Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
Triste histoire, que celle de Rose H., une très vieille dame poursuivie par son bailleur alors qu'elle payait son loyer rubis sur l'ongle, depuis 65 ans. L'abjection d'une dénonciation et l'avidité d'un promoteur auront eu raison de sa santé.
Triste fin, à l'heure où les discours officiels prônent la solidarité envers les aînés. Voici les faits.
Rose H. et sa famille ont loué, à partir de 1947, un appartement de 150 mètres carrés dans le 16e arrondissement de la capitale. Les enfants sont partis, le mari décédé, mais Mme H. n'a pas souhaité quitter les lieux où elle avait passé toute sa vie.
Même lorsque le loyer de 1620 francs, lié à un bail de 1948, a été ajusté en 1991, puis en 2005, et encore quelques années plus tard, pour passer de 1736 euros à 2576, sans les charges.
Il absorbait la totalité de sa pension de retraite, mais ses enfants étaient d'accord pour verser un complément, l'essentiel étant pour eux que leur mère, atteinte d'un cancer, finisse ses jours dans l'appartement où elle avait toujours vécu.
En 2010, la nonagénaire se casse le col du fémur, et ne peut plus marcher qu'avec un déambulateur.
Elle fait alors appel à l'association « la Chambre aux étoiles », qui fournit à des étudiants des hébergements dans des familles juives : en échange d'une chambre meublée d'au moins neuf mètres carrés, ils consacrent à la personne âgée une ou deux soirées par semaine et deux week-end par mois.
En outre, Rose H. prend deux locataires à titre payant. Ces dernières lui versent respectivement 470 et 500 euros par mois.
Ce petit monde cohabite sans se faire remarquer, jusqu'à ce que la concierge le dénonce au bailleur. On imagine ce que cette trahison a pu représenter, pour une dame juive, ayant traversé les horreurs de la deuxième guerre mondiale.
Le bailleur, Sas Madeleine-Opéra, est une filiale immobilière du groupe d'assurances
Allianz. Ironie de l'histoire, Allianz vend des « solutions dépendance » censées « vous permettre de rester chez vous le plus longtemps possible sans dépendre financièrement de vos proches ».
Un huissier diligenté de manière irrégulière se présente au domicile de la dame, et procède à un véritable interrogatoire des occupantes. Deux d'entre elles admettent qu'elles versent un loyer.
En janvier 2012, le bailleur adresse à Rose H. une assignation à comparaître devant le tribunal d'instance du 16e arrondissement, où il demande la résolution de son bail et son expulsion.
Il invoque un manquement au contrat . Celui-ci dit en effet que « le preneur devra occuper continuellement et personnellement les locaux avec les membres de sa famille et les personnes à son service (…) Sauf autorisation expresse et par écrit du bailleur, le preneur ne pourra pas prêter les lieux, en totalité ou en partie, même pour un court délai et à titre gracieux, ni les échanger ni les sous-louer, soit nus soit meublés ou garnis, ni vendre ni céder son droit à la présente location. »
L'avocate de Rose H, Me Florence Diffre, répond que sa cliente n'a commis aucun manquement, les jeunes filles devant lui « assurer une compagnie et une présence nécessaires pour qu'elle puisse continuer à vivre de manière autonome ».
Elle ajoute que, même si les faits reprochés constituaient une illégalité, cette dernière ne serait pas « d'une gravité telle » qu'elle justifierait la résiliation du bail : en effet, les conditions d'occupations étaient paisibles, n'engendraient aucun trouble, et les loyers étaient parfaitement acquittés. Elle ajoute que la procédure, « abusive », est motivée par « le souci de réaliser une opération immobilière ».
Rose H., bien qu'âgée de 94 ans, vient à l'audience du tribunal, fixée le 29 mai 2012. Las, l'avocat de Madeleine-Opéra, Me Laurent Hay (prononcer è, et non aïe), ne se présente pas. La juge, agacée, radie l'affaire.
Néanmoins, les enfants de Rose H., ayant peur, demandent aux locataires de partir. L'état de santé de Rose H. se dégrade et ne lui permet plus de rester dans son appartement.
Elle intègre une maison de retraite médicalisée, au mois d'août 2012. Me Diffre propose alors un arrangement à son confère : Madeleine-Opéra dispense Rose H. de loyer pendant quelque mois, le temps qu'elle vide le logement, et elle rend les clés. Il refuse.
Comme elle ne peut plus verser son loyer à partir du moment où elle doit payer la maison de retraite, Madeleine-Opéra lui envoie une nouvelle assignation, lui réclamant 18.244 euros, soit sept mois de loyer, et l'expulsion. A l'audience, Me Diffre a fait valoir que, « de fait, la procédure diligentée par Sas Madeleine-Opéra a atteint son objectif, à savoir la libération des locaux ». Devant la juge, elle a proposé à Me Hay de lui rendre les clés de l'appartement. Celui-ci les a refusées.
Le jugement sera rendu le 12 mars.
Souhaitons que la juge fasse preuve d'humanité. Certes, nul n'est censé ignorer la loi... Mais que le locataire qui n'a jamais péché en prêtant son appartement pour les vacances, ou en l'échangeant avec une famille américaine, jette la première pierre à la malheureuse vieille dame!