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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 22:14

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Que faire de ce que nous apprend Thomas Piketty sur Le capital au XXIe siècle

19 janvier par Eric Toussaint

 

 

 

 

Le livre Le capital au XXIe siècle |1| est indispensable pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la répartition inégale de la richesse au sein de la société. En lisant cette somme (950 pages, auxquelles s’ajoute une grande quantité de données statistiques et de tableaux accessibles via internet |2|), une première conclusion vient à l’esprit : le mouvement Occupy Wall Street a bien raison de cibler le 1 % le plus riche.

En effet, en France, en 2013, le 1 % le plus riche détient 25 % du patrimoine total du pays |3|. Au Royaume-Uni (R.U.), il détient 30 %. En Suède, 20 %. Aux E.U., 32 % |4|. Si on inclut la part dissimulée de la richesse dans les paradis fiscaux   ou sous d’autres formes, le pourcentage augmenterait d’au moins 2 ou 3 points. Pour faire simple, le 1 % de la population, c’est grosso modo la classe capitaliste et elle concentre une part impressionnante du patrimoine |5|.

Si on élargit l’étude aux 10 % les plus riches, on atteint les pourcentages suivants : en France, les 10 % plus riches détiennent 60 % du patrimoine ; au R.U., 70 % ; en Suède, 60 % ; aux E.U., 70 %. Grosso modo, on peut considérer que les 9 % ainsi ajoutés représentent l’entourage ou les alliés au sens large de la classe capitaliste.

Le mouvement populaire devrait avancer des revendications précises en matière de mesures à prendre à l’égard du 1 % le plus riche et des 9 % qui le suivent. La masse de biens mobiliers et immobiliers que ces 10 % détiennent révèle à quel point la richesse est inégalement distribuée et montre qu’un gouvernement de gauche pourrait trouver des ressources en très grande quantité pour, à la fois, mener une politique d’amélioration des conditions de vie de la majorité de la population et réaliser de profonds changements structurels de manière à amorcer la sortie du capitalisme productiviste et lancer la transition écologique.

Thomas Piketty résume dans un tableau saisissant les parts de richesse détenues par les 10 % les plus riches, les 40 % qui suivent et les 50 % d’en bas.

Tableau 1. L’inégalité de la propriété du capital |6|

La moitié de la population des pays du Nord ne détient en tout et pour tout que 5 % du patrimoine, c’est évidemment une raison impérieuse pour dire que lorsque la gauche revendique de taxer le patrimoine, cela ne vise absolument pas les 50 % d’en bas. Quand aux 40 % du milieu, pour reprendre l’expression de Thomas Piketty, ils détiennent 35 % du patrimoine total en Europe occidentale continentale et 25 % aux États-Unis et au R-U, ils sont constitués principalement de salariés, et en minorité de travailleurs indépendants. Ils pourraient être également exemptés de l’impôt sur le patrimoine, en tout cas par exemple pour les trois-quarts d’entre eux.

Si on passe des pourcentages à des montants en euros, on mesure encore un peu mieux ce que signifie la concentration de la richesse par une fraction très réduite de la population.

Une idée des patrimoines en fonction des différents groupes

D’après Thomas Piketty, dans plusieurs pays d’Europe qui ont un niveau de vie proche de celui de la France, les 50 % d’en bas ont en moyenne un patrimoine de 20 000 euros mais, attention, une grande partie des ménages en question n’a aucun patrimoine ou a des dettes.

Les 40 % du milieu, pour reprendre l’expression de Piketty, ont 175 000 euros de patrimoine moyen (cela va d’environ 100 000 à 400 000 euros). Les 9 % au-dessus disposent de 800 000 euros et le 1 % supérieur de 5 millions d’euros. Bien sûr, au top de ce 1 %, on trouve des fortunes comme celle de Liliane Bettencourt |7| qui dépasse 20 milliards d’euros.

De l’inégalité de la répartition du patrimoine privé dans l’Union européenne à sa nécessaire redistribution

Prenons l’Union européenne dont le produit intérieur brut s’élevait en 2013 a environ 14 700 milliards d’euros |8|. Le total du patrimoine privé des ménages européens s’élève à environ 70 000 milliards d’euros. Le 1 % le plus riche détient à lui seul grosso modo 17 500 milliards d’euros |9| (25 % de 70 000 milliards euros). Les 9 % qui suivent détiennent 24 500 milliards d’euros (35 %). Les 40% du milieu détiennent 24 500 milliards d’euros (35 %). Les 50 % restant détiennent 3 500 milliards d’euros (5 %) |10|.

