Enfin, les femmes syriennes jouent un rôle-clé dans la révolution : l’action de certaines d’entre-elles est très médiatisée à l’instar de Souheir Al-Atassi qui est devenue l’une des pasionarias des révolutionnaires, mais on pourrait citer d’autres personnalités emblématiques comme l’écrivain Samar Yazbek ou la comédienne Fadwa Suleiman. Au-delà de ces symboles connus du grand public, ce sont des dizaines de femmes de toutes confessions qui, à travers le pays, contribuent à l’animation et à la direction des Comités locaux de coordination. Cette mobilisation ne se limite pas aux femmes issues de milieux laïques et éduqués : ainsi, lors des grandes manifestations qui se sont déroulées dans le quartier populaire du Mezzhe à Damas, les femmes ont joué un rôle-clé dans la coordination des manifestations, le support logistique et l’efficacité des manœuvres de dispersion.
De nombreuses femmes syriennes – laïques ou voilées – font chaque jour la preuve d’un courage et d’une détermination exceptionnels qui a valeur d’exemplarité pour leurs filles, leurs sœurs, parfois même leurs mères. Il est fort probable qu’une fois la démocratie instaurée en Syrie, elles auront à cœur de rappeler l’ampleur de leur contribution à la révolution et la légitimité qu’elles y ont acquises au péril de leur vie. Nul ne pourra leur ôter ce droit à la parole, à la représentation et l’action politique si durement acquis.
En conclusion, il apparait que la longueur et la violence meurtrière de la révolution syrienne sont susceptibles de bouleverser non seulement les équilibres politiques mais aussi les schémas d’organisation familiaux au sein de la société syrienne. Au travers de la déstabilisation du schéma patriarcal, c’est toute une nouvelle éthique de responsabilité individuelle qui se fait jour et qui autorise chaque citoyen quelque soit son âge, son sexe ou sa confession à devenir un acteur politique légitime dès lors qu’il est en mesure de mener une action concrète, immédiate et dont les effets sont tangibles pour ses pairs et ses concitoyens. A cet égard, la révolution a fait imploser le rapport au temps qui prévalait dans la société syrienne ; le fatalisme et la tendance à la procrastination n’ont plus droit de cité : « malech boukhra » n’est plus une réponse acceptable. L’action immédiate est devenue un impératif vital : il faut agir tout de suite, réagir dès maintenant, changer de locaux avant que les moukhabarat n’interviennent, prévenir tel activiste car il est en danger de mort, organiser une chaîne de solidarité pour approvisionner en vivres, en argent ou en médicaments telle brigade de l’ASL ou tel hôpital de fortune …
Par-delà les crimes commis quotidiennement par un régime aux abois, par-delà les calculs cyniques de la géopolitique et les tentatives de récupération de la révolution par certains fondamentalistes, les mutations que connaît la société syrienne, et l’exigence de responsabilité qui caractérise l’esprit de la jeune génération syrienne, constituent des sources d’espoir pour l’avènement d’une future démocratie laïque et pluraliste en Syrie.