Et c’est reparti. Comme chaque scandale de santé publique, celui de la pilule de troisième génération permet de lever le voile sur les liens entre médecins et labos. Cette fois, ce sont les gynécos.
Le croira-t-on ? La plupart des gynécologues les plus médiatiques, ceux que vous entendez le matin à la radio, et voyez le soir dans le journal de Pujadas, ceux qui décrivaient ces pilules de troisième génération comme un immense progrès pour les femmes, sont « payés par l’industrie pharmaceutique pour être ses porte-parole » selon l’Association nationale des centres d’Interruption de grossesse et de contraception (ANCIC), ou « influencés par les laboratoires qui les rémunèrent comme consultants », selon le Formindep (pour une formation et une information médicale indépendantes).
Ces deux associations sont citées dans une longue et remarquable enquête (lien payant, mais ça vaut la peine) de Pascale Kremer, du Monde, qui recense les animations de conférences de presse, de colloques de formations, ou les invitations à tester le parc hôtelier de Deauville ou de Monaco, dont bénéficient, de la part des labos, ces « leaders d’opinion ».
Conflits d’intérêts : ça continuera
Ces liens avec les labos, les médecins qui en bénéficient les justifient toujours de la même manière : nécessité de financer leurs propres recherches, de se tenir au courant des dernières trouvailles de l’industrie pharmaceutique, etc. Soit. Dans sa sagesse, le législateur n’a donc pas cru bon de tenter de les interdire. Il a tout au moins souhaité que ces liens soient publics. Ainsi, les médecins « qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé, ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle. »
C’est la loi. Une belle loi Kouchner de 2002. Onze ans déjà ! Dès 2008, nous vous racontions déjà comment cette loi était bafouée tous les jours, par toutes les radios et les télés. Trois ans plus tard, sur notre plateau, un consultant médical de TF1, Alain Ducardonnet, expliquait benoîtement qu’il ne voyait pas bien comment, pour sa part, déclarer ses conflits d’intérêts potentiels avant chacune de ses interventions télé. Donc, ça continue, et ça continuera.
Depuis le début de l’affaire de la pilule de troisième génération, on a entendu un peu partout le professeur Nisand, une des vedettes de l’actuelle enquête du Monde. A-t-on entendu les journalistes rappeler ses conflits d’intérêts ? Et même dans Le Monde lui-même, quand le même Nisand est cité, l’an dernier, à propos de la préconisation de la gratuité de la pilule pour les mineures, ses liens ne sont pas mentionnés. Comme quoi rien n’est simple !
Et la pilule de troisième génération ? demanderez vous. Coupable ou relaxée ? Peut-on, oui ou non, continuer à la prendre ? Après tout une seule victime, ce n’est pas beaucoup. Et l’on sait bien que ces affaires de santé publique sont compliquées, que tout médicament comporte des effets secondaires, et qu’il s’agit simplement d’établir, pour chacun, le rapport risque-bénéfice. Certes. C’est justement parce que ces affaires sont complexes, que la plus grande transparence de l’information est indispensable, et que la situation d’aujourd’hui est intolérable. Même si on ne voit pas bien comment elle pourrait cesser.