Médiapart
« Circulez, il n'y a rien à voir. » Tel est le ton de la réponse du ministère de l'intérieur au rapport du Défenseur des droits Dominique Baudis qui dénonçait en novembre 2012 un véritable harcèlement policier des migrants transitant dans la région de Calais (Pas-de-Calais).
À la suite de ce rapport, le ministère a confié une étude à l'IGPN (inspection générale de la police nationale) sur « les relations police-population dans le Calaisis ». Celle-ci n'est pas jointe à la lettre du ministère, mais paraît ne pas avoir corroboré les abus policiers décrits par le Défenseur des droits. Dans sa réponse du 6 mars 2013, Thierry Lataste, le directeur de cabinet de Manuel Valls, juge en effet « non vérifiables » et « anciens » ces faits révélés par le Défenseur des droits. « Les faits annoncés dans votre décision reposent essentiellement sur des déclarations de responsables d’associations rapportant des propos non vérifiables et concernant des faits anciens qu’aucun élément objectif ne peut soutenir aujourd’hui », balaie le haut fonctionnaire.
Paradoxalement, après avoir écarté ces faits, le directeur de cabinet affirme que le ministère de l'intérieur était de toutes façons au courant de plusieurs d'entre eux depuis « plusieurs mois ». Et les avait à l'époque pris suffisamment au sérieux pour mener des enquêtes internes. Mais, selon Thierry Lataste, celles-ci n’avaient établi aucun « manquement aux règles disciplinaires et déontologiques » de la police et n'avaient donné lieu à aucune poursuite judiciaire. Pour preuve de la bonne foi du ministère de l'intérieur et de sa sévérité, le directeur de cabinet cite le cas d'un CRS sanctionné d’une exclusion temporaire (dont la durée n'est pas précisée) pour avoir en juin 2010 endommagé la caméra d’une militante lors de l’évacuation d’une usine désaffectée.
Le rapport dénonçait des expulsions de squat ou de campement « hors de tout cadre juridique » avec destruction des affaires personnelles des migrants en leur absence. Le ministère de l'intérieur dément : « Les expulsions sont réalisées dans un cadre juridique précis (réquisition, arrêté préfectoral, flagrance). Toutes les procédures ont d'ailleurs été validées par les juridictions, même en appel. »
Même déni concernant les contrôles d'identité et interpellations à répétition des migrants, qui plus est à proximité des lieux de distribution ou du point d’accès aux soins de santé. Le Défenseur avait ainsi fait état d'une interpellation par la PAF, dans la nuit du 9 au 10 janvier 2011, de plusieurs personnes conduites au commissariat de Coquelles, à sept kilomètres de Calais. « Après un passage négatif au fichier des personnes recherchées et au fichier national des étrangers, elles ont été remises en liberté, relate le Défenseur des droits. Alors qu’elles regagnaient leur campement à pied, elles ont de nouveau été arrêtées et conduites au commissariat de Coquelles. »
« Les contrôles d’identité ne sont pas destinés à harceler les migrants », répond le ministère de l'intérieur. C'est le comportement des migrants qui est incriminé : « Ces derniers se déplacent beaucoup au cours d'une même journée et peuvent donc être l'objet de plusieurs contrôles par différentes forces de police. » Le directeur de cabinet affirme également que les contrôles à proximité des lieux de repas n'existent plus depuis 2010. La situation décrite ne serait « donc plus d'actualité ».
Et de conclure que le ministère de l'intérieur est « très attentif à la qualité des relations entre les forces de l'ordre et la population, et ce quelle que soit la situation des personnes concernées » mais qu'il est « également soucieux de lutter contre l'immigration irrégulière avec efficacité et humanisme ». Manifestement, le ministère de l'intérieur et le Défenseur des droits n'ont pas exactement la même conception de cet « humanisme ».