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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Qui a dit que l'Espagne s'en sortait mieux que la Grèce ?

 

Mercredi 25 Juillet 2012 à 05:00

 

Ismaël Mereghetti - Marianne

 

«L'Espagne n'est pas la Grèce» se plaisent à répéter les dirigeants européens. Les causes de la crise ne sont certes pas les mêmes dans les deux pays, mais la gravité de la situation espagnole ne doit pas être sous-estimée. Depuis quelques jours, l'économie du pays inquiète les marchés et le pays est soumis à des taux d'emprunt insupportables.

 

(Manifestations contre le plan d'austérité le 21 juillet à Madrid-Andres Kudacki/AP/SIPA)
(Manifestations contre le plan d'austérité le 21 juillet à Madrid-Andres Kudacki/AP/SIPA)
«Il n'y a pas de parallèle à faire entre la Grèce et la situation espagnole; l'Espagne, beaucoup plus compétitive, va se remettre sur pied rapidement.» C'est ce qu'a déclaré, lundi 23 juillet, le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, au quotidien Bild. Une affirmation qui relève presque de la méthode coué: les dirigeants européens ont du mal à reconnaître la gravité de la situation espagnole, sans doute parce que la crise qui secoue la péninsule ibérique pourrait avoir des conséquences bien plus importantes pour la zone euro que la crise grecque.

Les propos du ministre allemand vont à l'encontre de la réalité. Car non, les fondements de l'économie espagnole ne sont pas sains, comme il le sous-entend dans sa comparaison avec la Grèce. Le miracle espagnol vanté dans les années 2000 repose essentiellement sur le BTP, secteur totalement amorphe depuis l'explosion de la bulle immobilière en 2007. Auparavant, des millions d'Espagnols (près de 80% de la population) avaient massivement investi dans la pierre, encouragés par les banques qui ouvraient en grand les vannes du crédit. Les promoteurs construisaient près de 700 000 logements par an, quasiment autant que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni réunis. Avec en prime un endettement massif des ménages : en 2007, il représentait environ 130% de leurs revenus. Et même si beaucoup ont du mal à le reconnaître, l'endettement privé est tout aussi grave que 'lendettement public sur lequel on se focalise. La crise financière survenue en 2008 n'a rien arrangé au pouvoir d'achat de la population.

Les autres indicateurs de la santé économique de l'Espagne sont au rouge: le taux de chômage est effrayant puisqu'il atteint 24,5% des actifs, soit le sommet historique de 1994, avant le boom économique. Et le chiffre risque encore d'augmenter, la tendance étant à la destruction d'emplois. Les effets de la réforme du marché du travail, mise en place en février 2012, avec un assouplissement des règles de licenciements et des conditions de travail, ne sont pas encore visibles, ou alors dans la rue, avec la multiplication des mouvements sociaux ces dernières semaines.

Corrélativement, l'activité industrielle est délabrée. Sa production se situait en février 25% en dessous de son pic de fin 2007, avec une baisse de 5,1% sur un an. L'Espagne est d'ailleurs officiellement entrée en récession au premier trimestre 2012 et le gouvernement table pour 2012 sur une contraction de l'économie de 1,5%.

Difficile dans ces conditions d'espérer réduire le déficit, ce qui impliquerait que l'Etat présente davantage de recettes que de dépenses. Malgré un nouveau plan d'austérité de 65 milliards d'euros, L'Espagne n'arrive pas à remplir les objectifs fixés par l'Union européenne. Pour 2012, le déficit devait initiallement être réduit à 5,3%. Dans l'impasse, le gouvernement de Mariano Rajoy a obtenu de la zone euro que le chiffre soit réhaussé à 6,3%.

Mécanisme redoutable

Sur les marchés, on assiste à un véritable début de tempête estivale: le taux des emprunts à 10 ans fluctue aux alentours des 7,6% (record absolu) et la Bourse de Madrid a touché son plus bas niveau depuis juin. Face à cette situation, le relatif silence des dirigeants européens a des airs de politique de l'autruche. L'absence de mise en place du MES (Mécanisme européen de stabilité), qui doit attendre la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne, prévue pour septembre, y est pour beaucoup. Quoi qu'il en soit, aucun sauvetage complet n'est au programme. Et pour cause, les chiffres de la dette espagnole sont colossaux : la dette de l'Etat central et celle des régions combinées représenteront plus de 800 milliards d'euros à la fin de l'année.

D'ici l'automne et la création éventuelle du Mécanisme européen de stabilité, les banques espagnoles doivent tenir le coup. Pour cela, elles mettent en place un mécanisme redoutable, selon François Leclerc, économiste et chroniqueur de la crise : «Les banques espagnoles sont contraintes de retarder l'achat d'obligations à long terme, les taux étant démentiels. Donc elles cherchent à se positionner sur de petits emprunts à très court terme. Ce faisant, elles font baisser la maturité moyenne de la dette et la rende plus sensible aux cours du marché. Comme le marché est à la hausse, les banques doivent déprecier les titres achetés et le coût de la dette augmente!» Le cercle est évidemment vicieux : plus le temps passe, plus la situation de l'Espagne s'aggrave.

Autre source d'inquiétude : la situation des régions espagnoles, qui commencent à appeler à l'aide. Après la région de Valence vendredi dernier, c'est la Catalogne, l'une des régions les plus riches, qui fournit près d'un quart du PIB espagnol, qui envisage de se tourner vers l'Etat.

La tension dans la zone euro est d'autant plus vive que la situation grecque semble aussi dans l'impasse. En Allemagne, le scénario d'une sortie de la Grèce de la zone euro est revenu sur le devant de la scène le week-end dernier. Pour le vice-chancelier allemand, Philipp Roesler, ce scénario «a perdu de son horreur depuis longtemps». Des propos jugés irresponsables par François Leclerc : «Personne ne peut dire ce qui va se passer si la Grèce sort de l'euro. Un effet boule de neige est tout à fait possible. Par conséquent les dirigeants allemands ne devraient pas prendre le scénario à la légère.» Pour lui, toutes ces déclarations ne font que traduire l'impuissance des divers leaders européens : «La musique qui consiste à dire que la situation espagnole est moins grave que la situation grecque relève de la communication. En réalité, ils se rendent compte que tout est en train de s'effondrer comme un château de carte et ils sont dépassés...»


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