Source : www.reporterre.net
Andrea Barolini (Reporterre)
vendredi 7 février 2014
Les Jeux olympiques de Sotchi, en Russie, s’ouvrent aujourd’hui. Derrière les flonflons et les projecteurs de la "fête", la réalité est celle de la répression qui s’est abattue sur les écologistes russes qui ont documenté la destruction écologique causée par cette manifestation sportive.
Aujourd’hui, la flamme olympique sera allumée à Sotchi. En attendant de connaître les noms des vainqueurs des compétitions sportives, on sait qui a déjà perdu : ceux qui s’opposent aux manœuvres du président Vladimir Poutine (photo).
Reporterre a raconté les nombreux dégâts écologiques causés par l’organisation des Jeux olympiques et dénoncés par plusieurs organisations internationales. Mais les opposants au pouvoir, à Sotchi, sont plutôt rares. Car depuis longtemps, le Kremlin tâche de réduire au silence les voix critiques.
En octobre 2013, Yulia Genin, avocat spécialisée en droit de l’environnement, a publié un article dans lequel elle a dénoncé la guerre que les autorités russes ont mené contre la plus importante association environnementaliste locale, Environmental Watch on North Caucasus (EWNC).
« Il n’y a aucun doute que les autorités russes sont sur le point de fermer l’association à cause de notre activisme pour l’environnement, et pour le fait d’avoir révélé les violations liées à la préparation des Jeux olympiques de Sotchi », explique-t-elle. « Pendant l’un des inspections qu’on a subi, les fonctionnaires publiques ont été très clairs en nous ‘recommandant’ d’arrêter la publication d’un rapport qui révèle les dégradations écologiques provoquées par les JO ».
En documentant ce qu’elle considère comme des délits environnementaux - « La destruction de l’habitat des espèces rares et menacées, la pollution de la rivière Mzimta » -, Genin rappelle le manque d’études d’impact sur l’environnement : « Une bonne partie des infrastructures a été édifiée sans avoir d’abord attendu les études obligatoires. Ensuite, les documents ont été présentés antidatés, et sans aucune participation de la part des populations concernées ».
- La rivière Mzimta -
Ce comportement heurte contre les principes affichés par le Comité International Olympique (CIO). Dans sa Charte olympique, le CIO affirme que son rôle est de « promouvoir l’Olympisme à travers le monde » et « d’encourager et soutenir une approche responsable aux problèmes de l’environnement, de promouvoir le développement durable dans le sport et d’exiger que les Jeux Olympiques soient organisés en conséquence ».
Yulia Gorbunova, chercheuse de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch, écrit que les environnementalistes sont harcelés : « Le 31 octobre, la police de Sotchi a arrêté le coordinateur de l’EWNC, Andrei Rudomahka, pour des faits qui remontent à un an : à l’époque, il avait pointé publiquement un juge local qui avait sanctionné de quinze jours de prison un avocat environnementaliste. Ses déclarations avaient été citées par la presse ».
Selon Gorbunova, il s’agissait d’un prétexte : « Ces dernières années, l’EWNC a été placé sous une pression de plus en plus forte de la part des autorités. En 2012 des activistes ont été incriminés pour des délits mineurs. En mars 2013, le groupe a été fouillé, comme plusieurs autres ONG en Russie, après l’entrée en vigueur de la loi sur les ‘ agents étrangers ’ ».
Promulguée par les autorités russes le 21 novembre 2012, la loi sur les « agents étrangers » dispose que toutes les ONG qui reçoivent de l’argent de l’étranger doivent s’enregistrer en tant qu’« organisations remplissant les fonctions d’agents étrangers », si elles prennent part à des « activités politiques ». Anna Kotova, directrice adjointe du département pour les ONG du ministère russe de la Justice, avait déclaré en juillet que « les contrôles imprévus d’ONG sont nécessaires, de nombreuses organisations de ce type servant à légaliser des activités illégales ». Selon Amnesty International, grâce à cette loi « plus d’un millier d’ONG ont été inspectées et des dizaines ont reçu des avertissements. Des organisations de défense des droits humains de premier plan ont été condamnées à verser des amendes et plusieurs ont dû fermer ».
- Des membres de l’association EWNC ont enquêté sur la destruction de la nature occasionnée par les Jeux de Sotchi - ici sur la route des pistes de ski de Krasnaya Polyana -
"Une véritable dictature"
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