![Régis Soubrouillard Régis Soubrouillard](https://image.over-blog.com/8Lj4I8r1k8yULXbVUa8s3VIlWjY=/filters:no_upscale()/http%3A%2F%2Fwww.marianne2.fr%2F_public%2Fprofile%2F77%2F77de68daecd823babbb58edb1c8e14d7106e83bb-thumb.jpg%3Fv%3D1329835367)
Selon le rapport de Construction News qui regroupe les analyses d'un spécialiste allemand de la finance, l'organisation du plus grand évènement sportif de la planète devrait coûter 160 milliards d'euros environ à l’émirat qatari : 124 milliards d'euros pour les stades et 36 milliards pour les infrastructures de transport. A elle seule, la climatisation dans les stades (pour régler ce fameux problème de chaleur) devrait couter 35 milliards d'euros. Enfin, une ville entière nommée Lusail sera créée. Elle surplombera le stade qui accueillera le match d'ouverture et la finale. Montant de la facture: 32 milliards d'euros.
Des milliards que ne verront pas à coup sûr les ouvriers migrants qui n’auront pas plus l’occasion d'assister au début d’un match de foot mais qui s’affairent déjà à la construction laborieuse de ce paradis footballistique artificiel sous des températures caniculaires et dans des conditions de travail déplorables. Au-delà du coût financier du joli jouet que s'offre l'Emirat, l'association Human Rights Watch s'est intéressée au coût humain de ce projet pharaonique.
Le Qtar présente une situation démographique unique au monde. Les travailleurs migrants représentent 94% de la population du pays. Le ratio le plus élevé au monde. Et le pays, peuplé de 1,6 millions d’habitants entend encore recruter jusqu'à un million de travailleurs migrants au cours de la prochaine décennie afin de construire les fameux stades et infrastructures nécessaires à l’accueil de cette Coupe du Monde.
Une "clause de non-concurrence" pour des ouvriers exploités
Confiscation des passeports, contrôle abusif des travailleurs, restriction au droit du travail (difficile de quitter son emploi), sans compter les obstacles à la communication des plaintes auprès des services gouvernementaux, salaires impayés, retenues salariales illégales, campements de travail insalubres et surpeuplés.
Human Rights Watch a constaté que le Qatar, érigé dans nos contrées en bienfaiteur médiatico-footballistique, possède l’un des codes du travail les plus restrictifs : impossible de changer d’emploi sans l’autorisation de son employeur -une clause de non-concurrence pour les ouvriers exploités, il fallait y penser-. Même chose pour quitter le pays, le travailleur doit obtenir un « permis » de son employeur. La nuance avec la notion de travail forcé n’est pas très grande.
Dans la région, seule l’Arabie Saoudite a mis en place ce « permis de sortie ».
Le système de recrutement est pour le moins original : les postulants doivent payer des frais de recrutements, dont les montants varient selon l’enquête de HRW de 726 à 3651 dollars, le tout payé sur emprunt à des taux d’intérêts qui peuvent aller jusqu’à 100% par an !
Travailleur venu du Bangladesh Mahmoud qui a emprunté 3298 dollars explique que s’il ne parvient pas à rembourser, « la banque sortira ma famille de la maison ». Ainsi la plupart des ouvriers hypothèquent leur maison dans leur pays d’origine pour trouver un emploi au Qatar.
Si l’Organisation Internationale du travail autorise la libre association, les lois du Qatar interdisent de se syndiquer. « La proposition récente du gouvernement d’une Union des travailleurs ne parvient pas à satisfaire aux exigences minimales de la libre association dans la mesure où tous les postes de prises de décisions sont réservés aux citoyens qataris » constate Human Rights Watch.
Carton jaune pour le Qatar et la Fifa ?
Le rapport aborde également les préoccupations au sujet de la sécurité des travailleurs dans l'industrie de la construction du Qatar. Il met en lumière des divergences inquiétantes entre le nombre de décès signalés par les travailleurs de la construction des ambassades locales et le nombre déclaré par le gouvernement. L'ambassade népalaise a dénombré 191 décès de travailleurs népalais en 2010, et l'ambassade indienne 98 de migrants indiens. De nombreux décès seraient dus à des insuffisances cardiaques au moment des fortes chaleurs.
De son côté le ministère du Travail ne dénombre pas plus de six décès au cours des trois dernières années.
L’Etat du Qatar, qui s’est engagé à améliorer les conditions de travail de ses ouvriers sans fournir d’indications claires sur les réformes envisageables, n’est pas seul en cause, le comité organisateur et la FIFA avaient promis au moment de l’attribution de la Coupe du Monde d'être attentifs aux droits des travailleurs. Jugée complice d'une mondialisation inéquitable, en 2010, des syndicalistes avait tenté de brandir en vain un carton jaune lors d'une réunion de l'ONU pour dénoncer la passivité de la FIFA face au non respect du droit du travail lors des préparatifs de la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Bis repetita ?