Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 février 2013 2 26 /02 /février /2013 22:51

 

 

Il faudrait donc pleurer ! Se lamenter des choix électoraux des Italiens, maudits inconscients, qui viennent mettre toute l’Europe en péril. Il faudrait s’horrifier de voir un « histrion populiste et démagogue », Beppe Grillo, et son Mouvement 5 étoiles devenir la troisième force politique du pays. Il faudrait s’incliner devant la dépouille de Mario Monti, passé sous le laminoir électoral et plaindre tous ces brillants experts-ministres congédiés par un peuple irresponsable. Il faudrait s’indigner de cette intolérable manie italienne de rendre « ingouvernable » leur pays.

Ce mardi, le fameux « cercle de la raison » est donc en deuil. Les tenants d’une Europe libérale, où ont été engagés quarante plans d’austérité en cinq ans, voient à nouveau le suffrage universel déjouer leurs plans. « Plus de la moitié des Italiens ont voté pour une forme ou une autre de populisme, c’est un refus puéril de reconnaître la réalité », résume le quotidien conservateur allemand Die Welt, mettant sous une même étiquette populiste Grillo et Berlusconi.

 

Mario Monti, à peine 10 % des voix et un échec flagrant. 
Mario Monti, à peine 10 % des voix et un échec flagrant.© Reuters

Il faut au contraire, malgré les obstacles et les complexités, se réjouir des résultats de ces élections. Car ils obligent à poser d’autres questions ou à les poser différemment. En ce sens, le scrutin italien vient éclairer la plupart des pays européens, et tout particulièrement la France, en mettant au premier plan une interrogation simple : la gauche social-démocrate peut-elle prétendre gagner, puis gouverner, en menant une politique social-libérale classique ; ou faut-il repenser radicalement programmes et alliances ?

Ce débat a été indirectement posé dès ce mardi matin par deux ministres français, et pas des moindres. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et tenant d’un social-libéralisme hérité de DSK, s’est dit désolé, presque inquiet, de résultats « compliqués » et qui « créent des difficultés » ! Au même moment, Arnaud Montebourg estimait tout au contraire que « les peuples ne sont pas prêts à passer sous la table, et c'est la démonstration italienne. (…) Les Italiens ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord avec la politique imposée par les marchés. » Et de dénoncer au passage Angela Merkel, qui « ne peut diriger seule l'Europe ».

Quatre points méritent d’être soulignés au vu de ces résultats.

  • 1. Non, l’Italie n’est pas « ingouvernable »

Ce serait le blocage, la paralysie, l’impasse… La coalition de centre gauche de Bersani emporte une large majorité absolue à la chambre des députés, avec 345 sièges sur 630. La paralysie serait donc créée par le Sénat (à la différence de la plupart des pays, les deux chambres du Parlement italien disposent de pouvoirs identiques, quand l’Assemblée nationale française a, par exemple, le dernier mot sur le Sénat). Au Sénat, cette coalition Bersani arrive en tête. Elle dispose donc d’une majorité relative mais non absolue : 123 sièges sur 315 contre 117 à Berlusconi, 54 au Mouvement 5 étoiles, 19 aux centristes soutenant Monti.

 

Démocratie parlementaire

Le défi posé aux sociaux-démocrates du parti démocrate et à leurs alliés écologistes et de la gauche radicale de SEL est donc simple : construire des majorités de projet au Sénat, réforme après réforme, des majorités relatives en obtenant l’abstention de parlementaires, ou absolues en trouvant 35 voix alliées (la majorité absolue est de 158 sièges sur 315). C'est, après tout, la règle commune à toute démocratie parlementaire, celle qu'avait par exemple connue Michel Rocard en 1988 en ne disposant que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale !

En forçant le trait, on pourrait même remarquer que Bersani n’est pas dans une situation si différente de Hollande : majorité absolue de députés, majorité relative de sénateurs. Certes, le Sénat français n’a pas de capacité de blocage, mais les rejets par les sénateurs UMP et Front de gauche de plusieurs mesures gouvernementales (projet de budget 2013, texte sur les tarifs sociaux de l’énergie, etc.) ont souligné les difficultés politiques des socialistes au pouvoir.

