L'Espagne doit-elle adopter le modèle des "mini-emplois" en vigueur en Allemagne depuis 2003 comme remède au chômage ? Les suggestions de la Banque centrale européenne faites en ce sens, reprises il y a quelques semaines par le patronat espagnol, ont provoqué une levée de boucliers dans un pays où le salaire minimum est de 641,40 euros et où l'emploi précaire est déjà très répandu. A l'heure où le gouvernement de Mariano Rajoy est confronté à la première grève générale de son mandat, l'insécurité croissante du monde du travail est au centre de l'actualité espagnole.
En Allemagne, les mini-jobs correspondent à des emplois à temps partiel, rémunérés au maximum 400 euros mensuels, non-imposables et exonérés de charges sociales (lire à ce sujet une étude de l'Observatoire des conditions de travail en Europe sur les mini-emplois allemands). Les mini-emplois ont été un axe central de la politique d'assouplissement du marché du travail outre-Rhin. Mais le dispositif, qui y est également critiqué, a été lancé dans un contexte économique nettement plus favorable pour le pays.
Pour les syndicats espagnols, les mini-jobs sont déjà de facto une réalité dans le pays. Selon la dernière Enquête de population active, 16,1 % des jeunes de 25 à 29 ans étaient employés à temps partiel en 2007, contre 11,3 % en 2007. Parmi eux, 67 % l'étaient faute d'avoir trouvé un emploi à temps plein. En 2007, la proportion de jeunes exerçant par défaut à temps partiel et non par choix, était beaucoup plus basse : 37 %.
Mini-jobs ou contrats-poubelle ?
Les entreprises imposent davantage de temps partiel à leurs salariés comme mesure de flexibilité. Or pour les jeunes en recherche d'un emploi stable, les temps partiels sont un cercle vicieux : l'idée qu’un temps partiel puisse servir de pont vers une situation stable est un cliché et le cumul de plusieurs emplois partiels empêchent souvent le salarié de chercher dans de bonnes conditions un autre emploi plus pérenne et mieux rémunéré (lire les témoignages de jeunes obligés à cumuler plusieurs emplois recueillis par El Pais).
Pour le secrétaire général de Commissions ouvrières (CCOO), Ignacio Fernandez Toxo, l'introduction des mini-jobs allemands ne ferait que détériorer un marché du travail déjà tendu. Les CDD à temps partiels tels qu’ils existent en Espagne offrent en effet plus de garanties aux employés que les "mini-jobs" allemands, estime-t-il. Ils permettent notamment de bénéficier des conventions collectives et d'une protection sociale proportionnelle au nombre d'heures travaillées.
Antonio Baylos, enseignant en droit du travail à l'université de Castille-La Manche, estime de son côté que "l'utilisation actuelle des contrats à temps partiel chez les jeunes ressemble plus aux contrats-poubelles en vigueur aux Etats-Unis qu'aux mini-emplois allemands, qui sont souvent liés à des services sociaux. En plus, les mini-jobs allemands sont nés dans un contexte de forte protection sociale, associés à des aides qui n'existent pas en Espagne."
Le dispositif employé outre-Rhin n'a pas été retenu dans la réforme du travail adoptée par le gouvernement de Mariano Rajoy. Mais le débat n'est pas complètement refermé, le patronat militant toujours pour ces types de contrats.
Mathilde Gérard