de trouver lui-même une centaine de millions d'euros. Enumérant des grandes fortunes qui lui sont proches, il a ainsi indiqué que différents hommes d'affaires français pourraient appuyer son projet.