LEMONDE.FR | 24.11.11 | 12h09 • Mis à jour le 24.11.11 | 14h08
Alors que la campagne présidentielle s'installe, Nicolas Sarkozy prend plus que jamais l'Allemagne comme modèle. Dans son intervention télévisée du 27 octobre, il a pris le pays d'Angela Merkel pour exemple dans le domaine du temps de travail et qualifié les 35 heures de "folie" mise en place par les socialistes. Pourtant, la durée du temps du travail n'est pas plus élevée en Allemagne qu'en France.
Des durées officielles variables suivant les secteurs
La loi sur les horaires de travail en Allemagne impose en principe que le temps de travail ne dépasse pas huit heures par jour, ce qui fait 40 heures par semaine. Mais grâce à "l'autonomie tarifaire", les partenaires sociaux peuvent négocier dans chaque secteur professionnel les salaires et la durée hebdomadaire du travail.
Dans le secteur de la métallurgie, par exemple, les 35 heures ont été instaurées par le puissant syndicat IG Metall – qui n'a pourtant pas réussi à les faire appliquer dans l'Allemagne de l'est, c'est-à-dire les régions de l'ancienne RDA, et qui est aussi remis en question depuis quelques années dans l'ouest du pays.
Les durées négociées peuvent varier entre les différents Länder. Concernant le commerce de détail, par exemple, les 37,5 heures ont été instaurées dans la région de Hambourg. Dans le secteur public, le temps de travail varie entre 39 et 41 heures par semaine. Ainsi, les médecins dans les hôpitaux communaux ont obtenu une durée de 40 heures.
La durée de travail moyenne négociée dans tous les secteurs se situe officiellement à 37,7 heures par semaine.
Des durées effectives de travail supérieures
Mais en Allemagne comme en France, ces durées de travail négociées ne correspondent pas à la réalité professionnelle. Les heures supplémentaires font que les Allemands, comme les Français, travaillent beaucoup plus que ce que stipulent leurs contrats.
Selon les statistiques d'Eurostat de 2010, les Allemands employés à temps complet travaillent en moyenne 41,8 heures par semaine, les Français 41,1 heures. La moyenne de l'Union Européen se situait en 2010 à 41,6 heures la semaine. Dans les 27 pays de l'Union européenne, les salariés ne travaillent pas moins de 38,8 heures par semaine – la moyenne du Danemark où, selon les chiffres d'Eurostat, les gens travaillent le moins.
Le malentendu des 35 heures et des réformes Schröder
Le 27 octobre, Nicolas Sarkozy a opposé avec détermination les réformes de Gerhard Schröder, le prédécesseur d'Angela Merkel, aux "folies" des socialistes français, parlant de la retraite et notamment les 35 heures : "Quand en 2001 on a fait cette chose étrange, les 35 heures qui ont ruinées la compétitivité du pays, dans le même temps, M. Schröder, pourtant socialiste allemand, faisait l'inverse, faisait le choix de l'emploi et faisait le choix de la compétitivité. "
La comparaison n'est pourtant pas tout à fait correcte. Il est certes exact qu'après avoir réduit la durée hebdomadaire dans les années 70 et 80, l'Allemagne a fait le mouvement inverse : "L'évolution du temps du travail en Allemagne était auparavant marquée par des réductions de temps de travail" écrivait l'Institut für Arbeitsmarkt und Berufsforschung (IAB) en 2005, avant de préciser : "Cette tendance s'est arrêtée au milieu des années 90. "
Mais cela n'est pas lié aux réformes du gouvernement Schröder. Au contraire, le chancelier et les syndicats se sont opposés a une prolongation de la durée hebdomadaire du travail à 42 heures pour les fonctionnaires en 2004, qui était réclamée par les démocrates-chrétiens (CDU), au motif qu'une telle réclamation serait "démodée et déconnectée de la réalité". Mais dans le même moment, les syndicats ont parfois accepté dans certains secteurs un assouplissement des règles de temps de travail. Ainsi dans la métallurgie, un accord de branche signé en 2004 permet aux employeurs de faire passer leurs salariés aux 40 heures, "lorsqu'un renforcement de la compétitivité de l'entreprise est nécessaire".
La durée globale plus faible en Allemagne à cause du temps partiel
L'Allemagne a plus recours au temps partiel que la France : 21,7 % de sa population active y sont employés à temps partiel en 2010, contre 13,6 % en France, selon l'OCDE. Si on intègre le temps partiel dans le calcul du temps de travail, la durée annuelle moyenne s'élève pour la France à 1 559 heures, contre 1 432 pour l'Allemagne, selon l'Insee.
En mars 2009, face à la crise, le gouvernement allemand a voté un élargissement du chômage partiel pour éviter des licenciements. Ainsi, les entreprises peuvent baisser la production pour une période limitée sans devoir licencier leurs travailleurs, qui travaillent moins ou restent chez eux en attendant la reprise de l'activité. Elle ne leur verse plus que 60 % de leur rémunération normale, mais le Pôle emploi allemand prend à sa charge la moitié des cotisations sociales.
Ce régime spécial prendra in en mars 2012. Alors que l'opposition veux bien le rallonger, Angela Merkel vient d'affirmer qu'elle n'avait pas l'intention de le faire. Mais elle a assuré qu'elle réinstaurerait cet instrument si la conjoncture le rendait nécessaire.
Anke Myrrhe