Au secours, les riches s'en vont ! Sur les bords du lac Léman comme sur les pentes de Gstaad, au Liechtenstein comme au Luxembourg, les banquiers et les agents immobiliers se frottent les mains par avance : la victoire (éventuelle) de François Hollande va leur amener une clientèle supplémentaire, celle des NEF, les nouveaux exilés fiscaux.
Quant à la France, il ne lui restera plus que ses yeux pour pleurer : finies les files d'attente devant chez Fauchon, terminées les réservations « urgentes » d'une table chez Lucas-Carton, désertée la place Vendôme, à la rue les femmes de chambres et valets particuliers, ruinés les tailleurs et autres fleuristes de luxe... A écouter une partie de la droite, c'est l'économie française qui se détricotera… par le haut.
Les NEF, une fantasmagorie sarkozienne
Voilà la fantasmagorie qui monte dans les rangs sarkoziens : les riches s'en vont ! A force de les clouer au pilori, de les taxer, de les retaxer, puis de les surtaxer, les voilà qui se renseigneraient d'urgence auprès de leurs avocats – « cher Maître, expliquez-moi comme payer ses impôts en Suisse ? » Les troupes des futurs NEF se prépareraient à entonner le chant du départ et à priver notre pays de leurs précieuses dépenses.
Cette description est à peine caricaturale, je vous l'assure, pour l'avoir entendue maintes fois ces derniers temps ; il faut remettre un peu de raison dans tout cela. De quoi nos hyper-riches auraient-ils si peur ?
Le taux de la tranche supérieure du barême de l'impôt sur le revenu passerait avec Hollande de 40 à 45%, à comparer au même 45% chez notre « modèle » allemand, au 50% – quelle horreur ! – en Belgique comme en Grande-Bretagne, et tout de même aux 40% suisses. Et je vous épargne tout commentaire sur les 59% du Danemark ou de la Suède. Alors pourquoi feraient-ils leurs valises, pourquoi devenir NEF ?
Le gentil Président sortant
Le possible futur Président de gauche entendrait, en plus :
- s'en prendre, en plus, à leurs niches fiscales – qui permettent par exemple de déduire une partie des frais d'emplois à domicile ;
- rétablir l'impôt sur la fortune à ce qu'il était jusqu'en 2011 ;
- taxer les revenus du capital (actions obligations, assurance-vie) comme ceux du travail (salaires, prestations...).
Ce n'est pas comme le Président sortant qui, dans sa grande mansuétude, a sagement taxé les pauvres :
- relèvement du taux réduit de la TVA de 5,5 à 7% puis du taux normal de 19,6 à 21,6% ;
- taxe sur les mutuelles ;
- gel des barèmes des prestations sociales et de l'impôt sur le revenu...
Puis, dans un « deal » bienvenu, il a dû échanger le bouclier fiscal – quelle merveille ! – contre un allègement de l'ISF et au passage un mini-impôt exceptionnel et surtout provisoire sur les hauts revenus.
Tout cela n'est pas très sérieux. Comme le démontre Thierry Pech dans « Le Temps des riches », voici un certain temps que la classe des hyper-riches a fait sécession de la société française. Les y réintégrer un peu, ne serait-ce qu'un petit peu, par une plus ample participation aux dépenses communes, serait plutôt une bonne chose – y compris pour leur propre intérêt citoyen bien compris.
Toujours acheter français par Internet
Depuis les lendemains de la guerre, disons 1950, la France a connu une croissance quasi-continue – à peine trois ans de petite récession. Autant dire que, dans sa globalité, ce pays n'a jamais été aussi riche… et pourtant, il n'y a jamais eu autant de pauvreté en France.
Alors, partiront, partiront pas nos hyper-riches ? Cessons de nous faire peur. Si jamais quelques-uns s'installent vraiment à Davos, rassurons-nous, ils pourront commander leurs sacs Vuitton en France par Internet…