L’Italie peut être donc gouvernable, comme elle l’avait été sous Romano Prodi, qui ne disposait pas plus de majorité absolue dans les deux chambres, de 2006 à 2008. Mais la condition est pour Bersani de conclure de vrais accords politiques avec des représentants d’autres forces, en particulier avec les 54 nouveaux sénateurs du Mouvement 5 étoiles

.

Pier Luigi Bersani en meeting à Florence, le 1er février © Reuters. 
Pier Luigi Bersani en meeting à Florence, le 1er février © Reuters.
  • 2. Le retour de la politique et de la démocratie

Les mêmes, commentateurs et responsables, qui enragent aujourd’hui face à une Italie « ingouvernable », sont pourtant ceux qui avaient applaudi, en novembre 2011, à ce qui fut comme un coup d’État à froid (. Car les résultats complexes de ces élections italiennes doivent beaucoup, voire tout, aux conditions dans lesquelles Mario Monti s’est alors installé au pouvoir. Sans élection ; sur pression directe de Merkel et de Sarkozy, qui ont alors « congédié » Berlusconi ; sur pression constante des institutions de Bruxelles et des marchés financiers.

La confiscation démocratique (comme en Grèce, quand ordre fut donné à Papandréou, alors premier ministre, de renoncer à organiser un référendum sur le plan d’austérité demandé par Bruxelles) qui s’ensuivit avec la mise en place d’un gouvernement « de technocrates » (en Grèce, ce fut un gouvernement d’ « experts ») chargé d’imposer l’austérité a, par ricochet, scandalisé une partie de l’opinion et donné des ailes au mouvement de Beppe Grillo. Ce dernier a d’autant plus pu dénoncer « une gauche et une droite interchangeables », que le parti démocrate n’a rien trouvé à redire au professeur Monti dont il a voté l’essentiel des réformes…

Ce rétablissement de la démocratie par le suffrage universel, au terme d’une campagne qui ne fut pas aussi médiocre que veulent le faire croire la plupart des observateurs, remet au moins la politique au centre du jeu.

  • 3. Le « populisme », une paresse intellectuelle

La politique est donc de retour et vient souligner la complexité toute particulière de la situation italienne. L’étiquette « populiste », hâtivement collée sur Berlusconi dès 1994 et sa première accession au pouvoir, empêche plus que jamais de comprendre les évolutions politiques italiennes. Le bon score de Berlusconi (qui pourrait presque dire, comme Sarkozy, « Une semaine de campagne de plus et je l’emportais ») vient souligner combien la droite italienne a été durant vingt ans reconstruite et remodelée de fond en comble pour le service de son leader. Malgré procès et scandales inouïs, Berlusconi est toujours là, profondément enraciné dans le corps électoral italien.

 

Beppe Grillo. 
Beppe Grillo.© (dr)

Et voilà que surgirait un autre populisme, peut être pire encore parce que plus nouveau et incontrôlable : celui de Beppe Grillo. Là aussi, l’étiquette empêche de saisir les particularités de ce mouvement atypique (lire notre article « Grillo, l'empêcheur de voter en rond »). C’est oublier d’abord que l’humoriste italien campe sur la scène politique depuis une bonne dizaine d’années ; qu’il dénonce avec une constance certaine la corruption, l’incompétence, le clientélisme, le mépris des électeurs par bon nombre de responsables politiques. C’est oublier ensuite que le Mouvement 5 étoiles ne doit pas tout à Beppe Grillo, mais beaucoup aux innombrables mobilisations citoyennes et associatives, qui ont prospéré ces dernières années, à la marge et en rejet de la politique.

C’est oublier enfin que Grillo a su surfer sur des demandes profondes de la société : renouvellement politique, justice sociale, protection, autre politique européenne. Mélange étrange d’une gauche radicale (comme Syriza en Grèce) et de thèmes fleurant l’extrême droite (sur l’immigration, par exemple), le Mouvement 5 étoiles se distingue d’abord par une furieuse envie de faire de la politique autrement. En Sicile, ses élus régionaux ont voté régulièrement avec la gauche, rivalisant de transparence en voulant inventer une démocratie participative intégrale. À Parme, le nouveau maire issu de ce mouvement tente de remettre de l’ordre dans une ville dévastée par les gestions claniques et corrompues antérieures.

