Libération
14 juillet 2012 à 13:40 (Mis à jour: 14:26)
Des observateurs de l’ONU déployés en Syrie se sont rendus samedi à Treimsa, une localité du centre du pays où l’armée syrienne a tué plus de 150 personnes jeudi, ont annoncé à l’AFP la porte-parole des observateurs, Sausan Ghosheh, et un militant dans la région. Un militant de Hama (centre), a affirmé que le groupe avait rencontré des habitants sur place et «inspecté les endroits pilonnés et les lieux tachés de sang».
Cette visite intervient alors que des centaines de soldats syriens prenaient d’assaut ce samedi Deraa, une localité du sud, au moment où les divisions internationales semblent donner au président Bachar al-Assad un «permis de massacrer» selon le patron de l’ONU.
Le régime semble déterminé plus que jamais à écraser les fiefs rebelles, notamment à Deraa, berceau de la contestation lancée il y a près de seize mois. Dans cette région, «des chars et des transports de troupes forts de centaines de soldats ont pris d’assaut Khirbet Ghazalé au milieu de tirs nourris», peu après que cette localité eut été bombardée par les hélicoptères militaires. Selon un militant de l’opposition sur place, «des chabbihas (miliciens pro-régime) ont mené des perquisitions et incendié les maisons abandonnées par leurs habitants».
Ailleurs, au moins 19 personnes, dont une femme enceinte, ont été tuées dans la répression et les combats samedi, notamment à Homs (centre) et Alep (nord), où des combats ont éclaté à la frontière avec la Turquie, au lendemain d’une nouvelle journée sanglante ayant fait 118 morts selon une ONG. Ces opérations se poursuivent à travers le pays malgré les condamnations internationales et un bilan de morts qui s’alourdit -près de 400 morts en deux jours selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Réagissant au massacre de Treimsa, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a dénoncé «une escalade scandaleuse», estimant que l’inaptitude du Conseil de sécurité à mettre la pression sur le président syrien équivaut à lui octroyer «un permis de massacrer». Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a lui aussi vivement condamné samedi l'«effroyable massacre». «Ce crime répréhensible que nous condamnons vivement (...) devrait être un argument supplémentaire en faveur de l’abandon de la violence, des meurtres, de la revanche, du terrorisme comme moyens de résolution de différends», a-t-il ajouté. Dans le même temps, le chef du gouvernement irakien a appelé à trouver une solution pacifique à la crise dans laquelle la Syrie est plongée depuis près de 16 mois.
Le blocage reste en effet total entre les pays occidentaux et la Russie, principal soutien du régime, les deux parties s’opposant sur un projet de résolution au Conseil de sécurité. Les 15 membres du Conseil ont repris vendredi leurs discussions autour de deux textes concurrents, l’un déposé par les Occidentaux et menaçant Damas de sanctions si les armes lourdes restent dans les villes, et l’autre de facture russe qui n'évoque pas cette possibilité.
Le président français François Hollande a estimé que si la Chine et la Russie s’opposaient une nouvelle fois à des sanctions, «le chaos et la guerre» s’intalleraient en Syrie. L'émissaire international pour la Syrie, Kofi Annan, a estimé de son côté que Damas avait «bafoué» les résolutions de l’ONU en faisant usage d’armes lourdes à Treimsa. M. Annan, dont le plan de paix en vigueur depuis trois mois n’a eu aucun effet sur le terrain, doit se rendre lundi à Moscou, après une récente visite à Damas et à Téhéran.
Mais le médiateur est de plus en plus critiqué au sein de l’opposition pour son incapacité à faire pression sur le régime de M. Assad. Des manifestations vendredi ont appelé à «retirer Annan, valet d’Assad et de l’Iran».
Téhéran, le plus important allié régional de Damas, a renouvelé d’ailleurs samedi son offre de «jouer son rôle» pour essayer d'établir un dialogue entre le gouvernement et l’opposition en Syrie et éviter que la crise syrienne ne fasse «rapidement tâche d’huile dans toute la région», selon les Affaires étrangères.
Mais la guerre entre les troupes loyalistes et les rebelles ne semble pas être sur le point de se calmer, comme en témoignent les sanglants accrochages à Treimsa et ceux de samedi à la frontière turque qui ont tué au moins quatre soldats et six rebelles.
L’armée syrienne a affirmé de son côté avoir mené à Treimsa «une opération de qualité» qui s’est soldée par «la destruction des repaires des groupes terroristes, la mort d’un grand nombre de leurs membres, sans qu’aucune victime civile ne soit à déplorer». Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l’opposition, a parlé du plus «infâme des génocides commis par le régime» et a pressé le Conseil de sécurité d’adopter une résolution contraignante «urgente».
Les Etats-Unis ont évoqué une vision «de cauchemar» et appelé le Conseil de sécurité à faire pression «en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et d’une transition politique».
Selon l’OSDH, qui s’appuie sur un réseau de militants et de témoins, plus de 17000 personnes ont péri depuis le début mi-mars 2011 d’une révolte populaire militarisée au fil des mois face à la répression brutale menée par le régime.