
La vie share - Usbek et Rica - Mai 2012
La Fondation Terra Nova, proche du Parti Socialiste, a publié samedi 15 septembre un rapport plaidant pour une "politique des consommations" - ou comment développer une société de services, sobre pour l'environnement et réconciliée avec l'humain. Au total, 85 propositions pour "modifier les usages" et "réinventer l’abondance". Ou comment changer de logiciel et vraiment entrer dans le XXIème siècle. Oui oui.
De la vie chère à la vie share
L’ambition est affichée dès l’introduction : "Notre société produit toujours plus de désirs relatifs et répond de moins en moins aux besoins absolus", peut-on lire dans les premiers paragraphes, qui se poursuivent en invitant à "politiser la consommation, la pluraliser, la démonétariser en partie", à "découpler consommations, bonheur, prospérité" et "se rendre moins dépendants de la croissance pour assurer la redistribution". En filigrane, l’idée de justice sociale, "qui se traduit aussi dans les modes de production, d’usage, de partage" précise-t-on d’emblée.
Depuis le temps que je travaille sur ces sujets, autant vous dire que je n'ai fait qu’une bouchée de ce rapport. Et me suis régalée. Parmi les idées proposées, je retiens surtout les suivantes : limiter l’affichage publicitaire (et supprimer les écrans plasma dédiés à a chose !), développer des indicateurs alternatifs de développement humain, instaurer une tarification socio-environnementale, créer des "chèques de consommation responsable", instaurer une TVA réduite pour les produits issus de la récup’ et du recyclage, promouvoir des ressourceries et le recours à la location, créer systématiquement des espaces partagés (laverie, local à vélo, jardin, salle de jeux pour les enfants, compost, atelier de bricolage) dans chaque nouvel habitat collectif... et j’en passe!
Au cœur de la logique qui les sous-tend, des éléments liés à l’urgence écologique, économique et sociale, mais aussi une profonde réflexion sur le besoin de repenser collectivement la consommation, de revoir sa "morale" en remplaçant "l'appropriation individuelle de nouveautés périssables" par des logiques de partage, d'échange, de location, de revente et de recyclage de biens durables, etc.
Avec au final, plusieurs questions fondamentales pour l'avenir : quelle consommation voulons-nous relancer ? Quelle consommation voulons-nous diminuer ? Quelles consommations voulons-nous faire émerger ? Et une réponse : nos besoins peuvent être facilement satisfaits par différents types de consommations, n'attendons plus pour sortir de l’ancien modèle consumériste.
Changement de pouvoirs
Entre les lignes, il ne s’agit plus ici de revoir votre pouvoir d’achat à la baisse, mais de lui offrir des alternatives par le biais d’autres pouvoirs : "Pouvoir de recycler, de louer, de réparer ou d’échanger", explique Dalibord Frioux, instigateur du rapport interrogé par Sud-Ouest.
Sébastien Ravut, fondateur du MarchéCitoyen, a participé au lancement du rapport il y a plus d'un an. Pour lui, ces propositions forment "une boîte à outils du 'consommer autrement' et faire comprendre le pouvoir de nos achats au gouvernement, aux entreprises et aux citoyens". S'il devait retenir une idée phare, ce serait celle qui consiste à étendre la garantie sur les biens de consommations durables afin de lutter contre l'obsolescence programmée des produits : "Je pense qu'elle provoquerait une révolution économique et écologique en France. Plusieurs mesures proposées (réparation, recyclage, favoriser l'éco-conception...) en découlerait automatiquement".
Nicolas Imbert, directeur exécutif de Green Cross France, a également participé au rapport. Comme il faisait partie des groupes de travail de la conférence environnementale, je lui ai demandé si certaines de ces propositions avaient des chances de voir le jour. D'après lui, une mesure instaurant une tarification progressive des consommations d’eau et d’électricité selon le type d'usage (vital - et accessible à tous, utile ou de confort), comme le propose le rapport, pourrait même être étendue aux usages agricoles et industriels et être utilisé comme levier d'amortisseur social et d'investissement environnemental (voir à ce sujet les travaux du député député François Brottes).
Plusieurs travaux issus du groupe de travail sur l'agriculture iraient dans le sens des propositions concernant la lisibilité des écolabels et le développement de l’affichage environnemental (pour informer le consommateur de la composition des produits - éventuelles traces d’OGM, production biologique, mais aussi leur caractère recyclable ou biodégradable).
Pour le reste, "tout ce qui concerne le passage d’une économie de production à une économie d’usage n'est pas encore dans les sujets abordés par le gouvernement lors de la conférence environnementale" souligne Nicolas Imbert. Mais à mon sens, cela viendra: les dynamiques de partage, de don et de troc se multiplient. Et les usages évoluent avec la créativité des usagers: inventez-donc votre partage d'achat !
++ Lire le rapport de la Fondation Terra Nova
Anne-Sophie Novel / @SoAnn