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Le Monde.fr avec AFP, AP et Reuters | 22.02.2014 à 09h38 • Mis à jour le 22.02.2014 à 19h14
La crise politique s'accélère en Ukraine. Samedi 22 février, les députés ukrainiens ont destitué le président Viktor Ianoukovitch et fixé au 25 mai la tenue de la prochaine élection présidentielle. Les députés de la Rada ont déclaré le chef de l'Etat, qui a quitté Kiev, dans l'incapacité constitutionnelle d'exercer ses fonctions. Viktor Ianoukovitch, qui avait auparavant dénoncé un « coup d'Etat », a essayé de prendre un avion pour la Russie, selon le président du Parlement.
Dans le même temps, l'opposante ukrainienne Ioulia Timochenko, condamnée en 2011 pour abus de pouvoir, est sortie de l'hôpital pénitentiaire où elle purgeait sa peine depuis trente mois. Elle a annoncé qu'elle se rendait à Kiev, sur Maïdan, la place de l'Indépendance occupée depuis trois mois par des milliers d'opposants.
- Ianoukovitch, destitué par les députés, dénonce un « coup d'Etat »
Par 328 voix, la Rada, où siègent 450 députés, a destitué Viktor Ianoukovitch, le déclarant « dans l'incapacité constitutionnelle d'exercer ses fonctions ». Le texte de la motion, lu par le nouveau président de la chambre, Oleksander Tourchinov, un allié de l'opposante Ioulia Timochenko, souligne que le chef de l'Etat, qui a quitté Kiev, « a abandonné ses responsabilités constitutionnelles, ce qui menace le fonctionnement de l'Etat, l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine ».
« Viktor Ianoukovitch a essayé de prendre un avion à destination de Russie, mais il en a été empêché par des gardes-frontières. Il se cache actuellement quelque part dans la région de Donetsk », région pro-russe dans l'est de l'Ukraine dont il est originaire, a déclaré le président du Parlement Olexandre Tourtchinov, cité par l'agence Interfax.
Peu avant, dans une interview accordée à la télévision ukrainienne UBR, Viktor Ianoukovitch avait exclu de démissionner, dénoncé un « coup d'Etat » et rejeté la légalité des décisions prises par les députés. « Ce qui se passe aujourd'hui est du vandalisme, du banditisme, un coup d'Etat », avait-il lancé. « Je n'ai pas l'intention de quitter le pays », avait-il alors souligné, affirmant que sa voiture avait été visée par des coups de feu à Kiev. « Mais je n'ai pas peur », avait-il ajouté.
Dans la capitale, les lieux symboliques du pouvoir de Ianoukovitch ont été peu à peu investis. De nombreux journalistes ont pénétré sans difficulté dans la résidence du président — dans la banlieue de Kiev —, d'habitude sous très haute protection. L'opposition explique que les gens se rendent nombreux vers ce lieu « afin de constater dans quelles conditions vivait Ianoukovitch ces dernières années ».
Lire : La résidence façon parc d'attractions du président ukrainien
- Timochenko libre se rend à Maïdan
L'opposante et ex-premier ministre Ioulia Timochenko, battue de justesse par Viktor Ianoukovitch à l'élection présidentielle d'avril 2010, est sortie de l'hôpital pénitentiaire de Kharkiv, dans le nord-est du pays, où elle était emprisonnée depuis trente mois. « Ioulia libérée ! », scandaient des centaines de personnes près du centre pénitentiaire. L'ancienne égérie de la « Révolution orange » de 2004, arborant sa tresse emblématique, les a saluées de la main, et son entourage a annoncé qu'elle se rendait à Kiev, sur Maïdan, la place de l'Indépendance occupée depuis trois mois par des milliers d'opposants.
« La dictature est tombée non grâce aux hommes politiques et aux diplomates, mais grâce aux gens qui sont sortis dans la rue, qui ont réussi à protéger leurs familles et leur pays », s'est-elle félicitée sur le site Internet de son parti. Le Parlement avait voté plus tôt dans la journée sa « libération immédiate ».
- A Kiev, le pouvoir bascule
Dans la matinée de samedi, le président de la Rada a quitté ses fonctions. Dès l'ouverture de la séance, Volodymyr Rybak, membre du Parti des régions et proche de Viktor Ianoukovitch, a annoncé sa démission pour « des raisons de santé ». Plusieurs députés du Parti des régions, au pouvoir, ont également annoncé qu'ils quittaient leur formation.
Dans la foulée de la démission de M. Rybak, l'assemblée ukrainienne a élu Olexandre Tourtchinov, bras droit de Ioulia Timochenko, à la tête de la présidence de la Rada. « Le pouvoir en Ukraine reprend son travail pour stabiliser la situation », a-t-il déclaré après avoir été désigné par 288 voix sur un total de 450.
- Les forces de l'ordre refusent d'affronter le peuple
Les forces armées ukrainiennes ont annoncé qu'elles se tiendraient à l'écart de la crise politique en cours. « Les forces armées d'Ukraine sont loyales à leurs obligations constitutionnelles et ne peuvent être impliquées dans un conflit politique intérieur », peut-on lire dans un communiqué de l'état-major mis en ligne sur le site du ministère de la défense.
Les chefs de quatre organes des forces de sécurité, dont le patron des Berkout, la police anti-émeutes, ont parallèlement déclaré devant le Parlement qu'ils n'affonteraient pas le peuple. Le ministère de l'intérieur a exprimé pour sa part son soutien à un « changement rapide » et a demandé aux citoyens de s'unir pour protéger la sécurité et établir un « pays européen indépendant, démocratique et juste ».
Lire notre reportage : A Kiev, les « centuries » de Maïdan investissent des rues désertées par la police
- Félicitations de l'Union européenne, mises en garde de la Russie
Les présidents de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et du Parlement européen, Martin Schulz, ont salué samedi la libération de Ioulia Timochenko. Le ministre britannique des affaires étrangères William Hague s'est dit de son côté prêt, avec le ministre allemand des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, à soutenir « un nouveau gouvernement » et le déblocage d'une aide financière du Fonds monétaire international.
Lire : Ukraine : Londres prêt à soutenir "un nouveau gouvernement"
A l'opposé, la Russie a dénoncé l'attitude de l'opposition ukrainienne après l'accord conclu la veille avec le président Viktor Ianoukovitch et mis en garde contre une menace sur la souveraineté du pays. « L'opposition n'a non seulement pas rempli une seule de ses obligations mais avance de nouvelles exigences, se soumettant aux extrémistes armés et aux pillards dont les actes constituent une menace directe pour la souveraineté et l'ordre constitutionnel de l'Ukraine », a déclaré le ministère russe des affaires étrangères dans un communiqué.
- A l'est, la légitimité du parlement de Kiev remise en cause
Dans l'Est, russophile, ces changements ne semblent pas au goût de tous les politiques. Le gouverneur de la région de Kharkiv, Mikhaïlo Dobkine, a ainsi révélé qu'un congrès des régions ukrainiennes pro-russes s'était ouvert samedi à Kharkiv, en présence de députés et de gouverneurs russes.
Les dirigeants des régions majoritairement russophones, partisans du président Viktor Ianoukovitch, ont remis en cause samedi la légitimité de la Rada et déclaré qu'ils conservaient le seul contrôle de leurs territoires.
Lire notre chronologie : Ukraine : des premières manifestations au compromis fragile
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