Ambiance festive et marche rapide mercredi 23 mai au soir dans ce joyeux cortège parti - comme désormais tous les soirs - du parc Emilie Gamelin au coeur de Montréal. Un chef de la police déclare dans un hygiaphone, que la manifestation est illégale : au nom de la loi adoptée la semaine dernière, interdiction est faite aux rassemblements de plus de 49 personnes et obligation donnée d'indiquer à l’avance son parcours. Mais la loi semble difficile à appliquer, et le cortège s’ébranle.
Difficile de faire plus cool que ces quelque 3.000 jeunes, qui défilent à rythme soutenu dans les rues de la ville, en scandant "la loi on s’en calice" (la loi, on s’en fout, allusion à la loi restreignant la liberté de manifester adoptée la semaine dernière) et en tapant dans des casseroles. Mercredi soir, c’est donc une petite manif' tranquille qui se met en route. Rien à voir avec celle de la veille, qui avait réuni 100.000 personnes pour marquer les 100 jours du conflit.
Tout au long du parcours, aux balcons, le long des trottoirs, on les applaudit. Des employés de restaurants sortent dans la rue et tapent eux aussi dans des casseroles. Des feux d’artifice sont lancés sous les applaudissements. Les policiers en tenue anti-émeute, encadrent le cortège et essuient des railleries, mais ils ne sont pas non plus en surnombre. "Ils nous semblent, à nous, très nombreux. A Montréal, on n’est pas habitués à en voir autant dans les manifestations", constate David Santerre, journaliste de "la Presse" qui suit le conflit depuis le début. Dans le cortège, des étudiants, des profs.
Pacifiques
On ne voit presque pas de ces bandanas relevés jusqu’aux yeux, que portent souvent ceux qui veulent en découdre. "C’est l’une des manifestations les plus pacifistes du conflit. Mais ne vous y trompez pas : ça peut déraper à n’importe quel moment. Les policiers sont à cran". Et il a raison. Il sera d’ailleurs lui même arrêté, quelques heures plus tard, avec quelque 350 manifestants. Alors que la police tentait d’imposer une nouvelle fois un parcours au cortège, quelques bouteilles sont parties... L’ordre de dispersion a été donné, des manifestants se sont retrouvés encerclés. Ils ont fait un "sit in" bras levés, en continuant à scander "on est pacifistes".
Au total, quelque 700 personnes seront arrêtés ce soir là. Puis relâchés quelques heures plus tard avec une contravention pour rassemblement illégal. Une poignée seront en outre inculpés pour jet de projectiles. La manifestation la plus pacifiste a débouché sur une vague d’arrestations sans précédent dans une ville peu habituée à ces manifestations de masse.
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QUÉBEC. Grèves, manifestations : depuis février, les jeunes sont en colère contre le gouvernement, qui veut leur imposer une augmentation des droits de scolarité. Sur internet, des étudiants s’organisent.
Des manifestations : pourquoi ?
Tout a démarré en 2011. Le gouvernement libéral de la province de Québec augmente les droits de scolarité dans les universités. Argument du Premier ministre Jean Charest : il s’agit de donner « un financement qui permette aux universités de dispenser un enseignement de la meilleure qualité qui soit ».
Mais les étudiants ne sont pas d’accord. Ils estiment que des coupes peuvent être faites dans le budget de fonctionnement des universités. Quelques petites grèves éclatent. Et de nombreuses manifestations ont eu lieu depuis.
Depuis bientôt un mois, elles se succèdent la nuit et dérapent. Avec des scènes de violence. La police a arrêté plus de 300 personnes dans la nuit de dimanche à lundi et 700 ont été arrêtées dans la nuit de mercredi à jeudi.
ÉCOUTEZ. Le témoignage d’un étudiant québécois
Une loi pour « encadrer les manifestations »
Une loi, appelée loi 78, a été adoptée vendredi dernier. Elle prévoit notamment de très lourdes amendes pour les organisateurs de piquets de grève. Pour toute manifestation de 50 personnes et plus, il faut donner l’itinéraire, la durée et l’horaire à la police, huit heures à l’avance.
Cette loi a créé un surcroît d’indignation qui déborde dans l’opinion publique. Des Québécois qui jugent « inacceptable cette loi qui réduit les droits et libertés fondamentales » se joignent aux manifestants.
Internet, un outil de contestation
Mardi, la branche québécoise du collectif de pirates informatiques Anonymous a revendiqué le blocage de plusieurs sites gouvernementaux au Québec dans le cadre d’une opération destinée à soutenir le mouvement étudiant.
Le groupe de pirates a annoncé cette action, baptisée Opération Québec, sur Twitter, via un message vidéo mettant en scène un homme masqué avec une voix numérique qui met en garde le gouvernement québécois.
Sur Twitter, des hashtags pour se tenir informé
Sur le réseau social Twitter, plusieurs hashtags (mots-clés) sont utilisés pour évoquer le conflit. #manifencours, par exemple, suit l’évolution des manifestations, via les tweets des internautes. Les manifestants, au cœur de l’événement peuvent ainsi décrire une scène ou donner leur ressenti.
Il y a aussi #loi78, qui regroupe tous les messages relatifs à la loi polémique. Enfin, d’autres twittos utilisent aussi #ggi (pour grève générale illimitée)
La police aussi est sur Twitter
Élément peu banal, la police ne laisse pas le champ libre aux manifestants, sur Twitter. A travers le compte @SPVM, les forces de l’ordre rendent compte de leurs interventions.
Facebook aussi
Bien entendu, le réseau social Facebook n’est pas en reste. 130 000 fans se donnent notamment rendez-vous sur la page « Démission de Jean Charest ».
Instagram
Enfin, le réseau social qui monte, Instagram répertorie de nombreuses photos prises par les manifestants. Bien entendu, même chose pour YouTube, avec des vidéos.
* Note perso. Un auditeur de là bas ci j'y suis conseille ce lien pour s'informer sur ce qu'il se passe : (http://cutvmontreal.ca): pour y accéder, appuyer sur la touche "Ctrl" de votre clavier + cliquer gauche sur ce "link"