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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 16:33

 

 

Marianne

 

 Lundi 2 Septembre 2013 à 05:00

Par Henri Sterdyniak*

 

 

Manifestations contre la réforme des retraites, Lyon - FAYOLLE PASCAL/SIPA
Manifestations contre la réforme des retraites, Lyon - FAYOLLE PASCAL/SIPA
Sous la pression des marchés financiers et des institutions européennes, le gouvernement présente une nouvelle réforme des retraites, trois ans après celle de 2010. Pourtant, la question des retraites ne devrait pas être aujourd’hui la priorité de la politique économique française : retrouver une croissance satisfaisante, réorienter la stratégie macroéconomique de la zone euro, donner une nouvelle impulsion à la politique industrielle française dans le cadre de la transition écologique sont autrement plus urgents. Ce n’est ni le moment de réduire le pouvoir d’achat des ménages (actifs ou retraités), ni celui d’imposer aux séniors de rester sur le marché du travail.

Ce sont surtout les retraités qui seront mis à contribution. En raison de l’accord AGIRC-ARRCO de mars 2013, les retraites des régimes complémentaires devaient déjà perdre 2,5 à 2,8% de pouvoir d’achat. S’y ajoutait la hausse des cotisations pour la dépendance (0,3%) en avril ; puis, maintenant, le report d’avril à octobre de l’indexation des retraites (une perte de 0,9% de pouvoir d’achat en moyenne annuelle). Enfin, une fois de plus, les parents de familles nombreuses sont frappés : leurs majorations de retraite, qui récompense leur contribution au renouvellement des générations et donc au financement des retraites, deviennent imposables. Au total, les retraités perdent 2,3% de pouvoir d’achat contre 0,3% pour les actifs.

Est-il juste que la perte de pouvoir d’achat frappe surtout les salariés du privé ? L’Etat laisse les partenaires sociaux, gestionnaires des régimes complémentaires, se débrouiller seuls. Il leur reste encore 4 milliards à trouver d’ici 2020, ce qu’ils risquent de faire au détriment des retraités, tandis que l’Etat promet d’équilibrer les régimes publics (sans dire comment il trouvera les 8 milliards manquant).

Les entreprises voient leurs cotisations augmenter de 2,2 milliards. Mais, le gouvernement s’est empressé de les rassurer. Elles bénéficieront d’une baisse des cotisations familles qui compensera cette augmentation. Une fois de plus, le gouvernement se couche dès que le patronat hausse la voix. Où trouvera-t-il les 2,2 milliards qui manqueront ainsi à la branche famille ? Que ce soit par la CSG ou par la baisse des dépenses publiques ou sociales, ce sont les ménages qui risquent de payer.

Etait-il vraiment nécessaire d’annoncer immédiatement une hausse de la durée de cotisation requise dans 12 ans, sans savoir quels seront, en 2025, la situation du marché du travail, les besoins d’emplois, les désirs sociaux, les contraintes écologiques ? Cette annonce risque de désespérer les jeunes qui peuvent penser qu’ils n’auront jamais droit à une retraite. Les jeunes commencent aujourd’hui à valider des trimestres à 22 ans et peuvent faire le calcul : 22+43=65 ans. Les années manquantes sont fortement pénalisées actuellement : 2 ans de moins de cotisation font perdre 14,3% de pension. Aussi, faut-il rappeler que le système de retraite est réformable en permanence et que l’allongement de la durée requise de carrière pourra ne pas avoir lieu, s’il aboutit à une baisse trop importante des pensions.

Le point positif de la réforme est la mise en place d’un compte individuel de pénibilité. Un salarié ayant effectué 25 années de travaux pénibles aura ainsi le droit à six mois de formation et 2 années de retraite précoce. Ceci obligera les entreprises à distinguer et à enregistrer les travaux pénibles ; ceux-ci donneront lieu à une cotisation supplémentaire ; les entreprises seront donc incitées à réduire le nombre de postes de travaux pénibles. Mais la réforme, valable pour l’avenir, fait l’impasse sur les périodes de travaux pénibles des salariés qui arriveront à l’âge de la retraite dans les années à venir. Elle ne jouera à plein que dans 25 ans.

La réforme n’a pas été vraiment négociée avec les syndicats ; elle ne favorise pas la convergence des régimes et un pilotage commun. L’équilibre financier n’est assuré que sous deux hypothèses : une croissance vigoureuse, ramenant rapidement à un taux de chômage de l’ordre de 5%, peu compatible avec les politiques économiques actuellement mises en œuvre en Europe ; une baisse du niveau relatif des retraites de 2020 à 2040 (qui n’auraient aucun gain de pouvoir d’achat alors que celui des salaires augmenteraient de 1,5% par an).

Il est dommage que le gouvernement n’est pas proposé une réforme s’attaquant plus vite aux inégalités (en augmentant immédiatement la retraite des mères, alors que la hausse est reportée après 2020 ; en permettant aux ouvriers de reconstituer leurs périodes de travaux pénibles ; en évitant la perte de pouvoir d’achat des retraites complémentaires). Dommage qu’il ne donne pas clairement des objectifs pour le niveau futur des retraites (du genre 75% du salaire net pour le salarié moyen), qu’il ne dise pas clairement que l’allongement de la durée de cotisations dépendra de la situation du marché du travail et des besoins en emplois, que le système sera équilibré, si nécessaire, par hausse des cotisations.

 

Quelles sont les alternatives ?
Les économistes atterrés organisent une conférence-débat sur la réforme des retraites,
Mercredi 4 septembre 2013, de 20h à 23h, au FIAP, 30 rue Cabanis, 75014 Paris, M° Glacière.
Une table ronde réunira : Pierre-Yves CHANU, CGT, membre du Conseil d’orientation des retraites ; Christiane MARTY, fondation Copernic, membre du conseil scientifique d’ATTAC ; Jean-Marie HARRIBEY et Henri STERDYNIAK, économistes atterrés.

 

Henri Sterdyniak*, Membre des Economistes Atterrés

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