Transparence : chez les députés, le changement, c’est pas maintenant | Rue89 Politique rue89.com/rue89-politiqu…
Circulez y a rien à voir 21/07/2012 à 10h46
Les députés ont rejeté l’amendement qui aurait permis de contrôler l’utilisation de l’indemnité couvrant leurs frais professionnels. Ils n’ont pas, non plus, l’intention de rendre publique la liste de leurs éventuels conflits d’intérêts. La transparence dérangerait-elle l’Assemblée nationale ?
Charles de Courson, député Nouveau Centre de la Marne et spécialiste de la fiscalité, est un habitué des amendements techniques. Mais le dernier en date avait en fait un enjeu très simple : empêcher les députés d’utiliser comme de l’argent de poche l’indemnité destinée à couvrir leurs frais professionnels.
Les députés reçoivent en effet deux indemnités :
- l’indemnité parlementaire proprement dite, ce qui leur tient lieu de salaire, correspondant en net à 5 198 euros par mois ;
- l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), fixée à 6 412 euros brut et non imposable, permettant par exemple de payer le loyer de sa permanence ou l’essence lors des tournées dans sa circonscription.
Le débat sur cette indemnité-là n’est pas nouveau. Ce n’est pas tant son montant qui choque, que l’absence de contrôle : les députés n’ont pas à justifier l’utilisation de leur IRFM. En pratique, rien n’empêche un député d’utiliser cette somme pour financer ses vacances, par exemple.
La proposition de Charles de Courson ? Soumettre à l’impôt la partie de l’IRFM qui n’aurait pas été dépensée à la fin du mois, ce qui rendrait le contrôle de facto obligatoire : pour calculer le montant à imposer, les députés devraient produire des justificatifs de leurs dépenses.
Charles de Courson présente son amendement
L’amendement a été examiné dans la nuit de jeudi à vendredi. Et, sans surprise, il a été rejeté, par la droite comme par la gauche : les députés ont convenu d’attendre sagement les éventuelles propositions du président et du bureau de l’Assemblée nationale sur le sujet.
En matière de déontologie, les députés préfèrent décidément régler les choses entre eux, comme en témoigne aussi le traitement des déclarations d’intérêts par l’Assemblée nationale. Ils doivent en effet fournir la liste de leurs activités et de leurs principaux investissements, comme l’ont déjà fait les ministres, les sénateurs et les parlementaires européens.
Mais selon la règle adoptée avant les législatives, leurs déclarations ne seront pas rendues publiques. Elles seront simplement transmises au déontologue de l’Assemblée nationale, un expert neutre. Ce poste, créé en avril, est occupé pour l’instant par le juriste Jean Gicquel.
En cas de doute, le déontologue saisira le bureau de l’Assemblée nationale. Celui-ci tentera ensuite de régler le problème avec le député concerné, en toute discrétion : à aucun moment les journalistes ou les citoyens ne pourront consulter les déclarations.
La nouvelle majorité de gauche allait-elle changer les règles, opter pour davantage de transparence ?
Rue89 a interrogé le cabinet du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone : aucune réforme des règles adoptées en avril, sous la majorité de droite, n’est prévue. Et le bureau n’ayant pas encore nommé le déontologue, les députés n’ont pas remis pour l’instant leurs déclarations.
Les déclarations d’intérêts ne sont évidemment pas une solution-miracle, mais elles peuvent fournir des détails jusqu’ici ignorés du grand public. Exemples :
- au gouvernement, la ministre de la Santé a dû signaler les activités de son frère médecin ;
- au Sénat, on a pu découvrir entre autres les réseaux françafricains d’un élu du Nouveau Centre.
Dans les déclarations des députés, les électeurs auraient peut-être pu découvrir par eux-mêmes que Thierry Mariani pratiquait le lobbying en Asie centrale, ou que Christian Jacob, le président du groupe UMP, possédait sa petite société de conseil. Mais l’Assemblée nationale juge visiblement que ces informations ne méritent pas d’être partagées...
PS : Réagissant à cet article sur Twitter, Arnaud Leroy, député PS des Français de l’étranger, nous assure que « ce problème ne restera pas lettre morte ». « Attention aux fausses bonnes solutions adoptées dans la précipitation », ajoute cet élu socialiste du sud de l’Europe.
@pierrehaski je vous rassure ce problème ne restera pas lettre morte. Attention au fausse bonne solution adoptée dans la précipitation.