Un cadre dirigeant de Pôle emploi se suicide en Languedoc-Roussillon. C’était le 5 mars dernier. Il avait 53 ans. Ce geste est-il en lien avec ses conditions de travail ? Personne au sein de Pôle emploi ne se risque à répondre à cette question. Personne ne s’en donne le droit, par respect pour le disparu, et sa famille. Mais des questions se posent. Des doutes surgissent. Et un climat délétère s’installe. Récit du blog Minisphère du chômage et des idées reçues.
Lire sur Minisphère du chômage(*voir ci-dessous)
http://www.chomage.gouv.org/2013/03/info-suicide-dun-cadre-dirigeant-de.html
20/03/13
[Info] Suicide d'un cadre dirigeant de Pôle emploi en Languedoc Roussillon
Le minisphère a appris le suicide d'un cadre dirigeant de Pôle emploi en Languedoc Roussillon. C'était le 5 mars dernier. Il avait 53 ans. Ce geste est-il en lien avec ses conditions de travail ? Personne au sein de Pôle emploi ne se risque à répondre à cette question. Personne ne s'en donne le droit, par respect pour le disparu, et sa famille. Mais des questions se posent. Des doutes surgissent. Et un climat délétère s'installe.
«Omerta», «chape de plomb», «volonté évidente d'étouffer l'affaire». Dans les rangs de Pôle Emploi en Languedoc Roussillon, le décès brutal de ce cadre, qui travaillait à Montpellier, commence à peser lourd. Trop lourd.
- «Tout le monde a été prudent et respectueux», nous confie une source syndicale. «Personne n'a cherché à instrumentaliser ce geste désespéré. Mais ça a créé une onde de choc et nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir en parler. Si ce suicide est lié à des problématiques personnelles, ça ne nous regarde pas. Mais s'il y a, ne serait-ce qu'un pour cent de problématique professionnelle, on se doit de la prendre en compte.»
A l'heure actuelle, selon nos informations, aucune enquête n'a été diligentée en interne, par le CHSCT. Et certains le regrettent, et le réclament. C'est le cas de cet agent, qui a accepté de nous répondre :
- «Nous souhaitons une enquête pour savoir s'il y a un lien entre cette disparition et une souffrance au travail. Nous avons l'impression que c'est une information que la direction cherche à étouffer. Elle nous a mis en garde, elle ne veut pas que l'on remue des choses...»
Quelles choses ? Pourquoi ces prétendues mises en garde de la direction ?
- «Vous savez très bien que le climat est tout sauf serein à Pôle emploi», répond cet agent. «Suicides ou tentatives de suicide de demandeurs d'emploi, personnel sous tension, le contexte est très pesant. Et pardonnez moi, mais ce suicide fait tâche en interne, parce que c'est un cadre qui avait été écarté de hautes fonctions.»
L'homme avait effectivement changé de poste. Il avait été nommé directeur régional adjoint de Pôle Emploi en 2008, puis trois ans plus tard, quand la direction régionale a changé, il est devenu "directeur de production".
- «Il a clairement été déclassé» affirme une source syndicale, qui ajoute qu'il avait aussi très récemment quitté les locaux de la direction régionale de Montpellier :
- «On l'a mis dans un autre bâtiment, dans un autre quartier de la ville, et il s'est retrouvé dans un bureau au sous sol ! Je ne suis pas en train de vous dire qu'il travaillait dans une cave, mais la symbolique est là : passer du 4ème étage de la direction régionale, à ce bureau éloigné...c'était peut être difficile à vivre...»
Contactée par le minisphère, la direction régionale confirme le changement de fonction et le récent déménagement :
-«Ce poste de directeur de production, il l'avait accepté. Et il était excellent dans son travail. Quant au changement de bureau, c'était pour rejoindre le bâtiment où étaient ses équipes. Il encadrait 200 personnes, chargées de soulager le travail des agences Pôle emploi.»
Travaillait-il réellement dans un bureau en sous sol ?
-«Pas de commentaire sur les interprétations des uns et des autres.»
Pas de commentaire non plus sur le geste mais une mise au point sur «l'omerta» dénoncée :
- «C'est faux, il n'y a aucun blocage de l'information. Tous les représentants du CHSCT ont été informés le soir même du décès. Nous avons aussi mis en place des cellules d'écoute sur le site où travaillait ce cadre. Les gens ont été reçus. La situation est tellement tendue, nous faisons attention à tout évènement...»
Pôle emploi semble craindre un "effet d'entraînement". Que ce terrible passage à l'acte n'en entraîne d'autres.
- «Tout le monde pense évidemment aux suicides chez France Télecom», conclut un syndicaliste de Pôle emploi. «Mais ça, la direction ne veut ni en parler, ni en entendre parler.»
Une chose est certaine : ce décès attriste tout le monde, à la direction comme au sein du personnel. C'est un choc pour tous. Mais entre les silences pudiques ou embarrassés des uns, et la volonté des autres de parler franchement d'un sujet sensible, la frontière est colossale.
Et le dialogue, encore bien mince.
Cécile HAUTEFEUILLE