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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 16:30

 

LE MONDE | 05.05.2012 à 14h38 • Mis à jour le 05.05.2012 à 16h08

Par Christophe Ayad et Natalie Nougayrède

 
 
Nicolas Sarkozy et Mouammar Khadafi, le 10 décembre à l'Elysée.

Du début à la fin, la Libye aura été comme un fil rouge du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au soir de son élection, le 6 mai 2007, il proclamait que la France serait "aux côtés des infirmières" bulgares "enfermées depuis huit ans" en Libye. Une semaine avant le second tour de la présidentielle du 6 mai 2012, la publication d'un document a relancé la polémique sur un supposé financement de sa campagne de 2007 par Mouammar Kadhafi, lynché le 20 octobre 2011 par des rebelles à Syrte, à l'issue d'une campagne de l'OTAN où la France joua un rôle de premier plan.

Lèvera-t-on un jour avec certitude les zones d'ombre dans cette spectaculaire histoire franco-libyenne ? La déception (la rancune ?) de M. Sarkozy a-t-elle été à la mesure de son entichement pour un dirigeant arabe aussi fantasque que sinistre, qu'il pensa pouvoir amender, tout comme le Syrien Bachar Al-Assad ? De l'argent libyen pour la campagne de 2007 ? Peu après le déclenchement des opérations de la coalition au printemps 2011, le fils du Guide, Saïf Al-Islam, déclare à Euronews que M. Sarkozy devait "rendre l'argent" dont il aurait bénéficié pendant sa campagne de 2007. Il n'en ajamais fourni la preuve. L'accusation, reposant sur un document à l'authenticité contestée, a ressurgi récemment via Mediapart.

Ce document appelle plusieurs remarques. S'il porte tous les signes d'une authenticité formelle, son existence même est peu crédible, tout comme le montant mentionné (50 millions d'euros), ainsi que le timing de sa publication, qui laisse penser à un règlement de comptes. La lettre semble provenir des archives de Moussa Koussa, ex-chef des renseignements libyens, auteur présumé du document et proche de Claude Guéant, bras droit de M. Sarkozy, qui l'avait reçu le 10 mai 2007, après son élection. Or les archives de Moussa Koussa ont été visitées par un chercheur de Human Rights Watch peu après la chute de Tripoli, fin août2011 : il n'y a rien vu de tel et n'est pas en mesure de certifier la signature du responsable libyen.

 

DES TÉMOINS ENCOMBRANTS ?

M. Koussa a nié être l'auteur de cette lettre, depuis le Qatar, où il vit. Son exfiltration, en pleine guerre, avait été facilitée par la promesse, faite par des diplomates occidentaux, notamment français, que sa rupture avec M. Kadhafi serait récompensée par une immunité judiciaire.

Bachir Saleh, le directeur de cabinet de M. Kadhafi et destinataire de la lettre, nie aussi l'avoir reçue. Bien que fidèle au Guide jusqu'au bout, il vit actuellement en France, où il est arrivé dans des circonstances mystérieuses. Claude Guéant a nié, vendredi, avoir eu connaissance de ses conditions d'entrée en France, ce qui est peu crédible étant donné son rôle de messager pendant la guerre. Comme on pouvait s'y attendre, le président du Conseil national de transition (CNT), Moustafa Abdeljalil, ex-ministre de la justice de M. Kadhafi, auquel il a succédé, ne croit pas non plus à l'authenticité du document.

Suite au dépôt d'une plainte par M. Sarkozy contre Mediapart, la justice aura à se prononcer. Il y a peu de chances qu'elle élucide définitivement cette affaire. Une anecdote en témoigne : en avril 2011, un émissaire secret dépêché à Tripoli par le premier ministre d'un pays européen avait relaté au Monde, sous couvert d'anonymat, peu après son voyage, comment le premier ministre libyen Bagdadi Al-Mahmoudi, ainsi que d'autres membres de l'entourage proche du Guide, levaient les bras d'un air accablé : "Nous ne comprenons vraiment pas Sarkozy ! On l'a aidé, et regardez ce qu'il fait, il bombarde ! On lui a financé sa campagne ! Deux millions !"

Et l'émissaire de demander : "Quelles preuves avez-vous ?" Réponse exaspérée : "Mais aucune ! C'était du cash !" Depuis la publication du document par Mediapart, les avocats de M. Al-Mahmoudi, actuellement détenu en Tunisie, se contredisent : ses deux conseils tunisiens confirment qu'il a évoqué devant eux ce financement tandis que son avocat français, Me Ceccaldi, qui défend aussi M. Saleh, le dément. Les prises de position des uns et des autres semblent surtout dictées par leur situation actuelle.

