Le Monde.fr | 21.01.2013 à 16h23 • Mis à jour le 21.01.2013 à 16h38
Le procès du volet français des détournements du programme de l'ONU en Irak "pétrole contre nourriture" s'est ouvert lundi 21 janvier devant le tribunal correctionnel de Paris. Pendant un mois vont comparaître 18 prévenus soupçonnés d'avoir tiré un bénéfice personnel de ce programme mis en place alors qu'un embargo avait été décrété contre le régime de Saddam Hussein après l'invasion irakienne du Koweït en 1990.
En 1995, l'ONU avait mis en place le programme "pétrole contre nourriture" ("oil for food") pour assouplir cet embargo. Ce système avait permis à Bagdad de vendre des quantités limitées de pétrole en échange de biens humanitaires et de consommation nécessaires à la population.
Après la chute de Saddam Hussein, en 2003, à la suite de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, il s'avérera que le régime avait détourné massivement ce programme, par le biais de ventes parallèles et de surfacturations.
Le montant de ces détournements a été évalué au niveau mondial entre 10 et 40 milliards de dollars par la commission d'enquête indépendante mise en place en 2004 par l'ONU et menée par l'ancien chef de la réserve fédérale américaine, Paul Volcker.
Le contournement reposait sur un double mécanisme. Les dirigeants irakiens attribuaient des barils à des personnalités "amies", qui recevaient des commissions lors de la revente du pétrole en contrepartie de leur lobbying en faveur de la levée de l'embargo.
Le régime de Saddam Hussein exigeait d'autre part des compléments de prix par rapport aux tarifs déclarés à l'ONU et empochait la différence par le biais d'intermédiaires et de sociétés écrans. Le scandale a éclaboussé des centaines de sociétés et personnalités dans plusieurs dizaines de pays.
L'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua, 85 ans, est soupçonné d'avoir perçu du régime irakien des bons pour 11 millions de barils de pétrole en 1999 et 2000, ce qu'il nie. Il est poursuivi pour "trafic d'influence passif" et "corruption d'agents publics étrangers".
A l'époque numéro 2 du groupe pétrolier, le PDG de Total Christophe de Margerie est poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux. Il est soupçonné d'avoir joué un rôle dans le contournement de l'embargo onusien contre l'Irak, ce qu'il conteste. Le groupe Total est également poursuivi en tant que personne morale, pour corruption, complicité et recel de trafic d'influence.
Ambassadeur de France aux Nations unies de 1991 à 1995 puis conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU de 1998 à 2002, Jean-Bernard Mérimée est soupçonné d'avoir été allocataire de 6 millions de barils entre 2001 et 2003. Il est poursuivi pour trafic d'influence et corruption.
Homme d'affaires français qui militait pour la levée de l'embargo contre l'Irak, Claude Kaspereit est soupçonné de s'être vu allouer 9,5 millions de barils de 2001 à 2003 pour le compte de sa société EOTC. Il est renvoyé pour abus de biens sociaux et corruption.
Ancien diplomate spécialiste du Moyen-Orient, Serge Boidevaix, 84 ans, a présidé l'Association franco-irakienne de coopération économique. Il est soupçonné d'avoir bénéficié de 32,7 millions de barils entre 1998 et 2003 pour le compte de la société suisse Vitol. Il est jugé pour trafic d'influence et corruption.
Ancien conseiller diplomatique de Charles Pasqua de 1993 à 2001, Bernard Guillet a rencontré à plusieurs reprises à Bagdad l'ancien vice-premier ministre Tarek Aziz. Poursuivi pour trafic d'influence et corruption, il est soupçonné d'avoir bénéficié d'allocations pour 6 millions de barils entre 2001 et 2003.
LE MONDE | 21.01.2013 à 10h53 Par Pascale Robert-Diard
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Dix ans après le procès Elf, deux ans après celui des ventes d'armes à l'Angola, dit "Angolagate", l'affaire "pétrole contre nourriture" qui arrive à son tour devant le tribunal correctionnel de Paris, lundi 21 janvier, distille le même parfum de diplomatie parallèle et de corruption.
Comme dans les affaires précédentes, la justice intervient alors que le train de l'histoire est passé depuis longtemps. Celle qui va être jugée pendant quatre semaines naît... trente ans plus tôt...(*suite de l'article disponible aux abonnés du "Monde")