Le budget annuel de la commission européenne s’élève à environ 1 % du PIB   de l’UE. Cela signifie qu’un impôt annuel de 1 % sur le patrimoine du 1 % le plus riche dans l’UE fournirait une somme de 175 milliards, c’est-à-dire davantage que le budget actuel de l’UE qui s’élève environ à 145 milliards d’euros. Que dire d’un impôt de 5 % ? Cela donne une idée de ce qui est potentiellement réalisable si on réussissait par la mobilisation sociale à obtenir un changement radical de politique au niveau européen ou même au niveau d’un seul pays de l’UE |11|.

Un impôt exceptionnel (c-à-d réalisé une seule fois au cours d’une génération) de 33 % sur le patrimoine du 1 % le plus riche dans l’UE fournirait près de 6 000 milliards euros (c’est-à-dire plus de 40 fois le budget annuel de l’UE !). Que dire d’un taux confiscatoire de 80 % ?

Cela doit permettre de prendre la mesure des enjeux portant sur la taxation du patrimoine privé des capitalistes et sur les possibilités qui s’ouvrent en matière d’élaboration de propositions pour trouver l’argent là où il est, afin de le mettre au service de la justice sociale.

Nombreux sont les économistes qui répètent sans cesse qu’il ne sert à rien de taxer les plus riches car ils sont tellement peu nombreux que le rendement ne peut pas être vraiment important. Ce que Thomas Piketty démontre, c’est que le 1 % a concentré au cours du temps une telle quantité de biens immobiliers et mobiliers qu’une politique ciblée sur le 1 % le plus riche ou sur les 2,5 % les plus riches (voire les 10 % les plus riches) peut fournir une très grande marge de manœuvre pour réaliser la rupture avec le néolibéralisme |12| .

À ceux qui affirment que ce patrimoine est inaccessible car il peut franchir facilement les frontières, il faut répondre que la mise sous séquestre, le gel des avoirs financiers, de lourdes amendes et le contrôle des mouvements de capitaux sont de puissants outils qui peuvent parfaitement être utilisés.

L’inégalité de la répartition du patrimoine privé au niveau planétaire

Ce qui vient d’être dit pour l’Union européenne peut être étendu au reste du monde car du Nord au Sud de la planète, on a assisté à une augmentation impressionnante du patrimoine des plus riches.

On pourrait aussi s’intéresser, comme le fait Thomas Piketty, à une minorité encore plus infime. Le 1 vingt millionième le plus riche de la population adulte au niveau planétaire en 1987 était constitué de 150 personnes, chacune ayant en moyenne un patrimoine de 1,5 milliards de dollars. Seize ans plus tard, en 2013, le vingt millionième le plus riche comptait 225 personnes dont chacune avait en moyenne 15 milliards de dollars, soit une progression de 6,4 % par an |13|. Le 0,1 % (1 millième de la population mondiale |14|) le plus riche au niveau mondial détient 20 % du patrimoine mondial, le 1 % détient 50 %. Si on prend en considération le patrimoine des 10 % les plus riches, Thomas Piketty estime qu’il représente 80 à 90 % du patrimoine mondial total, les 50 % d’en bas possédant certainement moins de 5 % |15|. Cela donne là-aussi la mesure de l’effort de redistribution à réaliser. Redistribution qui nécessite la confiscation d’une part très importante du patrimoine des plus riches.

Thomas Piketty constate que le rythme de croissance du patrimoine du millième le plus riche de la planète a progressé au rythme de 6 % par an au cours des dernières décennies alors que l’ensemble du patrimoine progressait au rythme de 2 %. Si un tournant radical n’est pas pris, toutes choses restant égales par ailleurs, au bout de 30 ans, le 0,1 % (le millième le plus riche) possédera 60 % du patrimoine mondial au lieu de 20 % en 2013 ! |16|

Du côté des revenus, la répartition est aussi extrêmement inégale

Thomas Piketty se penche également sur les revenus du travail et montre que les 10 % les plus riches accaparent 25 % des revenus du travail en Europe et 35 % aux États-Unis.

Tableau 2. L’inégalité totale des revenus du travail |17|


Si l’on additionne les revenus du travail et les autres formes de revenus (loyers, intérêts perçus sur l’épargne, profits des entreprises, dividendes…), la répartition est encore plus inégale, comme le montre le tableau 3.

Tableau 3. L’inégalité totale des différents revenus |18|

L’évolution des inégalités de patrimoine au cours des deux derniers siècles

À la veille de la Révolution de 1789 en France, la part du patrimoine national accaparé par le décile le plus riche avoisinait les 90 % et la part possédée par le 1 % le plus riche atteignait 60 % |19|. Après la Révolution, la part du centile le plus riche a un peu baissé suite à la redistribution des terres de l’aristocratie et du clergé au bénéfice de la bourgeoisie (les 9 % et un peu au-delà).

