En lieu et place de cet exécutif faible et consensuel, le référendum, et plus encore l’initiative populaire, sont les instruments de clivage de la politique suisse. Ils permettent de confronter les idées, de forger les opinions, de défendre des intérêts particuliers ou généraux et de susciter des débats de société. Clés de voûte de la démocratie directe helvétique, ils donnent la parole aux Suisses. Toutefois, ceux-ci ne la saisissent qu’à moitié, rares étant les scrutins enregistrant des taux de participation supérieurs à 50 % des inscrits. Et bien que de très nombreux projets présentés par le Conseil fédéral soient approuvés par le peuple, ce dernier a également souvent manifesté son désaccord face à la politique gouvernementale, voire face à quelques avancées que l’électorat suisse a trop souvent dédaignées et refusées.
Faut-il rappeler ici que les hommes suisses ont longtemps dit non au droit de vote des femmes, ne l’instaurant qu’en 1971 ? Que penser aussi du rejet en 1986 de l’adhésion de la Confédération à l’ONU, au grand dam d’ailleurs de la ville de Genève qui ne s’est que difficilement remise de ce vote, tant ce scrutin a porté atteinte à sa vocation de « ville internationale » ? Aura-t-il alors fallu plus de quinze ans pour que la diplomatie suisse se remette de cet affront que lui avait infligé son peuple. Celui-ci, bel et bien obligé de se rendre compte en 2002 de l’énorme bourde qu’il avait commise, fut alors contraint de reconnaître son erreur et de rectifier le tir au début du 21e siècle.
Quant à l’Europe, la Suisse ne cesse d’avoir recours au référendum pour corriger quelque peu son vote négatif du 6 décembre 1992, lorsqu’une infime majorité des électeurs a refusé l’adhésion de la Confédération à « l’Espace Économique Européen ». Depuis lors, les scrutins se succèdent pour atteler le wagon suisse à la construction européenne, via des négociations dites « bilatérales » entre l’Union européenne et un pays qui voudrait bénéficier de tous les avantages de l’Europe communautaire sans en supporter le moindre de ses inconvénients.