La police a utilisé dimanche des canons à eau contre les manifestants pour tenter de mettre fin aux affrontements qui ont éclaté à l’issue d’un rassemblement massif dans le centre de Kiev contre de nouvelles lois répressives. Les forces de l’ordre continuait aussi à user de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes tandis que les protestataires leur lançaient des pierres et des fumigènes, selon un journaliste de l’AFP.
Près de 200 000 opposants pro-européens manifestaient dimanche sur la place de l’Indépendance à Kiev, défiant les autorités après l’adoption de nouvelles lois renforçant les sanctions contre les contestataires, vivement dénoncées par les Occidentaux. Par des températures largement en dessous de 0°, les protestataires se pressaient sur et aux alentours de la place, aussi baptisée Maïdan, occupée depuis près de deux mois par des opposants pro-européens après le refus du président Viktor Ianoukovitch de signer un accord d’association avec l’Union européenne au profit d’un rapprochement avec la Russie.
Ils répondaient à l’appel des chefs de file de l’opposition, bravant l’interdiction de toute manifestation dans le centre de Kiev jusqu’au 8 mars, et les nouvelles lois promulguées vendredi par Viktor Ianoukovitch qui introduisent ou renforcent les sanctions à l’encontre des manifestants.
Des dizaines de personnes portaient sur la tête des casseroles, des passoires ou encore des boîtes en carton, ou avaient revêtu des masques de carnaval, en signe de dérision face à l’une des nouvelles lois qui punit les personnes manifestant avec un masque ou un casque sur la tête.
«J’attends aujourd’hui des mesures décisives et drastiques de la part de l’opposition», a déclaré à l’AFP un des occupants de Maïdan, Sergiy Nelipovitch. «Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps. Nous n’avons pas le choix: soit nous gagnons soit nous tombons dans la dictature», a-t-il ajouté. S’exprimant tour à tour sur une scène, les leaders de l’opposition ont dénoncé ces nouveaux textes. «Nous déclarons illégale la nouvelle législation adoptée», a déclaré le boxeur Vitali Klitschko, chef du parti Oudar (Coup). Il a appelé les forces de l’ordre à rejoindre le camp des opposants. «Je m’adresse aux forces de l’ordre: passez dans le camp du peuple!», a-t-il lancé.
«Le Parlement a perdu sa légitimité, cela signifie que nous devons créer un conseil du peuple parmi les hommes politiques d’opposition», a de son côté dit Arseni Iatseniouk, responsable du parti de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko. Les responsables ont toutefois été sifflés par la foule, reprochant aux opposants de ne pas avoir de plan d’action et de manquer d’un véritable leader.
Alors que le mouvement de contestation avait réussi à mobiliser des centaines de milliers de personnes en décembre, il s’était un peu essoufflé après signature le 17 décembre à Moscou d’accords économiques qui prévoient un crédit de 15 milliards de dollars à l’Ukraine et la baisse d’un tiers du prix du gaz russe. Mais l’adoption des nouvelles lois pourrait redonner un peu de vigueur à la protestation.
Les textes, votés à main levée en plein chaos au Parlement, prévoient des peines de prison de 15 jours pour l’installation non-autorisée de tentes ou d’estrades dans des endroits publics et jusqu’à cinq ans de prison pour les personnes bloquant des bâtiments officiels. Une loi punit d’amendes, de confiscation de permis de conduire et de voiture toute manifestation en cortège de plus de cinq véhicules. Un autre texte oblige les ONG bénéficiant de financements occidentaux à s’enregistrer en tant qu'«agent de l’étranger». Ce terme appliqué aux opposants réels ou supposés à l’époque stalinienne, est très souvent utilisé ces dernières années pour dénoncer les contestataires dans la Russie de Vladimir Poutine qui a adopté en 2012 une loi similaire.
Les Occidentaux ont mis en garde les autorités ukrainiennes contre ces textes et l’opposante emprisonnée et ex-Premier ministre Ioulia Timochenko a dénoncé l’instauration d’une «néo-dictature». Le ministre des Affaires étrangères suédois Carl Bildt, un ardent défenseur du rapprochement entre l’Ukraine et l’UE, a indiqué dans une interview à la chaîne de télévision ukrainien hromadske.tv que les Européens avaient discuté avec les Américains de sanctions à l’encontre de certaines personnes du gouvernement.
«Nous avons parlé de cela avec les Américains. C’était avant tout lié à la question des violences, notre position précise est que la violence ne doit pas être employée contre les participants pacifiques des protestations», a-t-il déclaré dans des propos traduits en ukrainien, ajoutant que les contacts se poursuivaient.