À propos de la part du lion qui revenait au centile le plus élevé en 1789, Piketty souligne que la dénonciation du 1 % le plus riche par Occupy Wall Street combinée à la proclamation « Nous sommes les 99 % » (« We are the 99 % ») n’est pas sans rappeler d’une certaine façon le fameux pamphlet « Qu’est-ce que le tiers état ? » publié en janvier 1789 par l’abbé Sieyès |20|.

Thomas Piketty a établi un graphique qui reprend l’évolution de la part du décile et du centile les plus riches entre 1810 et 2010. Il a regroupé les principaux pays européens dans la catégorie Europe et a présenté les États-Unis à part.

 

En Europe, la part accaparée par le décile supérieur équivaut à plus de 80 % du patrimoine en 1810 et augmente au cours du 19e siècle et au début du 20e pour atteindre 90 % en 1910. Il commence alors à baisser suite à la guerre 1914-1918 et aux concessions que la bourgeoisie a dû faire face aux luttes populaires après la première guerre mondiale |21|. La baisse se poursuit après la deuxième guerre mondiale pour les mêmes raisons et la part des 10 % les plus riches atteint son point le plus bas en 1975 (un peu moins de 60 %). A partir de ce moment-là, il commence à remonter pour atteindre près de 65 % en 2010. La part du 1 % le plus riche suit grosso modo la même courbe, elle passe d’un peu plus de 50 % en 1810 à un peu plus de 60 % en 1910. La baisse commence en 1910 et atteint son point le plus bas en 1970-1975 (20 %) puis commence à remonter. L’évolution aux États-Unis suit la même chronologie mais il est important de souligner qu’alors que la part du centile et du décile le plus riche était inférieure à celle de leurs homologues européens au 19e siècle, la situation se modifie à partir des années 1960 : leur part du gâteau dépasse celle de leurs pairs européens.

Deux conclusions évidentes :
1. La tendance est à une remontée des inégalités, les 1 % et 10 % les plus riches augmentent fortement la part de patrimoine qu’ils accaparent ;
2. L’évolution de la répartition de la richesse peut être rigoureusement expliquée par l’évolution des luttes sociales et des rapports de force entre les classes.

Thomas Piketty résume les raisons qui ont provoqué, entre la première guerre mondiale et 1970, la réduction de la part accaparée par les plus riches et celles qui ont ensuite provoqué la remontée de cette part : « Pour résumer : les chocs du « premier XXe siècle » (1914-1945) – à savoir la Première Guerre mondiale, la révolution bolchevique de 1917, la crise de 1929, la Seconde Guerre mondiale, et les nouvelles politiques de régulation, de taxation et de contrôle public du capital issues de ces bouleversements – ont conduit à des niveaux historiquement bas pour les capitaux privés dans les années 1950-1960. Le mouvement de reconstitution des patrimoines se met en place très vite, puis s’accélère avec la révolution conservatrice anglo-saxonne de 1979-1980, l’effondrement du bloc soviétique en 1989-1990, la globalisation financière et la dérégulation des années 1990-2000, événement qui marque un tournant politique allant en sens inverse du tournant précédent, et qui permettent aux capitaux privés de retrouver au début des années 2010, malgré la crise ouverte en 2007-2008, une prospérité patrimoniale inconnue depuis 1913. » |22|

 

*Suite de l'article sur cadtm

 

 

Source : cadtm.org

 

 


Part des différents groupes dans le total du patrimoine Europe 2010 États-Unis 2010
Les 10 % les plus riches 60,00 % 70,00 %
dont les 1 % les plus riches 25,00 % 35,00 %
dont les 9 % suivants 35,00 % 35,00 %
Les 40 % du milieu 35,00 % 25,00 %
Les 50 % les plus pauvres 5,00 % 5,00 %
Part des différents groupes dans le total des revenus du travail Europe 2010 États-Unis 2010
Les 10 % les plus riches 25,00 % 35,00 %
dont : les 1 % les plus riches 7,00 % 12,00 %
dont : les 9 % suivants 18,00 % 23,00 %
Les 40 % du milieu 45,00 % 40,00 %
Les 50 % les plus pauvres 30,00 % 25,00 %
Part des différents groupes dans le total des revenus Europe 2010 États-Unis 2010
Les 10 % les plus riches 35,00 % 50,00 %
dont : les 1 % les plus riches 10,00 % 20,00 %
dont : les 9 % suivants 25,00 % 30,00 %
Les 40 % du milieu 40,00 % 30,00 %
Les 50 % les plus pauvres 25,00 % 20,00 %
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