Le Monde - Blog - 05 juin 2012
Le débat sur la politique de distribution du dividende chez France Télécom n’est pas nouveau. Depuis des années, les syndicats réclament une meilleure répartition des résultats de l’opérateur téléphonique. La revendication s’est encore exprimée, mardi 6 juin, lors de l’assemblée générale du groupe, qui s’apprête à distribuer 95% de son bénéfice net à ses actionnaires.
Cette générosité dénote la stratégie à courte vue, qui a été celle de France Télécom toutes ces dernières années. L’Etat, qui reste, avec 27% du capital, le premier actionnaire de l’opérateur, a mal anticipé les bouleversements du secteur, qu’il a pourtant lui-même provoqués.
L’attribution de la quatrième licence à Free a entraîné un séisme, qui va nécessiter des moyens considérables pour encaisser cette nouvelle concurrence. Au lieu de rester assis sur sa rente pendant des années, l’Etat aurait été plus avisé de prôner une politique de distribution des dividendes moins généreuse, et de consacrer plus de moyens aux investissements et à l’innovation.
Cette année encore, au titre de 2011, ce sont 3,8 milliards d’euros qui partent directement dans la poche des actionnaires. Cette stratégie était supportable tant que, dans un environnement concurrentiel maîtrisé, les revenus étaient récurrents et réguliers. Mais l’arrivée de Free, en diffusant un modèle low cost, bouleverse la donne. France Télécom, comme ses concurrents, enregistre une baisse de ses résultats.
Sous la pression, France Télécom est désormais prêt à revoir à la baisse son dividende. Mieux vaut tard que jamais. Toutefois, ce seront plus de 3 milliards d’euros qui seront encore distribués aux actionnaires au titre de 2012. On est en droit de s’interroger sur le bilan de la politique menée ces dernières années. Si elle a été bien utile aux finances publiques, elle n’a pas empêché le cours de l’action d’atteindre un niveau historiquement bas. A un peu plus de 10 euros, celui-ci a chuté de 55% depuis cinq ans et de 33% depuis un an. D’où le rendement déconnecté de toute réalité que procure aujourd’hui l’action: 13,5%, quand les emprunts d’Etat ne peuvent offrir que 3%.
Ce n’est pas en maintenant un dividende généreux que France Télécom satisfera ses actionnaires, mais en proposant une politique industrielle de long terme. Une fois de plus, l’Etat a apporté la preuve qu’il était un bien piètre actionnaire.
Twitter: @StephaneLauer