/http%3A%2F%2Fs2.lemde.fr%2Fimage%2F2014%2F05%2F26%2F534x267%2F4426052_3_a727_thomas-piketty-dans-son-bureau-de-l-ehess-a_e2dd2ece014de5f847f232fef916412d.jpg)
L'économiste français Thomas Piketty, auteur du livre à succès Le Capital au XXIe siècle, a indiqué à l'Agence France-Presse refuser sa nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur, officialisée jeudi 1er décembre.
Lire : Modiano, Tirole et Mimie Mathy dans la promotion de la Légion d'honneur
« Je refuse cette nomination car je ne pense pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable », a-t-il justifié, estimant que l'Etat « ferait bien de se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe » plutôt que de distribuer ces distinctions.
CRITIQUE DE LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT
Le refus de M. Piketty intervient alors que son ouvrage, qui entend démontrer la tendance spontanée à une toujours plus grande concentration de la richesse entre quelques mains, s'est vendu à 1,5 million d'exemplaires. Traduit en plusieurs langues, l'essai est en particulier un phénomène d'édition aux Etats-Unis, où M. Piketty, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, a été reçu par des conseillers du président Barack Obama.
Lire aussi : Pourquoi le livre de Piketty est-il un succès aux Etats-Unis ?
L'accueil réservé au livre a été plus tiède en France, notamment de la part du gouvernement, malgré de très fortes ventes. Un temps proche du Parti socialiste, l'économiste critique régulièrement la politique menée par François Hollande. Il regrette notamment que ce dernier ait enterré sa promesse de campagne d'une profonde réforme fiscale, dans le sens d'une plus grande progressivité de l'impôt, un projet ardemment défendu par l'économiste.
En juin, il commentait ainsi dans un entretien au Monde la politique du chef de l'Etat :
« Je pense qu'il y a un degré d'improvisation dans la politique fiscale et la politique économique de François Hollande qui est effectivement assez consternant. »
« LE FATAL INSIGNE QUI NE PARDONNE PAS »
Thomas Piketty s'inscrit ainsi dans la longue liste des personnalités ayant refusé leur nomination à un grade de la Légion d'honneur, que ce soit par refus d'un mérite dont ils s'estimaient indignes, par souci d'indépendance, ou encore par esprit frondeur. Avant l'économiste français, l'ancien secrétaire général de la CFDT, Edmond Maire, la refusa en des propos semblables, estimant que « Ce n'est pas à l'État de décider ce qui est honorable ou pas ».
Léo Ferré et Georges Brassens avaient préféré prendre les devants avant même d'être nommés, le premier brocardant « ce ruban malheureux et rouge comme la honte » tandis que le second signa par la suite une chanson satirique où il dénonce « le fatal insigne qui ne pardonne pas ». Pierre Curie avait pour sa part refusé la distinction d'un simple « Je n'en vois pas la nécessité », tandis que George Sand avait refusé d'être la première auteure à arborer l'insigne, justifiant qu'elle ne voulait « pas avoir l'air d'une vieille cantinière ! »
Claude Monet, Georges Bernanos, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Camus s'inscrivent également dans cette longue liste. En 2013, c'était l'auteur et dessinateur de BD, Jacques Tardi, qui avait refusé la Légion d'honneur, tandis qu'en août 2012, la chercheuse Annie Thébaud-Mony, spécialiste des cancers professionnels avait refusé cette distinction pour dénoncer « l'impunité » de responsables de groupes industriels, responsables de « crimes industriels ».