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11 janvier 2013 5 11 /01 /janvier /2013 20:47

 

Libération - 11 janvier 2013 à 15:29


Tribune La pilule va «favoriser davantage les amours illicites et ébranler les assises de la famille», déclarait en 1966 un député gaulliste...

Par Daniel Borrillo, juriste, université de Paris Ouest/Nanterre

Le 31 janvier 1999 des milliers des personnes avaient manifesté dans les principales villes de France contre le pacs, beaucoup d’entre elles défileront à nouveau dimanche prochain contre le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ces manifestations d’hostilité s’inscrivent dans une longue tradition d’opposition aux avancées sociétales et aux droits sexuels et reproductifs.

Pilule. Lorsqu’en 1966 les premières propositions de loi relatives à la contraception furent présentées au Parlement, les arguments utilisés étaient pratiquement les mêmes que ceux brandis aujourd’hui contre le mariage pour tous. Ainsi, un député gaulliste affirmait à l’époque que «la pilule allait favoriser davantage les amours illicites et ébranler les assises de la famille». Non seulement la famille mais la Nation toute entière se trouvait menacée, selon les élus conservateurs: «Une flambée inouïe d’érotisme entretenue et attisée par la propagande politique en faveur des techniques anticonceptionnelles hormonales menace notre pays.» Pourtant, une majorité de Français (57%) était favorable à la mise en vente de contraceptifs, comme aujourd’hui elle est favorable au mariage pour tous.

L’Eglise catholique était à l’époque, comme maintenant, la principale opposante au projet de loi. L’encyclique Gaudium et spes de 1965 précisait que «l’amour conjugal est trop souvent profané par l’égoïsme, l’hédonisme et par des pratiques illicites entravant la génération», et l’encyclique Humanae Vitae rappelait que «l’amour conjugal doit rester ouvert à la transmission de la vie» car il existe un»lien indissociable entre le mariage et la procréation».

IVG. La «fin de la civilisation» et la «pente savonneuse» allaient être aussi des arguments avancés lors du débat sur l’IVG. Le député catholique Pierre Bas s’exclamait en 1974 : «C’est changer de civilisation, effectivement qu’écrire dans notre droit que le fort peut tuer le faible» et le député Perrut affirmait, «aujourd’hui, c’est l’avortement, demain ce sera la suppression d’un enfant victime d’un handicap, après demain l’euthanasie…». Quant au député Jacques Médecin, il n’hésitait pas à prophétiser : «En France, comme partout, le commerce de la mort deviendra une spécialité lucrative d’avorteurs et d’avortoirs patentés où l’on se préoccupera de la revente des fœtus avortés, (…) où l’on procédera à des expériences dites scientifiques. C’est la barbarie organisée par la loi comme elle le fut, hélas il y a trente ans par les nazis en Allemagne.»

Ceux et celles qui s’opposent aujourd’hui à l’ouverture du mariage pour les couples de même sexe (et qui défileront demain contre l’euthanasie), sont les mêmes qui se sont opposés hier au divorce, à l’égalité entre les enfants nés hors-mariage et dans le mariage, à l’éducation sexuelle dans les lycées, à l’autorité parentale partagée, à la dépénalisation de l’homosexualité, à l’assistance médicale à la procréation, au pacs ...

Si les évêques se disent aujourd’hui hostiles à l’homophobie, il faut rappeler qu’en 2004 la Conférence épiscopale s’est opposée au projet de loi réprimant les propos homophobes. Mgr Jean-Pierre Ricard jugeait ce projet de loi «inutile et dangereusement imprécis», en considérant de surcroit que «la volonté d'établir une surveillance et un contrôle du langage, notamment au nom de l’homosexualité, paraît contestable». Et si l’Eglise semble aujourd’hui prête à se rallier au pacs pour mieux s’opposer à l’ouverture du mariage, il ne faut pas oublier qu’en 1998  la conférence épiscopale s’est farouchement opposée dans ces termes : «Le risque du projet est que des tendances sexuelles particulières puissent devenir des références sociales à travers la portée symbolique de la loi.»

Les avancées sociales et sociétales ne furent jamais le résultat d’une concession des dominants ni d’un consensus; elles ont toujours été le fruit de la lutte politiques des groupes historiquement exclus et minoritaires. Comme dit l’Ecclésiaste : «Ce qui fut sera, Ce qui s’est fait se refera, Et il n’y a rien de nouveau sous le soleil.»

A l’heure des changements de société, la seule chose qui ne change pas, c’est la résistance à l’égalité. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe s’inscrit dans un projet de société égalitaire qui a toujours été violement attaqué par les autorités religieuses, les associations familiales catholiques et l’ensemble des forces conservatrices. Comme tout progrès de l’histoire, il se fera contre elles et sans elles…

 

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