Source : www.equitesante.org
Financement et accès aux soins en Afrique de l’Ouest - Empirique et satirique !
Ludovic QUEUILLE & Valéry RIDDE Damien GLEZ
Préface :
Travaillant à la production et à l’application des connaissances scientifiques sur l’accès aux soins et le financement
de la santé en Afrique de l’Ouest depuis 10 ans, nous souhaitons partager des constats parfois surprenants en
expérimentant le dessin satirique comme outil de partage des connaissances
Ludovic Queuille & Valéry Ridde
Les services de santé publics sont critiqués et stigmatisés, mais le plus souvent, la qualité des soins
y est meilleure qu’ailleurs et seul un financement public peut garantir un accès équitable
Le paiement direct impose une barrière financière à l’accès aux soins pour les pauvres et ne permet
pas de financer les systèmes de santé. Il est pourtant très souvent remis en avant par certains
Le principe de « gratuité des soins », pardon « d’exemption du paiement des soins » (oui, la
sémantique est importante car « gratuité » serait un mot tabou !), ne semble déranger que ceux
qui ont les moyens de payer leur accès aux services de santé
La prise en charge des indigents est prévue dans les politiques de santé depuis l’instauration du
paiement direct. Après 30 ans, des centaines d’ateliers, de comités, d’études et de recherches
actions pour développer les critères et les processus de leur identification, les indigents sont toujours
exclus du système de santé. Quel est le vrai problème ?
Nous entendons parfois dire que jamais il ne sera possible de faire accoucher ces « femmes-là » au
centre de santé, des raisons culturelles étant souvent convoquées. Pourquoi postuler que certaines
populations n’iront jamais aux centres de santé alors que lorsque les barrières financières et géographiques
sont levées, ce n’est plus le cas dans une majorité de cas?
Certains programmes de subvention des soins sont partiels et comportent des « trous » dans le paquet
de services offert Ils sont souvent complexes, ce qui les rend difficilement compréhensibles pour la population
et parfois même pour les agents de santé. Ainsi, ils vont à l’encontre du principe de continuité des soins et
deviennent moins efficaces
En 30 ans de tentatives en Afrique de l’Ouest, les exemples les plus réussis de mutuelles de santé
n’ont jamais dépassé 10% de couverture . Elles restent cependant des ritournelles incontournables
dans les réflexions pour améliorer l’accessibilité financière aux soins de santé des pauvres.
En Afrique de l’Ouest, l’accès aux services de santé des enfants passe notamment par une
exonération du paiement des frais au point de service, ce qui coûte moins de 5 dollars US
par enfant et par an . Son financement passe par la volonté des décideurs
Dernièrement au Burkina Faso, comme au Mali, lors de la phase de concertations sectorielles et
régionales sur les orientations stratégiques de l’assurance maladie universelle, plusieurs secteurs
importants de la Nation se sont opposés au principe de solidarité nationale
Certains experts expliquent la garantie du succès du financement basé sur les résultats (FBR) par le
fait qu’il repose notamment sur le principe de « la carotte et du bâton ». La motivation du personnel de
santé n’est-elle pas un peu plus complexe que cela ?
Certaines expériences ont déjà montré que le paiement à la quantité pouvait avoir des effets pervers.
A vouloir trop motiver les acteurs de la santé en fonction de la quantité de maladies, ne risque-t-on pas
de rendre nos populations plus malades ?
Le prosélytisme dont font preuve la plupart des partenaires techniques et financiers (inclus certains
chercheurs...) auprès des gouvernements pour vendre leur « agenda » tournent à la cacophonie pour
les décideurs nationaux des politiques de santé.
Verticalisation et bureaucratie des nombreux programmes de santé font que le responsable d’un centre
de santé doit gérer son équipe, ses intrants, son infrastructure, les ressources financières, la situation épidémiologique, continuer de se former, remettre tous les mois un nombre incalculable de rapports, etc
et accessoirement...soigner ses malades.
Même si la formulation de politique publique puis leur mise en œuvre ne sont jamais faciles, il existe
de multiples preuves scientifiques pour les rendre efficaces et équitables. Or, ces 30 dernières années,
les décideurs ont la plupart du temps oublié l’équité dans les politiques.
Source : www.equitesante.org