| 07.11.11 | 13h03 • Mis à jour le 07.11.11 | 13h10
Des "indignés" sur le parvis de la Défense à Paris, le 4 novembre 2011.AP/THIBAULT CAMUS
Sur le parvis de la Défense, s'est joué ce week-end un jeu des plus sérieux. D'un côté, des "indignés" avaient décidé, vendredi 4 novembre au soir, d'installer un campement au pied de la Grande Arche. Planter sa frêle guitoune au milieu des écrasantes tours abritant les sièges des grandes entreprises françaises, autant dire au coeur du capitalisme, était intimidant mais semblait judicieux pour qui entend dénoncer les dérives du système.
En face, ou plutôt tout autour, l'équivalent de neuf fourgons de gendarmes mobiles, équipés de pied en cap, était là pour les empêcher de prendre racine. Le lieu est public : chacun peut donc s'y réunir en principe, admettait en aparté un responsable de la police. La manifestation n'était pas autorisée, reconnaissait tout aussi fair-play un "indigné", rappelant que le mouvement était pacifique et ne pouvait donc porter atteinte à la sécurité publique.
Dans ce cadre juridique imprécis, chaque jour et chaque nuit se sont donc répétées les mêmes scènes. Par raids successifs, les forces de l'ordre se sont emparées des tentes de manifestants qui tentaient de faire rempart de leurs corps pour empêcher la razzia. En ces journées pluvieuses d'automne, sur la large esplanade battue par un vent froid, la tactique policière était des plus claires : jouer sur l'usure de gens qui n'avaient plus rien pour se protéger des intempéries.
Ceux qui tentaient ne serait-ce que de se réfugier sous l'Arche étaient aussitôt refoulés par un cordon planté sur les marches. "Nous avons essayé de nous abriter sous des bâches mais elles nous ont également été arrachées dans la nuit. Nous nous sommes retrouvés trempés", raconte Gary, 25 ans, un des militants, vétéran de trois nuits sans sommeil dont il ressortait les traits tirés. Deux personnes ont tout de même été légèrement blessées lors de ces escarmouches.
Sortir de l'anonymat
Les "indignés" ont ainsi résisté stoïquement aux assauts du climat et à la pression de la maréchaussée, emmitouflés dans des sacs de couchage humides. Ils se sont relayés sur l'esplanade pour ne pas abandonner le campement au milieu duquel flottait un drapeau, presqu'un étendard, où était inscrit : "Occupons la Défense !" Lundi matin, avant qu'employés et cadres rejoignent leur bureau, ils étaient encore quelques dizaines à tenir le pavé.
Par cette démonstration publique, les "indignés" français ont réussi à sortir de l'anonymat où ils étaient cantonnés dans notre pays. La révolte est née en Espagne, en mai, drainant vers elle des milliers de personnes. Elle a gagné plusieurs pays mais les émules français peinaient jusqu'alors à se faire entendre. Jean, 34 ans, un des pionniers, y voit plusieurs explications : "Il y a en France des mouvements dispersés et des mobilisations disparates. Il n'est pas facile de réunir les gens."
Ne se séparant plus de son sac à dos, de peur qu'il soit confisqué, Jean pestait contre le harcèlement policier. Gary, lui, était satisfait : "Des centaines de personnes sont venues nous rencontrer, ont participé à nos assemblées générales. Ceux qui ne nous connaissaient pas savent désormais que nous existons."
Benoît Hopquin
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