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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Salaires des patrons. Pourquoi le pouvoir tergiverse

 

 

Marianne - Jeudi 21 Mars 2013 à 11:52

 

Par ARNAUD BOUILLIN

 

Voulant ménager les dirigeants du CAC 40, le gouvernement finit par ne prendre aucune décision sur les hauts salaires.

Henri Proglio, PDG d'EDF lors d'une conférence de presse - WITT/SIPA
Henri Proglio, PDG d'EDF lors d'une conférence de presse - WITT/SIPA
«Les Suisses montrent la voie et, personnellement, je pense qu'il faut s'en inspirer», s'est exclamé Jean-Marc Ayrault au lendemain du référendum par lequel 68 % de nos voisins suisses ont décidé de mettre fin aux «rémunérations abusives» de leurs chefs d'entreprise. Puisque le Premier ministre semble en mal d'inspiration, nous ne saurions trop lui recommander la lecture de l'excellent rapport déposé le 20 février dernier à l'Assemblée nationale par la mission parlementaire sur la gouvernance des grandes entreprises. Les 20 propositions qu'il contient n'ont pas pu être défendues par sa rapporteure, Corinne Narassiguin, députée socialiste des Français de l'étranger dont l'élection a été invalidée par le Conseil constitutionnel une semaine avant la remise de ce travail. Dommage, car ce rapport qui s'appuie sur près d'une centaine d'auditions de personnalités qualifiées mérite mieux que l'indifférence quasi générale dont il a fait jusqu'ici l'objet.

Les pistes des députés

A trop vouloir encadrer les rémunérations de leurs dirigeants, les entreprises françaises risqueraient de ne plus pouvoir recruter de talents à l'étranger. L'argument, usé, tourne en boucle depuis des années dans les instances patronales. Daniel Bernard, le président de Kingfisher (Castorama) et ex-PDG de Carrefour, l'a repris à son compte devant les députés. Sauf que... D'après une enquête toute fraîche du High Pay Center, l'observatoire britannique des hautes rémunérations, dont la mission parlementaire a pu prendre connaissance, seulement 3,5 % des directeurs généraux nommés au cours des cinq dernières années dans les 500 premières entreprises mondiales ont été débauchés à l'étranger.

L'écrasante majorité d'entre eux travaillaient au sein de l'entreprise qui les avait promus. Le fameux «marché mondial des top managers», dans lequel la France se devrait d'aligner les millions de dollars - ou d'euros - pour attirer les meilleurs, est une gentille farce. Pour corriger les excès de certains patrons, le rapport préconise donc de soumettre au vote de l'assemblée générale des actionnaires le montant de leurs rémunérations (fixe et variable). Corinne Narassiguin milite pour un vote contraignant, susceptible de se transformer en veto si les deux tiers des actionnaires s'opposent au package. Philippe Houillon, le corapporteur UMP, plaide seulement pour un vote consultatif. Qu'importe, estime la première : «Il faut transcrire dans la loi ce principe du say on pay. Une quinzaine de pays de l'Union européenne l'ont fait ou sont en passe de le faire. Les Suisses sont même allés plus loin puisque, en sus de ce droit de veto, ils ont décidé d'interdire les parachutes dorés.»

Les hésitations du gouvernement

Alors, qu'attend Bercy pour se saisir du sujet ? Aux dernières nouvelles, aucun projet de loi n'est dans les tuyaux. Ce qui n'étonne guère Pierre-Henri Leroy, le président du cabinet Proxinvest, qui milite activement pour le renforcement des pouvoirs des actionnaires. «Pierre Moscovici a besoin de faire copain-copain avec les patrons pour qu'ils adoubent le dispositif de crédit d'impôt aux entreprises qu'il a mis en place et dont les effets sur les embauches ou les investissements dépendront en grande partie d'eux», rappelle-t-il. Le gouvernement pensait contourner l'obstacle - et s'éviter la fronde du CAC 40 - en instaurant la taxe à 75 % sur la part des revenus supérieure à 1 million d'euros. Une manière de ne pas stigmatiser les dirigeants cousus d'or, tout en invitant les conseils d'administration à revoir à la baisse leurs émoluments.

Pas de chance : cette ficelle fiscale a été tranchée net par le Conseil constitutionnel. Les seuls à avoir vu leurs salaires plafonnés par décret (450 000 € par an) sont les patrons d'entreprise publique. Et certains d'entre eux condamnent déjà, mezza voce, la portée réelle de cette mesure. «Henri Proglio, le PDG d'EDF, que nous avons auditionné hors micro, se demande pourquoi le plafonnement porte seulement sur les dirigeants, raconte Corinne Narassiguin. Quand on sait qu'un trader peut gagner davantage à EDF que le responsable du parc de centrales nucléaires, il y a en effet de quoi s'interroger.»

 

 

 

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