Vouloir une Europe politique, c’est aussi accepter une Europe où la politique devient transnationale. C’est aussi se mettre au diapason d’un Parlement européen, où les différents groupes se constituent en fonction de l’appartenance partisane de leurs membres et non en celle de leur nationalité et passeport. A Strasbourg, on est d’abord membre du PPE, du groupe de « l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates », des Verts ou de « la Gauche unitaire européenne ». Néanmoins, nombre d’électeurs ne l’ont pas toujours compris, persuadés à tort, que les solutions demeurent uniquement nationales. Que dire ici de ce slogan du « produire français » qui, comparaison faite avec celui du Parti communiste des années quatre-vingt ou de ceux du Front national, réveille certes quelques sentiments nationalistes mais, en vérité, s’éloigne à grands pas de l’engagement européen de son auteur !
La préférence nationale a toujours été une forme de démagogie. Aucune solution nationale ne peut aujourd’hui, d’une quelconque façon, mettre fin à la crise financière et économique qui paralyse l’Europe. Aucun pays ne peut à lui seul proposer un remède miracle pour que l’Union européenne retrouve enfin le chemin de la croissance et du plein-emploi. Allemagne, y compris. Car vouloir faire croire un seul instant que « le modèle allemand » puisse constituer à lui seul une panacée pour tous les pays membres de l’UE relève au mieux d’une naïveté, et plus vraisemblablement, d’une méconnaissance politiques que certains responsables français aiment désormais entretenir avant les présidentielles.
Le modele allemand ?
Mais cela ne suffit pas pour faire d’elle ce modèle qu’il faudrait absolument suivre. D’ailleurs, la France n’y a aucun intérêt. Elle se subordonnerait à l’Allemagne et diminuerait ipso facto son influence au sein de l’Europe. Entre un antigermanisme primaire et une germanophilie excessive, elle doit faire appel à d’autres atouts et à ses propres idées pour défendre une Europe dont le dessein et le destin ne sont pas obligatoirement ceux de Madame Merkel. Somme toute, Paris lui a fait trop de concessions ces derniers mois, sacrifiant par exemple sa proposition « d’un gouvernement économique » au profit d’une vague « gouvernance » dont l’esprit s’inscrit, de surcroît, dans une conception anglo-saxonne de l’exercice et de la pratique politiques. Ainsi, de cette « Merkosy » si souvent citée ces derniers temps, naît une impression de déséquilibre franco-allemand dont la chancelière peut se féliciter d’être la grande bénéficiaire.
Revêtue de ce costume, elle se rendra dans les meetings de l’UMP. Elle y sera acclamée et accueillie à bras ouverts. Elle vantera ses succès économiques et taira ses échecs sociaux. Elle se présentera comme l’amie d’une France dont elle sait fort bien qu’elle a pris l’ascendant sur elle. Qu’il soit alors permis à quelques observateurs d’être plus réticents à son égard. Non pas pour son soutien à ses amis politiques, ce qui est légitime, mais pour sa conception de la relation franco-allemande et celle de l’Europe que beaucoup ne partagent pas. Car critiquer ouvertement la chancelière, c’est aussi, et d’une certaine manière, faire preuve d’un esprit civique européen.