Il y avait les golden parachutes, les hello packages, les retraites chapeau, les stock-options et les actions gratuites. Dans la grande mystique de l’alignement des intérêts du management sur ceux des actionnaires, une nouvelle disposition est en train d’obtenir un grand succès dans les grands groupes : la clause de non-concurrence pour les dirigeants. Qu’ils quittent de leur plein gré l’entreprise au moment de la retraite, qu’ils ne soient pas renouvelés ou qu’ils soient débarqués au vu de leurs résultats, la plupart des grands patrons bénéficient désormais dans leur contrat de cette disposition, qui se traduit par de confortables indemnités.
Au moment où leur compagnie connaît de graves difficultés et s’apprête à lancer un plan d’au moins 5 000 suppressions d’emploi, les syndicats d’Air France KLM se sont émus de découvrir les conditions de départ de leur ancien dirigeant, Pierre-Henri Gourgeon. Débarqué en octobre par le président du conseil de surveillance, Jean-Cyril Spinetta, affolé par les chiffres du groupe, celui-ci est parti avec son salaire de l’année (1,12 million), ses indemnités légales (1 million) et un dédommagement de 400 000 euros au titre d’une clause de non-concurrence pendant trois ans, soit 2,5 millions d’euros au total. La disposition doit être approuvée lors de la prochaine assemblée générale des actionnaires, le 31 mai.
Comment justifier une telle prime de non-concurrence alors que l’ancien dirigeant laisse le groupe au bord de l’asphyxie ?, s’est étonné l’Unsa d’Air France. « Cette clause ne lui a pas été imposée pour lui être agréable. Ceci a été fait dans l’intérêt du groupe », a répondu un porte-parole du groupe. Air France fait valoir qu’il aurait pu être embauché par une compagnie du Golfe, comme cela avait été le cas pour un ancien dirigeant du groupe australien Qantas. De toute façon, la prime, approuvée par le conseil d’administration, a déjà été versée.
Même la présidente du Medef, Laurence Parisot, a du mal à souscrire aux arguments d’Air France. « Quand une entreprise est en situation d'échec, en situation de difficulté, le dirigeant qui quitte l'entreprise ne doit pas recevoir, sous quelque forme que ce soit, de golden parachute. Or là, on a l'impression qu'il s’agit d’un golden parachute déguisé », a-t-elle déclaré, dimanche, lors du Grand Jury RTL.
« Au moment où l’État prône la diminution des rémunérations des dirigeants dans les entreprises publiques, il doit faire preuve d’exemplarité sur ce sujet. Il est actionnaire à hauteur de 16 % d’Air France. Il doit voter contre cette mesure à l’assemblée générale et renvoyer les administrateurs qui le représentent au conseil d’administration et qui ont voté pour ce dispositif », dit Colette Neuville, présidente de l’association des actionnaires minoritaires (ADAM)
Jean-Cyril Spinetta, en tant que président du conseil de surveillance d’Areva cette fois-ci, avait aussi accepté le même dispositif pour Anne Lauvergeon. Celle-ci a quitté son poste, à la fin de son mandat, qui n’a pas été renouvelé en juin 2011, avec une indemnité de départ de 1 million d’euros, plus 500 000 euros au titre d’une clause de non-concurrence. Alors que le groupe a affiché une perte de 2,4 milliards d’euros, le conseil comme le gouvernement ont hésité à verser cette indemnité. Anne Lauvergeon a attaqué devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le respect intégral de son contrat. Les juges lui ont donné raison et ordonné le paiement de ses 1,5 million d’euros. Le gouvernement et le groupe Areva se sont exécutés, soulagés d’être dégagés de leurs responsabilités par une décision de justice.