  • 4. Le nouveau défi posé à Bersani et au centre- gauche

Bersani saura-t-il muer, échapper à lui-même et à un parti démocrate anesthésié, qui a mené une campagne en ayant peur de son ombre ? C’est désormais l’enjeu principal pour le leader de la coalition de centre-gauche et écologiste. Pier Luigi Bersani, 61 ans, fut à deux reprises ministre de Romano Prodi, en 1996, puis de 2006 à 2008. En charge du développement économique, il ne se distingua en rien de la politique néo-libérale conduite par Prodi, qui venait de quitter la présidence de la Commission européenne.

 

La catastrophe du Prodi-bis

Cette question de l’héritage est aujourd’hui essentielle. Pour n’avoir pas dit grand-chose durant sa campagne, Bersani ne peut manquer d’apparaître comme un Prodi-bis. Or c’est là un problème majeur pour la gauche italienne, tant Romano Prodi a empilé avec constance les échecs et les défaites électorales (lire ici notre article d’avril 2008, « Berlusconi 3,  Prodi triple zéro »). Le parti démocrate aiguillonné par le SEL, qui rassemble tenants d’une gauche radicale et écologistes, est-il politiquement armé pour se défaire de la tentation du centre mou ?

L’hebdomadaire libéral The Economist, qui voit avec constance ses choix électoraux désavoués par les électeurs, plaidait juste avant ces élections pour la reconduction de Mario Monti. Raté. À défaut, ajoutait-il, « un gouvernement conduit par M. Bersani avec M. Monti en charge de l’économie serait une issue décente pour l’Italie ». C’est aussi le choix d’Angela Merkel, de la commission de Bruxelles et des conservateurs européens. François Hollande et Pierre Moscovici n’auraient rien trouvé à y redire, au contraire.

Or c’est justement ce scénario, synonyme de politique européenne inchangée, de réformes ultralibérales et d'austérité continue, qui a été massivement rejeté par les électeurs. De la même manière que les Grecs avaient massivement désavoué les socialistes de Papandréou quand ces derniers acceptèrent la cure d’austérité imposée par l’Union européenne, les électeurs ont reporté leurs colères et leurs espoirs sur ce mouvement multiforme conduit par un Beppe Grillo qui n'était pas candidat, à l’inverse de tant d’autres.

L’Italie n’est pas ingouvernable. La gauche n’a pas perdu. Mais une question limpide lui est posée : est-elle prête à oublier Prodi, à franchir les limites de ce cercle étroit où les alternances servent d’abord à interdire les alternatives, est-elle déterminée à renouveler en profondeur les pratiques politiques (ce qu’elle a réussi à faire avec les primaires) ? Le parti démocrate est-il prêt à écouter le SEL et cette nouvelle gauche citoyenne qui se loge aussi au sein du Mouvement 5 étoiles ? De la réponse à ces questions, Pier Luigi Bersani trouvera – ou pas – les 35 voix qui lui manquent au Sénat. Et, dans ce cas, il pourrait rendre un fier service à l’ensemble des gauches européennes.

--------------------------

  • Les résultats des élections à la chambre des députés et au Sénat.

Coalition de centre gauche, menée par le parti démocrate et Bersani :
Chambre des députés : 29,54 % des voix et 345 sièges
Sénat : 31,6 % des voix et 123 sièges

Coalition Silvio Berlusconi
Chambre des députés : 29,13 % des voix et 125 sièges
Sénat : 30,66 % des voix et 117 sièges

Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo
Chambre des députés : 25,5 % des voix et 109 sièges
Sénat : 23,79 % des voix et 54 sièges

Coalition Mario Monti
Chambre des députés : 10,54 % des voix et 47 sièges
Sénat : 9,13 % des voix et 19 sièges

Antonio Ingroia (extrême gauche)
Chambre des députés : 2,25 %, 0 siège
Sénat : 1,79 %, 0 siège

 

L'infographie de La Stampa :

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22