La France a-t-elle cherché à éviter que des témoins gênants soient amenés à donner leur version dans l'enceinte médiatisée de la Cour pénale internationale (CPI) ? La question peut se poser. S'agissant de Saïf Al-Islam, inculpé par la CPI en juin 2011 et détenu par une milice d'ex-rebelles de Zintan, Paris n'a jamais demandé son transfert à La Haye.

 

CONTRATS D'ARMEMENTS CONTRE INFIRMIÈRES BULGARES ?

Deux semaines après le rapatriement des infirmières bulgares dans leur pays par un avion de la République française, Saïf Al-Islam fait au Monde une série de déclarations. Il décrit comme un élément central des tractations avec M. Sarkozy le fait que celui-ci ait signé un accord de coopération militaire et de défense avec la Libye lors de sa visite à Tripoli le 25 juillet 2007.

"D'abord, l'accord recouvre des exercices militaires conjoints, dit Saïf Al-Islam. Puis nous allons acheter à la France des missiles antichar Milan, à hauteur de 100 millions d'euros je pense. Ensuite, il y a un projet de manufacture conjointe d'armes, en Libye. Vous savez que c'est le premier accord de fournitures d'armes à la Libye par un pays occidental ?", se réjouit-il.

Paris dément et nie tout lien avec la libération des infirmières. Le texte de l'accord de défense reste assez vague pour pouvoir jouer sur les interprétations, mais il prévoit une formation des forces spéciales libyennes. Des sociétés privées de sécurité, où travaillent d'ex-membres des forces spéciales françaises, ont entraîné la garde prétorienne du régime libyen quelques mois encore avant l'intervention de l'OTAN.

L'intérêt de l'industrie française de l'armement précède l'élection de M. Sarkozy, mais ce dernier s'investit comme aucun autre. Après la visite mouvementée de M. Kadhafi en décembre 2007 à Paris, l'Elysée annonce un montant de "dix milliards de dollars" de contrats, mais les attentes des industriels français seront déçues, malgré des ventes de missiles Milan et un début de remise àniveau des Mirage F-1. La "déception" liée à la non-vente de chasseurs Rafale, ajoutée à l'hostilité du Guide pour l'Union pour la Méditerranée voulue par M. Sarkozy, aalimenté la colère du président français, disent des sources proches du dossier.

 

OU UNE CENTRALE NUCLÉAIRE EN ÉCHANGE ?

Rien n'est moins sûr. Un "mémorandum" de coopération dans le nucléaire civil a bien été agréé lors de la visite de M. Sarkozy à Tripoli, en juillet 2007, après la libération des infirmières. Mais il y a un pas énorme entre un tel texte et le moindre projet de livraison de centrale. En fait, les Libyens semblent conscients que ce scénario a peu de chances de se réaliser. L'essentiel est ailleurs, dans le symbole : Kadhafi, contraint fin 2003 de renoncer à son programme après que les services secrets britanniques et américains l'eurent attrapé la main dans le sac, était obsédé par l'idée de laver cet affront.

Anne Lauvergeon, à l'époque patronne d'Areva - et dont les relations avec M.Sarkozy allaient tourner à l'aigre -, s'employa lors des auditions d'une commission d'enquête parlementaire, en décembre 2007, à écarter toute perspective de contrat avec la Libye : c'était prendre le risque de se fermer le marché américain. A l'approche de la présidentielle de 2012, "Atomic Anne", cherchant à vider sa querelle avec M. Sarkozy, s'est répandue dans les médias en affirmant que l'Elysée poussait en 2007 à la signature d'une telle vente. Mais pour Tripoli, la façade d'une coopération nucléaire avec Paris comptait bien plus que sa réalité.

 

QUELLE SOMME POUR LIBÉRER LES INFIRMIÈRES ?

Le jour de la libération des infirmières, M. Sarkozy salue "la médiation et le geste humanitaire" du Qatar, riche émirat gazier et partenaire de choix tout au long de son quinquennat. Peu avant la libération, un entretien téléphonique entre le président français et l'émir du Qatar a déverrouillé le dossier. Le montant de ce qui s'apparentait, de fait, à une rançon avait ainsi été fixé à 460 millions de dollars par les Libyens. Là encore, le symbole primait : 1 million par enfant libyen contaminé, le même montant que les compensations versées par la Libye aux familles de chaque victime de l'attentat du vol UTA en 1989.

Toujours cette obsession d'effacer les gestes concédés afin de rendre Tripoli fréquentable. Au final, selon des diplomates français, l'argent obtenu par les familles libyennes provenait de la Fondation Kadhafi, et non de Paris ou Doha. Ironie du sort, la France et le Qatar furent les plus actifs au sein de la coalition militaire internationale qui renversa Kadhafi en 2011.

Christophe Ayad et Natalie Nougayrède

 

 

 

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