LE MONDE | 28.04.2012 à 12h25 • Mis à jour le 28.04.2012 à 17h42
Par Sandrine Morel
Vendredi noir pour le gouvernement espagnol. Quelques heures après que l'agence de notation Standard & Poor's (S & P) a abaissé de deux crans, jeudi 26 avril, la note de solvabilité financière de l'Espagne, de A à BBB +, l'Institut national de statistiques (INE) a dévoilé les derniers chiffres du chômage. Au premier trimestre, il a encore bondi de 1,6 point, à 24,4 % de la population active, le plus haut de l'Union européenne.
Quant aux prévisions que le gouvernement a envoyées à la Commission européenne, elles tablent sur une chute du produit intérieur brut (PIB) de 1,7 % en 2012, une très légère reprise de 0,2 % de croissance en 2013, qui monterait à 1,4 % en 2014. L'emploi ne devrait repartir qu'à cette date et il faudrait attendre 2020 pour que le pays récupère deux millions d'emplois sur les trois millions emportés par la crise.
La numéro deux du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a convenu que l'économie espagnole est en train de vivre "un de ses moments les plus durs " et que le gouvernement doit travailler "avec plus d'intensité, si cela est possible."
Durant les cent premiers jours du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, d'importantes réformes ont été prises en matière de déficit budgétaire, d'assainissement du secteur bancaire et d'assouplissement du droit du travail. Des aides ont en outre été concédées aux régions afin qu'elles honorent quelque 17 milliards d'euros de factures impayées. Mais ces mesures n'auront des effets sur l'économie qu'à moyen terme, a reconnu à plusieurs reprises M. Rajoy.
Climat tendu
C'est dans ce climat tendu que le ministre de l'économie, Luis de Guindos, a annoncé une hausse des impôts indirects en 2013. "Le gouvernement modifiera la structure du système d'imposition en Espagne, avec une réduction des charges sur le travail et une augmentation des impôts sur la consommation", a-t-il expliqué. Objectif : économiser 8 milliards d'euros et respecter l'objectif de déficit de 3 % du PIB en 2013 (contre 8,5 % en 2011).
Le gouvernement n'a pas précisé s'il augmenterait la TVA, actuellement de 18 %, ou bien les impôts sur le tabac, l'alcool et l'essence, ou la totalité des impôts sur la consommation, ce qui semble le plus probable étant donné l'ampleur des économies prévues.
Le projet, qui s'oriente vers une TVA sociale, est une "recommandation" du Fonds monétaire international (FMI), a précisé M. de Guindos, qui s'était opposé jusque-là à toute hausse de la TVA. "L'augmentation des impôts indirects dans un contexte de récession accélère la chute de l'économie, raison pour laquelle elle ne sera appliquée qu'en 2013", a-t-il précisé.
La TVA sociale n'est pas non plus accueillie avec enthousiasme par les économistes. "C'est une bonne mesure qui permettra au pays de regagner de la compétitivité, estime Pierre-Olivier Beffy, chez Exane BNP Paribas à Londres, mais cela ne résoudra pas tout."
Selon M. Beffy, la situation actuelle est si délicate que le pays pourrait devoir restructurer sa dette. "Cela ne veut pas dire faire faillite, précise-t-il, cela peut être une "restructuration sympathique" qui pourrait se faire par le biais de rachat-vente de dettes grâce au mécanisme européen de stabilité." Une chose est sûre pour les experts : les clés de la réussite du plan de désendettement espagnol ne sont plus seulement entre les mains du gouvernement mais aussi dans celles de l'Europe. Quant aux syndicats, ils demandent de toute urgence un programme de relance économique.
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Sandrine Morel