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Un de plus, serait-on tenté de dire. Plus de 400 millions d’euros d’argent public ! Que cela plaise ou non, Bernard Tapie est redevenu riche avec l’argent des contribuables. Dès lors, la question, juridique, politique, morale, est simple : comment a-t-on pu en arriver là ?
Pour en avoir une idée, il faut lire le réquisitoire de la cour de discipline budgétaire : il est terrible, accablant même. Sans rentrer dans les détails techniques de cette affaire, on croit bel et bien comprendre que la décision d’un tel arbitrage a été prise à l’Elysée et que Christine Lagarde n’a fait en réalité qu’exécuter des ordres venus d’en haut. En tous cas, tous ceux qui étaient contre une telle procédure d’arbitrage ont été systématiquement écartés.
La Caisse des dépôts et Consignations était contre : écartée.
L’Agence des participations de l’Etat (APE) était contre : écartée.
Les fonctionnaires de Bercy étaient contre : écartés.
Le 2 octobre 2007, un conseil d’administration du CDR, l’organisme chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais, se réunit. Trois administrateurs émettent alors des réserves circonstanciées sur la procédure d’arbitrage : même chose, on ne les écoute pas. En réalité, la décision est déjà prise.
Pire : parmi les trois arbitres désignés, l’entre d’entre eux, Pierre Estoup, omet de signaler qu’il a déjà travaillé à quatre reprises avec l’avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne.
On sait, en outre, que Bernard Tapie a été reçu à plusieurs reprises et dans la plus grande discrétion à l’Elysée entre 2007 et 2010. Exactement comme le procureur de Nanterre Philippe Courroye, alors chargé de la délicate affaire Bettencourt, avait été reçu en secret à huit reprises par le chef de l’Etat.
Mais est-ce le cas des deux officiers traitants de ce dossier explosif, Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, et son adjoint, François Pérol, aujourd’hui patron de Banques Populaires-Caisses d’Epargne ?
Toujours est-il qu’aujourd’hui, seule Christine Lagarde se retrouve devant la Cour de Justice de la République. Et l’on verra d’ailleurs, dans quelques heures, si les juges, qui s’apprêtent à l’entendre demain et vendredi, décident de la mettre en examen pour « complicité de faux et détournement de fonds publics » ou s’ils la ménagent en lui accordant un statut de témoin assisté.
Car deux autres personnages au moins sont dans le viseur : Jean-François Rocchi, président du CDR de 2006 à 2013, un proche de Claude Guéant, et Bertrand Scemama, président de l’EPFR, la structure publique qui chapeaute le CDR.
Pour autant, Christine Lagarde, droite dans ses escarpins, maintient sa position officielle : personne ne lui a imposé les décisions qu’elle a prises dans ce dossier, dit-elle. Ni Sarkozy, ni personne. Elle veut assumer, seule. Une noble attitude qui arrange sans doute Nicolas Sarkozy, mais qui gêne singulièrement François Hollande. Et pour cause…
En accord avec l’Elysée, Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, vient en effet d’annoncer au journal Le Monde que « si une atteinte aux intérêts de l’Etat est avérée, alors Bercy se constituera partie civile ». Que l’Etat envisageait même un recours en révision contre cet arbitrage qui, répétons-le, a enrichi Tapie de 403 millions d’euros.
Sauf que, dans le même temps, explique Pierre Moscovici, toujours en accord avec l’Elysée, « Mme Lagarde garde toute la confiance des autorités françaises dans ses fonctions à la tête du FMI ». Cherchez l’erreur…